QUE FAISAIENT-ILS AUPARAVANT ?

BILLY POT

Billy Pot possédait une animalerie spécialisée dans les reptiles. Ayant une prédilection pour les iguanes et les serpents, Billy était passé maître dans l’élevage des pythons pourpres. Le plus gros python dont il s’était jamais occupé vivait dans l’arrière-cour du cordonnier Terry Tarsal. C’était à contrecœur que Terry, qui avait une sainte horreur des serpents, utilisait sa mue pour confectionner les bottines pointues dont raffolait Marcia.

Quand le custode suprême lui avait ordonné de venir vivre au palais pour prendre soin de la colonie de tortues happantes qu’il lui avait commandée, Billy n’avait pas osé refuser. Il avait alors confié la boutique à sa nièce, Sandra, qui s’était mise à vendre des hamsters dorés et des lapins nains, au grand scandale de son oncle. Sandra s’était taillé un franc succès auprès des amateurs de petits animaux de compagnie, tant et si bien qu’elle avait bientôt proposé à Billy de lui racheter la boutique.

Lorsque les Heap s’étaient installés au palais avec Jenna, Silas avait demandé à Billy de rester pour les débarrasser des tortues happantes. Billy avait accepté, mais sa mission s’était révélée plus difficile que prévu. Il avait renoncé après qu’un spécimen particulièrement agressif lui eut presque sectionné un doigt. Grâce au produit de la vente de son animalerie, il avait pu aménager des cabanes à iguanes près de la Rivière, fabriquer un prototype de brouteuse et se consacrer à la quête perpétuelle de la pelouse parfaite.

UNA BRAKKET

Una Brakket assurait l’intendance de la caserne de la Jeune Garde quand Septimus n’était pas plus haut que trois pommes. Una Brakket détestait les jeunes garçons, même craintifs et soumis comme l’étaient les recrues de la Jeune Garde. Elle fut bientôt transférée au service du Chasseur et de sa meute. Una était en adoration devant le Chasseur, bien que celui-ci eût à peine conscience de son existence. Une fois, il lui demanda où se trouvaient ses chaussettes. Una resta plusieurs jours sans toucher terre. Par la suite, elle prit l’habitude de cacher les chaussettes de son idole dans l’espoir qu’il lui adresserait à nouveau la parole, ce qui ne se produisit plus jamais.

Après la fuite du custode suprême, Una demanda à bénéficier du programme deuxième chance. Elle postula pour devenir gouvernante du palais, mais elle n’obtint pas le poste car Sarah Heap la trouvait trop effrayante. Pour finir, elle fut affectée auprès du professeur Ratel van Klampff, qui la prit à son service pour l’unique raison qu’il était trop terrifié pour refuser.

Cependant, les sympathies d’Una allaient toujours à DomDaniel. Elle ne tarda pas à rejoindre le Parti de la restauration, une société secrète qui se réunissait tous les samedis soir sous le couvert d’un cours de danse folklorique afin de préparer le retour du nécromancien. C’est par ce biais qu’elle fit la connaissance de Simon Heap.

LE PROFESSEUR RATEL VAN KLAMPFF

Ratel van Klampff était l’héritier d’une longue lignée de savants. De nombreux siècles auparavant, le professeur Doris van Klampff avait mis au point une formule secrète destinée à chasser les entités responsables des phénomènes de hantise. Cette catégorie comprenait les ombres comme celle de Marcia et les spectres tels que celui qui avait tenté d’emmener Alther du temps où il était l’apprenti de DomDaniel. En plus d’un talent singulier pour les mathématiques, les van Klampff se signalaient par leur crédulité et leur extrême distraction. Ratel ne faisait pas exception à la règle.

Son père, Otto, étant parti en fumée en même temps que le premier laboratoire familial alors qu’il expérimentait une forme d’amalgame particulièrement volatile, Ratel avait établi ses pénates dans une maison en bordure du fossé. Il avait passé la plus grande partie des dix années qu’avait duré le règne du custode suprême terré chez lui, à résoudre des problèmes de mots croisés et à classer sa collection d’éprouvettes.

Il ne s’était remis au travail qu’après l’arrivée d’Una Brakket sous son toit, et encore était-ce un prétexte pour échapper à la frénésie ménagère de sa nouvelle gouvernante. Toutefois, sa stratégie échoua : Una s’autoproclama assistante de laboratoire et Ratel regretta bientôt amèrement l’époque insouciante où il n’avait rien d’autre à faire que recompter ses tubes à essai.

Le pauvre homme était loin de soupçonner que sa gouvernante appartenait au Parti de la restauration.

MOUSTIQUE

Moustique était fils unique. Il avait grandi à l’Enchevêtre, où ses parents occupaient deux grandes pièces juste au-dessous du logis de la famille Heap. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, il voyait sa mère donner des coups au plafond avec un manche à balai, criant : « C’est pas bientôt fini, ce boucan ? » Ses parents lui interdisaient tout contact avec leurs bruyants voisins, ce qui rendait ceux-ci d’autant plus attirants aux yeux du jeune garçon. Moustique se lia bientôt d’amitié avec Jo-Jo Heap qui avait le même âge que lui.

À onze ans, pour la plus grande joie de sa mère, Moustique passa avec succès le concours d’entrée au Manuscriptorium, une épreuve réputée pour sa difficulté. Entré dans l’établissement comme factotum, ses bonnes notes lui avaient valu une promotion rapide après que l’employé chargé de l’inspection hebdomadaire des tunnels de glace se fut cassé la cheville en tombant de sa luge.

Moustique aimait beaucoup Septimus. En plus de lui rappeler Jo-Jo, il partageait son intérêt pour la Magyk et son goût pour les boissons gazeuses bizarres. Les deux garçons avaient également en commun une violente aversion pour la Ténèbre. Comme l’avait un jour confié Moustique à son ami autour d’une tasse de Coco Bula : « Quand le vieux chnoque est revenu à la tour, mon hamster est mort, ma mère a un gros furoncle qui lui est sorti au bout du nez et notre chat s’est enfui. Tout ça à cause de la Ténèbre que je ramassais au travail et ramenais à la maison. Quelle horreur ! »

Septimus aussi aimait beaucoup Moustique et lui faisait entièrement confiance.

BORIS PINCEPOULE

De mémoire d’habitant du Château, personne n’avait jamais appelé Boris Pincepoule par son prénom. Il portait encore des barboteuses que sa mère elle-même y avait renoncé et lui donnait du Pincepoule comme tout un chacun. S’adressant à lui, Boris paraissait presque déplacé.

Pincepoule nourrissait l’ambition de devenir Chasseur. Il s’était enfui de chez lui afin d’intégrer la meute alors que DomDaniel fomentait l’assassinat de la reine depuis les Maleterres. S’il s’entraînait dur, Pincepoule n’était guère aimé de ses camarades. Il avait cessé de se laver les dents quand il était enfant et avait d’autant moins l’intention de s’y remettre que sa mère n’était plus là pour lui donner des ordres. Avec ça, il avait la manie de faire claquer sa langue contre son palais, ce qui agaçait prodigieusement les gens. Surtout, il poussait tellement vite qu’il fut bientôt trop grand pour espérer devenir un bon Chasseur.

Pincepoule finit par être nommé Chasseur en second, mais son ascension s’arrêta là. Après la fuite du custode suprême, il bénéficia du programme deuxième chance et suivit la formation de sous-magicien, une filière destinée aux débutants d’âge mûr.

Désormais, Pincepoule nourrissait l’ambition de devenir un magicien digne de ce nom. À tout le moins, il aspirait à devenir un magicien ordinaire. Toutefois, il aurait volontiers assumé la charge de magicien extraordinaire si on la lui avait offerte, ce qui n’arriva jamais.

JANNIT MAARTEN

Si quelqu’un avait demandé à Jannit Maarten quel était son but dans l’existence, elle aurait répondu « Construire des bateaux. » Jannit avait peu de temps à consacrer à la politique et encore moins à la Magyk. Le monde de Jannit se limitait à son chantier et peu lui importait ce qui se passait au-delà du mur du Château. Chaque soir, elle s’endormait comme une masse dans son hamac, se levait à l’aube et passait ses journées à raboter, réparer, repeindre et effectuer mille tâches toutes plus passionnantes les unes que les autres sur les bateaux qu’on lui confiait.

Même si Nicko avait du mal à le croire, Jannit avait été une petite fille, mais elle avait tout oublié de cette époque – sans doute parce qu’elle avait grandi dans une ferme et qu’elle détestait les poulets, haïssait les vaches et abhorrait les cochons. Ses parents n’avaient jamais compris pourquoi, à l’âge de quatorze ans, Jannit avait fui déguisée en garçon afin de prendre la mer. À dix-neuf ans, elle était revenue avec son propre bateau et s’était établie près des anciens quais de la douane du Château. Jannit était parfaitement satisfaite de son sort et évitait autant que possible de mettre un pied hors de son bien-aimé chantier.

MOUCHARD

À l’origine, Mouchard était une balle de tennis. Il avait passé deux ans au fond d’un fossé après qu’un joueur mécontent l’eut jeté par la fenêtre de l’École de tennis municipale du Port. Il servait d’amuse-gueule aux souris et menaçait de tomber en morceaux quand Simon l’avait ramassé, glissé dans sa poche et rapporté à l’observatoire.

Enfermé dans une boîte scellée, Mouchard avait ensuite été l’objet de tous les soins de Simon Heap. Mois après mois, ce dernier l’avait régulièrement approvisionné en gaz et potions diverses, l’entourant de charmes inversés et lui récitant des formules durant de longues heures. Mouchard s’éveilla peu à peu à la conscience, alimenté par les incantations que Simon marmottait au-dessus de sa boîte chaque minuit et par les vapeurs ténébreuses qu’il lui insufflait. S’il avait encore les idées confuses, il attendait avec une impatience croissante de voir ce qui allait lui arriver.

Par une nuit sans lune, Mouchard put enfin quitter sa boîte et contempler le monde pour la première fois. Sa satisfaction n’avait d’égale que celle de son nouveau maître devant sa créature. Mouchard répandait une clarté qui pouvait passer pour de l’intelligence. Par ailleurs, il apprenait vite et se montrait docile. Bientôt, il devint le plus fidèle serviteur de Simon Heap et le suivit partout comme son ombre.

MME MÉRÉDITH

Agnès Mérédith, ex-matrone, ex-ravisseuse d’enfant, prit le chemin du Port après sa sortie de l’Asile pour Déments et Délirants du Château. Elle commença par errer dans les rues, cherchant son fils Merrin, sans succès. Une fois le pécule que lui avait remis l’asile épuisé, elle trouva un emploi de femme de ménage dans une pension minable de la rue de la Bouline, à côté du coven des sorcières du Port.

La pension appartenait à une certaine Florrie Bundy, une femme imposante dotée d’un caractère de cochon et d’une mémoire d’éléphant. Florrie se querellait continuellement avec ses voisines, les sorcières du Port. Une violente dispute au sujet d’un sachet de thé qui, prétendait-elle, n’avait pas atterri par hasard sur sa tête, fut la cause de sa perte. Lassée de ses criailleries, Linda (qui l’avait effectivement visée avec un sachet de thé un jour où elle n’avait rien de plus intéressant à faire) lui lança un sort rétrécissant. En l’espace de quelques semaines, Florrie rapetissa jusqu’à faire elle-même la taille d’un sachet de thé. Un matin où il gelait, elle glissa sur une plaque de verglas en sortant de chez elle, tomba dans une bouche d’égout et se noya.

Agnès Mérédith avait observé l’évolution de sa patronne avec le plus grand intérêt. Après la disparition de celle-ci, elle reprit la pension comme si de rien n’était. Afin d’y imprimer sa marque, elle remplaça le papier peint, accrocha des messages fantaisistes sur les murs et décora la maison avec des fleurs séchées et des poupées. La compagnie de ces dernières lui était tellement agréable qu’elle renonça à chercher Merrin : au moins, avec les poupées, on savait toujours à quoi s’en tenir.

MAUREEN

Maureen s’était enfuie du Château avec Kevin, l’éplucheur de pommes de terre en chef, suite à un incident survenu dans les cuisines du palais. Depuis, les deux jeunes gens épargnaient sou après sou afin d’acheter un café au Port. Quand Kevin embarqua comme cuisinier à bord d’un gros navire marchand qui devait faire le tour du monde, Maureen prit la première place qu’on lui proposait. C’est ainsi qu’elle se retrouva bonne à tout faire à la Maison-de-Poupée. Ce n’était pas le Pérou, mais elle parvenait à mettre de côté les pourboires que lui laissaient les clients et économisait sur le logement en couchant dans un placard. Dans son réduit, elle rêvait du jour où Kevin reviendrait et où ils pourraient enfin réaliser leur désir.

LE COVEN DES SORCIÈRES DU PORT :

VERONICA

Veronica était la doyenne des sorcières du Port. Si elle n’avait jamais obtenu le poste de Grande Mère, c’était à cause de sa distraction et des crises de somnambulisme qui l’amenaient parfois à s’éloigner du coven durant son sommeil et à disparaître plusieurs jours d’affilée. Veronica avait hérité sa passion pour les rats de son père Jack, qui vivait en bordure des marais de Marram. De même que le vieil homme, Veronica possédait toute une collection de rats en cage à différents stades de décomposition.

LINDA

Linda, la benjamine du coven, était à manier avec des pincettes. Si les autres sorcières appréciaient sa compagnie, elles redoutaient ses facéties. En effet, Linda prenait facilement la mouche et pouvait se montrer féroce quand on la contrariait. Plus aucune des sorcières ne voulut s’y risquer après qu’elle ait affublé Dorinda d’une paire d’oreilles d’éléphant. La grande Mère du coven, Pamela, fondait de grands espoirs sur Linda et la formait en secret pour lui succéder.

DAPHNÉ

D’un naturel taciturne, Daphné ne demandait qu’à vaquer à ses occupations sans embêter personne. Elle élevait une colonie de capricornes qui grignotaient lentement les fondations de la maison. Daphné aimait beaucoup ses capricornes et leur gardait la primeur de sa conversation.

PAMELA

Pamela avait l’âme la plus noire de tout le coven. Bien sûr, toutes ses sorcières se prenaient pour des méchantes, mais elles n’étaient que des amatrices auprès de leur Grande Mère. Pamela avait séjourné plusieurs années à l’observatoire de DomDaniel et en avait rapporté des récits qui faisaient dresser les cheveux sur la tête des autres pensionnaires du coven, même si celles-ci auraient préféré avaler une décoction de crapaud pourri que de l’avouer. Pamela était la seule à pouvoir pénétrer dans une pièce défendue par un sort. Les autres sorcières se gardaient bien d’approcher et, la nuit, quand des cris effroyables retentissaient dans toute la maison, elles se bouchaient les oreilles et tâchaient de se rendormir comme si de rien n’était.

DORINDA

Dorinda ne s’était jamais beaucoup souciée de son apparence. Elle avait conscience de ses défauts (son nez était un peu tordu depuis une rencontre malencontreuse avec une échelle d’incendie) et n’aimait pas beaucoup ses cheveux. Mais elle cessa de faire des efforts pour s’arranger du jour où Linda l’accusa d’avoir épié une conversation privée entre elle-même et un jeune sorcier qu’elle avait ramené à la maison. Dorinda avait nié vigoureusement, alors que tout le coven connaissait son habitude d’écouter aux portes. Furieuse, Linda lui attribua des oreilles d’éléphant (d’Afrique, pour faire bonne mesure), ajoutant que, puisqu’elle laissait traîner ses oreilles partout, elle aurait de quoi s’occuper. Depuis cette nuit fatale, Dorinda se promenait constamment avec une serviette enroulée autour de la tête en prétendant qu’elle venait de se laver les cheveux. Toutefois, ses compagnes n’étaient pas dupes. Elles savaient (et Dorinda savait qu’elles savaient) que la serviette dissimulait en réalité deux oreilles d’éléphant d’Afrique soigneusement pliées. Le sort était irrévocable, si bien que Pamela elle-même n’avait pu l’annuler.

HUGH VULPIN, PREMIER SCRIBE HERMÉTIQUE

Hugh Vulpin travaillait depuis vingt-cinq ans comme scribe de deuxième classe au Manuscriptorium avant de devenir premier scribe hermétique.

Quand Marcia, attirée par un faux message, était tombée dans le piège qu’il lui avait tendu, DomDaniel lui avait dérobé L’Art de vaincre la Ténèbre. Le nécromancien avait ensuite apporté le livre à Waldo Watkins, le premier scribe hermétique de l’époque, afin qu’il le détruise. Watkins avait refusé tout net.

Cette nuit-là, alors qu’il regagnait son domicile, le malheureux avait mystérieusement disparu et nul ne l’avait jamais revu.

Sur l’insistance de DomDaniel, on avait aussitôt procédé à la désignation de son successeur. Le rituel, très ancien, voulait que chaque scribe place son porte-plume dans un grand pot en émail que l’on enfermait toute une nuit dans le cabinet hermétique. Le lendemain matin, on retrouvait immanquablement un des porte-plume sur la table alors que les autres n’avaient pas quitté le pot. Traditionnellement, on envoyait le plus jeune scribe récupérer le porte-plume élu.

Mais cette fois, DomDaniel avait exigé de pénétrer le premier dans le cabinet hermétique. Quand il en était ressorti avec le porte-plume noir tout mâchouillé d’Hugh Vulpin, personne – pas même ce dernier – n’en avait cru ses yeux. Le bruit avait aussitôt couru que la désignation avait été truquée mais faute de preuves, Hugh Vulpin s’était vu remettre le codex secret et les sceaux officiels sitôt installé dans ses nouvelles fonctions.

Une fois passée la surprise, Hugh Vulpin avait fini par se convaincre qu’il devait sa promotion à ses talents exceptionnels. La vérité, c’était que DomDaniel avait remis dans le pot le porte-plume de Jillie Djinn, un scribe instruit et intègre, et l’avait remplacé par celui d’Hugh Vulpin qu’il supposait plus malléable.

Après la destitution de DomDaniel et le retour de Marcia, le Parti de la restauration avait menacé Hugh Vulpin du même sort que le pauvre Watkins s’il refusait à Simon Heap l’accès aux tunnels de glace. Terrifié, Vulpin avait consenti à tout ce qu’on lui demandait. Connaissant son impopularité, il se doutait qu’aucun de ses employés ne lèverait le petit doigt pour le défendre.

DomDaniel avait vu juste : Hugh Vulpin était parfaitement malléable.

BÉCASSEAU

Colin Bécasseau avait grandi dans un petit village de bergers avant d’intégrer la garde du palais contre sa volonté. Enfant, il passait ses journées à rêvasser alors qu’il était censé surveiller le troupeau de son père. Celui-ci avait déjà perdu tellement de brebis qu’il avait renoncé à les compter. Aussi, quand le sergent recruteur de la garde lui avait promis de « faire un homme » de son bon à rien de fils, il avait ordonné à Bécasseau junior de préparer son balluchon, au grand désespoir de sa tendre mère.

Heureusement pour le jeune Colin, son recrutement précéda de peu la chute du custode suprême. Un mois plus tard, il intégrait le programme deuxième chance et trouvait aussitôt une place au Manuscriptorium. Bécasseau n’avait jamais été aussi heureux de sa vie.

LES FANTÔMES DES TUNNELS DE GLACE

De même que beaucoup de maçons, les frères Eldred et Alfred Boutisse avaient été appelés au Château au moment de la Grande Catastrophe. Ils avaient travaillé de longues heures afin de colmater la brèche apparue dans les tunnels, sans résultat. Avec trente-sept de leurs camarades, ils s’étaient laissé surprendre par la glaciation et n’avaient pu regagner la surface. Depuis, les malheureux arpentaient inlassablement les souterrains, ignorant qu’il s’était écoulé de nombreux siècles depuis leur disparition. Les deux frères pensaient reprendre tranquillement le cours de leur existence le jour où quelqu’un se déciderait à leur indiquer la sortie.

ELLIS CRACKLE

Ellis Crackle avait été le premier apprenti de DomDaniel. Ce jeune homme lent et maladroit manifestait peu d’aptitudes pour la Magyk, mais le nécromancien n’en avait cure. S’il avail choisi Ellis, c’est parce que ce dernier était le frère de Betty Crackle, la gardienne de l’époque. Bien qu’animée des meilleures intentions, Betty s’attirait toujours des tas d’ennuis en raison de son étourderie et de sa négligence. Une nuit d’hiver alors qu’elle s’était perdue sur le chemin du Port, elle fut surprise par le Grand Gel, à la suite de quoi tante Zelda lui succéda. DomDaniel soupçonnait la présence au cottage de la gardienne d’une chose très importante qui l’empêchait de contrôler complètement le Château, et il était déterminé à découvrir ce que c’était. Pour cela, il n’avait pas trouvé de meilleur moyen que de s’attacher le frère de Betty. Malheureusement pour lui, Ellis n’était pas plus tôt entré à son service qu’il se disputa avec sa sœur. Betty ne supporta pas de l’entendre se vanter de sa nouvelle position. Ivre de jalousie, elle protégea le cottage au moyen d’un sort qui empêchait Ellis d’approcher et cessa d’adresser la parole à son frère. Pour cette raison, DomDaniel ne découvrit jamais l’existence du bateau dragon ni même l’emplacement du cottage.

Betty disparue, Ellis perdit tout intérêt aux yeux de son maître. Après l’avoir remplacé par Alther Mella, celui-ci le transforma en ombre au moyen d’un procédé aussi long que pénible et le garda en réserve pour un usage ultérieur. Comme nous l’avons vu, cette précaution se révéla fort utile par la suite.

HILDEGARDE

Hildegarde travaillait à la comptabilité du conseil des custodes, dont la principale mission consistait à financer le train de vie dispendieux du custode suprême. Plus tard, elle fut transférée au service des ventes, qui était chargé de liquider les trésors du palais. Pour autant qu’elle aimait les tableaux et les meubles anciens qu’on lui confiait, Hildegarde savait se montrer dure en affaires et elle retirait toujours un bon prix des objets qu’elle vendait.

Hildegarde fut très heureuse de pouvoir bénéficier d’une formation de sous-magicienne dans le cadre du programme deuxième chance. Toutefois, elle se sentait un peu mal à l’aise quand elle montait la garde devant le palais et la vue des murs vides lui donnait mauvaise conscience. Elle était résolue à devenir magicienne ordinaire afin de racheter le plus possible ses erreurs passées.