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AU CŒUR DES MARAIS

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— Maintenant ? s’écria Stanley d’un ton incrédule. Vous voulez me renvoyer maintenant ?

— Tu as bien entendu, répliqua tante Zelda.

Elle venait d’ôter les pansements improvisés de Lobo et n’aimait pas du tout l’aspect de ses brûlures.

Depuis le seuil du cottage de la gardienne, Stanley apercevait Jenna, Nicko et Septimus, assis au bord du fossé. Jenna avait le bras entouré d’un bandage blanc et Septimus avait retrouvé des couleurs. Nicko agitait gaiement les pieds dans l’eau tiède. Le rat lança un regard admiratif au dragon. C’était le plus beau bateau qu’il avait jamais vu, et Dieu sait s’il en avait vu ! Son long cou recourbé (autrement dit, sa proue) était couvert d’écailles irisées, de même que sa tête dans laquelle s’ouvraient deux yeux couleur émeraude. Le soleil allumait des reflets dorés sur sa coque large et lisse le long de laquelle étaient repliées deux ailes parcheminées. La queue dressée du dragon dessinait un arc au-dessus d’un imposant gouvernail en acajou. Il se dégageait de ce tableau une impression de bonheur et de tranquillité qui incitait Stanley à rester. Toutefois, tante Zelda en avait décidé autrement.

— À ta place, je ne traînerais pas, reprit la gardienne. En partant maintenant, tu as une chance d’avoir quitté les marais avant la nuit. C’est aujourd’hui le jour le plus long de l’année, et les conditions sont idéales pour entreprendre un tel voyage. Par cette chaleur, la plupart des créatures vivantes recherchent la fraîcheur au fond de la boue.

— Sauf les caraches, rétorqua Stanley en se grattant l’oreille. À l’aller, il y en avait toute une nuée qui me suivait. Rien que d’en parler, ça me donne des démangeaisons. Sales bêtes !

Jenna rejoignit le rat sur le seuil de la maison.

— Est-ce qu’elles sont entrées dans ton nez ? l’interrogea-t-elle.

— Je vous demande pardon ?

— Les caraches. C’est comme ça qu’elles se nourrissent. Elles pénètrent par les narines et te bouffent la…

— Inutile de donner des détails, Jenna. Tout le monde ici connaît les habitudes alimentaires des caraches.

La voix de tante Zelda provenait de l’intérieur d’un placard situé sous l’escalier, sur la porte entrouverte duquel on pouvait lire : POTIONS INSTABLES ET POISONS PARTIKULIERS.

— Pas Stanley, objecta Jenna.

— Et il n’a pas besoin d’en savoir davantage. (Tante Zelda ressortit du placard, tenant un bocal plein d’une préparation rosâtre.) Les caraches ne s’attaquent pas aux rats. De surcroît, j’essaie d’obtenir de lui qu’il retourne au Château et informe cette pauvre Marcia – ainsi que ton père et ta mère – que vous êtes tous sains et saufs. Aussi, ce n’est pas le moment de l’effrayer avec les caraches.

— Il refuse d’y aller ?

Le rat leva la patte en signe de protestation.

— Excusez-moi, mais je vous signale que je suis encore là. D’autre part, je n’ai pas à proprement parler refusé d’y aller, Votre Majesté. Simplement, j’aimerais mieux ne pas le faire. Si toutefois vous n’y voyez pas d’inconvénient.

— J’en vois un gros, répondit Jenna. Et tante Zelda aussi.

— C’est bien ce que je craignais. Dans ce cas, je m’incline. Avez-vous un message particulier à l’adresse de la magicienne extraordinaire ?

— Dis à Marcia et à mes parents que nous sommes en sécurité au cottage de tante Zelda et que je suis arrivée à temps pour la fête du solstice d’été.

— Entendu. Je le leur dirai, Votre Majesté.

— Bien. Merci, Stanley. Je n’oublierai jamais ce que tu fais là. Je sais que tu n’aimes pas beaucoup les marais.

— En effet.

Stanley sauta au bas des marches, mais tante Zelda le rappela :

— Une seconde !

Le rat se retourna, espérant qu’elle aurait changé d’avis.

— Veux-tu emporter un sandwich ? Je peux t’en préparer un avec les restes du déjeuner.

— Hum ! fit le rat d’un air méfiant. Un sandwich à quoi, au juste ?

— Au chou. Je l’ai fait bouillir toute la matinée pour qu’il soit bien tendre et goûteux…

— C’est très aimable à vous, mais non merci. Je préfère partir sans tarder.

Sur ces paroles, Stanley descendit en trottinant le chemin qui menait au fossé et franchit le pont en bois avant de s’enfoncer dans les marais.

— J’espère qu’il ne lui arrivera rien, dit tante Zelda.

— Moi aussi, ajouta Jenna.

 

 

En fin de journée, Lobo fut pris d’une forte fièvre. Étendu sur le canapé du cottage, les mains enduites de baume contre les brûlures sous ses pansements propres, il passait tour à tour du délire à l’inconscience. Assis à ses côtés, Septimus appliquait un linge humide sur son front tandis que tante Zelda feuilletait un gros ouvrage tout écorné intitulé La Pharmacopée des sorciers.

— Ces brûlures portent la marque de la Ténèbre, murmura-t-elle. Je redoute le pire de la part de ce jeune écervelé de Simon Heap. S’il a réussi à incuber une balle traceuse – et avec quel succès ! – Dieu sait de quoi il est encore capable.

— De voler, dit Septimus d’un ton maussade. (Il aurait donné n’importe quoi pour faire tomber la température de 409.) Il maîtrise le Grand Vol.

— Le Grand Vol ? (Tante Zelda leva les sourcils et son regard bleu de sorcière exprima un vif étonnement.) Es-tu sûr de n’avoir pas été le jouet d’une illusion, Septimus ? Les disciples de la Ténèbre sont les rois de l’artifice.

— J’en suis sûr. Sinon, comment aurait-il fait pour nous rejoindre si vite à travers les marais de Marram ?

Pensive, Tante Zelda recommença à tourner les pages du grimoire qui bruissaient sous ses doigts.

— Je ne le crois pas, reprit-elle en examinant une page couverte d’une écriture serrée. Et d’abord, où se serait-il procuré le charme ?

— D’après Marcia, il n’existe plus. Elle dit que le dernier alchimiste l’a jeté dans les flammes. Il l’aurait sacrifié afin d’obtenir l’or le plus pur qui soit.

— Peut-être… ou peut-être pas.

— Ah ?

Septimus dressa l’oreille, impatient d’entendre la version de tante Zelda. Son approche de la Magyk, pour différente qu’elle était de celle de Marcia, avait quelque chose de rafraîchissant et il arrivait qu’elle lui apprenne des choses que sa tutrice elle-même ignorait.

Tante Zelda leva les yeux de son livre et considéra le jeune garçon d’un air songeur.

— Ce qui va suivre doit rester entre nous, dit-elle à voix basse. Septimus fit signe qu’il avait compris.

— Une légende prétend que le dernier alchimiste n’aurait pas sacrifié le charme du Grand Vol, mais qu’il l’aurait gardé. À ce qu’on raconte, le charme était fait de fils d’or pur, tissés par les araignées d’Aurum elles-mêmes. Séduit par sa beauté, l’alchimiste n’aurait pas supporté l’idée de le perdre et il l’aurait dissimulé.

— Où ça ?

Tante Zelda haussa les épaules.

— Comment le savoir ? À la cime de l’arbre le plus haut de la Forêt ? Sous son matelas ? Dans ses chaussettes ?

— Oh ! fit Septimus, déçu.

— Pourtant…

— Oui ?

— J’ai toujours soupçonné que le charme du Grand Vol se trouvait ici.

— Ici ? Au cottage ?

— Chut ! (Tante Zelda tourna une nouvelle page et plissa les yeux afin de déchiffrer la formule griffonnée dessus.) Naturellement, je l’ai cherché partout. Mais le problème de ces charmes archaïques dont l’origine se perd dans la nuit des temps, c’est qu’ils ne réagissent souvent qu’à une touche de Ténèbre. Et s’il y a une chose que je ne possède pas et n’ai aucune envie de posséder, c’est bien celle-là.

Le linge posé sur le front de Lobo s’était réchauffé. L’esprit toujours occupé par le charme du Grand Vol, Septimus se leva et l’apporta dans la petite cuisine de tante Zelda. Après l’avoir plongé dans un seau d’eau fraîche, il l’essora soigneusement, retourna s’asseoir près de son ami et le remit en place avec des gestes délicats. Lobo ne broncha pas.

— Mais…, reprit Septimus.

— Je m’attendais à ce qu’il y ait un « mais », remarqua tante Zelda avec une pointe de malice.

— Qu’est-ce qui te fait dire que le charme se trouve ici ? Il y a sûrement une raison.

— Tu sais qu’une gardienne ne peut pas se marier ?

— Oui.

— C’est une bonne chose, car une épouse ne devrait avoir aucun secret pour son mari. Or, notre mission consiste justement à garder des secrets. Mais une des premières gardiennes, Broda Pye, avait contracté une union secrète avec le dernier alchimiste. Je suis persuadée que son époux a dissimulé le charme ici même. En me fondant sur le journal de Broda, j’ai également acquis la conviction qu’elle en avait conservé une partie pour son usage personnel, de sorte qu’il serait incomplet.

— Mais…

— Oui ? Oh ! Voilà qui est intéressant.

Tante Zelda scruta à travers ses lunettes une page qui donnait l’impression d’avoir été exposée à la flamme d’une bougie.

— Pourquoi l’alchimiste n’a-t-il pas simplement dissimulé le charme au Château ? s’interrogea Septimus. Je croyais qu’à l’époque, les marais étaient remplis de sandres carnivores et d’autres créatures ténébreuses, encore pires qu’aujourd’hui. Pourquoi risquer de perdre le charme au fond d’un horrible trou bourbeux ?

Tante Zelda lui lança un regard pénétrant par-dessus ses lunettes et déclara d’un air mystérieux :

— Comme dit le proverbe, il y a plusieurs façons de plumer un canard.

Avant que Septimus ait pu lui réclamer des explications, elle lui fourra La Pharmacopée des sorciers entre les mains.

— Jette donc un coup d’œil à cette recette, dit-elle en lui désignant la page aux bords roussis. Je crois qu’elle pourrait convenir. Le contresort de Boris Biclou apporte l’indispensable touche de Ténèbre. Qu’en penses-tu ?

— « Décoction de griffe de chat », lut Septimus « En cas de soupçon de contamination par la Ténèbre, il est recommandé d’incorporer à la préparation quelques gouttes du contresort numéro 3 de Boris Biclou. Attention ! Ne pas porter à ébullition. Pour la formule complète, voir page XXXV. Appliquez immédiatement sur la brûlure. Durée de stabilité du produit : treize minutes précises. Veillez à respecter les précautions d’usage. » Ça a l’air compliqué, remarqua-t-il.

— Ça l’est, acquiesça tante Zelda. La préparation devrait prendre une heure au minimum. Mais je sais que je possède tous les ingrédients. J’ai toujours un flacon de contresort de Biclou en réserve dans mon coffre-fort et j’ai acheté de la griffe de chat il n’y a pas si longtemps, à la dernière Grande Foire du Port.

La brave femme se leva et disparut à l’intérieur du placard à potions, laissant Septimus seul auprès de Lobo. Ce dernier, aussi pâle qu’un mort et aussi inerte qu’une pierre, était toujours dévoré par une fièvre ténébreuse. Le cœur rongé d’inquiétude, Septimus ne quittait pas des yeux la porte fermée du minuscule placard. Lors de son premier séjour chez tante Zelda, il avait découvert que celui-ci abritait toutes sortes de potions précieuses et délicates ainsi qu’une trappe donnant accès au tunnel et à l’ancien temple souterrain dans lequel le bateau dragon était demeuré plusieurs siècles. Depuis que la tempête avait emporté les murs du temple, le tunnel aboutissait au carré de choux de tante Zelda et cette dernière l’utilisait comme raccourci.

La silhouette de Jenna s’encadra dans la porte.

— Comment va-t-il ? demanda-t-elle d’un ton anxieux.

— Pas très bien, j’en ai peur, répondit Septimus à voix basse. Tante Zelda est en train de lui préparer une potion très compliquée.

Jenna alla s’asseoir près de Septimus.

— Tu crois qu’il va guérir ?

— Je n’en sais rien. Oh ! Ça a été rapide.

Tante Zelda sortit du placard en trombe, l’air énervé.

— De la maresquine fraîche… Il me faut de la maresquine « fraîche ». Non mais, vous vous rendez compte ? Maudite recette !

Vous voulez bien aller en demander à Boggart ? S’il vous plaît.

Septimus bondit sur ses pieds, mais Jenna l’arrêta :

— Non, Sep. C’est à moi d’y aller. Toi, reste avec Lobo.

— Dis à Boggart que c’est urgent, précisa tante Zelda tandis que la petite fille s’éloignait. Et s’il rouspète, ignore-le.

 

 

En effet, le boggart était d’humeur rouspéteuse. Jenna dut l’appeler à trois reprises avant qu’il émerge de sa flaque de boue au milieu d’une nuée de bulles.

— Y’a pas moyen de dormir en paix sous cette chaleur ? ronchonna-t-il en clignant les yeux, ébloui par la lumière du jour. Quoi qu’il y a encore ?

— Je suis vraiment désolée de vous déranger, s’excusa Jenna, mais tante Zelda a un besoin urgent de maresquine fraîche et…

— De la maresquine ? À veut que j’aille lui cueillir de la maresquine ?

— S’il vous plaît. C’est pour le garçon qui a les mains brûlées. Il va très mal.

— Oh ! Ça me navre. Mais ce qui me navre encore plus, c’est de couper ma sieste pour aller me faire roussir la couenne au soleil et bouliquer un tas de limaces dégoûtantes.

Le boggart frissonna et une grosse bulle se forma devant son museau qui évoquait celui d’un phoque. Un souffle d’air fétide parvint aux narines de Jenna qui recula, prise de vertige. L’haleine de boggart était un répulsif réputé, et la chaleur augmentait ses propriétés.

— Dites à Zelda que j’y apporterai sa maresquine dès que possible, déclara le boggart avant de s’enfoncer dans la boue.

Quelques minutes plus tard, il remonta à la surface du fossé entourant l’île. Jenna le vit s’éloigner à vive allure le long des canaux et des rigoles qui conduisaient aux marais. Quand il fut parvenu à la fosse au fond de laquelle poussait la maresquine, il dressa la tête hors de l’eau et prit une profonde inspiration avant de plonger.

Le boggart ferma ses oreilles et ses narines et se laissa couler. Cet excellent nageur pouvait rester en apnée durant plus d’une heure, aussi cette partie de sa mission ne lui causait aucune inquiétude. En revanche, il appréhendait ce qu’il allait trouver à cent pieds de profondeur. Le boggart n’était pas une créature délicate. Néanmoins, les limaces blanches géantes des marais lui donnaient la chair de poule. Il en existait tout un banc au fond de la fosse, et la maresquine prospérait en se nourrissant de leur chair en décomposition. La maresquine agissait comme un puissant catalyseur avec n’importe quelle potion, mais quand de surcroît on l’utilisait fraîche… Le boggart eut un mouvement de tête qui exprimait la désapprobation. Il était à souhaiter que Zelda sache ce qu’elle faisait.

Jenna s’assit au bord du fossé et attendit que le boggart reparaisse. Pour passer le temps, elle ramassa une poignée de galets gris et les chatouilla pour le cas où l’un d’eux aurait été Petrus Trelawney, le caillou de compagnie que Silas lui avait offert pour son dixième anniversaire. Lors de la dernière visite de Jenna chez tante Zelda, Petrus était parti à l’aventure et n’était jamais revenu. La petite fille n’avait pas renoncé à le chercher, mais quand elle les chatouilla, aucun des galets qu’elle avait ramassés n’étira ses petites pattes comme l’aurait fait Petrus. Avec un soupir, elle les lança un à un dans le fossé, espérant que le boggart ne tarderait pas.

Jenna n’était pas la seule à attendre. Non loin de la fosse, un jeune garçon efflanqué était allongé sur une bande d’herbe tendre. Son costume se composait d’un pantalon en patchwork trop large et d’une ample tunique faite dans une étoffe grossière. Tante Zelda avait beau le gaver, Merrin Mérédith, l’ex-apprenti de DomDaniel, était toujours aussi maigre qu’un coucou. Il y avait plus d’un an que la brave femme l’avait ramené à la vie après que son ancien maître l’eut asséché. Pourtant, l’expression hagarde de ses yeux gris témoignait encore du traumatisme qu’il avait subi. Dans ses bons moments, Merrin acceptait la compagnie de tante Zelda. Mais quand il allait mal, comme ce jour-là, il ne supportait pas sa présence ni celle de quiconque. Il avait alors l’impression d’être toujours asséché, comme s’il n’existait pas vraiment.

Merrin était contrarié. Cela avait commencé avec l’arrivée d’un rat bavard qui avait expédié le boggart et le canoë à l’autre bout du marais afin de récupérer l’horrible princesse. Merrin traînait aux abords du chenal qui conduisait au Port quand le canoë était apparu à l’horizon. Ce qu’il avait vu à son bord n’avait fait qu’augmenter sa rancœur.

Sans aucun doute, la silhouette assise à l’avant était celle de cette pimbêche de princesse. Malheureusement, elle n’était pas seule. Le canoë transportait trois autres passagers. L’un d’eux – un garçon maigre et crasseux qui rappelait à Merrin un loup que son ancien maître avait tenté d’apprivoiser – n’avait pas trop mauvaise allure. Mais les deux autres étaient les dernières personnes que Merrin avait envie de voir. Le premier était l’affreux Nicko, le garçon qui l’avait un jour traité de porc et lui avait tordu le bras. Pire encore, le second était le soi-disant Septimus Heap, l’imposteur qui lui avait volé son identité. Tante Zelda avait beau jeu de lui seriner que son vrai nom était Merrin Mérédith. Dans le fond, qu’en savait-elle ? Toute sa vie, on l’avait appelé Septimus Heap. Pour ridicule qu’il était, ce nom était tout ce qu’il possédait.

Dans un accès de mauvaise humeur, Merrin s’était réfugié aux abords de la fosse. Il était sûr que tante Zelda ne viendrait pas l’y déranger, du moins pas avant la tombée de la nuit. Mais là non plus, il n’avait pu trouver la tranquillité. Le vieux boggart puant était venu l’importuner, à son grand mécontentement.

Couché sur l’herbe, le garçon piquait rageusement un bâton pointu dans la boue, attendant que le boggart s’éloigne. Au bout d’une éternité, il perçut un gargouillement et la tête du boggart creva la surface brune du marécage. Merrin resta coi. Le boggart lui inspirait la même crainte que la plupart des créatures vivantes. La grosse bête s’ébroua, aspergeant Merrin d’eau malodorante.

— Cochonneries de limaces ! dit-il. Ça grouillotte là-dessous. Pour passer, m’a fallu les arracher à pleines pognées. J’en ai pour des jours et des jours à me curer les ongles. Pouah ! (Le boggart frissonna violemment.) Enfin, j’ai la maresquine pour Zelda.

Il leva la patte, montrant au garçon une poignée de serpentins blancs et gesticulants qui se recroquevillèrent immédiatement à la lumière du soleil.

— Oups ! fit le boggart en replongeant la maresquine dans l’eau. Faudrait pas qu’a se fanent.

Sur ces paroles, il fit demi-tour et remonta le chenal en direction du fossé. Dès qu’elle l’aperçut, Jenna courut vers le pont à sa rencontre.

Merrin observa la scène en transperçant un innocent scarabée de son bâton.