CHAPITRE XIX

Marc, suivi de Ray, pénétra dans la bibliothèque d'un pas assuré. Boris se leva pour se porter à sa rencontre. Les bruits de la cour parvenaient par la croisée entrouverte. Le soleil en pleine ascension éclairait la pièce.

Utilisant le galactique, Marc dit d'un ton autoritaire:

- Capitaine Yatchev, vous êtes en état d'arrestation et je vous somme de me suivre sans résistance.

- Je refuse! Vous n'avez aucune autorité sur cette planète.

- J'exécute les ordres de la commission de non-immixtion, confirmés par le Président. Si vous n'obtempérez pas immédiatement, mon

androïde utilisera la force si nécessaire.

- Non ! hurla Boris.

D'un mouvement brusque, imprévisible, il arracha son poignard de sa ceinture et se rua sur Marc. Ce dernier para de justesse le coup destiné

à lui transpercer le foie mais il ne put saisir le poignet. Déjà, Boris s'apprêtait à frapper une seconde fois. Marc n'eut que le temps de tirer son poignard et son adversaire s'embrocha sur la lame en revenant à l'attaque. Les deux hommes restèrent quelques secondes immobiles, corps à

corps, puis Boris glissa lentement sur le sol en murmurant:

- Merci, je vous avais dit que je voulais mourir sur Wreck.

Il eut un sursaut et s'immobilisa, le regard fixé

sur le plafond. Ray se pencha sur le corps et maugréa:

- Il est mort.

D'un geste machinal, Marc essuya la lame couverte de sang sur la chemise de son adversaire en murmurant:

- Je ne voulais pas le tuer. Pourquoi a-t-il refusé de nous suivre?

- C'est un peu tard pour le lui demander, ricana Ray. Maintenant, il nous faut filer en vitesse avant que le corps ne soit découvert sinon nous allons avoir sur le dos la garnison du château et même toute la ville. Je ne voudrais pas être obligé d'utiliser mon désintégrateur pour te protéger. Marc s'ébroua comme un boxeur après un coup sévère.

- Tu as raison. File aux écuries seller nos montures pendant que je m'assure qu'il n'a pas caché

ici des documents relatifs à la Terre.

Dès que Ray eut refermé la porte, Marc tendit la main que Boris saisit et il l'aida à se relever.

- Vous êtes un excellent comédien. Je crois que notre scène convaincra les autorités.

- L'idée d'avoir mis du sang dans la gaine de votre poignard est la touche finale. Du grand art !

- Adieu, je ne dispose plus que de deux

minutes si je veux respecter le programme. Boris approuva en murmurant:

- Je ne comprends pas pourquoi vous prenez un tel risque pour moi. Si la supercherie est découverte, la commission sera sans pitié.

- Je pense que le service vous doit cette récompense. Soyez heureux avec Nala. Elle est charmante.

- Comment vous remercier?

- Si vous avez un jour un fils, appelez-le Marc ! Restez ici une vingtaine de minutes pour nous donner le temps de quitter la ville. Il serait du plus mauvais effet que Ray puisse vous filmer maintenant. J'aurais cependant un service à vous demander.

- Dites!

- Protégez lia, cette petite m ' a été très dévouée et elle mérite d'être heureuse. Enfin, virez les gérants de la ferme de Fisher. Ils sont par trop brutaux avec leur personnel.

- J'y mettrai bon ordre.

Les deux hommes s'étreignirent et Marc sortit en courant retenant un éclat de rire. Une fois de plus, il avait choisi entre l'amitié et les règlements froids et impersonnels !

*

* *

Quatre heures plus tard, ils avaient regagné le Mercure. Le premier travail de Marc fut de contacter Parker.

- Mission terminée. Tous les éléments étrangers à Wreck ont été éliminés.

- Parfait, capitaine. J'informe immédiatement l'amiral Neuman. Les satellites tueurs ont été installés. Le code est dans votre ordinateur. N'oubliez pas de les désamorcer avant de franchir leur zone d'action. Si les Dénébiens se risquent à

nouveau dans le secteur, ils auront une méchante surprise. Je ne pense pas qu'ils insisteront maintenant qu'ils savent leur exploitation détruite. D'autant qu'ils peuvent reculer sans perdre la face puisque tout ceci est resté secret. Nous nous reverrons sur Terre.

- Je n'oublie pas que je vous dois une bouteille de whisky pour votre intervention au meilleur moment. La communication terminée, Marc se tourna vers Ray.

- Nous pouvons décoller.

L'androïde conservait un air bougon.

- Espérons que la commission se laissera berner par ta comédie. Pourquoi faut-il que tu risques toujours ta carrière pour des gens qui ne te sont rien?

- C'est cela la mystérieuse alchimie de l'amitié.