CHAPITRE XVII
Un appel de Ray tira Marc de son sommeil. Il avait fort mal dormi, se réveillant plusieurs fois au moindre bruit. Une aube grise pointait à l'horizon.
- Parker est en ligne, dit l'androïde en tendant son communicateur.
La voix était ferme, presque sèche. Marc
étouffa un bâillement.
- Je constate que vous êtes à peine réveillé. Cela prouve que vous avez dormi, ce qui n'a sans doute pas été le cas des autorités. Secouez-vous et écoutez-moi attentivement.
- Allez-y, j'ai les idées en place.
- Je l'espère pour vous, ricana le colonel. Voici les ordres que l'amiral me charge de vous transmettre. D'abord, Ray devra détruire au désintégrateur, toutes traces des installations dénébiennes. Un nettoyage propre et complet.
- Rien ne les empêchera de revenir plus tard.
- Le Président a pris ses précautions. Dans quelques jours, un discret communiqué de la Sécurité Galactique fera savoir qu'au cours d'une opération de surveillance, un croiseur a détruit deux appareils pirates. Les Dénébiens savent déjà
qu'ils ont perdu leurs avisos mais le message leur fera comprendre que la Terre ne veut pas envenimer nos relations. Pour leur éviter la tentation de revenir sur les lieux, j'ai mission de disposer des satellites tueurs autour de Wreck. En cas de destruction de ceux-ci, nous serons immédiatement prévenus.
- N'oubliez pas de me donner le code de neutralisation car je ne désire pas finir mes jours ici.
- Je le communiquerai à l'ordinateur de votre vaisseau. Ensuite...
L'hésitation de Parker fut nettement perceptible mais il reprit d'un ton cassant:
- La commission de non-immixtion a été formelle. Tous les éléments étrangers à Wreck doivent être éliminés.
- Les Dénébiens l'ont été.
- Il persiste une personne non originaire de la planète, le capitaine Yatchev. Vous avez ordre de le ramener sur Terre où il sera jugé.
- Et s'il refuse de me suivre?
- Dans ce cas, vous devrez l'abattre!
Marc poussa un énorme soupir.
- Je n'aime pas ce rôle d'exécuteur des basses œuvres. Je l'ai fait pour des pirates mais Boris est un collègue.
- Je vous comprends mais les ordres sont formels et ils émanent du Président en personne. Vous ne pouvez vous y soustraire et croyez bien que tous vos gestes seront minutieusement examinés lors de votre retour.
- Je m'en doute, ricana Marc. Les technocrates qui n'ont jamais posé leurs fesses en dehors de leur bureau se font un plaisir sadique de critiquer nos moindres gestes.
- Il n'est pas dans mon caractère de juger mes supérieurs, dit sèchement Parker. De combien de temps aurez-vous besoin pour terminer votre mission?
- Six ou sept jours me seront nécessaires.
- Pourquoi un tel délai?
Marc poussa un profond soupir en secouant la tête d'un air navré.
- Je dois agir avec discrétion pour respecter votre loi de non-immixtion et il n'est pas évident d'assassiner un seigneur au milieu de sa cour sans déclencher une révolution.
Le colonel manifesta sa compréhension en
disant:
- Je resterai une semaine dissimulé derrière la troisième planète pour le cas où un nouvel astronef dénébien se manifesterait. Bien que vous soyez maintenant équipé de mes meilleurs missiles, il n'est pas indispensable que vous les utilisiez rapidement.
- Merci, vous savez que je n'ai aucun instinct guerrier. C'est Ray qui effectue tout le travail et moi, je me contente de crever de frousse.
- C'est une amusante manière de présenter vos actes. J'ai cependant en mémoire certains combats où vous avez montré une belle imagination. Il s'ébroua discrètement, chassant les souvenirs qui se pressaient dans sa tête. Que d'aventures vécues avec Marc depuis leur odyssée sur la planète Juvénia !
- Au travail, capitaine. Le Président en personne attend votre rapport. Marc tendit le communicateur devenu silencieux à Ray.
- Tu as entendu les ordres. Commence par
faire disparaître ces baraquements.
- Auparavant, j'aimerais te montrer le résultat de mes investigations nocturnes.
Il conduisit son ami dans l'infirmerie. Il y régnait toujours la même puanteur qui arracha à
Marc un hoquet de dégoût. Indifférent à l'odeur, Ray expliqua:
- Les Dénébiens avaient fait plusieurs prélèvements d'eau. Il saisit un petit flacon qu'il examina par transparence. De minuscules grains noirs étaient visibles.
- C'est du sable, expliqua Ray. Sa couleur indique qu'il provient de la grotte. Chaque flacon contient plusieurs cellules groupées par quatre. Par analogie, je pense qu'il s'agit d'un embryon au tout premier stade de son existence.
- Sont-ils morts?
- Non, il persiste une activité au niveau des mitochondries. Ils sont en état de vie suspendue, attendant un milieu favorable pour se développer. Marc esquissa un geste en direction du cadavre pourrissant dans l'autre pièce.
- Un organisme vivant, par exemple.
- C'est probable ! Cette nuit, je suis allé au pied de la montagne, là où la rivière souterraine émerge. Un examen de l'eau prouve qu'il y a également des œufs.
- Tu crois que ces saletés se répandent par la rivière à grande distance.
- Attends le plus curieux. Les prélèvements effectués vingt mètres en aval sont tous négatifs.
- Les mini-embryons meurent donc très rapidement à l'extérieur.
- Il est possible que la qualité de l'eau soit différente. En particulier, j'ai noté la présence de nombreuses algues qui doivent se charger de pratiquer une épuration sélective. Je n'ai pas de programme de recherche suffisant pour aller plus loin.
- Je trouve que tu t'es très bien débrouillé.
- J'emporte des échantillons que tu donneras à
la Faculté. Si elle le souhaite, elle pourra poursuivre les expériences.
- Espérons que les chercheurs n'auront pas l'idée d'introduire ces créatures sur Terre. Je n'ai aucune envie de les rencontrer au coin d'une rue. Il sortit de la baraque et respira profondément pour chasser les miasmes qui semblaient vouloir s'incruster dans ses alvéoles pulmonaires. En dépit de ses efforts, l'atroce odeur imprégnait toujours sa muqueuse nasale.
- Active ton désintégrateur, ordonna-t-il d'un ton rancunier.
- Eloigne-toi d'abord d'une trentaine de pas. Il existe toujours une petite émission radioactive et mieux vaut ménager ta réserve de globules blancs.
Marc obéit, sachant que Ray avait toujours rai-son, surtout quand il s'agissait de le protéger. A distance respectueuse, il assista au fantastique spectacle qui se déroulait devant lui. Une cabane se dressait, apparemment solide. Un éclair mauve et soudain tout disparaissait. Pas un bruit, pas un grincement. La maison était là et une seconde plus tard, il ne restait plus qu'une légère dépression montrant la roche à nu. Quatre fois, la scène se répéta. Il ne resta plus de trace du passage des Dénébiens. C'était comme s'ils n'étaient jamais venus sur cette planète.
- Et maintenant, j'appelle le module?
demanda Ray.
Le soleil commençait juste son ascension. Parker avait appelé à l'aube et les destructions n'avaient guère demandé de temps.
- Je préfère attendre la nuit comme le prescrit le règlement. En attendant, nous marcherons en direction du village des Zikans. J'aimerais m'assurer qu'il ne se promène pas de monstres dans la nature.
- Je ne sais si les primitifs nous accueilleront amicalement. Tu oublies que nous les avons battus il y a moins d'une semaine.
- Nous verrons à les éviter.
- Avant de partir, avale une tablette nutritive. Avec ce réveil matinal, tu n'as rien absorbé. Cinq minutes plus tard, les deux amis se mirent en marche. Pour éviter un trop grand détour, ils avancèrent à flanc de montagne. Heureusement que la pente n'était pas trop abrupte.
Vers le milieu de l'après-midi, Ray montra de l'index un point sombre dans la plaine.
- C'est le campement des Zikans. Il est installé
sur la rive droite de cette minuscule rivière.
- Nous allons encore nous en approcher.
Ils poursuivirent leur marche, se glissant par moments entre de gros blocs de rocher qui avaient dévalé du sommet de la montagne.
- Je n'aime pas cet endroit, grogna Ray. Ces rocs sont très riches en métaux lourds qui perturbent mes détecteurs. Tiens-toi sur tes gardes !
Le conseil ne fut pas inutile car moins de cinq minutes plus tard, les Terriens furent entourés par six guerriers zikans dissimulés derrière les rochers. Ils étaient armés de longues piques dont ils pointaient l'extrémité garnie d'un fer acéré sur les deux amis. Marc leva doucement les bras en disant:
- Je ne viens pas en ennemi et je désire parler à votre chef.
Les Zikans hésitèrent un long moment puis celui qui semblait commander le détachement marmonna:
- Venez mais si vous tentez de fuir, nous vous tuons.
Ils marchèrent ainsi derrière leur guide qui avançait d'un bon pas. Ils avaient atteint la plaine et foulaient une herbe épaisse. Ce fut seulement au soleil couchant qu'ils atteignirent le campement. Il comportait une cinquantaine de huttes faites de branchages parfois doublés de peaux de bêtes. Comme dans beaucoup de villages primi-tifs, il planait une odeur puissante de graisse rance et de sueur.
L'arrivée du petit groupe provoqua une animation certaine. Des gamins de tous les âges ne tardèrent pas à les entourer en poussant des cris de plus en plus aigus. Un homme sortit d'une hutte. Il était grand, maigre avec une chevelure hirsute qui commençait à blanchir.
- Nous avons capturé ces deux voyageurs près des monts du Soleil. Ils disent qu'ils veulent te voir mais je pense qu'ils sont des espions du roi Akin.
Le chef darda son regard très noir sur Marc.
- Qui êtes-vous, étrangers?
Marc réfléchit rapidement. Il lui fallait trouver une réponse crédible pour éviter de se retrouver emprisonné.
- Je suis le chevalier Marc de Stone et voici Ray, mon écuyer. Nous sommes les sujets du comte Boriso.
- Celui dont les domaines se trouvent à trois jours de marche d'ici?
- Effectivement.
- Il est un féal du roi Akin.
- C'est exact, il lui rend hommage tout comme vous tous.
Une discrète lueur s'alluma dans les prunelles du chef.
- Tu es mon prisonnier et je pourrais demander au roi de t'échanger contre Graha qui s'est rendu à lui.
Marc éclata d'un rire un peu forcé, espérant que son interlocuteur ne s'en apercevrait pas.
- Je ne suis qu'un jeune et modeste chevalier. Je n'ai vu qu'une fois le roi et il ne se souvient certainement pas de moi. Pour lui, ma vie ou ma mort n'a aucune importance. Donc, si tu proposes cet échange, il considérera que ton peuple rompt la trêve qu'il a accordée. Il commencera par faire mettre à mort Graha et sa suite puis il viendra ici avec toute son armée pour brûler ton village et massacrer ses habitants.
De grosses rides apparurent sur le front du chef qui mit un moment avant de reprendre:
- Que faisais-tu près des monts du Soleil ?
- Une légende affirme, improvisa Marc, qu'un dragon habite dans ses entrailles. Je le cherche pour prouver ma valeur et être admis à la cour du roi.
L'homme tressaillit vivement.
- L'aurais-tu rencontré?
- Pas encore mais je ne désespère pas d'y parvenir si tant est qu'il existe. Un profond soupir sortit de la gorge du chef.
- Malheureusement, il est bien réel. N'as-tu pas vu l'envoyé de Dieu?
- Je n'ai rencontré personne, ni dieu ni démon. Une larme perla aux paupières du primitif.
- Depuis notre défaite, Dieu nous a abandonnés et pour nous punir de nos péchés, il a envoyé
un monstre qui dévore nos enfants.
Ce fut au tour de Marc de tressaillir.
- Le dragon est apparu ici ?
- Il vient chaque soir et ne disparaît qu'après avoir capturé une proie.
La nuit était tombée et plusieurs feux s'allu-niaient devant certaines huttes. Comme s'il avait deviné la pensée de Marc, le chef reprit:
- Les flammes ne font pas reculer le monstre. Maintenant, il semble même attiré par elles. Il jeta un regard inquiet autour de lui.
- L'heure de sa venue approche, préparezvous à fuir. Malheureusement, nous ne savons jamais par quel côté il va attaquer. C'était pour essayer de découvrir son trajet que j'avais envoyé
des hommes au pied de la montagne. Ce sont eux qui vous ont menés ici.
Des cris s'élevèrent soudain à une extrémité du village. Marc et Ray avancèrent tandis que le chef s'empressait de disparaître, imité par les guerriers qui avaient capturé les Terriens. Ils croisèrent plusieurs villageois qui fuyaient, laissant tomber leurs armes pour courir plus vite. Au passage, Ray ramassa deux lances.
A la faible lueur d'un feu brûlant devant une hutte, le monstre fut enfin visible.
- Il est encore plus gros que ceux de la
caverne, nota l'androïde.
- Ce n'est pas étonnant s'il dévore une proie chaque jour.
- Si je comprends bien, il est au régime suralimenté !
Un primitif trébucha et aussitôt le fauve fut sur lui. Un tentacule le ceintura et l'attira. La gueule monstrueuse s'ouvrit pour engloutir la tête qui fut aussitôt tranchée. La bouche se dilata encore pour arriver à faire passer les épaules. La vision du thorax sectionné dont jaillissait un flot de sang était insoutenable. D'une voix enrouée par l'émotion, Marc cria:
- Il faut l'éliminer mais ne pas te servir de ton désintégrateur. Profite de son horrible festin pour trancher un tentacule avec ton laser.
Une minute s'écoula tandis que les pieds disparaissaient maintenant dans la gorge du monstre. Ce dernier émit alors un cri bizarre, aigu, sans rapport avec son énorme carcasse. Un tentacule tomba sur le sol. Du moignon sectionné coulait un liquide d'un bleu verdâtre.
- Je vais attirer son attention sur la droite pour que tu puisses poursuivre ton tir.
- Entendu mais branche ton écran à bonne
puissance. Cette bestiole a une force phénoménale. Marc avança, agitant les bras et poussant des hurlements jusqu'à ce que les petits yeux rouges se fixent sur lui. Le monstre progressa lentement, ouvrant et fermant la gueule. Marc reculait d'autant pour conserver un intervalle constant. Par instants, une discrète lueur rouge illuminait la base d'un tentacule.
Enfin, l'appendice se détacha avec un nouveau jaillissement de liquide. L'exérèse devait être douloureuse car un nouveau cri retentit, plus aigu. Soudain, l'animal avec une vitesse stupéfiante se lança sur Marc. Les deux tentacules restants s'enroulèrent autour de lui et l'attirèrent tandis que la gueule s'ouvrait démesurément. Ray réagit avec sa promptitude électronique. Deux sauts prodigieux l'amenèrent près du monstre et il planta sa lance dans l'œil de toute sa force. Il perçut un léger craquement et l'arme s'enfonça d'une quarantaine de centimètres. Non encore satisfait, il retira un peu sa pique puis l'enfonça à nouveau en exerçant un mouvement de rotation pour aggraver la blessure.
Un instant, il eut un tragique sentiment d'inutilité. Les tentacules continuaient à se rétracter et Marc était à moins d'un mètre de la gueule béante. Au moment où il allait actionner son désintégrateur, Ray fut déséquilibré par le violent tremblement qui secoua l'animal. Les tentacules lâchèrent Marc et vinrent frapper l'androïde. Sous le choc, ce dernier roula sur le sol mais se redressa, prêt à faire face à un nouvel assaut. Pendant ce temps, Marc avait ramassé sa lance et, plein de hargne, la ficha dans l'œil encore ouvert. La bête tourna sur elle-même, agitant ses deux tentacules qui ne frappaient plus que le vide. Elle poursuivit deux minutes son manège tandis que des tremblements de plus en plus violents animaient tout son corps. Les lances encore fichées dans ses yeux dansaient un curieux ballet qui aggravait ses lésions.
- En vision X et scanner, je devine ce qui doit lui servir de cerveau. Il est progressivement envahi par une hémorragie, murmura Ray.
Le monstre s'affaissa lentement sur ses courtes pattes dont les griffes labourèrent le sol. Après un moment qui parut à Marc durer une éternité, les tremblements cessèrent. Il voulut avancer mais l'androïde le retint.
- Attends, je distingue encore une activité cardiaque. Cet organe est situé non loin de la queue. Nous n'aurions eu aucune chance de l'atteindre. Encore heureux que ce qui lui sert de cerveau se soit trouvé à la bonne place.
- Enregistre les détails anatomiques, cela distraira les grosses têtes de la Faculté.
- C'est fait ! Maintenant, nous pouvons savourer notre triomphe, le cœur vient de cesser de battre.
Marc s'essuya le front qui ruisselait de sueur puis se frictionna les côtes. Sans son écran, elles auraient été écrasées par la pression.
Quelques villageois revenaient, porteurs de torches. Ils avançaient craintivement, doutant encore du trépas du monstre. Leur joie éclata enfin, marquée par de grands cris et des sauts. Les plus hardis allèrent jusqu'à donner des coups de pieds dans la carcasse immobile. Le chef serra Marc et Ray dans ses bras.
- Vous êtes de valeureux guerriers. Jamais je n'ai connu pareil exploit. Vous êtes les sauveurs de notre peuple.
Un peu embarrassé par les louanges qui ne cessaient, Marc se dégagea doucement.
- Nous souhaitons seulement un seau d'eau pour nous rafraîchir.
- Venez dans ma hutte, mes filles s'occuperont de vous en attendant le moment du repas.
Après une brève hésitation, il ajouta:
- Pensez-vous que la chair de ce monstre soit comestible ?
Marc frissonna à l'idée d'avaler un morceau de leur victime.
- Je ne le crois pas, s'empressa-t-il de
répondre. Elle est sûrement empoisonnée comme tout ce qui vient du diable.
- Nous nous contenterons de nos provisions. La hutte du chef était vaste mais occupée par une dizaine de femmes d'âges variés. Un baquet fut apporté et empli d'eau que les filles allaient puiser à la rivière toute proche. Deux jeunes femmes firent signe à Marc de se déshabiller. Comme elles trouvaient qu'il était lent, elles s'attaquèrent à la fermeture de son pourpoint. Il n'eut que le temps de débrancher son écran protecteur. Il se retrouva vite entièrement dévêtu et il s'accroupit dans le baquet. Aussitôt, les filles saisirent un morceau de chiffon et entreprirent de le rincer et de le frictionner. Elles échangeaient des regards amusés et poussaient de petits gloussements jusqu'à ce que la plus âgée leur intimât l'ordre de se taire.
Satisfaites de leur travail, elles le firent se lever et l'enveloppèrent dans un grand drap blanc. Cinq minutes plus tard, Ray subissait le même traitement qui ne sembla pas lui déplaire. Enfin habillés, les Terriens se virent offrir par la vieille une coupe emplie d'un liquide ambré
légèrement pétillant. Le chef reparut pour les convier au souper. Au milieu de la place, un grand feu avait été allumé et un animal rôtissait sur une grande broche. Celui qui faisait office de cuisinier commença à découper de larges tranches de viande que les femmes portaient aux convives assis en cercle autour du foyer.
Le repas dura longtemps, trop longtemps au goût de Marc vite repu. La viande était ferme et distillait une odeur de faisandé peu agréable. Il regarda les villageois qui laissaient éclater leur joie d'être délivrés du fléau qui pesait sur eux. Enfin, le chef se leva tapotant d'un air satisfait son ventre. Il émit quelques éructations sonores et s'essuya les mains dégoulinantes de graisse sur les cheveux.
- Venez, amis, il est temps de se reposer. Il les guida vers une hutte qui semblait vide. Elle avait appartenu à un malheureux que le monstre avait dévoré. Il y régnait encore une lourde odeur de sueur.
- Je vous souhaite une excellente nuit.
De la main, il désigna deux jeunettes qui l'avaient suivi.
- Mes filles vous tiendront compagnie.
Puissent-elles concevoir des fils qui aient votre force et votre courage.
Tandis qu'elles pénétraient dans la hutte, il ajouta avec un gros rire:
- Surtout n'hésitez pas à les fouetter autant que vous le désirerez si elles ne vous donnent pas entièrement satisfaction.
A la lumière tremblante du feu, Marc devina deux paillasses posées à même le sol. Des mains habiles défirent ses vêtements et il se retrouva bientôt allongé avec un corps souple et nerveux qui se collait contre lui. Il resta immobile, gêné
par la présence de Ray couché à trois mètres de lui. Il perçut la pensée ironique de son ami.
-Décontracte-toi, Marc. J'ai débranché mes enregistreurs depuis notre entrée dans la case. Tu sais que c 'est une fantaisie que je peux me per- mettre bien que cela ne figure pas dans mes pro- grammes.
Il percevait des mouvements furtifs et un soupir ample prouva que Ray était parvenu à franchir le premier obstacle. Le corps de sa compagne collait contre le sien tandis que ses bras cherchaient à
l'enlacer. Il cessa de résister et se laissa entraîner dans un délicieux tourbillon.