CHAPITRE VI

Les rayons du soleil levant qui filtraient à travers les branches des arbres, éclairaient le campement de l'armée royale. Bien qu'un peu courbatu par sa nuit à la belle étoile, Akin était d'excellente humeur. Les pertes étaient moindres qu'il ne l'avait craint la veille. Son armée restait opérationnelle avec un moral renforcé par la victoire. Toute la piétaille connaissait maintenant le chevalier à l'étoile qui s'était manifesté au bon moment pour organiser la défense.

- Chevalier, dit le roi à Marc, je vais vous charger d'une mission de confiance. Vous marcherez en tête avec le comte Boriso pour reconnaître le terrain. Je ne tiens pas à tomber dans un nouveau piège.

Une heure plus tard, Marc chevauchait sur l'étroit sentier aux côtés de Boris. Ray avait insisté pour passer le premier.

- Mes détecteurs biologiques ne décèlent

aucune présence.

- Cela n'a rien d'étonnant, dit Boris. Après les pertes qu'ils ont subies, les Zikans ont besoin de reconstituer leurs forces. Vous en êtes grandement responsable et, croyez-moi, le roi ne s'y est pas trompé. Personnellement, je dois vous remercier car le groupe où j'étais a bien failli se faire massacrer et je tiens encore à la vie.

- Vous aussi m'avez porté assistance quand je me suis trouvé encerclé.

- Je ne pouvais laisser tuer un collègue venu de loin pour nous aider, ironisa-t-il.

Une grosse ride soucieuse barra son front.

- Toutefois, je ne sais s'il n'eût pas été préférable que vous fissiez preuve de plus de retenue.

- Carpenter me l'a déjà fait remarquer.

- Lui, ironisa Boris, il ne prend jamais de risques même pour secourir des amis. Il n'est revenu sur Wreck que pour trousser les servantes le plus souvent possible.

- Il aurait pu trouver les mêmes distractions sur Terre.

- Pas au même prix ! Ici les filles ne courent pas chez le juge quand on les viole. Elles en ont malheureusement l'habitude. C'est le privilège de tous les chevaliers ou guerriers. Croyez-moi, les histoires de l'amour courtois, cela n'existe que dans les bouquins. Le délassement du guerrier, c'est de s'intéresser à la reproduction.

Un peu plus tard, Boris reprit:

- Si vous voulez faire carrière à la cour du roi, vous réussirez parfaitement mais je ne pense pas que c'est votre objectif. Je vais avoir beaucoup de peine à expliquer votre soudaine disparition.

- Les accidents ne sont pas exceptionnels. Vous direz que je suis mort après une malencontreuse chute de kesti.

- Espérons que cela sera crédible.

Les cavaliers émergèrent soudain de la forêt. Une plaine s'étendait devant eux. Les prairies d'un vert agressif étaient piquetées de rares bouquets d'arbres. Au loin s'élevaient d'imposantes montagnes dont certains sommets étaient éclairés par le soleil.

- Voici les monts du soleil, dit Boris. C'est à

leur base que vit la tribu des Zikans qui s'est rebellée.

- Sont-ils toujours aussi belliqueux?

- Rarement. Ils vivent essentiellement de l'élevage des kestis. Ils sont souvent nomades et n'ont pas encore appris la culture du malk. Pourtant, leurs terres sont fertiles et s'y prêteraient. Ils comprendront certainement dans un siècle ou deux où est leur intérêt.

- Maintenant, nous ne risquons plus d'embuscade et nous pouvons attendre le roi. Ils immobilisèrent leurs montures et Ray en profita pour émettre psychiquement:

-Hier soir, j'ai encore perçu une onde mais trop brève pour l'enregistrer. Cela ressemble à

un message concentré comme en utilise la Sécurité Galactique.

-Reste à l'écoute. Qui sait si tu n'arriveras pas à déchiffrer le message. Ne peux-tu situer la direction de la source émettrice ?

-Négatif! Tout est trop rapide.

La troupe royale ne tarda pas à les rejoindre. Akin se dressa sur ses étriers pour voir encore plus loin.

- Nul adversaire en vue, chevaliers. Il semble que l'ennemi ne se risque plus à nous affronter.

- Regardez, sire, une petite troupe apparaît à

l'horizon, dit Marc.

De fait, environ vingt personnes marchaient sur le chemin.

- Serait-ce une avant-garde? Portons-nous à

leur rencontre.

Le roi éperonna sa monture et partit au trot, suivi d'une trentaine de cavaliers. Bien vite, le roi arriva à proximité du groupe. Ce dernier n'avait rien de menaçant. Dix hommes sans armes précédaient autant de jeunes filles vêtues de tuniques de toile blanche.

Lorsque le souverain immobilisa sa monture, le Zikan qui marchait en tête tomba à genoux. Il était maigre avec un visage ridé et une longue chevelure grisonnante.

- Roi Akin, je suis le chef Graha. Je vous apporte ma reddition. Châtiez-moi comme je le mérite mais je vous supplie d'épargner mon peuple. En témoignage de ma soumission, j'offre le double du tribut qu'en ma folie je n'ai pas versé.

Les hommes ouvrirent plusieurs petits sacs contenant des pièces de monnaie.

- J'ajoute ces dix jeunes filles qui seront vos esclaves.

Le roi hésita consultant du regard ses chevaliers.

- Il faut exterminer cette vermine, grogna un énorme type dont le visage s'ornait d'une balafre récente.

Il n'avait pas digéré d'avoir été désarçonné par le filet de lianes.

- Massacrons-les tous puis nous irons brûler leur village.

- Quelle impétuosité, messire. Toutefois, il convient de réfléchir avant d'agir. Graha, comment as-tu eu l'idée de dresser cette embuscade?

Cette manière de combattre n'est pas celle des Zikans.

Le vieux plongea la tête dans la poussière.

- L'envoyé de notre dieu l'avait ordonné.

- Il ne t'a pas donné un bon conseil puisque tu as échoué, dit le roi en éclatant de rire.

- C'est parce que j'avais trop de péchés sur ma conscience. Le plus gros était de vous avoir désobéi. Le roi resta plusieurs minutes silencieux. Des idées contradictoires tournaient dans sa tête. Il fit signe à un homme de ramasser les sacs d'argent. La somme était importante. Pour la réunir, Graha avait dû collecter toutes les pièces de sa tribu. Il ne resterait pas grand-chose à piller en allant au village. Incendier quelques huttes et tuer de misérables paysans n'avait que peu d'intérêt. Le tribut ramassé payait largement les frais de son expédition.

- J'accepte ta soumission, Graha. Toi et ceux qui t'accompagnent serez conduits à mon château où je déciderai de votre sort. Dans ma grande bonté, j'épargnerai ton peuple mais qu'il sache qu'à l'avenir ma clémence ne sera plus aussi grande et qu'à la prochaine rébellion, ils seront tous exterminés.

Tandis qu'il faisait exécuter une volte-face à

son cheval, Marc murmura:

- J'aurais aimé visiter son village et rencontrer cet envoyé de dieu.

- Quel intérêt? dit Boris. Encore un prêtre illuminé qui se prend pour un nouveau Messie. Il en apparaît un tous les ans ou presque. J'ai même été

obligé d'en chasser un de mon bourg. Il avait imaginé organiser une chasse aux sorcières pour en faire brûler une toutes les semaines sur la grande place en face du temple. Or, je n'ai aucun goût pour les autodafés.

Le roi faisait face à sa troupe. D'une voix puissante, il lança:

- Sires chevaliers, notre campagne se termine avec la soumission pleine et entière de Graha. Dans l'honneur, nous pouvons rentrer chez nous retrouver nos femmes ou nos compagnes.

De nombreux vivats retentirent, venant surtout des hommes à pied que la perspective d'une longue marche jusqu'à la montagne n'enchantait guère.