CHAPITRE IX
En embarquant dans le trans, Mike glissa sur la banquette arrière un long sac de voyage.
— Ce sont vos affaires pour la nuit ? Pensez-vous partir en week-end ? grogna Craig.
— Juste un petit nécessaire de campagne, lieutenant. Abrégeant la discussion, elle démarra sèchement tandis que Mike annonçait:
— Voiture alpha. Commençons notre patrouille.
— Bien reçu ! Bon amusement, ricana l'opérateur du centre de contrôle. J'aime mieux être à ma place qu'à la vôtre.
La nuit était tombée depuis plus de deux heures. Dana avait passé tout l'après-midi à discuter avec le capitaine puis avec le procureur Lynch pour enfin obtenir un mandat. Une journée à vous mettre les nerfs en capilotade !
Brusquement, les ruissellements lumineux du centre ville firent place à l'obscurité pesante du quartier Nord. Aucune publicité tapageuse ne brillait sur les toits. Seul un lampadaire sur dix consentait encore à jeter une lumière tremblotante et, sur les façades des immeubles, rares étaient les fenêtres éclairées.
Barnett admirait l'aisance avec laquelle le lieutenant conduisait. Bien évidemment, il ne subsistait aucune plaque indicatrice des rues ou avenues. Comme il lui en faisait la remarque, Craig jeta sèchement:
— Il suffit de connaître son secteur ! Dans un an, si vous êtes toujours dans le coin, la topographie du quartier n'aura plus de secret pour vous. Attention ! Au prochain carrefour, nous tournerons à droite. L'antre de Kostac se trouve cinq cents mètres plus loin. C'est une ancienne usine abandonnée et il a colonisé la loge du gardien.
— Ce n'est guère luxueux pour un trafiquant qui doit ramasser un joli paquet de fric.
— Mais discret ! Dans ce coin, moins on montre son argent et plus on a de chance de vivre. Croyez-moi, les rats se mangent souvent entre eux.
Trois minutes plus tard, le trans s'immobilisait dans une cour encombrée de ferrailles, de blocs de béton et de tas de gravats. Une lumière crue distribuée par un spot fixé au mur éclairait une baraque rafistolée par des planches et des morceaux de tôle ondulée.
Les traits du visage de Dana se crispèrent soudain.
— Couchez-vous, hurla-t-elle.
Les réflexes de Mike jouèrent aussitôt. Il était juste temps ! Trois jets laser étoilèrent le pare-brise à l'endroit où sa tête se profilait une seconde auparavant. Le lieutenant s'éjecta du trans, roula sur le sol, son pistolaser à la main. Deux tirs rapides éteignirent le projecteur, plongeant la cour dans une obscurité profonde. Dana se redressa et, au pas de course, gagna l'abri d'un conteneur rouillé.
— Barnett, appela-t-elle d'une voix inquiète.
— C'était tangent mais c'est O. K.
— Rejoignez-moi, je vous couvrirai.
Leur dialogue fut interrompu par le sifflement des lasers. Plusieurs jets atteignirent le conteneur, obligeant Craig à se reculer tandis que d'autres rayonnements frappaient le trans. Mike se coula hors du malheureux véhicule.
— Ils sont trois, souffla Dana, mais je n'arrive pas à les localiser.
En silence, Mike extirpa du trans son sac. Il fit glisser la fermeture magnétique pour en sortir un casque dont il se coiffa. C'était un appareillage à vision nocturne. Puis il saisit un fusil laser équipé d'une lunette à visée infrarouge. Aussitôt le casque posé sur sa tête, la scène parut s'illuminer. Bien vite, il discerna une silhouette penchée à une rambarde métallique presque au-dessus de l'abri du lieutenant. Son arme était pointée sur le policier et déjà son doigt se crispait sur la détente. Immédiatement, Mike épaula son fusil et tira. L'homme poussa un cri, lâcha son arme. Il bascula dans le vide pour venir s'écraser à cinq mètres de Craig.
Plusieurs jets laser frappèrent alors le trans, obligeant Mike à s'incruster dans le sol. Profitant du fait que les tirs se concentraient sur son équipier, le lieutenant tira à plusieurs reprises sur l'endroit d'où provenaient les petites lueurs rouges. Le bruit sourd d'un corps arrivant sur le sol lui prouva qu'elle avait fait mouche. Toutefois, elle n'eut pas le temps de savourer son succès car deux jets écornèrent l'endroit où elle se dissimulait, à quelques centimètres de son crâne.
La dispersion du tir permit à Mike de relever la tête. Il scruta la façade lépreuse du bâtiment. Il ne tarda pas à
repérer au second étage le tireur qui était en partie dissimulé par un pilier de béton. Il visa soigneusement jusqu'à
ce qu'une tête s'imprime au centre de la lunette. Une minime pression de l'index... Un sifflement... Un bref éclair rouge... Et l'homme s'affaissa.
— Cette fois, je crois que nous avons fait place nette, dit Mike en se reculant d'un pas.
Un ordre de Dana le cloua sur place.
— Restez à l'abri du trans ! Continuez à surveiller et couvrez-moi jusqu'à ce que j'atteigne la baraque. Progressant par bonds successifs, elle ne tarda pas à
atteindre son objectif. Après un instant d'observation, elle enfonça la porte d'un vigoureux coup de pied. Elle disparut ii l'intérieur. Mike perçut par la fenêtre le reflet d'une torche électrique. Dana reparut et fit signe à Mike de la rejoindre. La lampe éclaira l'intérieur de la maisonnette. Une seule pièce. Sur un grabat malodorant, un corps était allongé, un trou noir au milieu du front.
— C'est Kostac, soupira Craig. Il ne pourra pas confirmer qu'il était mêlé au trafic des lapis oniris.
— Sa mort est au moins un début de preuve.
Revenu près du trans, le lieutenant saisit le micro.
— Espérons que la radio acceptera de fonctionner. Ce fut le cas et la voix de l'opérateur résonna dans le haut-parleur, seulement déformée par le trou créé par un jet laser.
— J'écoute.
— Patrouille alpha, dit Craig. Demandons du renfort. Sachant l'endroit particulièrement dangereux, l'opérateur répondit avec hésitation:
— Je ne sais si nous avons une voiture disponible.
— Pas d'histoire ! rétorqua sèchement Dana. Appelez les sergents Tyson et Mac Nab. Envoyez aussi un corbillard. Nous avons une belle provision de viande froide.
— Et une dépanneuse, ajouta Mike. Notre turbine est hors d'usage.
Ayant reposé le micro, Dana maugréa:
— Il ne nous reste plus qu'à attendre.
Désignant du doigt le casque que son équipier portait toujours, elle ajouta:
— Cet engin semble intéressant. D'où le sortez-vous ?
— Une petite fantaisie que je me suis offerte. Vous devriez avoir le même. C'est très pratique quand on se promène dans le noir.
— Certes mais j'ignorais que ce modèle existait sur Terrania VI.
Un court instant de silence puis Mike murmura:
— Comment avez-vous deviné que nous tombions dans un piège ? Il s'en est fallu de quelques secondes avant que nous soyons transformés en écumoire.
Dana esquissa un léger sourire.
— Le métier, dit-elle. Je me suis brusquement souvenue qu'à ma dernière patrouille l'éclairage était en panne. Ce spot trop brillant m'a inquiétée. Ils avaient dû l'installer pour nous canarder tout à leur aise.
— Une précaution qui les aura perdus.
— A propos, Barnett, merci. Je n'avais pas repéré le type au-dessus de moi. Il allait sans aucun doute me descendre.
*
* *
Le lendemain matin, l'atmosphère régnant dans le bureau du capitaine Kieffer était particulièrement étouffante. Le procureur Lynch avait rejoint Mike et Dana.
— Lieutenant, hurla Kieffer, il est inadmissible que vous ne puissiez accomplir une mission sans vous entourer de cadavres.
— Nous étions en légitime défense, glissa Mike.
— Je sais, grogna le capitaine, article trente et quelque chose. Tout ceci reste à prouver. Dans votre rapport vous mentionnez que vous vous êtes servi d'un fusil laser à
lunette et d'un casque à vision nocturne.
— C'est exact, mon capitaine. Depuis plus d'un an, les forces de la Sécurité Galactique ont reçu l'autorisation de l'utiliser.
— Il ne nous a jamais été distribué de telles armes. Vous n'aviez donc pas le droit de les porter.
— Je suis au regret de vous contredire mais le règlement précise qu'un agent peut utiliser une arme personnelle sous réserve qu'elle soit d'un modèle agréé par le service. Le teint du capitaine commençant à virer au pourpre, le procureur intervint:
— Inutile de poursuivre sur ce sujet. Ce jeune homme connaît certainement les règlements mieux que nous tous. Moi, je souhaite éclaircir un point important. Dardant un regard sombre sur Dana, elle poursuivit:
— Vous aviez un mandat pour appréhender Kostac or vous l'avez abattu.
— C'est faux, protesta Craig, j'ai dit dans mon rapport qu'il était déjà mort quand j'ai pénétré dans la baraque.
— Je confirme la déposition du lieutenant, intervint Mike. J'étais chargé de le couvrir et je n'ai entendu aucun bruit de jet laser.
— Votre témoignage peut être partial dans le but de protéger un équipier qui est votre supérieur direct, objecta Lynch.
— Ceci est une affirmation qui devra être étayée de preuves devant l'ordinateur judiciaire, rétorqua sèchement Mike.
Comprenant l'échec de sa manœuvre d'intimidation, le procureur reprit d'un ton plus conciliant:
— Nous admettrons donc que le suspect a été tué lors de la fusillade qui a suivi votre arrivée.
— Nous n'avons jamais fait feu sur la cabane, dit Dana. Au demeurant, aucun autre impact de laser n'a été retrouvé.
— Ce n'est pas une preuve. Un seul tir par la fenêtre pouvait tuer Kostac.
La colère montait dans l'esprit de Craig mais Mike devança l'explosion qu'il sentait imminente.
— En venant ici, j'ai appelé le médecin légiste. Il ne remettra son rapport que demain mais il m'a donné ses premières impressions. Il situe la mort de Kostac aux environs de neuf heures, certainement pas après neuf heures trente. Or, nous avons quitté le service à neuf heures vingt-huit, très exactement. L'opérateur que nous avons averti pourra le confirmer.
Le procureur fixa son interlocuteur tandis que son visage perdait de sa sévérité.
— En dépit des qualités exceptionnelles de conducteur du lieutenant, il nous était impossible d'être sur place avant neuf heures trente.
— Qu'en concluez-vous, sergent ?
— Avertis que Kostac allait être arrêté, ses complices l'ont abattu. Sans doute craignaient-ils qu'il ne soit trop bavard. Puis ils ont dressé leur embuscade. Ils espéraient certainement qu'on en conclurait que leur ami avait été tué
lors de la fusillade.
Un rire bref échappa au procureur.
— Nous oublierons cette dernière remarque. Si, comme je le pense, le médecin légiste confirme l'heure du décès, nous admettrons sans réserve votre version des faits. Se tournant vers Kieffer, elle ajouta:
— Un rapport précis et bien étayé par des preuves solides évite beaucoup d'ennuis. Encouragez vos hommes à
suivre l'exemple du sergent Barnett. L'ordinateur judiciaire ne pourra que conclure dans un sens favorable. Bonne journée, messieurs. Elle quitta la pièce de son pas décidé. Le capitaine s'épongea le front avec un grand mouchoir à carreaux, soulagé de voir les ennuis s'éloigner.
— Qu'attendez-vous ? grogna-t-il. Si vous n'avez pas de travail, je vais vous en trouver ! Vous devriez déjà être en patrouille.
Dans l'escalier qui menait au garage des trans, Mike marmonna:
— J'aurais bien aimé savoir comment ces types avaient été avertis de notre intervention.
Dana haussa les épaules avec résignation.
— Pour obtenir un mandat, il faut de nombreuses démarches. Il peut toujours y avoir une oreille malintentionnée qui traîne. Au garage, un gros rouquin aux joues vermillon les accueillit, l'air renfrogné.
— Désolé, lieutenant, mais votre véhicule n'est pas réparé, maugréa-t-il. Il me faudra plusieurs jours. J'ai relevé plus de vingt impacts sur la carrosserie et je me demande comment vous pouvez être encore en vie. Toutefois, je vous ferais remarquer que c'est le troisième trans hors d'usage en moins d'un mois. A vous seule, vous donnez plus de travail à mon service que toute la brigade. Ne pourriez-vous partir en vacances quelques semaines pour nous donner le temps de souffler ?
— Trêve de bavardages, O'Malley. Quel véhicule doisje prendre ?
— Celui-ci, c'est le seul qui me reste.
Du pouce, il désigna un trans à la carrosserie froissée en de multiples endroits, laissant apercevoir de larges plaques de rouille.
— C'est une plaisanterie, rugit Craig, vous ne pouvez me donner ce tas de ferraille !
— Je suis désolé, lieutenant, mais se sont les ordres du commandant. Si vous cassez ce trans, cela n'aura pas d'importance car il est programmé pour la réforme. Furieuse, Dana s'installa au volant. Mike, le nez froncé
par l'odeur d'huile rance, prit place à côté d'elle sur un siège défoncé qui laissait échapper ses entrailles de mousse plastique. Sous la sollicitation du démarreur, la turbine accepta de tourner non sans tousser piteusement. D'une allure hoquetante, le trans quitta le garage. Mike saisit le micro pour appeler le standard. Son geste fut trop violent car le fil lui resta dans la main.
— Je ne voudrais pas faire preuve d'un snobisme de mauvais aloi, lieutenant, mais nous ne pouvons partir en patrouille dans cet équipage. A moins que ce soit une nou-velle arme secrète pour éliminer des malfrats. Plusieurs d'entre eux mourront... de rire en nous voyant circuler ainsi.
— Je le sais ! Que proposez-vous ? grogna Craig, les mains crispées sur un volant qui semblait vouloir se détacher.
— A titre exceptionnel, nous pourrions utiliser mon trans personnel.
— Mais la radio ?
— Il est équipé d'un vidéophone et même d'un émetteur-récepteur branché sur les fréquences de la Sécurité
Galactique.
Après un instant d'hésitation et trois hoquets du trans, Dana capitula.
— Entendu ! Où êtes-vous garé ?
— Sur le parking extérieur.
Deux minutes plus tard, elle casa son engin à côté d'un trans de couleur bleu marine aux vitres fumées.
— Si vous l'autorisez, je préfère conduire.
— D'accord, concéda Craig en s'asseyant sur un siège moelleux qui s'adapta immédiatement à ses formes. Tandis que Mike démarrait, elle ouvrit le poste radio.
— Patrouille alpha, en instance de départ.
— Ce n'est pas trop tôt, ricana l'opérateur. Gagnez l'intersection 20e avenue, 17e rue. Attaque d'une bijouterie. Gamma est sur les lieux mais il a besoin de renfort.
— Vous avez entendu, Barnett. Accélérez et prenez la troisième rue à gauche.
Une légère pression sur l'accélérateur fit bondir en avant le trans.
— Je compte sur vous pour me faire sauter la contravention si je suis flashé par les radars !
— O. K. ! Votre engin semble plus rapide que ceux de la Sécurité.
— Exact ! Sur ce modèle, la puissance de la turbine a été augmentée.
Dana huma l'air qui était frais et très discrètement parfumé.
— La climatisation fonctionne en permanence, dit Mike qui avait noté le geste. La commande de réglage se trouve sur le tableau de bord.
— Vous ne vous refusez rien !
— J'avoue aimer mon confort.
— Espérons que vous aurez les moyens de payer les traites.
— Pour l'instant, mon banquier ne s'est pas plaint. Un appel radio l'interrompit.
— Lieutenant, ici Tyson. Trois malfaiteurs. Nous en avons blessé et arrêté un. Les deux autres fuient dans un trans rouge. Ils remontent la 20e avenue vers le nord.
— Nous ne devrions pas tarder à les apercevoir. De fait, Mike conduisait à très vive allure, doublant nombre de trans qui se rangeaient prudemment devant un tel bolide. Dana poussa une exclamation:
— Voilà notre gibier ! Nous gagnons rapidement sur lui. Doublez-le et coincez-le contre le trottoir.
Secouant doucement la tête, Mike répondit:
— J'ai horreur des égratignures sur une carrosserie neuve. Je préfère les pousser à la faute. Nous allons d'abord les secouer un peu.
Il bascula un interrupteur. Une puissante sirène retentit.
— Ils accélèrent, nota Dana dépitée.
— C'est ce que je veux !
Barnett ne se laissa pas décramponner. Il restait quelques mètres derrière le trans. Arrivé à un carrefour, ce dernier vira brusquement, aussitôt imité par le policier.
— Des conducteurs amateurs, sourit Mike. Virage beaucoup trop large. Un nouveau virage à pleine vitesse fut fatal au trans rouge qui dérapa, heurta de l'arrière un lampadaire et alla s'encastrer dans la façade noirâtre d'un immeuble. Mike freina sèchement. Craig sautait déjà à terre, son pistolaser à la main. Devant l'absence de réaction des passagers, Barnett décrocha son micro:
— Patrouille alpha: suspects interceptés. Envoyez une ambulance.
— Et une dépanneuse, ricana l'opérateur.
— Cette fois, cela ne sera pas utile !
Une vingtaine de badauds entourait maintenant les véhicules. Vêtus souvent de loques, ils avaient tous le regard hostile.
— Sécurité Galactique ! Reculez, ordonna Craig en exhibant sa plaque.
Guère impressionnés, les hommes restaient immobiles, poings serrés, visages crispés. La police n'était pas la bienvenue dans ce quartier !
Mike saisit un fusil et rejoignit Dana.
— Circulez, lança-t-il en pointant son arme sur un grand gaillard dépenaillé qui s'était avancé.
Un instant de tension où les adversaires se jaugèrent du regard. Puis l'homme recula en maugréant, imité par les autres spectateurs. Le mouvement accéléra quand, sirènes hurlantes, l'ambulance arriva, suivie d'un trans. Tyson et Mac Nab en descendirent.
Ils aidèrent les ambulanciers à sortir les deux hommes du trans accidenté.
— Ils ne paraissent pas trop mal en point, dit le jeune médecin qui venait de les examiner. Je les emmène à l'hôpital mais je pense que dans quelques jours, vous pourrez les récupérer.
L'ambulance repartit au milieu d'un concert de sirènes. Tyson tournait autour du trans, essayant de regarder à travers les vitres fumées les arrangements intérieurs.
— Pour une fois, O'Malley ne s'est pas moqué de vous. Il vous a donné une voiture de général.
— C'est celle de Barnett, grogna Craig. La journée n'est pas achevée. Au travail !
Il redescendirent l'avenue, à allure raisonnable, cette fois.
— Je dois reconnaître, dit Dana, que vous vous êtes bien débrouillé. Est-ce à l'école de la Sécurité Galactique que vous avez ainsi appris à piloter un trans ?
— J'ai surtout pris des leçons sur un circuit de compétition.
— Belle initiative, quoique onéreuse.
La voix du capitaine fit vibrer avec force le haut-parleur.
— Lieutenant Craig, où êtes-vous ?
— En patrouille sur la 20e avenue.
— Rentrez immédiatement ! Soyez dans dix minutes à
mon bureau ! aboya-t-il.
Mike accéléra brusquement tout en notant:
— Une fois de plus, notre chef vénéré semble d'humeur exécrable. Je me demande comment il n'a pas encore perforé un ulcère de l'estomac. Six minutes plus tard, ils pénétrèrent sur le parking. Il y régnait une vive animation. Des barrières avaient été dressées autour d'un trans dont la partie avant était noircie.
— C'est votre véhicule, lieutenant, dit Mike. Il a pris feu tout seul. Cette fois, on ne pourra rien vous reprocher. Kieffer arborait sa figure des mauvais jours. Il hurla, aussitôt Craig arrivée:
— Lieutenant, expliquez-moi comment vous pouviez être en patrouille alors que votre trans est resté sur le parking !
— En sortant du garage, nous avons constaté que la radio était en panne. Le sergent Barnett a alors proposé
d'utiliser son trans personnel. C'est autorisé par le règlement.
— Je le sais, grogna le capitaine.
— Dans ce cas, quel est le problème ? s'étonna Dana.
— Avez-vous signalé au contrôle ce changement de véhicule ?
— Non, mais cela n'avait aucune importance dès l'instant où notre mission était effectuée. Le poing de Kieffer s'abattit sur sa table avec une telle force que plusieurs papiers s'envolèrent.
— Deux minutes après que vous avez signalé la prise en chasse des malfaiteurs, une explosion s'est produite sur le parking, détruisant le système de direction du trans que vous étiez censée conduire ! Normalement, vous devriez être morte et l'accident attribué à un tir de ces petits malfrats.
— Pensez-vous à un acte criminel ?
— Oui ! Pas à une œuvre de bienfaisance !
— Mais pourquoi ?
— Vous n'avez pas que des amis dans cette ville et même dans le service.
— Il faut diligenter une enquête.
Les lèvres de Kieffer se tordirent en un rictus. Un dogue prêt à mordre !
— Merci ! Je n'ai pas attendu votre conseil ! J'ai interrogé O'Malley. Il n'a pu s'empêcher de bavarder et des dizaines de personnes savaient que le commandant avait ordonné de vous donner ce trans pourri. Il trouvait cela très amusant.
— Qui a eu la possibilité de déposer une bombe ?
— Excellente question ! D'après les premières constatations des experts, c'est un système très simple commandé
par radio. N'importe qui passant par le garage pouvait la coller à l'avant du trans. Ensuite, notre saboteur n'avait plus qu'à se mettre à l'écoute de vos communications pour décider de l'instant où déclencher le feu d'artifice. Le visage du capitaine se fit grave.
— Je n'aime pas ces événements. Vous savez que j'ai beaucoup d'estime et même d'affection pour vous. Très sérieusement, ne voudriez-vous pas changer de service ? A la brigade financière, votre vie serait plus calme. Une vigoureuse protestation jaillit aussitôt des lèvres de Dana.
— Il n'en est pas question ! J'aime le travail que je fais actuellement.
— Prenez au moins une quinzaine de jours de vacances, le temps que les choses se calment.
— Non ! J'aurais l'air de fuir. Le jour où des malfaiteurs m'obligeront à reculer, je vous demanderai alors ma mutation. Je ne serais plus digne d'être dans votre service. Un soupir ample et puissant sortit de la poitrine de Kieffer.
— Je me doutais que vous ne seriez pas raisonnable. Prenez garde à vous, je serais sincèrement désolé s'il vous arrivait un accident. Comment a réagi Barnett ?
— Il n'a manifesté aucune émotion particulière.
— Vous entendez-vous bien avec lui ?
— C'est un excellent équipier. Son travail est correct et je n'ai aucun reproche à lui faire. Il est doué pour ce métier et apprend très vite.
— Espérons qu'à la fin du mois, il ne demandera pas un changement d'affectation. Il n'est pas toujours confortable de se promener à côté d'une cible. Maintenant, filez ! Je dois rendre compte au commandant de ces événements et je crains qu'ils ne les apprécient guère.