À moins d’en avoir fait son métier, crocheter une serrure n’est pas à la portée de n’importe qui. À une époque, j’avais embauché un serrurier professionnel pour qu’il me donne quelques leçons, même si je maîtrisais déjà les bases grâce à l’employé d’une société de recouvrement que j’avais côtoyé adolescent, en traînant devant le magasin de pièces détachées pour auto Norman Lang Motors, à Malden.
Je gardais aussi quelques outils dans la boîte à gants de ma voiture, notamment différents modèles de crochets et d’écarteurs. Mais l’usage des crochets traditionnels nécessitait à la fois de l’adresse, de la patience et du temps, autant de choses que je ne possédais pas. J’ai donc pris mon pistolet crocheteur, un instrument en Inox pas plus encombrant qu’une brosse à dents. Même s’il faisait un peu de bruit, il était beaucoup plus efficace qu’un outil manuel. La batterie était à plat, manque de bol, et j’ai dû me rabattre sur mon bon vieux déverrouilleur, destiné aux policiers qui n’ont pas le temps de se former à la science subtile du crochetage.
S’ils avaient l’avantage de la rapidité, les déverrouilleurs produisaient un claquement relativement bruyant.
Je suis monté par l’escalier latéral qui permettait d’accéder depuis l’extérieur à chacun des logements. Une volée de marches en béton aboutissait à un porche exigu entouré d’une balustrade grise. À partir de là, les marches étaient en bois peint. J’ai poursuivi jusqu’en haut sans faire de bruit, longé la rambarde sur un ou deux mètres et pris la mesure de la situation.
À côté de la porte d’entrée, une petite fenêtre aux rideaux tirés. Une serrure simple, à barillet. Une marque obscure, heureusement, pas une Schlage ou un de ces modèles perfectionnés qui m’auraient donné du fil à retordre.
Un petit voyant rouge indiquait la présence d’un système d’alarme. La diode était éteinte, toutefois, Perreira devait débrancher le système quand il était chez lui.
Ce qui me laissait espérer qu’il était là.
Je n’ai même pas regardé autour de moi. Si par hasard un voisin lève-tôt avait remarqué mon arrivée, il ne fallait surtout pas que ma conduite ait l’air suspecte.
J’ai donc procédé rapidement, mais sans précipitation. Pour commencer, j’ai inséré dans le trou de la serrure un écarteur, de la taille d’un trombone déplié, que j’ai fait tourner plusieurs fois. L’appareil dans ma main droite, j’ai enfoncé l’aiguille dans le trou, à côté de l’écarteur, en prenant soin de ne pas toucher la broche, puis j’ai manœuvré la poignée.
Un claquement sonore.
J’ai été obligé de répéter l’opération une bonne dizaine de fois. L’écho s’est répercuté dans l’allée étroite qui séparait les maisons. Pour que Perreira n’entende rien, il fallait qu’il dorme comme une souche.
À force, j’ai entendu bouger le mécanisme.
Et je suis entré.