– L’équipe de jour va prendre le relais sur tes textos aux pervers ? ai-je demandé.
– Impossible. Un délinquant est toujours susceptible de deviner un changement de correspondant. Même sur un message bref, il y a des petits détails révélateurs dans le ton, dans le rythme des phrases…
Tout en conduisant, j’ai humé une très légère bouffée de son parfum. Je ne l’avais jamais senti sur une autre femme. Une fragrance mêlant rose, violette et cèdre, raffinée, obsédante et inoubliable.
Selon les chercheurs en neurologie, rien n’est plus rapide ni plus puissant que les odeurs pour ressusciter le passé. Il semblerait que le nerf olfactif provoque une réaction dans le système limbique où nos expériences sont gardées en mémoire sur notre disque dur mental.
Le parfum de Diana a fait affleurer une kyrielle de souvenirs, et je dois dire que la plupart étaient agréables.
– Ça fait longtemps que tu es à Boston ? lui ai-je demandé.
– Un peu plus d’un an. J’ai eu des échos de ta présence ici. C’est Stoddard qui t’a envoyé pour que tu installes une antenne à Boston ?
– Non, j’ai créé mon propre cabinet.
J’ai réprimé un sourire, me demandant si elle s’était renseignée à mon sujet.
– Tu es content ?
– Tout serait parfait si le chef n’était pas un chieur psychorigide.
Elle a eu un petit rire mélancolique.
– Nick Heller, chef d’entreprise.
– Tu m’as bien dit Pembroke Street ?
– Oui, une perpendiculaire à Colombus Avenue. Je te remercie.
– Avec plaisir.
– Je suis désolée, à propos de Spike.
– Spike ?
– Gordon Snyder. Il traîne ce sobriquet depuis qu’il est gamin, il n’a jamais pu s’en débarrasser. Ne lui répète surtout pas que je t’en ai parlé.
– Spike. Je pourrais lui trouver une foule de surnoms encore moins charitables. Comment sais-tu que je l’ai rencontré ?
– Je t’ai vu sortir en trombe et, d’après ta tête, l’entretien n’avait pas été un succès.
– Il t’a rapporté notre discussion ?
– Il n’y a pas manqué.
Est-ce que Diana m’avait suivi ? Notre rencontre n’était peut-être pas si fortuite que ça. Elle avait pu avoir envie de me saluer en apprenant que j’étais sur place.
Ça se limitait peut-être à ça. Encore une note à ajouter à mon vieux dossier DIANA MADIGAN.
– Comment tu l’expliques, cette fixation sur Marshall Marcus ?
– C’est un peu sa croisade personnelle.
– Mais pour quelle raison ?
– Les types comme lui, plus la cible est fuyante, plus ils deviennent obsessionnels. Je suppose que tu as déjà entendu ça, Nico.
En effet.
– Il avait l’air beaucoup plus déterminé à épingler Marcus qu’à retrouver sa fille.
– Il est responsable des délits financiers, si tu as besoin d’une explication. D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi tu as traité avec lui si tu recherches une adolescente disparue.
Je me posais justement la même question.
– C’est l’interlocuteur auquel on m’a adressé.
– Marshall Marcus est un de tes amis ?
– Disons un ami de la famille.
– Du côté de ton père ?
– Ma mère a travaillé pour lui, et j’ai de l’affection pour sa fille.
– Tu es bien renseigné sur lui ?
– Pas suffisamment, j’en ai peur. Apparemment, il fait l’objet d’une enquête dans la maison. Tu pourrais m’en apprendre davantage, toi ?
– Pas vraiment, non.
– Parce que tu ne sais rien, ou parce que le FBI enquête sur lui ?
– L’enquête est classée secret, et je ne fais pas partie des initiés.
Je me suis arrêté devant le petit immeuble en pierre à bow-window, garé en double file devant un espace libre où j’aurais pu caser la Defender.
– Encore merci, a dit Diana en ouvrant la portière.
– Attends une minute. J’ai un service à te demander.
– Oui ?
– Penses-tu pouvoir faire une demande de localisation pour le portable d’Alexa Marcus ?
– Ce n’est pas gagné. Ça va être la croix et la bannière de contourner Snyder. Qu’est-ce qui te fait croire qu’il lui est arrivé quelque chose ?
Elle m’a proposé avant que j’aie eu le temps de répondre :
– Et si tu entrais un moment, pour m’expliquer tout ça ?
J’ai haussé les épaules, faussement détaché.
– OK, ce serait trop bête de passer à côté de cette magnifique place de parking.