DICTIONNAIRE DES AUTEURS
ANVIL (Christopher). – Pseudonyme de Harry C. Crosby, Jr., dont les premières nouvelles parurent dans Imagination en 1952. À partir de 1956, la signature Christopher Anvil figura fréquemment aux sommaires de Astounding – puis d'Analog – avec des récits relevant habituellement de l'optique technologique, optimiste pour l'avenir de l'humanité, préconisée par John W. Campbell, Jr. Christopher Anvil a également manifesté à l'occasion un sens de l'humour très réel, sachant notamment se moquer de la prétention de certains sociologues. Il a été moins actif depuis le décès de Campbell.
BROWN (Fredric). – Auteur de plusieurs romans policiers, Fredric Brown (1906-1972) a acquis dans ce domaine un goût prononcé, ainsi qu'une maîtrise profonde, de l'effet de chute final : il l'a adroitement exploité dans de nombreuses nouvelles de science-fiction. What Mad Universe (1949, L'Univers en folie) est à la fois un aboutissement et une parodie du space opera, où Fredric Brown déploie son talent de conteur et sa verve de misanthrope. The Lights in the Sky are Stars (1954) est une étude psychologique du pionnier qui fait réaliser un nouveau projet spatial sans pouvoir y participer lui-même. Au cours de ses dernières années, Fredric Brown a relativement peu écrit de science-fiction, si ce n'est dans un genre qu'il a largement contribué à populariser : la short-short story, récit ultra-court tenant en une ou deux pages de magazine et s'achevant sur une chute fracassante.
BRUNNER (John). – Né en 1934, Brunner a été un des auteurs les plus précoces de la science-fiction anglaise, vendant son premier roman à dix-sept ans à un éditeur de son pays, et sa première nouvelle à Astounding à dix-huit ans. Depuis lors, il s'est consacré à une carrière littéraire, bien qu'ayant exprimé à plusieurs reprises son amertume devant les difficultés que rencontre celui qui a décidé de ne vivre que de sa plume. Après avoir écrit plusieurs romans qui se rattachent plus ou moins au genre du space opera, il s'est surtout consacré à des récits où ses préoccupations psychologiques et sociales se fondent sur des extrapolations de caractères actuellement discernables de nos collectivités. Il s'attache en général à montrer au lecteur l'ensemble des forces en jeu dans les collectivités qu'il décrit. Pour cela, il recourt soit à une multiplication des points de vue narratifs, soit à une édification particulièrement méticuleuse des décors. Il fait rarement la leçon, et ne cherche pas à transmettre un message unique. La part du pessimisme et de l'optimisme, dans sa vision, peut varier d'un récit au suivant. En 1964-65, il fit paraître The whole man et The squares of the city (La ville est un échiquier), qui marquent un tournant définitif dans sa carrière. Le premier roman présente un télépathe contrefait qui réussit à s'assumer progressivement, tandis que le second met en scène deux hommes politiques d'Amérique latine qui règlent leurs comptes a travers une partie d'échecs dont les coups se répercutent, grâce à des techniques de perception subliminale, sur le destin de leurs partisans respectifs auxquels ils ont attribué le rôle des pièces et des pions. Stand on Zanzibar (1968, Tous à Zanzibar) présente un sombre avenir où la Terre est surpeuplée jusqu'à l'étouffement, en utilisant des techniques narratives empruntées à John Dos Passos. The jagged orbit (1969, L'Orbite déchiquetée) considère les interactions entre des complexes industriels, commerciaux et autres dans un avenir où la violence publique est devenue courante. Des raisons de santé ont contraint John Brunner à ralentir son activité après 1975.
BUDRYS (Algis). – Né en 1931 à Königsberg en Allemagne (actuellement Kaliningrad en U.R.S.S.), vivant depuis 1936 aux États-Unis, fils du consul général du gouvernement lituanien en exil, son état civil complet est Algirdas Jonas Budrys. Ses premiers récits de science-fiction furent publiés en 1952 et Budrys s'affirma petit à petit comme un des talents véritablement originaux de sa génération. Sa narration progresse fréquemment par des modifications de point de vue, par des successions d'effets kaléidoscopiques dont l'intégration ne s'opère que lentement. Le thème de la liberté, apparent ou sous-entendu dans plusieurs de ses récits, se double souvent de celui de l'individu à la recherche de lui-même. Ce motif de la quête est admirablement utilisé dans Rogue Moon (1960 ; Lune fourbe) où le sujet apparent du roman est l'investigation d'une énigmatique construction laissée sur la Lune par d'antiques extraterrestres. Dans Michaelmas (1977) Budrys présente une vision précise d'une terre dans le proche avenir, autour de la mission d'un journaliste qui s'efforce de démasquer l'adversaire contre lequel il sait qu'il doit lutter. Depuis 1965, Budrys a été critique de livres, dans Galaxy puis dans The Magazine of Fantasy and Science-Fiction, apportant à ses études une remarquable combinaison de points de vue : le métier de l'écrivain s'y allie à l'enthousiasme de l'amateur et à la clairvoyance de l'historien.
CONWAY (Gerard F.). – Apparu pour la première fois dans les pages d'Amazing en 1970, Gerard Conway est en particulier l'auteur de Mindship (1971), un space opera utilisant le motif de la coordination extrasensorielle.
CAMP (Lyon Sprague de). – Né en 1907, ingénieur diplômé, actif pendant quelques années dans une firme spécialisée dans l'étude des brevets d'invention, L. Sprague de Camp fut un des auteurs qui marquèrent, dans Astounding et sous la direction de John W. Campbell, Jr., ce qu'on a appelé l'âge d'or de la science-fiction. Son premier récit, The isolinguals, parut en 1937. Avec P. Schuyler Miller, il écrivit Genus Homo (1941, Le Règne du Gorille). La même année parut en livre Less darkness fall (De peur que les ténèbres), roman devenu un classique et illustrant clairement la manière de l'auteur c'est l'histoire d'un historien américain soudainement transporté de la Rome de Mussolini dans celle du sixième siècle, et qui essaie – avec succès – d'empêcher la venue d'une période d'obscurantisme. La minutie avec laquelle le passé est évoqué et la rigueur méthodique que le protagoniste s'efforce d'appliquer dans son étrange situation procèdent du rationalisme auquel de Camp est resté fidèle tout au long de sa carrière, même dans ses récits fantastiques. Pami ses récits de science-fiction, le cycle de Viagens interplanetarias lui a permis d'utiliser à la fois son goût de la méthode et son intérêt pour le space opera. L. Sprague de Camp a été un des principaux auteurs qui ont ajouté aux aventures de Conan, l'indestructible Cimmérien imaginé par Robert Howard. En 1976, il publia Literary swords and sorcerers, une excellente étude de l'heroic fantasy. Après 1955, de Camp n'écrivit que rarement de la science-fiction ; il avait toutefois signé en 1953 un Science-fiction handbook (révisé et abrégé en 1975 avec la collaboration de sa femme, Catherine Crook) qui fut la plus complète et sérieuse étude historico-littéraire du genre publiée jusqu'alors. Attiré par le roman historique, il s'efforça de faire revivre différentes époques de l'Antiquité selon l'optique de la vie de tous les jours. Il est également l'auteur de plusieurs livres de vulgarisation scientifique ou historique, toujours solidement documentés et écrits de façon claire et vivante : Lands beyond (1952, en collaboration avec Willy Ley) sur les pays imaginaires ; Lost continents (1954, révisé en 1970) sur le thème de l'Atlantide ; The ancient engineers (1963) ; Ancient ruins and archaeology (1964, en collaboration avec sa femme) sur l'histoire de sites archéologiques célèbres ; Spirits, stars and spells (1966, en collaboration avec sa femme) sur l'obscurantisme parascientifique ; Great cities of the ancient world (1972) sur plusieurs grands centres urbains de l'Antiquité et leur rôle dans l'Histoire. Il a écrit une bibliographie de Lovecraft (1975). L. Sprague de Camp est un auteur dont la place dans la science-fiction et le fantastique ne reflète que partiellement la versatilité, la curiosité intellectuelle et la diversité des intérêts. En 1976, il a reçu le Gandalf Award, prix Hugo récompensant d'éminents auteurs de fantastique. En 1978, les Science Fiction Writers of America lui décernèrent leur quatrième Grand Master Award, après Robert A. Heinlein, Jack Williamson et Clifford D. Simak.
GOLDIN (Stephen). – Né en 1947, Stephen Goldin fit à l'Université de Californie des études couronnées par un diplôme en astronomie. Il a exercé divers métiers, dont ceux de négociant et de rédacteur (entre 1975 et 1977, il fut responsable du Bulletin des Science Fiction Writers of America). En tant qu'auteur de science-fiction, il a passé d'un ton pessimiste, manifeste dans la plupart de ses nouvelles, à un optimisme qui apparaît dans ses romans. Parmi ces derniers figure un cycle inspiré des space operas de E.E. Smith, et commencé en 1976 avec Imperial Stars.
KUTTNER (Henry). – Né en 1914. Formé par la lecture de la revue Weird Tales, où il fit ses débuts en 1936 avec des récits d'horreur et d'heroic fantasy ; puis il passa à la science-fiction pour des raisons alimentaires, fit du tout-venant pendant quelques années. En 1940, il épousa Catherine L. Moore, auteur de science-fiction comme lui. En 1942, ils commencèrent à écrire des nouvelles en collaboration, généralement sous des pseudonymes (dont Lewis Padgett et Lawrence O'Donnell) : elle apporte son style, son imagination, son sens de l'épopée ; il fournit son sens de la construction, son goût du morbide, son humour. Tout de suite, c'est la réussite : Deadlock (1942), The Twonky (1942), Mimsy were the Borogoves (1943, Tout smouales étaient les Borogoves), Shock (1943, Choc) imposent le nouvel « auteur » comme un grand technicien de la nouvelle, le premier dans l'histoire de la science-fiction. En ce sens, Henry Kuttner a influencé la plupart des auteurs de la génération suivante. Il a aussi écrit des romans estimables : The Fairy Chessmen (1946, L'Homme venu du Futur), Fury (1947, Vénus et le Titan), Mutant (1953, Les Mutants). Il commença sur le tard des études universitaires et allait obtenir le grade de Master of Arts quand il mourut en 1958.
LAFFERTY (Raphael Aloysius). – Né en 1914, R.A. Lafferty donna à Judith Merril (dans The year's best s-f, 11e série) les notes suivantes en guise d'esquisse d'autoportrait : « Si j'avais eu une biographie intéressante, je n'écrirais pas de la science-fiction et du fantastique pour l'intérêt de remplacement. Je suis, dans le désordre, quinquagénaire, ingénieur électricien, corpulent ». S'étant mis tardivement à l'activité d'écrivain, Lafferty a vite montré qu'il ne ressemblait à aucun autre auteur. Ses idées n'appartiennent qu'à lui, et il en va de même de son style narratif, qui peut paraître bâclé et mal équilibré de prime abord, mais qui possède en réalité une vivacité et une souplesse rythmique peu communes. Dans les univers de Lafferty, l'absurde et l'impossible peuvent se succéder sans attirer l'attention des personnages, ni heurter le lecteur. Ils suffisent, avec les étincelles d'une imagination infatigable, à justifier des récits où il n'y a ni message, ni confession. Parmi ses romans, Past master (1968) met en scène Thomas More, appelé dans le futur pour résoudre les problèmes d'une société qui devrait être utopique – thème qui donne un aperçu de la manière dont agit la « logique » de l'auteur. Ce dernier est cependant encore plus à l'aise dans le genre de la nouvelle, dont Does anyone else have something further to add (1974, Lieux secrets et vilains messieurs) offre un bon recueil. R.A. Lafferty ne fera certainement pas école – il est trop inimitable pour cela – mais sa conversion de l'électronique à la littérature s'est traduite pour la science-fiction par un enrichissement aussi substantiel qu'imprévisible : une nouvelle forme de la rationalisation de la démence.
McINTOSH (J.T.). – Parfois présentée avec l'orthographe J.T. M'Intosh, cette signature est le pseudonyme de James Murdock Macgregor, auteur écossais né en 1925, qui fit ses débuts en 1950 et s'est fait connaître aux États-Unis autant qu'en Grande-Bretagne. J.T. McIntosh recourt habituellement à des thèmes connus – envahisseurs cachés, imminence d'une catastrophe cosmique, mutation, etc. – qu'il traite principalement selon l'évolution psychologique des personnages. Il représente en quelque sorte la transition entre deux époques : celle au cours de laquelle seul un petit nombre d'auteurs britanniques trouvaient audience aux États-Unis, et celle qui les vit s'imposer outre-Atlantique en nombre toujours croissant.
PIERCE (John Robinson). – Né en 1910, spécialiste des sciences de communication, directeur aux Bell Telephone Laboratories entre 1952 et 1971, John R. Pierce a surtout écrit des ouvrages scientifiques, spécialisés ou de vulgarisation, dont An introduction to communication theory (1961, révisé en 1980). Il a écrit des articles scientifiques pour Astounding, habituellement sous le pseudonyme de J.J. Coupling. Il utilisa également celui-ci pour des récits de science-fiction généralement fondés sur l'extrapolation méthodique de données scientifiques plutôt que sur la psychologie des personnages.
REED (Kit). – Pour l'officier d'état civil, Lilian Reed, née (en 1932) Craig. Journaliste, enseignante, auteur de récits fantastiques, réalistes, et de science-fiction. Dans les meilleurs de ces derniers, elle présente, sur un ton généralement paisible et sans prétention, des fables morales où l'élément scientifique reste subordonné à l'importance des problèmes humains.
REYNOLDS (Mack). – Né en 1981, Mack Reynolds fit ses débuts en 1950 et se fit connaître d'abord par des collaborations avec Fredric Brown (en tant qu'auteur, mais aussi en tant qu’éditeur d'anthologie). Il travailla ensuite seul, voyageant beaucoup – notamment en Europe – et traduisant en récits plusieurs de ses préoccupations sociales et politiques. À partir de 1972, il a écrit plusieurs romans présentant différents aspects (non nécessairement compatibles entre eux) de la Terre vers l'an 2000 : Commune 2000 AD (1974), The Towers of Utopia (1975), Rolltown (1976). Lui-même se considère au-dessus de la mêlée, soulignant qu'il a écrit des récits pour et contre chacun des systèmes socio-économiques qu'il connaît.
SCOTT (Robin S.). – Pseudonyme de Robin Scott Wilson qui, né en 1928, commença à publier de la science-fiction après avoir contribué avec Damon Knight à la fondation des Clarion Science Fiction Writers Workshops, sortes de séminaires où auteurs et aspirants auteurs se réunissent pour discuter, critiquer et comparer leurs récits. Il a à son actif, pour une nouvelle parue en 1972, un des titres les moins conventionnels de la science-fiction moderne : For a while there, Herbert Marcuse, I thought you were may be right about Alienation and Eros. Il a aussi publié une anthologie, Those who can (1973), où les nouvelles s'accompagnent de commentaires, observations et conseils pratiques de leurs auteurs.
SELLINGS (Arthur). – Pseudonyme de Robert Arthur Ley (1921-1968), auteur anglais peu prolifique mais méticuleux, et dont les récits se caractérisaient par le climat et la psychologie plutôt que par l'action.
SHECKLEY (Robert). – Né en 1928, Sheckley fit ses débuts en 1952 et s'imposa, au cours des années suivantes, comme l'auteur-vedette de Galaxy qui, à certaines époques, publiait une nouvelle de lui tous les mois et parfois plus (les nouvelles excédentaires étant signées de pseudonymes tels que Phillips Barbee et Finn O'Donnevan). Il contribua plus qu'aucun autre à donner du rythme au récit de science-fiction en éliminant tout ce qui ralentissait l'action et notamment les références scientifiques – ce qui rapproche beaucoup ses nouvelles des contes merveilleux. En outre, il excelle dans l'art du sous-entendu ironique à la manière de Voltaire, tirant des effets brillants du contraste entre la lettre et l'esprit d'une situation. Sheckley est avant tout un auteur de nouvelles (plus d'une centaine), mais il a écrit quelques bons romans comme The status civilization (1960, Omega), Mindswap (1965, Échange standard) et Dimension of miracles (1968, La Dimension des miracles), sans oublier ses incursions dans le roman noir comme Dead run (1961, Chauds les glaçons). Sa nouvelle The seventh victim (1953, La septième victime) ayant été adaptée au cinéma par Elio Petri sous le titre de La decima vittima, il en tira un roman de ce titre (1965). Depuis plusieurs années, la signature de Sheckley apparaît moins souvent dans les revues spécialisées ; mais les récits qu'il publia dans les magazines comme Playboy prouvent que son talent satirique ne s'est nullement émoussé.
TENN (William). – Pseudonyme de Philip Klass, né en 1920. N'a écrit qu'une cinquantaine de nouvelles, surtout dans les années 50, où il fut un des auteurs marquants de la revue Galaxy. Il est connu par son sens de l'humour et sa désinvolture, mais le pathétique et l'amertume ne sont pas moins significatifs de son œuvre. Depuis 1959, il ne fait plus que de rares apparitions aux sommaires, car son temps est pris par l'enseignement de la science-fiction qu'il donne à l'Université de l'État de Pennsylvanie. Il a cependant donné un roman, Of Men and Monsters (1968, Des Hommes et des Monstres). Il a aussi publié une belle anthologie sur le thème de l'enfant dans la science-fiction : Children of Wonder (1953).
WOLFE (Gene). – Né en 1931. Ingénieur diplômé, rédacteur d'un magazine professionnel spécialisé. Ses récits unissent une minutieuse attention envers la science à une écriture précise, évitant les effets brutaux. Sa trilogie The Island of Doctor Death, The Death of Doctor Island (Nebula pour la meilleure nouvelle de 1974) et The Doctor of Death Island (1970-1978) joue sur les relations entre le monde réel et l'imaginaire, à travers un emprisonnement suggéré par les permutations des mots dans les titres. The fifth head of Cerberus (1972, La cinquième tête de Cerbère) réunit trois nouvelles en un récit de colonisation planétaire utilisant les motifs des extraterrestres, de l'ethnologie et des clones. Gene Wolfe est un auteur original, profond, qui mériterait d'être plus largement lu – et relu.