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Le panache blanc de Bayrou
« La gloire se donne seulement
à ceux qui l’ont toujours rêvée. »
Charles de Gaulle
Il ne faut pas se laisser abuser par son discours, une eau tiède qu’il égoutte de sa voix suave, un mélange de généralités humanistes et de bons sentiments. François Bayrou a l’un des caractères les mieux trempés de la classe politique. Un dur à cuire.
Seul contre tous, il obtient à chaque élection un score honorable : 9,3 % aux européennes de 1999 ou 6,7 % à la présidentielle de 2002, après une campagne où, à Strasbourg, il a giflé un gamin qui tentait de lui faire les poches. C’est tout lui et les Français ont apprécié.
Jean Lecanuet, son prédécesseur à la tête des centristes qui fut aussi l’un de ses pères spirituels, disait volontiers : « J’ai raté ma carrière politique. J’aurais dû être gaulliste ou socialiste. Je n’aurais pas passé ma vie à courir après des élus qui, chez nous, suivent les vents et ne songent qu’à aller à la soupe. »
Il n’a pas les doutes de Villepin, il se sent prédestiné, avec la même idée fixe dans la tête, matin, midi et soir. Il ne pouvait donc pas se rallier au parti unique de la droite dont Chirac a jeté les fondements, au lendemain du premier tour. Il aurait été laminé. Il n’est pas de la famille.
En plus, il n’aime pas Chirac. Ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement Bayrou.
Après quoi, leurs relations se sont encore dégradées. Avant les élections européennes de 1999, le chef de l’État a commis l’erreur de le menacer : « Nicolas Sarkozy qui est bien plus européen. Alors, fini, les conneries. Tu vas rentrer dans le rang, François. Sinon, je te casse et tu peux considérer que ta carrière est derrière toi. »
La légende dit que Bayrou a éclaté de rire. C’est son genre. Cet homme n’a peur de rien. Pas plus des menaces que des traversées du désert. Il a cette espèce d’inconscience tranquille qui mène les pas des grands ambitieux, au point qu’ils paraissent souvent sourds et aveugles au monde.
Contrairement à Chirac, Bayrou a une haute idée de lui-même et du métier politique. Le 25 mai 2000, les deux hommes ont eu l’occasion de s’en expliquer. « Un moment de sincérité et de vérité », dit le président de l’UDF qui venait d’apprendre que sa fille anorexique avait été hospitalisée. Après avoir parlé longuement de l’anorexie, leur calvaire commun, ils en viennent à la politique, leur passion partagée. Résumons leur conversation.
Chirac : « Qu’est-ce que tu as toujours à nous faire chier avec les idées ? »
Bayrou : « La politique, c’est fait pour donner aux gens des raisons de vivre. »
Chirac : « Tu exagères. La politique, ce n’est pas des idées. Le Premier ministre est là pour que ça ne se passe pas trop mal en France. Et le président de la République, pour représenter le pays à l’étranger. »
Bayrou : « Ce n’est pas ma conception. »
Après quelques digressions, ils en viennent au mode de scrutin proportionnel, favorable aux centristes, que soutient Bayrou.
Commence alors, entre les deux hommes, un débat hallucinant où le chef de l’État laisse libre cours, avec aplomb, à toute sa mauvaise foi.
« Aucun pays européen n’a jamais adopté la proportionnelle, affirme Chirac.
— Ce n’est pas exact, corrige Bayrou.
— Il n’y a qu’Israël qui l’a adoptée.
— Désolé de te contredire, mais tous les pays européens, sauf la Grande-Bretagne, ont la proportionnelle. »
Alors, Chirac, tranchant comme un couteau : « C’est faux, ça n’a jamais été le cas. »
Tel est Chirac. Une vérité ne le déstabilise jamais. Il lui suffit d’en inventer une autre. Qu’importe la réalité si elle ne va pas dans son sens. Il l’étouffe sous les mots. Le président ne fait pas partie des gens qui, comme disait Pascal, « mentent simplement pour mentir ». Il ment parce qu’il n’aime pas se laisser contredire, fût-ce par l’ordre du monde.


Nicolas Sarkozy, il n’a même pas laissé sa chance au chef de l’État.
Le 22 avril 2001 au matin, lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, il dit à Jacques Chirac : « Tu vas faire 80 % des voix. Tu es donc dans la même position que de Gaulle en 1958. Il faut que tu fasses un gouvernement d’union nationale.
— Tout ça, c’est des conneries, soupire le président. Je vais faire le parti unique.
— Je n’en serai jamais.
— On ne sera pas fâchés pour autant. »
Le jour suivant, Jérôme Monod. Un système qui, selon lui, consiste à mettre toute la droite « dans le même moule ». Avec un « parti unique », ajoute-t-il, il y aura « une opinion unique et une pensée unique ».
Les semaines suivantes, Bayrou tient bon contre Chirac et les siens qui veulent « rayer de la carte » son parti en attirant notamment tous ses élus dans le nouveau parti unique, l’UMP, afin de le priver de tout financement public.
Après le second tour des élections législatives qui suivent la présidentielle, le 16 juin 2002, l’UMP obtient 369 députés. Soit 70 % des sièges à l’Assemblée nationale. Agglomérant le RPR, Démocratie libérale d’Philippe Douste-Blazy, elle est devenue, et de loin, la première force politique du pays.
Mais l’UDF de Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy n’ont pas grand-chose en commun. À un détail près : ce sont tous deux des survivants. Ils ont échappé à la faucheuse chiraquienne qui, depuis des générations, coupe tout ce qui dépasse.
La Tragédie du Président
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