Prologue

LES MILLE ET UNE VIES DE BILLY MILLIGAN

Au cours des deux dernières semaines d’octobre 1977, à quelques jours d’intervalle, trois jeunes femmes furent kidnappées aux abords du campus de l’université de l’Ohio. Les victimes racontèrent toutes la même histoire : après être monté à bord de leur automobile, leur agresseur les avait contraintes sous la menace d’un revolver à s’enfoncer dans la campagne, puis les avait violées.

Moins de quarante heures après le troisième enlèvement, un inspecteur de police de Columbus lisait ses droits à un jeune homme de 22 ans, William Stanley Milligan. L’arrestation du « sadique du campus » constitua un succès spectaculaire pour le commissariat de Columbus.

L’un des avocats des victimes, qui se targuait de n’avoir jamais perdu un seul procès pour viol, déclara : « Cette affaire est gagnée d’avance. Les mandats de la police étaient valides. Avec les pièces à conviction découvertes chez l’accusé, l’identification effectuée par les victimes et les empreintes digitales retrouvées, nous avons tout ce qu’il nous faut. La défense n’a pas la moindre chance. »

Cependant, les deux jeunes avocats commis d’office à la défense de Billy Milligan – Gary Schweickart et Judy Stevenson – remarquèrent vite des incohérences dans le comportement de leur client. Le jeune homme terrifié que Schweickart avait rencontré en prison le premier jour avait demandé à s’entretenir avec un avocat de sexe féminin, parce que les hommes lui avaient toujours fait peur. De retour au cabinet des avocats commis d’office, Schweickart avait glissé la tête à travers la porte entrebâillée du bureau de Judy Stevenson pour lui lancer : « Devine un peu qui a demandé à te voir ? »

Milligan apparut très différent au cours de la deuxième visite, durant laquelle il parla et se comporta comme un escroc gouailleur.

Judy Stevenson confia plus tard à son collègue que le jeune homme aux attitudes enfantines qui avait essayé de se tuer en se frappant la tête contre les murs de sa cellule ne ressemblait en rien au voyou tombé dans une sorte de transe après s’être roulé en boule.

Les deux avocats déposèrent donc une demande d’expertise psychiatrique de Milligan auprès du juge Jay Flowers. Ils croyaient leur client schizophrène et inapte à comparaître. Le juge Flowers ordonna au Centre de santé mentale du Sud-Ouest, à Columbus, d’examiner l’accusé.

Le Centre du Sud-Ouest assigna cette tâche à l’une de ses thérapeutes, Dorothy Turner. La psychologue comprit rapidement qu’elle se trouvait confrontée à un individu affecté du syndrome de personnalités multiples (SPM). Elle rencontra David (âgé de « 8 ans et demi, presque 9 »), apparu afin d’affronter la souffrance. Pour anéantir la douleur, David se cognait la tête contre les murs jusqu’à perdre connaissance. Ce fut lui qui révéla à Turner le secret : le premier « Billy » (la personnalité de base) était maintenu en sommeil parce que Arthur (l’Anglais) et Ragen (le Yougoslave) craignaient qu’il ne se suicide, et eux avec lui, s’il venait à se réveiller.

Bien que Turner possédât une connaissance théorique du SPM, elle n’avait jamais rencontré ce trouble mental au cours de sa pratique clinique. Afin de confirmer son diagnostic, elle fit appel à sa consœur du Centre du Sud-Ouest, la docteur d’origine hongroise Stella Karolin.

Soucieuse de ne pas influencer le jugement de sa collègue, Turner lui indiqua seulement que le jeune prisonnier avait signalé des « trous de mémoire » tout au long de sa vie. Ce détail, que Stella Karolin rapprocha des fortes fièvres infantiles consignées dans le dossier médical de Milligan, la conduisit tout d’abord à supposer que ses amnésies étaient suscitées par des attaques cérébrales. Avant même de rencontrer le jeune homme, elle annonça à Turner que son patient souffrait vraisemblablement de dommages cérébraux ou de troubles épileptiques.

Le sourire ironique qu’elle vit naître sur les lèvres de Dorothy Turner la laissa perplexe.

Dans la salle d’examen de la prison, Turner présenta Danny, Tommy, Allen et Ragen à sa consœur. La psychologue demeura bouche bée durant toute la rencontre, tandis qu’un alter ego après l’autre prenait le contrôle de la conscience de Milligan pour la saluer. Ragen, en particulier, l’impressionna fortement. Après un échange de quelques phrases, il déclara avec son rude accent slave que, de toutes les personnes qu’il avait rencontrées dans la prison, elle était la seule à parler sans accent.

Bien que Stella Karolin ait appris plus tard qu’elle était censée avoir peur de Ragen, elle dut reconnaître qu’il s’agissait de sa personnalité préférée. Depuis cette première rencontre, elle n’a jamais douté de l’authenticité du cas Milligan.

Comme elle l’expliqua par la suite, après avoir traité dans son cabinet privé plusieurs autres patients atteints de SPM, « une fois que vous avez éprouvé la sensation particulière de vous trouver en présence d’une personnalité multiple, vous la reconnaissez immanquablement par la suite. Il s’agit toujours d’une sensation puissante. Vous pouvez sentir les commutations, les changements dans le patient, ainsi que vos propres réactions, de façon très intense. C’est une sensation qui ne ressemble à aucune autre, une sensation dédoublée, une combinaison d’empathie et de compassion. Je l’ai ressentie pour la première fois lorsque j’ai rencontré Billy Milligan ».

Après que Karolin eut confirmé le diagnostic de personnalité multiple, Dorothy Turner téléphona sans attendre à Judy Stevenson.

« La loi ne m’autorise pas vraiment à vous parler maintenant, lui dit-elle, mais si vous n’avez pas encore lu les ouvrages du docteur Wilbur, faites-le. »

Quelques jours plus tard, le gardien chef de la prison appela Gary Schweickart à son domicile.

« Vous n’allez pas le croire, lui annonça-t-il, mais il s’est passé quelque chose de bizarre avec votre client. Il a brisé la cuvette des toilettes de sa cellule à coups de poing et s’est ouvert les veines avec un éclat de porcelaine ! »

Pour prévenir toute nouvelle tentative de suicide, le shérif ordonna que l’on passe la camisole de force à Milligan. Peu de temps après, le médecin qui contrôlait l’état du prisonnier ne put en croire ses yeux. Il appela le gardien de service pour confirmer ce qu’il voyait : Milligan s’était extrait de sa camisole, l’avait roulée en boule pour s’en faire un oreiller et dormait à poings fermés.

La psychologue Dorothy Turner convia Judy Stevenson à rencontrer certaines des personnalités de Milligan. Dans son irréprochable anglais d’Oxford, Arthur expliqua à l’avocate l’image à laquelle il avait eu recours pour aider les plus jeunes des « Habitants » à comprendre le temps volé. Au cours des périodes dans le monde réel, leur avait-il dit, ils se trouvaient « sous le projecteur ». La personne sous le projecteur contrôlait la conscience, tandis que les autres membres de « la famille » observaient ou dormaient à l’arrière-plan, dans l’obscurité.

Stevenson rencontra Tommy, le roi de l’évasion ; la petite Christine, âgée de 3 ans (la plus jeune de la famille) ; Danny, l’adolescent violé et torturé par son beau-père Chalmer ; et Allen, l’escroc beau parleur.

Quelques jours plus tard, l’avocate apprit que, si Arthur contrôlait le projecteur durant les périodes où les Habitants ne couraient aucun danger, Ragen s’en emparait dans les environnements dangereux, tels que la prison dans laquelle il se trouvait à présent, et décidait alors qui pouvait accéder à la conscience. C’était Ragen, gardien de la haine et protecteur de la famille intérieure, doté de la force de dix hommes, qui avait brisé la cuvette des toilettes.

Gary Schweickart demeura sceptique jusqu’à ce que Judy Stevenson lui fasse rencontrer les diverses personnalités de Milligan. L’avocat quitta la prison stupéfait et convaincu. Il ne voyait plus d’autre choix que de demander au juge un bilan psychiatrique complet pour évaluer l’état mental de Milligan au moment des faits, ainsi que son aptitude à passer en jugement.

Schweickart et Stevenson rencontrèrent deux obstacles majeurs au cours de la procédure : le service de Libération sur parole de l’Ohio et l’hôpital d’État pour malades mentaux criminels de Lima.

Parce que Milligan avait été récemment libéré sur parole après avoir effectué deux des quinze années de prison auxquelles il avait été condamné pour cambriolage, John Shoemaker, le directeur du service de Libération sur parole, ordonna que le jeune homme fût immédiatement renvoyé en prison pour n’avoir pas respecté les conditions de sa remise en liberté conditionnelle. Mais Gary Schweickart, conscient de la difficulté à défendre à grande distance un client mentalement perturbé, notamment un cas d’une telle complexité, réussit à convaincre le juge Flowers d’interdire au service de Libération sur parole d’arrêter le prévenu tant qu’il se trouverait dans la juridiction de la cour du comté de Franklin (à Columbus) et pris en charge par le département de la Santé mentale de l’Ohio.

Le second défi était de s’assurer que Billy soit examiné et traité dans un hôpital psychiatrique proche de Columbus. La pratique habituelle dans l’Ohio, durant la période d’observation nécessaire à l’évaluation de la condition psychiatrique d’un accusé, comme pendant les éventuels traitements destinés à le rendre apte à comparaître devant les tribunaux, était d’envoyer le prévenu à l’hôpital d’État pour malades mentaux criminels de Lima. Un établissement qui, de l’avis de la plupart des avocats et des professionnels de la santé mentale, était le pire hôpital psychiatrique de l’Ohio.

Schweickart et Stevenson, qui avaient la certitude que Billy ne survivrait pas dans un tel environnement, firent part de leur inquiétude au juge Flowers. Les avocats soulignèrent également que le caractère unique du trouble mental de leur client nécessitait un diagnostic plus poussé qu’à l’ordinaire et un traitement spécifique. À leur requête, le juge Flowers répondit que Milligan serait examiné à l’hôpital Harding, une institution privée de Columbus. Le docteur George Harding, un psychiatre respecté de la vieille école – sans parti pris sur la question du syndrome de personnalités multiples –, accepta de recevoir Billy dans son établissement et de transmettre ses observations à la cour.

Au cours des sept mois d’examens intensifs et exhaustifs, George Harding consulta différents experts en SPM à travers tout le pays – en particulier la psychiatre Cornelia Wilbur (qui avait déjà traité le cas très largement médiatisé de « Sybille », la femme aux seize personnalités). Avec sa collaboration, le docteur Harding découvrit les dix personnalités principales de Milligan, parmi lesquelles se trouvait le Billy originel, ou « la personnalité de base ». Il présenta Billy aux autres « Habitants » afin d’encourager l’instauration d’un état mental nommé « co-conscience ».

Le 12 septembre 1978 – après avoir observé et traité Milligan pendant sept mois –, le docteur Harding remit au juge Flowers un rapport de neuf pages détaillant l’histoire médicale, sociale et psychiatrique de Billy Milligan :

Le patient a déclaré que M. [Chalmer] Milligan infligeait des violences physiques à sa mère et à ses enfants, et que lui-même avait été victime d’actes de sadisme et de sévices sexuels, dont le viol. Selon les dires du patient, ces événements se sont produits sur une période d’une année, alors qu’il était âgé de 8 ou 9 ans, la plupart du temps dans une ferme où il se trouvait seul avec son beau-père. Il a indiqué avoir eu peur que son beau-père ne le tue plusque [sic] celui-ci avait menacé de « l’enterrer dans la ferme et de dire à sa mère qu’il s’était enfui ».

Harding apprit par l’intermédiaire d’autres collègues et par la lecture d’ouvrages de psychiatrie que la presque totalité des cas de SPM trouvaient leur origine dans des violences subies au cours de l’enfance – en particulier des abus sexuels.

Harding souligna, dans son analyse de la psycho-dynamique du cas Milligan, que le suicide du père biologique de Billy l’avait privé d’affection et d’attention paternelle, le laissant en proie à un sentiment irrationnel de toute-puissance associé à une culpabilité écrasante qui avaient généré en lui de l’anxiété, des conflits internes et une suractivité maladive de l’imaginaire. L’enfant était par conséquent « une proie facile pour son beau-père Chalmer Milligan, qui exploita le besoin de tendresse et d’intimité du jeune garçon pour satisfaire ses propres frustrations au travers d’abus sexuels sadiques... ».

L’identification du jeune Milligan à sa mère battue par son mari, écrivait Harding, avait amené le jeune Milligan à ressentir « sa douleur et sa souffrance à sa place ». Cette identification engendra également « une sorte d’angoisse de séparation qui le conduisit à vivre dans un univers imaginaire aussi inintelligible et imprévisible que le monde des rêves. Cela, ajouté aux rebuffades, aux sévices sadiques et aux violences sexuelles de son beau-père, provoqua en lui des dissociations récurrentes... ».

La conclusion du docteur Harding était claire et sans équivoque :

Selon moi, le patient est désormais apte à comparaître devant le tribunal, ayant accompli une fusion de ses multiples personnalités [...]. J’affirme également que le patient souffre de maladie mentale et que, en raison de sa maladie, il ne peut être tenu pour responsable des actes criminels [...] commis au cours de la seconde partie du mois d’octobre 1977.

Le procureur du comté de Franklin, Bernard Yavitch, ayant accepté l’expertise psychiatrique de Harding, le juge Flowers annonça qu’il n’avait d’autre choix que d’acquitter l’accusé. Ainsi, William Stanley Milligan rentra dans les annales de la justice américaine comme le premier accusé de crimes graves avoir été déclaré « non coupable pour cause de démence » parce qu’il souffrait du syndrome de personnalités multiples.

Flowers recommanda à la commission d’application des peines de ne pas envoyer Milligan à Lima, mais dans un établissement où il pourrait être traité pour ce trouble mental encore controversé et mal compris. Après examen des éléments du dossier, le juge d’application des peines se rangea à l’opinion du juge Flowers. Il ordonna l’internement de Milligan au Centre de santé mentale d’Athens, pour qu’il y soit pris en charge par le docteur David Caul, un spécialiste du syndrome de personnalités multiples.

Bien que le diagnostic initial de Harding eût révélé, en plus du premier Billy (la personnalité originelle), neuf personnalités distinctes – dix êtres humains complexes d’âge, de sexe et de QI différents, qui répondaient de façon unique aux divers tests psychologiques auxquels ils étaient soumis –, le docteur Caul découvrit rapidement l’existence de quatorze alter ego supplémentaires.

Treize d’entre eux, apprit Caul, avaient été bannis de la conscience et cachés au reste du monde parce que Arthur les considérait comme « indésirables ». Grâce à l’expérience accumulée lors du traitement d’autres victimes du syndrome de personnalités multiples, le docteur Caul parvint à fusionner (ou à mélanger, ou à fondre) les vingt-trois « Habitants » qui se partageaient le corps de Billy en une seule et même personne – un nouvel individu qui n’avait jamais existé auparavant. Cet amalgame de tous les autres membres de la famille, ce dernier-né, se souvenait de tout ce que chacun d’entre eux avait pensé et dit depuis le temps de sa création. Ils l’appelèrent le « Professeur ».

Même si le Centre de santé mentale d’Athens était un établissement de soins civil, et non un hôpital psychiatrique carcéral de haute sécurité, Milligan fut sommé de ne pas quitter le bâtiment jusqu’à ce que le docteur Caul lui en donne la permission. Puisque l’un des aspects du traitement de Billy requérait le développement de sa confiance en lui-même ainsi qu’en son thérapeute, le docteur Caul accrut de façon progressive les prérogatives et l’autonomie de son patient. Dans un premier temps, Milligan ne fut autorisé à quitter le bâtiment qu’accompagné par un surveillant, puis il obtint le droit de sortir seul – à l’instar des autres patients – pour de courtes promenades limitées à l’enceinte de l’hôpital.

Après quelques mois, il eut la possibilité de se rendre en ville accompagné par deux surveillants (afin d’acheter les fournitures nécessaires pour ses peintures, faire un dépôt à la banque quand il vendait une toile ou rencontrer son nouvel avocat). Plus tard, il obtint la permission de quitter l’hôpital, mais cette fois en compagnie d’un seul membre du personnel du centre. Enfin, le docteur Caul prépara Billy à des sorties autonomes par une thérapie intensive à base de jeux de rôles et de mises en situation.

Afin de dissiper tout malentendu potentiel sur cette nouvelle étape, essentielle dans le traitement de Billy, le docteur Caul obtint l’accord du directeur de l’hôpital, prévint les forces de maintien de l’ordre locales et informa le service de Libération sur parole que Billy allait sortir seul de l’hôpital.

Le directeur du service de Libération sur parole pour adultes, John W. Shoemaker, maintint une surveillance constante sur Billy Milligan et son équipe thérapeutique – une entorse à sa politique habituelle à l’égard des malades mentaux placés en liberté conditionnelle. Ses efforts pour ramener Billy en prison au motif qu’il avait enfreint les règles de sa mise en liberté conditionnelle ayant été contrecarrés par le juge Flowers, Shoemaker attendait à présent que Milligan fût « guéri » et que prenne fin la protection de sa détention préventive pour essayer de le renvoyer treize années supplémentaires derrière les barreaux.

Pendant quelque temps, les promenades en ville se déroulèrent à merveille. Le Professeur se montrait fier de sa capacité à demeurer fusionné et évoluait dans la communauté étudiante de l’université de l’Ohio sans se faire remarquer. Le succès du traitement du docteur Caul convainquit Gary et Judy que Billy pouvait mener une vie normale.

Mais à la différence des autres victimes du syndrome de personnalités multiples, qui pouvaient être traitées par leur thérapeute en toute intimité, sous le couvert de noms d’emprunt, Billy Milligan était devenu un personnage public dès son arrestation, largement médiatisée par les journaux télévisés et par la presse écrite. Après que son diagnostic eut été rendu public, ses thérapeutes et lui-même suscitèrent à travers le monde entier une sympathie empreinte de curiosité, mais devinrent les cibles d’une forte hostilité dans l’Ohio. Plusieurs politiciens de cet État attaquèrent les compétences professionnelles du docteur Caul et remirent en cause l’authenticité du diagnostic invoqué par les avocats de la défense. Ni le docteur ni son patient ne se doutèrent que l’orage de critiques qui grondait au-dessus de Columbus se dirigeait droit vers eux.

Le 30 mars 1979, le Columbus Dispatch publia le premier article d’une série consacrée à Billy Milligan et à son thérapeute.

LE DOCTEUR DU SADIQUE
L’AUTORISE À CIRCULER LIBREMENT
par John Switzer
William Milligan, le violeur à personnalités multiples interné au Centre de santé mentale d’Athens en décembre dernier, a été autorisé à vagabonder tous les jours à sa guise et sans surveillance, a appris le Dispatch [...]. Le docteur de Milligan, David Caul, a confirmé au Dispatch que Milligan avait reçu l’autorisation de quitter l’enceinte de l’hôpital pour circuler en toute liberté dans les rues d’Athens

Cet article fut suivi par plusieurs autres qui mettaient en cause le traitement prodigué à Billy. Un éditorial consacré à Milligan s’intitulait : « La société a besoin de lois pour assurer sa protection. »

Deux législateurs de l’État, Claire « Buzz » Bali d’Athens, et Mike Stinziano de Columbus, critiquèrent ouvertement l’hôpital et le docteur Caul, avant de faire pression sur le corps législatif de l’Ohio pour que soit reconsidéré le statut sous lequel Milligan avait été envoyé à Athens. Ils exigèrent également un amendement de la loi qui permettait de déclarer un inculpé « non coupable pour irresponsabilité mentale ».

M. Stinziano insinua (sans aucun fondement) que le docteur Caul autorisait Milligan à « vagabonder librement » parce qu’il écrivait en secret un livre sur le sujet, qui bénéficierait de la notoriété de son patient. Les deux politiciens demandèrent la création d’une commission d’enquête à l’hôpital. La virulence croissante des attaques, relayées par des manchettes accrocheuses et des articles presque quotidiens dans la presse locale, contraignit le directeur du Centre de santé mentale d’Athens à cantonner Milligan à l’enceinte de l’hôpital jusqu’à ce que l’hystérie populaire s’apaise.

Blessé par l’injustice des accusations portées contre son médecin, troublé par la violence des articles qui critiquaient son traitement et mettaient en doute l’authenticité de son diagnostic, le Professeur défusionna. Milligan perdit pied.

La pression s’intensifia pour contraindre la cour à ordonner le transfert de Milligan à l’hôpital d’État de Lima pour malades mentaux criminels.

Le 7 juillet 1979, un article encadré de rouge fit la une du Columbus Dispatch :

LE VIOLEUR BILLY MILLIGAN
POURRAIT SE RETROUVER LIBRE DANS QUELQUES MOIS

Spéculant sur la possibilité que Milligan puisse être considéré sain d’esprit dans un délai de trois ou quatre mois, et qu’il puisse être libéré en vertu d’une interprétation favorable des lois fédérales par la Cour suprême des États-Unis, le reporter qui interviewait le député Stinziano écrivit : « Il [Stinziano] a prédit que la vie de Milligan pourrait être menacée si certains résidents de Columbus le trouvaient errant dans la ville... »

Après dix mois d’attaques incessantes par les politiciens et les médias, le juge du comté d’Athens, Roger Jones, ordonna le transfert de Billy à l’hôpital d’État de Lima – une décision qui sera par la suite jugée attentatoire aux droits de Milligan par la cour d’appel du quatrième district.

Le 4 octobre 1979, Billy Milligan fut conduit dans un fourgon de police à deux cents quatre-vingt-dix kilomètres d’Athens, dans l’établissement désigné par de nombreuses personnes comme « l’hôpital de l’enfer ».

Lieu et date auxquels commence la suite de cette histoire vraie.

Les mille et une guerres de Billy Milligan
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