Épilogue
Étendu dans l’herbe humide à l’ombre des grands arbres, Saùr souriait. Son unique vêtement en peau de loup lui servait d’oreiller, de sorte qu’il apercevait un morceau de la rivière en contrebas.
La fille s’était enfuie en poussant de grands cris. C’est vrai que son coït avait pris des allures rageuses. Pour une première fois, le plaisir avait manqué. Au moment où la vague de jouissance allait le submerger, sa tête avait comme explosé. Il ne distinguait plus les reins tendus de la fille. Des images venues d’ailleurs lui en voilaient la gourmande attraction. Des bruits sourds secouaient la terre, la grotte s’effondrait et il était tombé à la renverse. La douleur. La peur. La panique.
Il avait hurlé. Comme un animal. Comme un guerrier.
Un souvenir.
Un dessin sur la paroi rocheuse. Un drôle de joli rond tout jaune, avec des pointes autour. La seule vision agréable dans ce fouillis d’images qu’il accepta comme des souvenirs personnels.
Saùr se moqua de lui-même. Il se souvenait maintenant très bien.
Quelle délicieuse sensation que cette décharge d’adrénaline ! Elle lui nouait le ventre. Mais la peur était partie. Restait son moteur, son énergie. Et c’était bon.
Saùr éclata de rire, de bon cœur cette fois-ci. Comprendre apportait une sensation de puissance. Et surtout comprendre ça ! Pourquoi les autres ne lui en avaient-ils pas parlé ? Cela devait faire partie d’un rite de passage.
Tant pis ! Il agirait de même. Il se tairait lui aussi. Comme les autres faisaient.
Et puis il reprendrait son ancien nom. Ça sonnait mieux à l’oreille et ce serait plus simple pour tout le monde. Pas besoin d’expliquer qui il était auparavant, dans son précédent corps. Personne ne pouvait ignorer qui était Zagul, le graveur de pierre qui rendait les chasses possibles.
Oui, il y avait de quoi rire quand tout finissait bien !
Mais quelle peur atroce tout de même. Il décida qu’à partir de ce jour, les morts devraient être enterrés, protégés par la Terre Mère jusqu’à leur retour. Maintenant qu’il savait, il allait prendre les choses en main. Un graveur possédait une grande partie du savoir, c’était chose connue, même pour les tribus ennemies.
Zagul-Saùr s’appuya contre un arbre moussu. Déjà à moitié éventré par les montagnes, le soleil descendait mourir derrière la terre. Demain, il renaîtrait de l’autre côté, comme chaque matin.
Zagul s’en voulait de ne pas l’avoir deviné avant. La nature lui indiquait pourtant clairement la solution depuis toujours. Ne renaissait-elle pas fidèlement ? Le soleil, la lune, les étoiles, les nuages, la pluie… tout ce qui l’entourait mourait un jour.
Et renaissait !
Constater une évidence éternelle aurait dû être facile. Zagul se promit dorénavant une plus grande vigilance.
Le soleil disparaissait presque entièrement à présent. Un petit morceau rougeoyait encore entre deux pics. Lorsqu’il s’évanouit, cela lança comme un éclair doré. Sans doute l’âme du soleil s’en allait-elle à toute allure de l’autre côté de la terre prendre possession de son nouveau corps.
Il faudrait qu’il monte là-haut un de ces jours prochains. Il pourrait y adorer le dieu Soleil de plus près.
Il était grand temps de repartir vers la grotte. La nuit, les créatures malfaisantes rôdaient alentour. S’il se faisait attraper, il mourrait encore. Ce n’était pas si grave, mais ça faisait mal et Zagul détestait avoir mal.
Que la vie était belle.
Il grogna de plaisir en repensant encore à sa peur panique, lorsque le plafond de la grotte s’était écroulé sur lui.
C’était stupide tout de même !
Il avait eu peur de la mort…