12
— Mon cher Spencer, articula lentement Franklin, tant il jouissait de cet instant. Je crains qu’il ne vous faille dorénavant composer avec moi. Vous possédez un amoncellement d’antiquités dont vous ne savez que faire. De mon côté, je suis accompagné par le seul homme qui puisse vous en expliquer l’existence.
Franklin entendit grogner à l’autre bout de la ligne. Spencer ne lui demanda pas d’explication inutile et se contenta de beugler :
— Vous proposez quoi ?
— Baissez d’un ton, s’il vous plaît. Vous comprenez bien qu’entre nous, il est inutile de vous égosiller ainsi.
Franklin estima que ce jeu avait suffisamment duré.
— Comment ça, qu’est-ce que je propose ? reprit-il. Mais je ne sais pas. Ce n’est pas moi l’organisateur.
— Voudriez-vous me le passer ? le coupa Malhorne.
— Bien volontiers.
— Monsieur Spencer ?
— Lui-même ! répondit la voix de Spencer, rendue rauque par la colère.
— Julian Stark ! Je crois savoir que vous êtes à ma recherche.
— Vous maniez l’euphémisme avec un certain talent, monsieur Stark.
— Effectivement. J’ai une longue expérience du langage. Mais je ne m’étendrai pas aujourd’hui sur ce point. Plus tard, sans doute. Je reviens sur vos soucis du moment. Vous cherchez à me rencontrer ? Vous êtes sur le point d’y parvenir, je m’y engage.
— À la bonne heure, lâcha Spencer, soulagé. Dites-moi où vous vous trouvez et je fais affréter un avion…
— Pas de précipitation ! le coupa Malhorne. Essayez de me comprendre. Je suis en train de déguster un magnifique plateau de fruits de mer en compagnie de Franklin Adamov. C’est un moment que je ne voudrais en aucun cas ternir par des tractations.
Spencer grogna à nouveau. Pour un homme qui n’envisageait les relations humaines que sous les angles de l’ordre et du contre-ordre, cette conversation virait au cauchemar. Il parvint pourtant à se maîtriser.
— Bien. Je suppose qu’il va me falloir vous attendre un peu.
— Au moins jusqu’à la fin du repas, en effet. Ensuite, je projette un court voyage d’agrément. Oh ! Pas très longtemps, trois ou quatre jours. Après dix années d’enfermement, j’ai envie de voir de nouveaux horizons. Admettez que ce n’est vraiment pas abuser de votre patience. Pour finir, M. Adamov me conduira à vous. Il connaît le chemin, si j’ai bien compris. Bien entendu, il faudra le réintégrer dans votre équipe. Il m’était sans doute inutile de le préciser, n’est-ce pas ?
À l’autre bout de la ligne, Spencer frôlait la crise d’apoplexie.
— Une dernière chose, monsieur Spencer. Je vous conseille de ne rien tenter pour nous intercepter. Si vous ratiez votre coup, croyez bien que plus jamais vous ne me reverriez !
Puis il raccrocha.
— Je devrais me débarrasser de mon portable, dit Franklin, réfléchissant à voix haute.
— Pourquoi donc ?
— Vous êtes resté trop longtemps coupé du monde. Spencer va pouvoir nous pister si je le garde. Je devrais au moins le déconnecter.
— N’en faites rien.
— C’est risqué…
— Sans doute, mais au moins devront-ils lutter contre la tentation.
Un taxi les déposa au pied d’un immense parking grillagé au milieu duquel trônait une bicoque aux allures de baraque de fête foraine.
Un commercial, costumé de circonstance, les accueillit comme des princes arabes, avec force sourires et courbettes.
Malhorne déclina tour à tour une dizaine de modèles de véhicules, pourtant récents et en parfait état de fonctionnement. Lassé, il abandonna Franklin aux mains du vendeur et partit flâner parmi les rangées de voitures.
Franklin s’apprêtait à signer un contrat de location quand Malhorne revint, le visage fendu d’un large sourire.
— J’ai trouvé exactement ce que je cherchais, dit-il, enthousiaste. La vieille Chevrolet rouge décapotable au fond du parking fera parfaitement l’affaire !
— Pourquoi celle-ci précisément ? C’est un véritable diplodocus de la route ! s’exclama Franklin.
— Disons qu’il s’agit d’un penchant sentimental pour les Chevrolet des années quatre-vingt. Je fermerai une boucle en terminant ce voyage avec.
— Si vous me permettez de me glisser dans votre conversation, intervint l’employé. Cette voiture n’est pas en location, mais à vendre !
— Dans ce cas…, commença Franklin.
— Achetons-la ! Je ne vois pas où est le problème ? le coupa Malhorne. De toutes façons, je vous rembourserai. Alors, c’est d’accord ? Vous me devez bien un petit quelque chose pour me remercier de vous avoir embarqué dans une aussi passionnante aventure !
Le plus difficile pour Malhorne fut de maintenir le véhicule sur une trajectoire rectiligne. La Chevrolet chaloupait de droite et de gauche, frôlant parfois d’un cheveu la carrosserie d’une autre voiture. Seules de brusques embardées les sauvèrent du désastre.
Franklin lui avait abandonné le volant à contrecœur alors qu’ils atteignaient Savannah. Dix années sans pratique font oublier bien des réflexes et ils ne tardèrent pas à entendre s’élever derrière eux la sirène d’un motard.
Malhorne obtempéra aussitôt et se gara sur le bas-côté.
— Je suppose que vous n’avez ni permis de conduire ni papiers d’identité ! gémit Franklin.
— Tout juste Auguste ! clama Malhorne.
Le motard gara sa moto derrière eux et en descendit avec les gestes parfaits d’un flic de série B. Il ajusta ses lunettes de soleil, remonta son pantalon d’un mouvement de hanches et s’approcha de Malhorne, la main posée sur la crosse de son revolver.
— Nous n’avons que deux solutions, continua à se lamenter Franklin. La fuite, ou les menottes ! Remarquez, l’une ne ferait que retarder l’autre !
— Ou l’intoxication précisa Malhorne.
Franklin allait ouvrir la bouche pour se faire préciser de quel type d’intoxication il pouvait bien s’agir quand l’ombre du policier masqua le soleil au-dessus d’eux, comme le lourd présage d’un avenir incertain.
— Bonjour messieurs, fit la grosse voix de l’homme en uniforme. Je suis très curieux de savoir de quelle distillerie vous sortez !
— Monsieur l’agent…, tenta Franklin. Je suis certain qu’avec une courte explication, tout rentrera dans l’ordre ! Nous venons de…
— Papiers du véhicule et du conducteur, s’il vous plaît ! le coupa l’agent. Et puis, pendant que nous y sommes, donnez-moi donc les vôtres avec ! Ça nous fera gagner du temps.
Franklin donna ses papiers à Malhorne, qui les tendit au policier.
— Vous n’avez pas de papiers ? demanda le motard à Franklin. Notez qu’aucune loi n’oblige encore à posséder un permis de copilote. Pas encore, tout au moins.
— Mais, je viens de…, bredouilla Franklin, incrédule.
Le policier vérifia le permis de conduire, puis dévisagea longuement Malhorne.
— C’est bon. Tout est en règle, dit-il en rendant la carte. Vous pouvez y aller. Roulez bien à droite à partir de maintenant !
Malhorne fit tousser le moteur deux fois avant de réussir à démarrer et repartit prudemment. Franklin était abasourdi et restait silencieux. Au bout d’un moment, il vérifia dans le rétroviseur que le policier ne les suivait pas et se tourna vers Malhorne.
— Rangez-vous sur le bas-côté, dit-il d’un ton sec.
— À vos ordres.
Malhorne s’exécuta.
Le visage de Franklin était marqué par un tremblement de colère.
— Vous…, commença-t-il. Vous…
L’ethnologue ne parvenait pas à exprimer ce qu’il ressentait. Il ouvrit la portière et s’éloigna dans le sous-bois.
Malhorne l’entendit hurler son incompréhension. Il coupa le moteur de la Chevrolet et patienta.
Un quart d’heure passa.
Lassé d’attendre, Malhorne partit à la recherche de son compagnon. Il le trouva sans mal, assis sur un tronc d’arbre couché, le visage entre les mains.
— Tout ce que j’entends et vois depuis vingt-quatre heures me fout en l’air, dit-il sans relever la tête.
Malhorne s’installa sur le sol, en face de Franklin.
— Je ne me suis jamais préparé à ça.
Malhorne garda le silence.
Franklin frotta ses paupières et le fixa enfin.
— M’expliquerez-vous ce qu’il s’est passé tout à l’heure ?
— Que voulez-vous savoir au juste ?
— Arrêtez une minute de jouer avec moi, Malhorne. Je concentre toute ma bonne volonté pour ne pas dérailler, vous me suivez ? Alors, si vous voulez que je vous soutienne lorsque nous aurons rejoint la Fondation, il va falloir m’aider un peu.
— Je vous écoute.
— Vous avez fait quoi à ce flic ?
— Je l’ai persuadé que tout allait comme il faut.
— Comme ça ! Sans rien dire ?
Malhorne hocha la tête.
— C’est de la science-fiction, commenta Franklin.
— Ni l’une ni l’autre. C’est un bon usage de l’esprit.
— Vous prétendez que, sans un mot, vous avez amené cet homme à croire ce que vous vouliez ?
— C’est plus nuancé que ça. Disons que j’ai insinué ce sentiment dans sa cervelle.
— Ce n’est pas possible !
— Avez-vous une autre explication raisonnable ?
— Il n’y a rien de raisonnable avec vous.
— Alors ?
— Je ne suis pas encore parvenu au temps des conclusions. Je ne dispose pas d’un aussi bel esprit que le vôtre.
— Vous devenez amer, Franklin.
— Pour l’instant, je n’ai que ça à vous offrir.
Malhorne le regarda en souriant.
— Essayez. Je ne vous demande pas de tout prendre en bloc. Ce n’est pas si difficile.
— Vous me demandez de remettre en question l’ensemble de ma vision du monde. Laissez-moi au moins deux jours.
Malgré tout ce que lui hurlait son instinct, Franklin refusait d’y croire.
— Vous n’y arrivez pas ? Rappelez-vous notre rencontre à Tampa. N’avez-vous pas éprouvé un sentiment similaire à celui-ci ?
Franklin croisa les bras. Il n’aimait pas être manipulé.
— Vous faussez tous les rapports humains, Malhorne ! Vous devez vous sentir bien seul !
— Je ne suis pas seul parce que je manipule les gens. Je suis seul parce que mon cas m’oblige à rester seul. C’est très différent.
Franklin se leva et fit quelques pas vers la route. Puis il se retourna vers Malhorne.
— Je crois comprendre, dit-il avec un air grave.
— J’en doute ! Mais ne soyez pas désolé pour autant. C’est mon lot. Je ne lutte pas contre lui.
Malhorne commença à sourire tout seul, puis se mit à rire franchement.
— Et je peux savoir ce qui vous amuse tant ? lui demanda Franklin.
— Vous auriez dû voir votre tête quand le motard nous a laissés repartir !
La Chevrolet avala les kilomètres toute la nuit. À la tombée du jour, Franklin recapota la voiture et installa un lit de fortune sur la banquette arrière. Il s’attendait à tout de la part de son compagnon et l’absence de fatigue de Malhorne ne l’étonna pas.
Il dormit du sommeil du juste jusqu’au petit matin.
— Vous ne prendriez pas un café ? demanda-t-il en s’étirant.
— Je vous attendais justement. Qu’est-ce que vous dormez ! C’est un bonheur à voir.
Franklin scruta le paysage à travers le pare-brise. La bande d’asphalte se déroulait au milieu d’une forêt de conifères où une brume de chaleur inspirait des visions énigmatiques.
— On est loin des États du sud ?
— Caroline du Nord !
Franklin essaya de calculer les kilomètres parcourus au cours de la nuit mais n’y parvint pas. Il lui fallait un café avant de pouvoir faire fonctionner son cerveau.
— J’ai vu une pancarte, il n’y a pas très longtemps, reprit Malhorne. Nous trouverons un motel dans une vingtaine de bornes.
La journée s’annonçait splendide. Le soleil, déformé par l’épaisseur de l’atmosphère, montait au-dessus de la cime des arbres. Peu à peu, la brume se dissipait, rendant à l’environnement son aspect naturel.
— Vous n’avez pas du tout dormi ? demanda Franklin.
— Non, je m’en passe assez bien. Et, en plus, ça me donne l’air plus reposé que vous, lui répondit Malhorne en fixant les cernes foncés qui soulignaient durement les yeux de son compagnon. Regardez ! Nous sommes arrivés.
Malhorne rangea la Chevrolet devant le motel dans un nuage de poussière.
— Cette manie aussi de recouvrir les parkings avec ces cailloux blancs ! critiqua Malhorne. Je vois que rien ne change sous le soleil.
Le long comptoir en zinc sentait l’eau de Javel et la friture. Quelques mouches tournoyaient dans la lumière matinale et l’air, saturé de graisse, collait aux vêtements. Quelque part dans l’arrière-salle, une radio diffusait le bulletin météo de la journée.
Malhorne s’assit au comptoir et s’empara d’une carte.
— Ça vous plaît ? lui demanda Franklin.
— C’est on ne peut plus parfait ! répondit-il, enchanté par le lieu.
Une serveuse sortit de l’arrière-salle en se lissant les cheveux.
— Est-il possible de profiter de votre piscine, mademoiselle ? demanda poliment Franklin.
— C’est réservé aux clients du motel ! grogna-t-elle.
— Et nous n’en faisons pas partie, je suppose.
— Dans le mille ! Vous, vous êtes des clients du bar !
— Eh bien, qu’à cela ne tienne, intervint Malhorne. On va prendre une chambre pour la nuit.
— Une seule !
— Ma foi ! oui.
Le regard qu’elle leur envoya leur fit supposer les pires abominations.
— Bon, finit-elle par dire. C’est payable d’avance.
L’arrière du motel donnait sur des centaines de kilomètres carrés de forêt. Une grande piscine de carrelage bleu offrait ses eaux loin des regards indiscrets de la route, à moitié sous l’ombre des arbres.
— Vous voyez ! Finalement, elle n’a rien dit pour les caleçons.
Franklin sourit et recouvrit son caleçon d’une serviette de bain.
— Je suis peureux comme un gamin ! À mon âge !
— Mais vous êtes un gamin, lui rétorqua Malhorne. Et plus à mes yeux encore !
— Écoutez, poursuivit Franklin devenu tout à coup plus sérieux. J’ai bien compris que vous ne me parleriez pas à moi seul, mais il y a pourtant un détail qui me hante et…
— Allez-y, Franklin. Je peux bien faire une exception, le coupa Malhorne.
— Voilà, commença-t-il, ne sachant pas par quel bout prendre la question. Comme vous le savez, j’ai visité votre propriété à côté de la Nouvelle-Orléans. Et il y a là-bas, ou plutôt il y avait, comment dire… une représentation phallique en or dont je ne parviens pas à m’expliquer la raison.
— Ah ! Monsieur Thanatos. C’est une longue histoire. Pour simplifier, je dirais qu’il s’agit d’un moulage évolutif. J’y ai mis au début un peu d’or de ce qui a fait ma fortune il y a longtemps. C’était l’or des pauvres, des gueux de l’ancien temps. Ensuite, je l’ai refondu à plusieurs reprises. Et à chaque fois il augmentait en volume et en poids. Il y a dedans de l’or aztèque et de l’or nazi. Et aussi l’or du commerce de l’ébène.
— Le profit de l’horreur et de la mort, en somme, commenta Franklin.
— Monsieur Thanatos symbolise ce qu’il y a de plus sombre en chaque être humain. C’est une folie que j’ai pu me permettre d’élever à la gloire des hommes.
Le sujet laissa un voile de silence sur les deux compagnons. Seuls murmuraient encore le clapotis de la piscine et le léger sifflement du vent traversant les conifères.
— À mon tour de vous poser une question, reprit Malhorne au bout d’un moment. Qu’est-ce qui vous a mis sur ma route ?
— Le hasard ! Au cours d’un voyage d’étude dans la forêt amazonienne, je suis tombé sur une statue qui n’avait rien à y faire et le reste a suivi…
— Le hasard ! Comme c’est ironique. Remarquez, j’avais aussi compté sur son aide.
Ils reprirent la route en fin de journée. De temps à autre, un hélicoptère survolait leur voiture. Sans doute Spencer tenait-il à les surveiller, malgré la menace faite par Malhorne.
Lorsque l’aube pointa, ils firent halte dans un autre motel, à tel point semblable au précédent qu’il donnait une sensation de déjà vu. Comme si cette journée s’était bloquée dans le temps. La marque de sa fuite se matérialisa pourtant. Elle émergea de sous le comptoir, dans le corps d’un énorme Noir suant et dégoulinant.
Le café fut meilleur que celui de la veille et l’accueil, bien que rude là encore, ne fut pas entaché de soupçons.
Ils engloutirent une copieuse collation puis Franklin s’empara du téléphone poisseux qui traînait sur le comptoir. Il obtint d’abord le standard de la Fondation, puis la voix de Stacey retentit dans l’amplificateur du combiné.
— Écoute-moi, Franklin, le coupa Stacey. Le standard piste les appels…
— Je m’en doutais un peu, Stacey. Merci pour le geste. Quant aux types de la Fondation, si ça leur chante de nous servir d’escorte, laisse-les faire. Je n’avais pas imaginé une entrée en fanfare mais, tout compte fait, ça ne me déplaît pas.
— Tu veux dire que vous arrivez maintenant ?
— J’admire la constance de ton esprit de déduction, mon vieux. On sera là dans deux heures. J’aimerais que tu préviennes Denis Craig de notre arrivée.
— Il est déjà là. Lui et bien d’autres nouvelles têtes ! On dirait une ruche ici.
— Bon ! On verra tout à l’heure. Si tu avais l’amabilité de venir m’attendre à l’entrée, ça me faciliterait la tâche. Je te rappelle que ma carte d’accès ne fonctionne plus.
— De ce côté, tranquillise-toi. Tu seras accueilli, conclut Stacey.
Franklin retrouva Malhorne au comptoir, les yeux rivés sur une formation de mouches qui tournoyaient autour du plafonnier.
— Avez-vous constaté qu’elles tournent en général dans le sens inverse des aiguilles d’une montre ? lui demanda Malhorne à brûle-pourpoint.
— En effet ! Tout comme le sens d’écoulement des eaux dans l’hémisphère sud.
— Dans la baignoire ?
— Avec mes parents, quand j’étais gamin… Pardon, se reprit-il. Quand je suis gamin !
— Je constate que monsieur est un contemplatif !
— Je n’ai pas embrassé l’ethnologie par hasard.
Deux heures plus tard, la Chevrolet quittait la route nationale pour s’engager sur la voie sans issue qui menait à la Fondation. Les deux voitures qui les avaient pris en chasse depuis peu tournèrent également. Il n’était plus question de changer d’avis. Les dés étaient jetés.
Franklin avait repris le volant. À ses côtés, Malhorne ne disait plus un mot.
Au poste d’entrée, Stacey les attendait comme convenu, accompagné par une ribambelle d’hommes en noir, véritable parodie de film d’espionnage.
— Salut Stacey, lança Franklin en passant la barrière. Ça me fait plaisir de te revoir. D’autant plus que je ne pensais pas que cela arriverait si tôt.
— J’allais te dire la même chose, Franklin lui rétorqua-t-il.
Puis, s’adressant à Malhorne.
— Bonjour monsieur. Bienvenue à la Fondation.
Il fit un signe de tête interrogatif en direction de Franklin.
— Comment dois-je vous appeler ? Monsieur Stark ?
— J’ai plus d’un nom à vous proposer, répondit-il. Ce sera comme il vous plaira, dans un premier temps tout au moins.
Deux hommes vinrent se poster de part et d’autre de Malhorne.
— Franklin, j’ai eu grand plaisir à mener cette escapade en votre compagnie, dit-il en lui serrant le bras. Il y a longtemps que je ne m’étais pas amusé. Vous m’avez fait du bien.
— Ce plaisir a été partagé, je vous assure ! lui rétorqua Franklin, qui subodorait une suite moins drôle.
— Vous avez raison, poursuivit Malhorne, comme s’il lisait dans les pensées de son ami. Je vais devoir changer de personnage et endosser un habit qui leur conviendra davantage. Il me faut dorénavant les convaincre de ma réalité.