« Est-ce que Mattei est rentré ? » demanda
Morturier au planton.
Le planton secoua négativement la tête. Le
commissaire s'assit derrière son bureau et alluma une cigarette. Il
avait fait boucler les deux Khmers rouges sous le motif
d'enlèvement et de séquestration. Toutes ses tentatives
d'interrogatoire s'étaient heurtées à leur silence obstiné, et il
avait fini par renoncer. L'ambulance avait conduit Flohic à
l'hôpital, et il était acquis, sauf incident imprévisible, qu'il
s'en sortirait sans dommage.
Dans le bureau du commissaire se trouvaient
maintenant Godard, Youkphan et Sarun. Celui-ci avait reçu une
injection intraveineuse dans l'ambulance, avalé deux comprimés d'un
médicament dopant, et semblait à peu près sorti de sa
léthargie. Mais il était pâle et visiblement
épuisé. Morturier l'avait fait installer dans l'unique fauteuil du
bureau, les deux autres se contentant des chaises.
« Il y a quelques heures, dit Morturier, je
n'aurais pas donné cher de votre peau, la vôtre, Sarun, et celle de
Godard. Quand nous avons découvert à quelle espèce de tueurs nous
avions affaire, nous avons réalisé le danger qui pouvait vous
menacer, si vous étiez entre leurs mains, ce dont nous n'avions
aucune preuve... Et c'est pourquoi il fallait agir à toute allure
pour les neutraliser avant qu'ils ne commettent l'irréparable. Nous
sommes arrivés à temps, mais je pense qu'il s'en est fallu de
peu.
— C'était quoi exactement, ces affreux, patron ? »
demanda Godard.
Ce fut Youkphan qui répondit.
« Des tueurs d'une espèce particulièrement
sanguinaire. Ceux qu'a fabriqués l'utopie la plus meurtrière que
notre siècle ait connue. Mes frères de race, hélas...
— Les miens aussi, en quelque sorte, dit Sarun.
Jusqu'à mon propre frère qui a été suborné par elle... »
Morturier se leva de sa chaise.
— L'homme assassiné devant ma porte était mon
frère. »
Youkphan intervint.
« Un demi-frère, en réalité. Beaucoup plus âgé. Né
d'un premier mariage du père de Patrick avec une Cambodgienne.
Renié par toute la famille pour avoir rejoint les Khmers rouges dès
les débuts de la formation du mouvement.
— Vous avez affirmé ne pas le connaître. Pour
quelle raison ?
— J'avais peur...
— Peur ?
— Peur des Khmers rouges. Peur de leurs
représailles... Le cadavre devant ma porte était un avertissement,
comprenez-vous ?
— Vous y avez vu un avertissement ?
— Pour moi, c'était un avertissement limpide.
Indiscutable. Clair comme le jour... Il faut avoir étudié de près,
comme je l'ai fait toute ma vie, l'abominable phénomène khmer rouge
pour n'avoir pas de doute là-dessus !
— Et que signifiait cet avertissement, d'après
vous ?
— Je savais qu'il s'agissait d'un
avertissement, mais je n'en connaissais pas
la signification. Voilà pourquoi il fallait que je me taise, parce
que le moindre faux pas de ma part aurait signé mon arrêt de mort.
Une seule chose était évidente pour moi, à ce moment-là : ils
avaient découvert que mon frère les avait trahis et ils l'avaient
tué pour ça... »
Morturier se contenta de hocher la tête. Il y eut
un silence prolongé.
« Youkphan nous a mis entièrement au courant du
plan qu'il avait élaboré avec votre frère, dit Morturier. Et du
rôle que vous étiez appelé à y jouer, en assumant, le moment venu,
la responsabilité du "coup médiatique". Vous aviez donc renoué avec
votre frère ? Depuis quand ?
— Pendant des années, j'ai refusé de penser à ce
frère. Jusqu'à me persuader qu'il n'avait pas existé. Je n'avais
que cinq ans lorsqu'il a rejoint les Khmers rouges, et son nom
n'avait plus jamais été prononcé dans la maison de mes parents.
Mais lui connaissait mon existence, par les articles qui
paraissaient sous ma signature dans la presse cambodgienne. C'est
même lui qui avait suggéré à Youkphan de s'adresser à moi pour le
montage du "coup". Quand Youkphan a pris
contact avec moi, il m'a raconté sa "conversion". À partir du
moment où il travaillait contre ses anciens maîtres, je n'avais
plus de raison de lui tenir éternellement rigueur. Et pourtant je
n'ai jamais pu, pendant ces derniers six mois, me départir d'une
certaine méfiance à son égard, et ne suis pas arrivé à le
considérer comme mon frère.
— Je vois... Essayons de reprendre les choses
depuis le début. Vous trouvez le corps de votre demi-frère devant
votre porte. Vous n'avez pas d'hésitation : pour vous, c'est un
avertissement des Khmers rouges. C'est bien ça ?
— Ça ne pouvait être rien d'autre. L'arrivée du
passeur était prévue pour la veille. Il devenait évident que
quelque chose avait mal tourné et que les Khmers rouges avaient
découvert le complot. La suite me l'a confirmé.
— La suite ?
— Quand ils m'ont enlevé et enfermé dans leur
villa, ils n'ont cessé de me harceler : "Où sont les pierres ? Où
avez-vous caché les pierres ?" C'est bien la preuve qu'ils me
considéraient comme le complice de Didot et
qu'ils pensaient que je savais où elles étaient cachées !
— Et ce n'est pas le cas ? »
Morturier avait posé la question d'une voix calme.
Les mains de Sarun agrippèrent le bras du fauteuil.
« Comment pouvez-vous me soupçonner ? demanda-t-il
d'une voix blanche.
— Je n'ai pas dit que je vous soupçonnais. Je me
suis borné à vous poser la question. Vous m'avez répondu.
Restons-en là. Parlez-nous des circonstances de votre
enlèvement.
— Je ne sais pas comment ça s'est passé...
— Vous dites ?
— Il y a un trou dans mes souvenirs. J'étais chez
moi en train de lire mon journal... Et puis je me suis retrouvé
enfermé dans cette chambre là-bas, sans savoir comment j'y étais
arrivé ! Je ne parviens pas à retrouver ce qui s'est passé dans
l'intervalle. J'ai dû être assommé, parce que j'ai une contusion à
la tête.
— Amnésie temporaire... Laissons cela pour le
moment », dit Morturier.
Il alluma une cigarette.
« Voyez-vous, il y a quelque chose qui m'intrigue
dans les agissements de ces hommes. Pourquoi
ont-ils commencé à vous balancer cet "avertissement" le dimanche
soir, puis attendu deux jours avant de vous enlever pour essayer de
vous arracher la cachette des pierres. Ça ne vous paraît pas
curieux ?
— Si... Mais je n'ai pas d'explication.
— Lorsqu'ils vous ont interrogé, ne vous ont-ils
pas dit pourquoi ils vous avaient lancé cet avertissement ?
— Ils ne m'ont jamais parlé de ça. Ils ne m'ont
parlé que des pierres. Je ne sais même pas bien quand ils ont
commencé à m'interroger, dans la villa. J'avais perdu la notion du
temps. Ils m'avaient forcé à absorber une horrible mixture qui me
donnait d'atroces nausées, entrecoupées de somnolences dont j'étais
incapable de mesurer la durée...
— Je connais cette substance, intervint Youkphan,
c'est un produit employé par les bonzes cambodgiens pour le
traitement des toxicomanes. Il vide la personne de toute volonté,
et affaiblit considérablement sa résistance aux pressions...
— C'est le seul moyen de coercition qu'ils aient
employé contre vous ? demanda Morturier.
— Pas de tortures ?
— Non.
— Combien de fois vous ont-ils soumis à ce
traitement et interrogé ?
— Deux fois, la dernière fois hier...
— Rien aujourd'hui ?
— Non... Ils ont dû comprendre qu'ils faisaient
fausse route et que je n'étais pour rien dans la disparition des
pierres. Je pense que si vous n'étiez pas intervenu, ils n'auraient
pas tardé à me liquider... Il ne leur restait pas d'autre choix...
»
La voix goguenarde de Godard s'éleva.
« Vis-à-vis de moi, ils n'avaient pas d'autre
choix non plus...
— Je sais, tu me l'as déjà dit. Et je crois que le
moment est venu que tu m'expliques pourquoi...
— Pourquoi ? Parce que j'ai vu trop de choses que
je n'aurais pas dû voir, patron... D'abord en suivant ce monsieur
(il désigna Youkphan du doigt), comme j'en avais reçu la mission,
et en tombant en même temps que lui sur un beau macchabée au
premier étage d'un immeuble...
— Ça, nous le savons. Comme nous savons que tu es
entré à sa suite dans la discothèque. Ce qui
nous intéresse c'est ce qui s'est passé après, au bar, quand tu as
disparu...
— C'est là où j'ai fait une grosse connerie,
patron. Un geste malheureux...
— Un geste ?
— J'ai sorti mon téléphone mobile. Pour rendre
compte à Mattei, lui dire où j'étais et comment, par précaution,
j'avais remis le rouleau à l'antiquaire. Seulement, je n'étais pas
dans un bar ordinaire ! Je n'ai pas eu le temps de finir mon numéro
que deux Chinois m'ont attrapé sous le bras et amené à l'étage
au-dessus...
— Pourquoi ?
— Un gars vêtu comme un clochard qui se sert d'un
téléphone mobile, ça éveille des soupçons, surtout dans un lieu où
les gens n'ont pas précisément la conscience tranquille. Et ce
jour-là particulièrement... Parce qu'il faut vous dire que là-haut
se tenait une conférence au sommet d'un type tout à fait
particulier. Quatre personnes réunies dans une salle pleine
d'informatique, dans une atmosphère plus que tendue, et qui m'ont
immédiatement catalogué comme un gars de la police. Ils m'ont
flanqué dans un cabinet noir en attendant de
statuer sur mon sort, mais après m'avoir soulagé de mon mobile et
de mon Leica.
— Quatre personnes, dis-tu ?
— Il y avait deux des tueurs, dont celui qui est
mort, le plus teigneux des trois, un autre Asiatique, probablement
un Chinois, genre play-boy armoire à glace, et... »
La sonnerie du téléphone sur le bureau de
Morturier l'interrompit. Le commissaire écouta longuement, puis il
dit :
« C'est bien... Viens directement à mon bureau. Je
crois que les choses sont claires désormais... »
Il reposa le combiné, alluma une cigarette.
« C'est Mattei. Il sera là dans quelques minutes.
Nous allons l'attendre. »
Sarun se redressa brusquement dans son fauteuil.
Il était devenu d'une pâleur effrayante.
« Le téléphone, dit-il. La sonnerie de votre
téléphone. Elle a déclenché le déclic. Je me souviens,
maintenant.
— Vous vous souvenez de quoi ?
— De ce qu'il s'est passé le soir de mon
enlèvement. »
Il se mit à raconter, soudain prolixe et la voix
râpeuse.
Ce soir-là, il y avait eu
un appel téléphonique. Un appel qu'il avait reçu juste avant. Le
chaînon manquant dans la séquence de ses souvenirs. Comment
avait-il pu l'oublier ? L'agression qu'il avait subie, peut-être...
Il avait entendu dire que les gens victimes de traumatismes
violents perdaient souvent la mémoire de ce qui s'était passé dans
les moments qui les précédaient immédiatement...
Et maintenant, c'était si clair dans son esprit !
Il se souvenait de sa surprise en entendant au téléphone cette voix
naguère familière. Elle appelait d'une cabine publique à proximité
de chez lui, avait-elle expliqué. Elle voulait le voir tout de
suite. Elle se trouvait dans une situation critique et avait besoin
d'aide.
Il avait eu un moment d'hésitation, se demandant
pourquoi elle s'adressait à lui, après toutes ces semaines de
silence. Il avait tenté de poser des questions, mais elle s'était
dérobée, estimant l'affaire trop délicate pour en parler au
téléphone. Il avait fini par céder. Quelques minutes plus tard, le
carillon d'entrée avait sonné. Et, sans méfiance, il avait laissé
là son journal et était allé ouvrir...
Oui, sans méfiance. Leur
liaison avait pris fin depuis plusieurs mois, éteinte de mort
naturelle, sans drame. Par consente-ment mutuel, en quelque sorte.
Pourquoi se serait-il méfié ?
Mais il n'aurait ouvert à aucun inconnu à cette
heure de la nuit. Et cela, elle le savait, bien évidemment. D'où le
recours à cette mise en scène.
Elle avait été leur complice.
Il n'en ressentait pas de réelle désillusion. Elle
n'avait jamais représenté dans sa vie qu'un épisode, une aventure
qui s'était un peu prolongée, un souvenir agréable, sans plus. Une
rencontre d'un soir dans cette discothèque du treizième
arrondissement, où il allait de temps à autre boire un verre et
rencontrer Didot...
« Vous étiez avec Didot quand vous avez fait sa
connaissance ? demanda Morturier
— Oui, le hasard a voulu que nous soyons à côté
d'elle au bar. Nous avions lié conversation. Elle avait trouvé que
nous nous ressemblions et nous lui avions dit que nous étions
frères.
— Je vois », dit simplement Morturier.
Sarun continua : au bout de quelques jours,
Stéphanie avait accepté de le suivre rue
Cadet. Par la suite elle venait l'y rejoindre, de temps en temps...
Une jolie fille, belle silhouette, de la simplicité... Mais il
n'avait jamais su grand-chose d'elle. Elle lui avait dit qu'elle
était secrétaire dans une entreprise de composants électroniques,
et qu'elle n'avait plus de famille. Le sentiment n'avait occupé
qu'une part très exiguë dans leur aventure, et il n'y avait trouvé
que des avantages. Il était le contraire d'un romanesque ou d'un
obsédé sexuel, et redoutait par-dessus tout les complications.
Cette femme agréable, sans problèmes, sans exigences financières,
gaie et intelligente, représentait pour lui un modèle féminin tout
à fait acceptable. Lorsqu'elle lui avait dit que sa société
l'envoyait faire un stage de quelques mois en Espagne et qu'elle
lui téléphonerait à son retour, il n'en avait pas fait une maladie.
Elle ne s'était plus jamais manifestée depuis. Il pensait qu'elle
avait dû revenir, mais il n'avait pas fait d'effort particulier
pour renouer le contact, se disant qu'elle avait sans doute trouvé
ce moyen pour mettre fin à une aventure dont elle s'était lassée.
Lui-même n'avait plus véritablement eu envie de recommencer.
Il n'était même jamais retourné à la
discothèque où ils s'étaient rencontrés...
Il s'arrêta brusquement et se renfonça dans son
fauteuil, l'air épuisé.
« Donc, dit Morturier, elle ne vous a jamais
beaucoup parlé d'elle-même ?
— Parce qu'il n'y avait pas grand-chose à dire !
Elle m'a raconté qu'elle avait tout le temps vécu à Paris, avait
fait des études normales, avant de trouver ce travail dans cette
boîte de composants électroniques.
— Et vous, lui parliez-vous de votre travail ?
coupa Morturier.
— Bien sûr ! Je n'avais pas de raisons de lui
cacher que j'étais journaliste !
— J'imagine qu'elle connaissait votre
spécialisation dans les questions cambodgiennes ?
— Oui, nous en avons souvent parlé !
— Et de la question des Khmers rouges ? »
Sarun ne répondit pas. La voix de Morturier se fit
pressante.
« Fouillez vos souvenirs, monsieur Sarun... Ne lui
auriez-vous pas laissé entendre par hasard que vous étiez sur un
coup fumant, un scoop mondial dont les Khmers rouges seraient la
vedette ? Même si, comme je le pense, vous
avez évité de lui donner aucune indication sur ce que serait ce
scoop ? »
Sarun baissa la tête.
« Peut-être... Je ne me rapelle plus très
bien...
— Je crois que vous ne tarderez pas à vous en
souvenir, monsieur Sarun. Laissons cela pour le moment. Que
s'est-il passé quand vous avez ouvert la porte ?
— Deux des Khmers rouges étaient là. J'ai reçu un
violent coup sur la tête, et j'ai repris connaissance dans la
maison où vous m'avez trouvé.
— Et où j'étais depuis déjà vingt-quatre heures,
dit Godard... »
Un coup fut frappé à la porte et Mattei
entra.
« Voilà la récolte, patron. »
Il posa sur le bureau une petite valise. Morturier
demanda :
« Et la fille ? »
Mattei se contenta de désigner la porte du
doigt.
« Amène-la. »
Elle entra, guidée par l'inspecteur Béchaud, les
mains immobilisées dans le dos par des menottes. Elle était vêtue
d'une robe verte, portait au cou un collier
de perles et aux oreilles de gros anneaux de turquoise. « C'est
vrai qu'elle a une sacrée silhouette, pensa Morturier.
Malheureusement pour elle. Si elle avait eu moins d'allure, elle ne
serait peut-être pas là... »
La voix narquoise de Godard s'éleva :
« Tiens, tiens ! Voilà le quatrième convive de la
réunion de lundi.
— Flic de merde », dit la fille.
Puis ses yeux tombèrent sur Youkphan et elle eut
une sorte de haut-le-corps. Youkphan ne broncha pas.
Morturier prit dans son tiroir une paire de gants,
les enfila, et tira la mallette devant lui.
« La clé ? »
Mattei sortit un petit trousseau de sa
poche.
« Tu les a trouvées facilement ?
— Dans son sac. »
Morturier essaya une des clés, puis une autre,
leva le couvercle et tourna la mallette vers les assistants.
« Regardez bien, dit-il. Car il est probable que
de toute votre vie vous ne reverrez pareil spectacle. »
Les pierres, en vrac dans la mallette, la remplissaient entièrement, en un fabuleux
scintillement de rouge, de bleu, de jaune, de rose.
Morturier referma le couvercle devant les regards
fascinés des autres, décrocha son téléphone et pianota un
numéro.
« Vous m'envoyez trois hommes, avec tout ce qu'il
faut pour envelopper et sceller un objet d'une importance capitale.
Il faudra ensuite le placer au coffre, jusqu'à ce que le greffe du
tribunal le prenne en charge, probablement à bref délai. »
Il raccrocha et alluma une cigarette.
« Stéphanie Girardin, vous serez présentée demain
au juge d'instruction Devaucelles, qui décidera de votre sort.
»
Il fit un signe à Béchaud qui entraîna la jeune
femme. Avant de sortir, elle se tourna vers Youkphan.
« Toi, tu m'as bien eue. Qui aurait pu croire que
tu étais dans le coup ? Un bon vieux soulard, c'est tout ce que tu
représentais pour moi... Crois-moi, tu as eu du pot !
— Vous aussi, vous m'avez eu... Pas une minute je
ne vous ai suspectée. Inquiétant manque de flair, pour un policier
! » répondit Youkphan.
« Un dure journée, dit Morturier, pour nous tous. Alors chacun va maintenant rentrer chez
soi et prendre du repos, moi y compris. Mais il est certain que le
juge d'instruction voudra nous voir tous demain matin. Je vais
l'appeler pour le tenir au courant de la situation et lui demander
de nous réunir. Soyez donc prêts à répondre à une convocation sur
préavis très court. »
Mattei demeura dans le bureau, après que les
autres furent partis.
« Tu n'as pas eu trop de problèmes, demanda
Morturier.
— Aucun. Elle a été tellement surprise qu'elle
s'est laissé cueillir sans résistance.
— Et les objets ?
— Dans le dernier tiroir de la commode de sa
chambre !
— Ça prouve qu'elle ne se méfiait pas du tout. Tu
as cherché partout ?
— Rien d'intéressant en dehors du fait qu'il y
avait deux valises ouvertes sur le lit. Et puis je peux vous dire,
patron : la demoiselle est plutôt bien logée ! Aucun rapport avec
un HLM. Un petit cent cinquante mètres carrés, meublé façon
antiquaire... Pour une employée d'une entreprise de composants électroniques, c'est pas mal du tout
!
— Faudra qu'elle explique ce léger détail au juge
d'instruction, avec le reste... »
Mattei alla vers la porte, sembla hésiter, puis se
retourna.
« Patron, j'aimerais quand même bien savoir ce qui
vous a fait soupçonner cette fille... »
Morturier sourit.
« Un détail, petit. Un simple détail. Tu le sauras
demain. Essaye de trouver par toi-même. Mais que ça ne t'empêche
pas de dormir... »