Abbaye de femmes des
Clairets, Perche, août 1306
Massif royaume dédié à la prière et au travail,
l'abbaye des Clairets, nichée dans un val dont les coteaux étaient
recouverts de vignes qui produisaient un claret1 de bonne tenue, surgissait
brusquement à l'orée de la forêt.
Les centaines d'arpents offerts aux bernardines de
l'ordre de Cîteaux commençaient sur le territoire de la paroisse de
Masle2 . La construction du monastère – décidée par
charte de juillet 1204 à l'initiative de Geoffroy III, comte du
Perche, et de son épouse Mathilde de Brunswick, sœur de l'empereur
Othon IV – s'était achevée en 1212.
Généreusement dotée et exemptée de charges et
d'impôts, l'abbaye des Clairets avait droit de haute, de moyenne et
de basse justice. Les abbesses successives y avaient prérogative de
seigneur en la matière, laquelle incluait les condamnations à la
flagellation, à l'amputation, voire à mort. Les fourches
patibulaires3 servant à l'application des peines avaient
été dressées au champ de potence qui s'étendait entre l'abbaye et
Souarcy. L'abbesse jugeait également les loups capturés dans la
forêt avoisinante pour crime contre le bétail. Les bêtes condamnées
étaient aussitôt pendues, à quelques centaines de toises de
l'enceinte, au lieu-dit du Gibet4 .
De précieux avantages avaient été accordés à ce
couvent de femmes, l'un des plus importants du royaume : des
terres à Masle et au Theil, ainsi qu'une copieuse rente annuelle,
encore grossie par l'afflux des dons de bourgeois ou de seigneurs,
de paysans aisés, voire des aumôneurs condamnés à la largesse en
rachat de leurs fautes.
On y comptait à cette époque près de deux cents
moniales, une cinquantaine de novices et plus de soixante
serviteurs laïcs.
La plupart des bâtiments, dont l'abbatiale
Notre-Dame au nord avec son chœur tourné vers le tombeau du Christ,
avaient été édifiés en grison, un conglomérat naturel noirâtre
composé de silex, de quartz, d'argile et de minerai de fer. Un haut
et interminable mur d'enceinte protégeait le monastère, seulement
troué par trois porteries, dont l'une, Majeure, qui ouvrait au
nord. Juste derrière se trouvaient les édifices où l'on tolérait
les étrangers de passage : l'hostellerie, le parloir et les
écuries. À droite s'élevaient le logement de la grande
prieure5 et de la sous-prieure, puis le palais
abbatial, un édifice trapu d'un étage, guère plus luxueux que les
dortoirs des moniales. L'abbesse et sa secrétaire y travaillaient
et y logeaient. Un peu plus au sud-est commençait le cloître
Saint-Joseph. Derrière s'étendaient l'infirmerie et ses jardins
ainsi que le noviciat. La babillerie y faisait suite, avec ses deux
salles de classe où se relayaient les sœurs écolâtres. On y
accueillait les enfants abandonnés à la nuit devant la porterie
Majeure ou à l'orée des bois environnants, voire les damoiselles de
la société que des parents ulcérés par leurs écarts de sens
menaient bien vite en l'abbaye afin qu'elles y accouchent de leur
fruit inconvenant et qu'elles s'y terrent ensuite leur vie durant
pour ne pas jeter l'opprobre sur le reste de la famille.
Annelette Beaupré soupira d'agacement. Dieu du
ciel ! Elle regrettait tant le calme ordonné de son herbarium.
Toutefois, les derniers mois avaient eu un saisissant effet sur
l'apothicaire que ni les ans, ni les dangers, ni les remontrances
n'avaient pu mater. Une forme de sagesse, une patience aussi,
l'avait investie si prestement qu'elle avait été stupéfaite de les
constater soudain. Annelette y avait vu un legs posthume d'Éleusie
de Beaufort, sa chère mère décédée d'enherbement entre ses bras. La
grande femme anguleuse en venait donc à chérir ses nouveaux traits
de caractère qui l'eussent bien empêtrée autrement. À la
vérité : à quoi sert la patience quand il suffit de tancer un
peu pour obtenir ce qui tarde à venir ? La patience est divine,
répétait sa chère Éleusie, sans tout à fait convaincre sa fille
apothicaire. Qu'aurait Dieu à faire de la patience puisqu'Il
possède l'éternité ?
Annelette repoussa le registre sur lequel elle
détaillait leur vie de la veille avec application à défaut
d'enthousiasme. On avait vendu deux feuillettes* de vin jeune à un
tavernier de Nogent-le-Rotrou, huit livres de miel à un apothicaire
d'Alençon. Les bûcherons avaient travaillé la semaine durant à
l'abattage d'arbres et au rangement des billes dans la réserve des
fours, sous la surveillance maniaque de Sylvine Taulier, la
fournière. Elle devait les compter jour et nuit afin de vérifier
qu'une « sang de rave », ainsi qu'elle nommait les sœurs
de santé et de résistance moins arrogantes que les siennes, n'avait
pas dérobé une bûche pour alimenter le chauffoir et s'y réchauffer
les articulations. Un cerf avait été abattu. Un quart, ainsi que le
voulait la tradition de charité de l'abbaye, rare en ces temps de
presque disette, avait été distribué aux paysans du coin, devant la
porterie Majeure. Le reste avait été accommodé avec passion par une
Elisaba Ferron, sœur organisatrice des repas et des cuisines, qui
braillait à qui voulait l'entendre : « Mon prénom
signifie “Joie”. Liesse dans la maison du Seigneur notre Père. Joie
que ce gibier qui rompra agréablement notre maigre habituel, sur
permission de l'abbesse, qu'elle soit bénie. Tout est joie.
J.O.I.E. » Cette veuve entre deux âges d'un gros commerçant
nogentais avait distribué les paires de claques aux commis
paresseux avec autant d'allégresse qu'elle glissait la pièce en
cachette de son époux aux petits jeunets travailleurs énamourés
d'une jouvencelle6 qui, elle, soupirait surtout après les
rubans de cheveux admirés au marché. Elisaba était de taille et
d'ardeur à assommer un âne. Son caractère trempé, sa voix de
stentor et ses manières de patronne d'éventaire dissimulaient un
cœur aussi large que son opulente poitrine.
Incapable de se concentrer sur cette quotidienne
répétition d'écritures qu'elle jugeait inepte, Annelette ressassa
les événements des derniers mois.
Les délibérations du chapitre7 avaient été interminables,
les tergiversations d'Annelette Beaupré n'arrangeant pas les
choses. Réunies afin d'élire leur nouvelle abbesse, les sœurs
discrètes8 avaient voté en faveur de leur apothicaire.
À l'unanimité moins une voix. Celle de Berthe de Marchiennes, la
cellérière9 , qui jugeait que cette charge lui revenait
de droit et d'ancienneté. Elle s'en était longuement expliquée,
avec sa coutumière suffisance, devant un chapitre qui avait feint
la plus entière attention. Berthe de Marchiennes était au fond si
sotte qu'elle seule l'ignorait encore. Cependant, Annelette
Beaupré, que cette marque d'estime collective encombrait, avait
commencé par décliner un honneur qui lui apparaissait trop
contraignant. Elle était souveraine en son herbarium et s'amusait
assez avec les onguents et les potions qu'elle préparait pour
n'avoir nulle envie de se retrouver derrière la lourde et austère
table de travail qui avait accueilli les heures de madame de
Beaufort et d'autres abbesses avant elle. Certes, elle l'admettait
bien volontiers, le suffrage de ses sœurs l'avait flattée. Le
souvenir de son père, de son frère lui avait fugacement traversé la
mémoire. Le vieux mire se prenait pour un aesculapius10 . Il était vrai que ses innombrables et
grossières erreurs médicales gisaient six pieds sous terre et ne
pouvaient guère le contredire. Grégoire, son fils et digne
successeur, marchait avec ardeur dans ses traces. Comme ils
l'avaient toisée, humiliée, raillée lorsqu'elle avait eu la
crédulité, la stupidité de croire qu'ils pourraient accepter la
démonstration des capacités scientifiques d'une femelle. Ils
s'étaient gaussés à peu de frais, à peu d'honneur. Elle s'en
souvenait comme si la scène s'était déroulée la veille. Elle se
tenait devant eux. Son père avait lâché d'un ton
goguenard :
– Allons, Grégoire… si vous n'y prenez garde,
cette donzelle11 vous apprendra bientôt comment se pratique
une saignée !
Annelette avait perçu leur jubilation mauvaise.
Qu'ils étaient donc satisfaits de la rabaisser ! L'énormité de la
vérité s'était imposée à elle : son intelligence, sa faculté
d'apprendre et d'utiliser la connaissance les avait terrorisés.
Sans même s'y essayer, elle les avait conduits à percevoir leurs
propres limites. Ils ne le lui avaient jamais pardonné.
Étrange : le souvenir de leurs deux visages
hargneux s'était aussitôt évanoui. La rancœur qu'elle avait
éprouvée à leur égard durant ces presque trente années l'avait
abandonnée comme par enchantement. Peut-être une conséquence des
mois d'épouvante qui s'étaient succédé aux Clairets.
Les discrètes avaient ensuite plaidé leur cause
auprès de leur sœur apothicaire, la suppliant de devenir leur mère.
Annelette s'était peu à peu laissé fléchir par leur tendre
insistance. Elles avaient eu si peur alors que rodait entre leurs
murs une sournoise, ou plutôt deux sournoises enherbeuses, qui
n'étaient autres que Jeanne d'Amblin, leur aimable sœur
tourière12 , et Blanche de Blinot, qui faisait office
de grande prieure, jouant de sa prétendue sénilité pour mieux les
mystifier toutes. Si Annelette ne s'était pas dressée contre ces
deux assassines, le pire aurait pu échoir. Et puis,
qu'adviendrait-il des Clairets si Berthe de Marchiennes en prenait
la tête ? Cette perspective semblait les assombrir toutes. Thibaude
de Gartempe, sœur hôtelière13 , dont la constante nervosité avait
toujours irrité Annelette, devait résumer la situation avec une
étonnante clarté :
– Enfin… je me déteste de manquer de charité mais,
en dépit de son érudition et de sa foi, Berthe est butée comme
seuls savent l'être les imbéciles ! D'autant qu'elle n'a jamais
fait montre de la compassion que l'on peut souhaiter d'une
abbesse.
Annelette avait assisté, abasourdie, au portrait
qu'elles esquissaient peu à peu d'elle. L'apothicaire, dont toutes
avaient redouté la mine revêche et les reparties acerbes, devenait
leur sauveur et un ange de douceur et de mansuétude.
Ce ne fut pourtant que lorsqu'elle découvrit dans
l'herbarium ce court billet étalé avec soin sur sa table de
préparation et de pesée, un coin pincé sous une petite
buire14 de terre cuite, que sa décision fut prise.
Une belle écriture haute avait tracé quelques mots. « Songez
aux livres. Protégez-les. » Étrangement, Annelette n'avait eu
aucun doute sur l'identité de leur auteur. Cette très jeune femme
armée d'une dague qui s'était fait passer pour une novice afin de
lui prêter main-forte contre Jeanne d'Amblin. Esquive d'Estouville.
Un charmant visage triangulaire éclairé de deux yeux d'ambre. Une
lourde chevelure frisée et brune. Annelette avait épié chaque
recoin de l'herbarium, cherchant une autre trace de son passage, en
vain. Comment Esquive avait-elle pénétré puis était-elle
ressortie ? Ce tôt matin, l'apothicaire avait trouvé la porte
fermée à clef. Cette jeune femme était un bienveillant mystère qui
allait et venait avec la discrétion d'une ombre. L'idée que
mademoiselle d'Estouville rodait encore dans les parages avait
réconforté Annelette, allégeant la solitude qui lui tenait
compagnie avec une belle obstination depuis le décès de sa
bien-aimée mère.
La bibliothèque secrète qu'abritaient les
Clairets. Nul n'en connaissait plus l'existence hormis Annelette,
Francesco de Leone, le neveu, ou plutôt le fils adoptif de feu
madame de Beaufort, ce gentil garnement de Clément, le protégé
d'Agnès de Souarcy, maintenant comtesse d'Authon, et Esquive.
Peut-être aussi Clément V, leur nouveau pape, mais l'apothicaire
n'en aurait pas juré. Toutefois, il suffirait que l'envie prenne
Berthe de soulever ou de descendre le dorsal15 pour découvrir la porte
basse qui conduisait à la salle. Que ferait-elle alors des
ouvrages ? Cette godiche était capable de les remettre au
camerlingue Honorius Benedetti, l'ennemi juré de leur Quête. Et
puis, autant l'admettre, Annelette n'avait pas cessé de penser aux
connaissances accumulées dans ce lieu clandestin qui avaient coûté
la vie à tant de ses sœurs. Quels prodigieux secrets recelaient ces
volumes ? Tant de savoir couché sur ces pages ou dans ces
parchemins, ignoré ou prohibé par l'Église. Un savoir qui se
trouvait à portée de main. Un chagrin diffus lui était venu
lorsqu'elle avait songé à la crainte qu'inspirait cette science à
Éleusie de Beaufort et à tant d'autres. La connaissance est le
pouvoir. Le pouvoir, en lui-même, n'est ni bon ni mauvais, pas plus
que la science. C'est ce qu'en font les hommes qui hurle et qui
saigne. Comment Éleusie n'avait-elle pas compris que maintenir les
hommes dans l'esclavage de leur bestialité ne les rendrait pas
meilleurs ? Juste plus vulnérables. Quoi qu'il en fût, Annelette
Beaupré avait fini par accepter la supplique des discrètes, et pris
la succession de madame de Beaufort, tout en insistant pour
conserver sa fonction d'apothicaire. Après tout, un glorieux
précédent l'y autorisait : la très érudite Hildegarde de
Bingen* qui avait ajouté à sa sagesse d'abbesse d'étonnants talents
d'apothicaire, sans oublier un don magnifique pour la musique et la
poésie. Certes, Hildegarde était créditée de miracles qu'Annelette
doutait de jamais reproduire.
La grande femme soupira, repêchant la plume
taillée qui avait glissé de sa main. Jusqu'à aujourd'hui, elle
n'avait eu que fort peu le temps de fureter parmi les étagères
lourdes de la connaissance des siècles passés. Les drames qui
s'étaient succédé en l'abbaye avaient abandonné de profondes
cicatrices. La méfiance, la peur et la méfaisance avaient déferlé
entre ces murs austères dédiés à la prière, au travail et à la
compassion. Dès après son élection au rang d'abbesse, Annelette
Beaupré s'était appliquée à cautériser les plaies, à raviver la
flamme sororale des unes et des autres, songeant que la benoîte
fermeté dont elle faisait preuve surprendrait madame de Beaufort.
Elle avait dû faire élire à la hâte des officières en remplacement
des sœurs occises par les deux acolytes maléfiques et en avait
profité pour évincer des vieilles barbes incapables auxquelles la
bonté d'Éleusie de Beaufort avait permis de s'accrocher à des
offices qu'elles ne remplissaient guère. Gervaise de Puisan avait
été élue dépositaire16 , ce que légitimaient son bon sens et son
application en tout, Marguerite Masurier – elle aussi une tête bien
faite et vigilante – était devenue boursière17 , Alice Valette avait
accepté la charge de sacristaine18 , quant à la délicieuse mais tenace Léonine
de Brioure, la charge de tourière lui allait comme un gant. Elle
saurait convaincre les plus réticents à la générosité lors de ses
visites. D'autres moniales avaient été nommées. Berthe de
Marchiennes demeurait cellérière, Annelette n'ayant pas trouvé le
moyen de l'écarter et de s'épargner ainsi la vue de ce gros visage
pincé, qui semblait un reproche permanent. Et quoi ? Était-ce la
faute d'Annelette si seule Berthe de Marchiennes avait voté pour
elle-même ? Emma de Pathus, la renfrognée maîtresse des
enfants19 , avait été judicieusement déplacée,
devenant chantre20 , ce qu'elle considérait comme la juste
reconnaissance d'une tessiture dont elle n'était pas peu fière.
Ainsi ses gifles d'humeur ne s'abattraient-elles plus sur
d'innocentes joues. Du coup, on ne la croisait plus dans les longs
couloirs que fredonnant les quadruples21 de Pérotin22 , composés alors qu'il était maître de
chapelle à Notre-Dame de Paris. Emma s'appliquait à produire toutes
les voix, de la plus grave à la plus aiguë, saoulant de fausses
notes les victimes qui lui prêtaient oreille attentive.
Un autre soupir d'agacement souleva la poitrine
d'Annelette. Allons, autant en finir au plus preste avec ces
interminables écritures. Or donc, on avait vendu deux hongres de
hersage à Vivien Chesnel, maître carreleur23 à Colonard.
Un coup discret porté contre la lourde porte de
son bureau lui fit relever la tête. Enfin, quelqu'une venait lui
offrir un prétexte pour interrompre un moment sa tâche ingrate sans
en éprouver de remords. La frêle Alice Valette, sœur sacristaine,
passa son plaisant petit museau par l'entrebâillement de la
porte.
– Ma bonne mère, oserais-je accaparer votre
attention ? Je puis revenir plus tard…
– Non pas. Pénétrez, je vous prie. Asseyez-vous,
ma fille.
Alice traversa la vaste pièce de sa curieuse
démarche sautillante. Cette jeune moniale ne marchait pas. Elle
progressait à petits bonds légers. Un sourire joyeux frémissait en
permanence sur ses lèvres. Avec son visage en pointe, elle évoquait
un mignon mulot à Annelette, impression renforcée par la vivacité
de son regard sombre. Pas un de ces odieux rats qui dévastent
vivres et tapisseries. L'une de ces petites bêtes des champs qui se
font parfois surprendre et vous considèrent avec effarement,
assises sur leur derrière, moustaches frissonnantes.
– L'objet de votre visite ? demanda Annelette avec
affabilité, une habitude depuis qu'elle était parvenue à dompter
son débit péremptoire de jadis.
– Une catastrophe, commença l'autre dans un
murmure pénible. Nous sommes attaquées.
– Votre pardon ? Attaquées par qui ?
– Enfin, pas nous directement, plutôt le tibia de
saint Germain, évêque d'Auxerre qui combattit les Pictes et les
Saxons en Angleterre.
– Le reliquaire offert par feu madame de Beaufort
à l'abbaye ! s'exclama l'abbesse.
– Tout juste, acquiesça la jeune moniale, un air
d'effroi sur le visage.
– Comment cela se peut-il ?
– Je l'ignore, ma mère. Vous savez les soins
constants que je lui prodigue. Tout a commencé il y a un mois. J'ai
remarqué quelques grains d'une fine poudre blanc-gris sur le saint
tibia. J'ai d'abord cru à un peu de poussière infiltrée dans le
reliquaire, malgré ses fermoirs. J'ai bien sûr nettoyé avec
application. L'incident s'est reproduit une semaine plus tard.
Depuis, je surveille la sainte relique tous les jours… Je change
les sachets de bois de cade24 et de myrte qui la protègent des insectes.
Eh bien, ma mère, je ne sais comment vous l'avouer, mais… la
poussière provient de l'os qui se désagrège.
– Douce miséricorde ! gémit l'abbesse en plaquant
la main contre sa bouche. Qu'allons-nous faire ?
– Je ne sais. Je me demandais si l'une de vos
préparations d'apothicaire ne pouvait…
– À ma connaissance, il n'en existe aucune pour
lutter contre cette… fonte des os saints. Venez ma fille, il me
faut constater cette abomination par moi-même.
1 Le claret, vin produit dans la
région, a probablement donné son nom à l'abbaye des Clairets.
2 Aujourd'hui : Mâle.
3 Gibet constitué de deux fourches
fichées en terre, soutenant une traverse à laquelle étaient pendus
les suppliciés.
4 Qui a conservé son nom jusqu'à
nos jours.
5 Seconde de l'abbesse, notamment
en l'absence de coadjutrice.
6 Gracieuse adolescente.
7 Assemblée des moines ou des
moniales chargée de régler la vie interne du monastère. D'abord
élus par les chapitres régionaux ou généraux, les abbés et abbesses
furent ensuite nommés par le pape.
8 Du latin discretus, « capable de discerner ». Il
s'agissait des sages de l'abbaye : la cellérière, la
boursière, la dépositaire, la portière ainsi que deux autres
moniales choisies parmi les officières.
9 Sœur chargée de la gestion de
l'abbaye. Elle avait soin de l'approvisionnement et de la
nourriture du couvent, surveillait les granges, les moulins, les
brasseries, les magasins et les viviers. Elle supervisait la
fourniture de meubles, d'objets divers, ainsi que les visites
d'extérieurs.
10 Habile médecin.
11 À l'origine, fille ou femme de
distinction.
12 Sœur chargée des relations de
son abbaye avec l'extérieur.
13 Religieuse chargée des
relations avec les hôtes de passage et des soins dont ils peuvent
avoir besoin. Elle surveille la propreté, le feu, la cuisine, les
chandelles, leur conduite dans l'abbaye.
14 Sorte d'amphore, avec ou sans
pied, munie d'une anse. Il en existe de toutes tailles.
15 Grande tapisserie, le plus
souvent installée derrière un bureau.
16 Sœur chargée de tenir les
comptes.
17 Sœur chargée d'effectuer les
achats et les paiements.
18 Sœur chargée du mobilier
liturgique et des reliques.
19 Sœur chargée de l'enseignement
aux enfants et aux novices, et la seule autorisée à les frapper ou
à les punir.
20 Sœur qui entonne les chants et
les dirige.
21 Chant composé pour quatre
voix.
22 Compositeur très célèbre du
début du xiiie siècle. Il est l'auteur d'œuvres
religieuses chantées à quatre voix, très audacieuses musicalement
en cette époque où les chants étaient composés le plus généralement
pour deux voix.
23 Les carreaux de faïence
apparaissent en France à la fin du xiiie siècle et
connaissent très vite une vogue importante puisqu'ils sont jugés
moins froids que les dalles de pierre.
24 Sorte de genévrier. Outre ses
vertus insecticides, l'essence de cade fut utilisée pour ses
propriétés contre certaines affections dermatologiques et pour
traiter la gale des animaux domestiques.