38. 
Baldwin venait d’entrer à son tour, ainsi que Marcus. Taylor les regarda tous les deux et lâcha les cheveux de Michelle. 
– Où est Henry Anderson ? 
– A l’étage, répondit Michelle. Il prend une douche. Qu’est–ce que vous lui voulez ? 
Même si elle avait l’air sincèrement choquée, Taylor ne s’y laissa pas prendre. Elle savait que la jeune femme n’était certainement pas là par hasard. 
– Je vais le chercher, dit Marcus en gravissant promptement les marches. 
Baldwin le suivit. 
Taylor tira alors Michelle par le bras et la força, non sans une certaine brusquerie, à s’asseoir sur un canapé en cuir cannelle, dans ce qui avait l’air d’être un petit salon. Mobilier de bois précieux, étagères garnies de livres : la pièce ne manquait pas d’élégance… Mais l’ironie de la situation était trop forte pour s’attarder sur le décor et Taylor se concentra sur le visage épouvanté de Michelle, qu’elle mitrailla de questions : 
– Que faites-vous ici ? Quels sont vos rapports avec Anderson ? 
– C’est mon petit ami. Nous nous fréquentons depuis plus d’un an. Qu’est–ce que ça peut vous faire ? Et pourquoi êtes-vous là ? Qu’est–ce que vous lui voulez, à Henry ? Il n’a rien fait de mal, quand même ? 
Taylor était restée debout. Elle toisait Michelle de toute sa hauteur. 
– Vous, la petite amie d’Anderson… Vous plaisantez ou quoi ? 
Baldwin l’avait déjà rejointe. 
– Marcus a passé les menottes à Anderson et lui a signifié sa garde à vue. Il l’a informé de ses droits et j’ai fait office de témoin. Des agents sont en route pour mettre à exécution le mandat de perquisition. Il a déjà appelé son avocat. 
– Vous avez arrêté Henry ? Pour quel motif ? demanda Michelle. 
– Euh, voyons voir…, ironisa Taylor. Baldwin, c’était quoi, au fait, les motifs ? Pornographie infantile, pour commencer. Ensuite, on a : diffamation, dénonciation calomnieuse, fausse déclaration de domicile par laquelle il a enfreint son contrôle judiciaire et fausse déclaration auprès de la base de données des délinquants sexuels… Et ce n’est qu’un début… Je suis sûre que le parquet va lui trouver une liste de chefs d’inculpation longue comme le bras quand les procureurs auront examiné son cas. Parmi lesquels des délits fédéraux… Vous n’allez pas revoir votre ami Henry avant longtemps. Ah oui, il y a aussi ce vilain petit détail : le meurtre de votre sœur… 
Michelle secoua la tête, agitant la main devant son visage comme si elle cherchait à éloigner une mouche. 
– Attendez, attendez… C’est Todd qui a tué Corinne. Vous l’avez arrêté. Tout l’accuse. Les juges sont d’ores et déjà en train de fixer la date de son procès… Henry n’a jamais rencontré ma sœur de sa vie. Il est impossible qu’il soit mêlé à ce crime ! Et pourquoi parlez-vous de la base de données des délinquants sexuels ? Henry n’est pas un délinquant sexuel. J’habite ici… Vous croyez que ça m’aurait échappé, s’il avait ce genre de problèmes ? 
– Vous êtes vraiment sûre de ce que vous dites, Michelle ? 
Taylor entendit le pas lourd des renforts qui arrivaient. La maison ne tarda pas à grouiller de policiers. Henry Anderson avait déjà été conduit à l’arrière d’une voiture de patrouille, dans l’attente de son transfert au C.J.C. 
Taylor ne l’avait pas vu sortir de la maison. Michelle la regarda dans les yeux, sans ciller. 
– Oui, j’en suis sûre. Je voudrais voir Henry, maintenant. 
La policière eut le plus grand mal à la croire. Son amant était un cyber-proxénète de haut vol, il tirait les ficelles d’un vaste réseau pornographique… et elle n’en savait rien ? Ne se doutait de rien ? 
– Venez avec nous au C.J.C., Michelle. Vous nous en direz davantage. 
Elle voulut la prendre par le bras. Ce fut le geste de trop. Michelle retira sèchement son bras et se tourna vers elle avec une telle vivacité que les trois agents présents dans la pièce dégainèrent leurs armes. 
– Vous savez, cracha-t–elle, j’avais confiance en vous. Le premier jour, chez Mme Manchini… Je n’ai vu en vous qu’une femme compatissante, une femme à qui je pouvais me fier pour que justice soit rendue à Corinne. A présent, regardez-vous un peu dans la glace… Vous courez après des leurres, vous êtes discréditée, déshonorée. Vous êtes la risée de tout Nashville ! Vous vous faites filmer en train de vous envoyer en l’air… Et vous n’arrivez même pas à conclure une enquête facile. Henry m’a dit tout le mal que vous lui avez fait. Je vous hais, espèce de… espèce de salope ! 
Elle sortit de la pièce, laissant Taylor ébahie. 
Elle n’avait retenu qu’une phrase : vous êtes la risée de tout Nashville… 
Qu’y avait–il de vrai, là-dedans ? 
« Arrête tout de suite, ma fille. N’oublie pas qui a prononcé ces mots. Michelle est perturbée. D’abord, c’est sa sœur qui est assassinée, ensuite elle apprend que son petit ami est un menteur et un pédophile. C’est elle qui est à plaindre. Elle a passé une semaine éprouvante. Attends qu’elle apprenne que son petit ami adoré la trompait avec sa propre sœur. Même moi, ça ne me plairait pas… » 
Elle suivit Michelle dehors. 
Quoi qu’il arrive à présent, le temps des réponses était venu.