13.
Il était tard. Extrêmement tard… Un coup d’œil à
sa montre indiqua à Baldwin 2 heures du matin. Il se demanda
si Taylor dormait ou jouait au billard. C’était pour elle l’heure
du loup, le moment de la nuit où elle pouvait se réveiller en
sursaut et se mettre à tourner en rond, mentalement comme
physiquement. Elle réfléchissait trop.
Il fut tenté de l’appeler, mais préféra ne pas
prendre le risque de la réveiller. Il décida plutôt de boire un
café.
Dans le bureau d’à côté, Garrett était au
téléphone, essayant d’obtenir auprès de tel ou tel service secret
des renseignements pouvant leur servir à localiser le tueur en
série nommé Aiden.
L’entrée exiguë donnait sur une cuisine à peine
plus grande. Deux cafetières étaient pleines et Baldwin se servit
une tasse qu’il sirota en revenant dans son bureau.
Il s’était promis de retrouver l’homme au plus
vite. Le chasseur était devenu gibier et Baldwin menait la meute.
Même si ses yeux commençaient à fatiguer à force de lire des
milliers de lignes de données minuscules, il sentait qu’il était
près du but et repoussait d’heure en heure le moment d’aller se
coucher.
Son instinct lui disait qu’Aiden allait suivre un
itinéraire bien précis. Il lui fallait donc apprendre avant tout
d’où il était parti. Après vérifications, l’Italie, l’Allemagne et
l’Angleterre avaient été écartées de la liste des lieux
d’embarquement possibles. Les pays d’Amérique latine constituaient
également des points de départ non pertinents : Aiden aurait
pu être engagé au Venezuela ou au Chili, bien sûr, mais cela
semblait peu probable car, un mois auparavant, il se trouvait
encore en Europe. De plus, il ne travaillait guère dans cette
partie du globe, ayant plus de mal à se fondre dans la population
locale que dans les pays européens.
C’était un drôle d’oiseau. Cela faisait six ans
qu’il avait été repéré par l’O.A. Après une enfance solitaire, au
cours de laquelle il avait parcouru le monde avec son père
diplomate, il s’était irrémédiablement brouillé avec ce dernier et
engagé dans l’armée. Il s’y était d’abord distingué et avait reçu
une formation de tireur d’élite. Puis il avait commencé à faire des
siennes. Après trois ans passés sous les drapeaux, il avait été
rendu à la vie civile pour conduite inadmissible.
Il avait disparu pendant un certain laps de temps
avant de refaire surface comme tueur à gages. Certains de ses
camarades de régiment parmi les moins recommandables l’avaient
introduit dans le circuit très fermé des assassins d’Etat. Il
n’avait pas tardé à prendre de l’envergure et il était devenu un
spécialiste sur qui l’on pouvait compter pour abattre un homme à
longue distance. Un talent précieux pour des employeurs très
spéciaux.
Bien vite cependant, il s’était lassé de
travailler pour les services secrets du monde entier et avait
accepté des contrats privés, se mettant au service de
commanditaires mafieux qui faisaient exécuter les gêneurs, dans le
but d’envoyer des messages à leurs concurrents. Grâce au garrot en
argent si caractéristique, la signature était lisible et le
message, plus que limpide.
Pour finir, pris au piège du sang qui appelle
toujours plus de sang, il s’était mis à tuer pour le plaisir. De
tueur à gages, il était devenu tueur en série. L’O.A. le
surveillait du mieux qu’elle le pouvait, comptant sur ses
correspondants dans le monde entier pour la seconder.
Baldwin savait combien l’homme était dangereux. Il
savait aussi que, à cause de cela, il devait être localisé à tout
prix, et vite… Car sinon des innocents allaient encore
mourir.
Il avait établi une liste de pseudonymes et
d’alias utilisés par Aiden et l’avait transmise à l’Association
internationale du transport aérien, l’I.A.T.A. Celle-ci procédait à
son tour très obligeamment à un contrôle de ces noms sur leurs
bases informatiques et transmettait au F.B.I. les données
personnelles qui correspondaient aux paramètres
indiqués.
Baldwin posa sa tasse encore à moitié pleine sur
le bureau et se remit à passer au peigne fin les centaines de pages
qu’il avait sous les yeux, parcourant les listes de noms des
passagers, vérifiant les provenances des vols, les dates de départ,
le nombre de voyageurs par réservation. Il cherchait un homme qui
voyageait seul, n’achetait que des billets aller simple ou des
billets à date de retour modifiable. Il pensait que, quitte à
commencer par quelque chose, autant que ce soit par la plus simple,
il serait toujours temps de se compliquer la tâche.
Il était 4 heures lorsqu’il finit par repérer
ce qu’il cherchait. Il ouvrit le dossier qui contenait le huitième
rapport et le nom lui sauta aux yeux.
– Je te tiens ! murmura-t–il,
satisfait.