Dimanche 29 avril 2007
Hurley se réveilla. Un instant déroutée, elle retrouva ses esprits. Elle se sentait presque sereine. C'était l'effet des médicaments, mais elle ne regrettait pas qu'on l'ait obligée à les prendre.
Elle se souvint d'avoir passé une bonne partie de la nuit à tenir la main de Logan avant que la fatigue ne la rattrape et qu'elle aille dormir dans une des chambres de l'hôpital.
Elle s'habilla, se regarda dans un miroir et prit peur. Elle avait un teint cadavérique. Elle haussa les épaules et quitta sa chambre.
Une certaine effervescence agitait les couloirs.
Hurley imaginait la foule des journalistes qui devaient se presser aux portes de l'hôpital. ABC, NBC, CBS, FOX, CNN, autant de médias qui allaient faire leurs choux gras de ce drame.
Contrairement à Logan, elle ne blâmait pas uniquement les médias, mais aussi les millions de téléspectateurs qui allaient passer le week-end devant leur poste de télévision afin d'apercevoir l'une des victimes ou encore le visage traumatisé des survivants.
La fascination de la souffrance. Le voyeurisme banalisé.
Hurley n'avait aucune illusion sur la part d'ombre qui sommeille en chaque être humain. Ringfield n'était pas un monstre. Seulement un humain ordinaire qui avait mal tourné.
Il suffît de peu pour que l'homme relâche la bride de la bête qui est en lui, se dit-elle en se remémorant comment des gens bien sous tous rapports étaient devenus les pires criminels, durant les guerres du XXe siècle en particulier et toutes les autres en général.
Elle longea un couloir. Peter Nunn, un médecin, la reconnut et la prit par le bras.
- Il a de bonnes chances de s'en tirer. Il a perdu beaucoup de sang, mais c'est un battant. Nous avons tous prié pour lui, la rassura-t-il tandis qu'il la menait vers l'ascenseur pour rejoindre une petite unité de soins où se trouvaient isolées toutes les victimes de Ringfield.
Ils s'arrêtèrent devant une porte vitrée. Derrière, Sam, Sarah et Courtney étaient en train de parler.
- Ils ont demandé expressément à se retrouver seuls. Ils ont eu beaucoup de courage. Ils vont avoir besoin de bien plus d'aide qu'ils ne peuvent l'imaginer, dit Nunn en mettant les mains dans les poches de sa blouse.
Hurley en convint.
- Je voudrais parler à Sarah, fit-elle.
- Seulement si elle est d'accord, autorisa Nunn.
Il entra dans la chambre et la conversation cessa immédiatement.
Debout derrière la porte vitrée, Hurley le vit parler à Sarah qui, paraissant accepter sa proposition, sortit de la chambre en compagnie du médecin.
- Venez par là, vous serez tranquilles, fit Nunn.
Il leur ouvrit la porte d'une autre chambre.
- Je retourne auprès de Courtney et Sam, ajouta-t-il en s'éclipsant.
Hurley le remercia et invita Sarah à s'asseoir sur le lit.
- Comment tu te sens ?
Sarah tenta de sourire, mais seule une grimace déforma ses traits.
- Mes amis sont morts, l'homme que j'aimais aussi, qu'est-ce que j'ai à attendre de la vie ?
Hurley aurait aimé trouver les mots qui la guériraient, mais elle n'en connaissait aucun. Seul le temps pouvait panser ce genre de blessure, et encore...
- Tu ne dois pas te laisser abattre : aussi forte soit ta douleur, elle passera un jour et, tu verras, tu retrouveras le goût de vivre, et...
- Arrêtez avec votre psychologie à deux balles ! C'est pour me dire des conneries pareilles que vous vouliez me parler?! s'emporta Sarah en se levant d'un bond.
Hurley recula d'un pas. Elle ne s'attendait pas à une telle réaction. Sarah avait tant de colère en elle.
- Excuse-moi, mais il faut que je te parle d'une chose. Même si le moment est très mal choisi, cela ne peut pas attendre.
Sarah réussit à se maîtriser, et fit face à Hurley.
- C'est quoi, votre truc, vous allez m'accuser d'être complice, c'est ça ?
Hurley remua négativement la tête.
- J'ai vu les photos où tu es avec Paul Ringfield et Lucy.
Sarah resta un instant interdite, puis soupira et alla se rasseoir sur le lit.
Elle avait cru qu'avec la mort de Donald son secret serait enterré à jamais aux côtés de Lucy et Amy. Fallait croire qu'elle était vraiment née sous une mauvaise étoile.
- S'il n'y avait que moi à le savoir, je te promets que je n'en aurais jamais parlé. Mais le shérif de Silver Town est déjà au courant, et le FBI va devoir enquêter pour savoir ce qui a poussé Donald Ringfield à s'en prendre à vous. Votre calvaire va faire la une des médias. Le FBI se doit d'éclaircir tous les points. Tu comprends ?
Sarah prit l'oreiller et le cala dans son dos avant de s'allonger entièrement sur le lit.
- Jamais on me foutra la paix ! soupira-t-elle en détournant le regard.
Dehors, le ciel était d'un bleu d'azur.
- Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter tout ça ?
Hurley garda pour elle les phrases toutes faites que la police préconise en de telles circonstances.
Elle se rapprocha de Sarah et lui posa une main sur l'épaule.
_ Tu dois comprendre qu'il va te falloir quitter la ville. Tout le monde va te tenir pour responsable de la mort de tes camarades. Et, tu me croiras ou non, mais je ne te laisserai pas devenir leur bouc émissaire.
Sarah comprenait tout à fait ce qu'elle voulait dire. Des fils et des filles de bonne famille venaient de mourir. Qui d'autre qu'une ancienne dévergondée pour porter le chapeau ? Sa vie serait un enfer si elle restait là.
- Qu'est-ce que je vais devenir ?
Jamais elle ne s'était sentie aussi désemparée. Elle n'avait plus d'espoir.
Pourtant, Dieu sait qu'elle aimait la vie !
- Je vais m'occuper de toi, Sarah. Fais-moi confiance.
Sarah tourna vers elle un petit visage défait, et Hurley dut se mordre les lèvres pour ne pas fondre en larmes.
- Vous me laisserez pas tomber, promis ?
- Promis, répondit Hurley, la voix vibrante d'émotion.
Elles sortirent toutes les deux de la chambre, et Jessica lui assura qu'elle repasserait dans la journée.
Tandis que Sarah retournait vers ses camarades, Nunn se rapprocha de Hurley.
- Je vais vous accompagner jusqu'au shérif, fit le médecin.
Ils marchèrent le long du couloir et arrivèrent enfin devant la chambre de Logan.
- Allez-y. Je vous attends ici, lui dit-il.
S'il y avait eu encore quelques personnes pour ignorer sa relation avec le shérif, depuis la veille toute la ville était au courant.
Elle entra doucement. Son cœur se serra quand elle vit le tube toujours en place dans la bouche du blessé.
Ce n'était rien. Il ne fallait pas s'arrêter aux apparences.
Logan était toujours inconscient.
Elle s'approcha de lui. Un puissant élan d'affection la saisit.