6

Donald était en transe. Jamais il n'était allé aussi loin. Il sentait chacun de ses muscles, chaque goutte de son sang qui circulait dans ses veines. Il se sentait tel un dieu.

Les yeux de la fille lui renvoyaient l'image de la terreur ultime. Jamais il n'avait approché un tel sentiment de puissance.

Des larmes coulaient sur les joues de la jeune suppliciée. L'envie de les lui lécher fut si forte qu'il s'approcha de son visage et goûta à ce nectar divin.

Il poussa un râle de plaisir proche de l'orgasme. Il se redressa et remit ses mains autour du cou de la prostituée.

Cela faisait près d'une heure qu'il l'avait ligotée et bâillonnée sur le lit. Autant de temps à la rouer de coups et à la violer.

Ce n'était pas la première fois qu'il maltraitait de telles jeunes femmes, mais cette fois-ci il se sentait mûr pour aller au bout de ses pulsions.

Il resserra un peu plus fort la pression sur sa gorge et sentit les pulsations effrénées sous ses doigts.

La bouche bourrée de tissu et muselée par un puissant adhésif, la jeune fille savait qu'elle allait mourir.

Donald pouvait le lire dans ses yeux. C'était fascinant. Comme il était beau de voir le visage de la mort. Il n'aurait jamais cru que les yeux pouvaient exprimer autant d'émotion.

Il serra encore un peu plus fort, et lentement la fille cessa de remuer. Son regard devint en l'espace de quelques secondes totalement vitreux. Sa vie venait de s'échapper.

À califourchon sur sa victime, Donald respirait à grandes bouffées. Le corps en sueur, l'esprit totalement imprégné de son acte, il resta de longues secondes à contempler son œuvre, sans desserrer ses doigts.

Lentement, les palpitations de son cœur retrouvèrent un rythme normal. Tout aussi lentement, Donald reprit pied dans la réalité.

Il quitta sa victime et s'allongea sur le dos à côté d'elle. Un rire presque enfantin s'échappa de ses lèvres. Il n'en revenait pas. Une telle émotion. Il n'aurait jamais cru prendre autant de plaisir. Son sexe était encore dur de désir.

Au bout d'une dizaine de minutes, il se leva pour prendre une douche. Le jet glacé finit de lui rendre pleinement sa raison.

Il revint dans la chambre de l'hôtel, et fut déçu du spectacle. Un tas de chair morte, sans âme. La magie du moment s'était évanouie. Le froid de la mort avait balayé toutes les émotions qui l'avaient pénétré durant son rituel mortel.

Il remit ses vêtements.

Il allait falloir la jouer plus finaude que d'habitude. Même si ce n'était qu'une prostituée, les flics ne pourraient s'empêcher de mener une enquête. Mais il avait tout prévu.

L'hôtel était situé dans les bas-fonds de Los Angeles. Il avait garé sa voiture dans un parking à plus de vingt miles de là, et avait fait le reste du chemin en bus.

Il remit sa perruque sur son crâne rasé, et frotta sa barbe qu'il avait laissé pousser uniquement dans l'attente de ce moment. Dès qu'il serait de retour à Seattle, il la raserait et jetterait la perruque à la poubelle.

Les flics pourraient toujours enquêter. Rien ne le reliait à sa victime. Au pire, la description sommaire d'un voyeur posté à sa fenêtre qui matait les putes sur le trottoir : un homme blanc, barbu, aux cheveux longs.

Il n'avait jamais fait l'objet d'aucune arrestation. Son ADN ne figurait dans aucun fichier du pays. Aucune crainte qu'ils remontent jusqu'à lui par son sperme.

Il ressortit de l'hôtel, attentif à passer inaperçu. Mais l'employé de l'accueil ne le vit même pas sortir, tant il était absorbé par une sitcom qui passait à la télévision.

Donald retrouva l'air chaud et sec de Los Angeles.

Cela lui rappela des vacances passées avec son père. S'il avait su que c'était dans cette même ville qu'il connaîtrait l'extase la plus totale !

À cette heure de la nuit, il n'y avait plus de bus. Aussi, après avoir remonté plusieurs rues et être parvenu sur un grand boulevard, il héla un taxi et lui demanda de le déposer dans le centre.

Il avait tout juste vingt ans.

Depuis sa première relation sexuelle avec Wendy, même si elle n'avait pas porté plainte contre lui, il avait compris qu'il ne pourrait renouveler l'aventure en toute impunité. Il savait qu'il devait aller plus loin dans ses fantasmes et qu'aucune fille normale n'accepterait de l'y accompagner.

Les prostituées lui avaient paru être la solution parfaite. Pas la peine de les draguer. Elles ne connaissaient pas son identité.

Lorsqu'elles iraient porter plainte pour coups et blessures, il savait que les flics classeraient l'affaire sans chercher à la résoudre. De plus, pour plus de sécurité, il avait toujours pris soin d'espacer ses actions d'au moins un mois, en changeant de ville à chaque fois.

Donald ne voyait vraiment pas comment on pourrait un jour l'arrêter.

Il arriva au parking. Il monta dans sa voiture et ferma les yeux. Le visage terrifié de la jeune fille lui apparut aussi clairement que s'il y était encore.

Un sourire de jouissance s'épanouit sur ses lèvres.