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- À demain, shérif! dirent une bonne partie des effectifs en passant devant Logan.

C'était la fin de la journée ; appuyé au comptoir de l'entrée, Logan venait de passer les dix dernières minutes à discuter avec l'agent préposé à l'accueil. Il attendait le moment opportun pour intervenir.

- À demain, leur répondit-il avec un sourire accompagné d'un signe de la main.

Puis, voyant passer la carrure fuyante de son homme, il l'interpella.

- Clark, je peux te parler une seconde ?

Spike s'arrêta et prit un air interrogatif.

- J'ai fait mes heures, shérif, fit-il dans une tentative d'humour.

Logan lui décocha un sourire.

- Allez, viens, il faut que je te parle, dit-il d'un ton agréable.

Spike regarda sa montre.

- OK, mais pas trop longtemps. Je dois aller au cinéma ce soir.

- Ne t'en fais pas, j'aurai vite terminé.

Ils retournèrent jusqu'à son bureau ; Logan ferma la porte derrière lui.

- Assieds-toi, je t'en prie.

Spike fit une grimace de contrariété, mais s'assit. Il ne comprenait vraiment pas ce que le shérif lui voulait.

- C'est un si bon coup que ça ? attaqua Logan en s'asseyant sur le coin de son bureau.

- De quoi vous parlez ? s'étonna Spike.

- J'imagine qu'elle doit te faire des trucs terribles. À moins que ce ne soit une question de fric ?

- Écoutez, shérif, ça suffit, où voulez-vous en venir ? demanda Spike en tentant de se lever.

Mais Logan le fit se rasseoir d'une poussée sur les épaules.

- Ne bouge pas, petit enfoiré, fit-il d'un ton qui n'avait plus rien d'amical. Alors comme ça on estime qu'on n'est pas assez bien payé ? On veut la jouer finaude en essayant de me baiser ? Tu croyais vraiment t'en sortir ?

- Si vous alliez droit au but, shérif? J'ai un cinéma qui m'attend.

D'un mouvement vif, Logan attrapa Spike par le col de son blouson et le souleva de sa chaise.

- Combien elle t'a payé pour que tu lui files ces informations ? Combien ? (Puis, après un court silence :) J'espère que tu la baises, au moins !

Spike ne dévia pas le regard.

- Je ne vous suis toujours pas, mais je vous préviens que, si vous me touchez, je porterai plainte contre...

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que Logan le relâchait et lui envoyait son poing en pleine figure.

Spike partit en arrière. Une gerbe de sang jaillit de son nez brisé.

- Tu veux porter plainte contre moi ? Répète un peu ça ! Vas-y, répète !

Spike se redressa, un peu groggy, vit le sang qui coulait sur le sol et instinctivement porta la main à son nez.

- Vous êtes complètement cinglé ? !

- Écoute-moi bien, petit connard. Tu vas me faire une lettre de démission que tu m'apporteras lundi matin. Sinon je t'inculpe pour divulgation d'informations confidentielles ayant entraîné la mort du juge McArthur. De plus, je ferai mener une enquête sur les circonstances réelles de la mort de Larry Brooks. Portnoy a juré que tout s'était passé comme tu l'as dit, mentit-il pour couvrir le sergent. Mais peut-être que devant une cour il dira la vérité, car je suis certain que tu l'as abattu comme un chien.

- Aucun jury populaire ne m'enverra en prison pour ça ! se défendit Spike, secoué par la violence du shérif.

Logan se retint de le renvoyer au tapis.

- À cause de toi, un juge innocent est mort. Tu peux faire confiance à l'esprit de corps des magistrats. Le procureur saura trouver les mots pour te faire condamner à une très lourde peine.

Pressant son nez avec un mouchoir en papier trouvé dans sa poche, Spike n'en revenait pas du retournement de situation. Il était le héros de la ville et voilà qu'on le menaçait de le mettre en prison.

- Vous êtes un bel enculé !

- Redis-moi ça pour voir ! le menaça Logan en se rapprochant dangereusement.

Spike baissa le regard.

- Vous aurez ma lettre, répondit-il cette fois avant de sortir du bureau.

Quand il fut parvenu à la moitié du couloir, il se retourna et regarda le shérif droit dans les yeux.

- Sale fils de pute ! jura-t-il alors que les derniers policiers encore présents le regardaient sans comprendre.

Logan serra les poings. Il se vit courir dans le couloir, le rattraper et lui envoyer un crochet en pleine mâchoire.

Mais il ne bougea pas, s'alluma une cigarette et attendit de recouvrer son calme.

Une odeur délicieuse lui titilla les narines. Logan referma la porte derrière lui et se dirigea dans la cuisine.

- Il faut que tu arrêtes ou je vais finir par devenir obèse ! dit-il en s'approchant de Hurley.

Elle posa la grande cuillère en bois qu'elle tenait à la main et vint déposer un baiser caressant sur les lèvres de Logan.

- Il faut qu'on parle de ça, dit-il après s'être laissé faire.

Si la frénésie de la journée lui avait permis d'éviter le sujet, il savait qu'il ne pouvait plus trouver de parade.

- J'y compte bien, Mike. Mais n'oublie pas que c'est toi qui m'as prise dans tes bras ce matin.

Non, il ne l'avait pas oublié. Il ne savait vraiment plus quoi penser.

- Comment s'est passé le reste de la journée ? demanda-t-elle en retournant à ses fourneaux.

Logan se débarrassa de son blouson et le posa sur une chaise.

- Augeri et Adams sont toujours en garde à vue. On a commencé à auditionner leurs proches. Tout porte à croire qu'ils n'ont pas pu commettre le crime eux-mêmes.

Hurley finit de remuer sa préparation et baissa l'intensité des plaques à induction.

- Ce n'est pas vraiment une surprise, fit-elle en appuyant le creux de ses reins contre le rebord de l'évier.

- Ouais. Les premières perquisitions pratiquées chez eux n'ont rien donné pour l'instant. Blake et son équipe seront là demain matin pour prêter main-forte, mais je ne me fais guère d'illusions sur ce qu'ils pourront trouver.

Hurley acquiesça.

- Augeri est innocent, je n'ai aucun doute là-dessus, dit-elle. Par contre, Adams ne craquera pas. Quels que soient nos efforts.

Logan ouvrit le frigo et en sortit deux bières. Il en tendit une à Hurley et alla s'asseoir à la table de la cuisine.

- J'ai vraiment été nul. Je te remercie de m'avoir sauvé la mise.

Hurley éteignit le feu, versa tout le contenu de la poêle dans un grand récipient, puis elle prit le saladier déjà préparé et le déposa sur la table avant de s'asseoir en face de son amant.

- Tu es trop impulsif, Mike, fit-elle en versant la bière dans son verre.

- Si tu n'avais pas été là, je serais dans une sacrée merde, admit-il.

Ce n'était pas un compliment, juste l'analyse d'une réalité. Il avait été à deux doigts de tout faire foirer.

Merci, Hurley, pensa-t-il en la regardant boire.

- Ne dis pas de bêtises, on n'est pas plus avancés. On a juste la certitude que ni le juge ni Augeri ne sont coupables, mais, pour autant, nous n'avons toujours rien contre Adams.

- Oh que si ! J'ai vu sa tête quand tu lui as parlé d'autres petites Trudell. Il est fait comme un rat.

Hurley détourna le regard. Elle était toujours gênée de recevoir des compliments.

- C'est vrai, mais je dois t'avouer que je n'en menais pas large. Mais bon, tout a parfaitement fonctionné.

Logan commença à leur servir l'entrée.

- Tu as appelé le Bureau ?

- Ouais, dès demain ils vont faire circuler sa photo dans tous les médias. Il y aura même une prime à la clé pour celui qui pourra nous donner des informations sur son passé.

Logan se laissa aller à sourire. Comme l'avait dit Hurley durant l'interrogatoire, même s'ils n'arrivaient jamais à prouver sa participation aux meurtres de Lucy et d'Amy, ils feraient tomber Adams pour pédophilie, et avec un bon procureur il se pourrait qu'il passe tout le reste de sa vie en prison !

- Au fait, je sais qui est notre taupe. Tu ne devineras jamais.

- C'est qui ?

- Clark Spike ! Tu sais, le flic qui a abattu Brooks.

Hurley voyait très bien de qui il s'agissait.

- Si je te dis que je ne suis qu'à moitié étonnée...

- En tout cas, il n'est pas près de recommencer. Je l'ai sommé de me donner sa lettre de démission, en menaçant de le poursuivre en justice.

- Il a réagi comment ?

- Ça va. Il a fait profil bas, mentit-il.

Hurley lui jeta un regard soupçonneux mais ne creusa pas plus loin.

- Au fait, je vais devoir ressortir tout à l'heure, reprit Logan, espérant ainsi repousser le moment de vérité. Je vais appeler le Daily River, et tâcher de voir cette Callwin après le repas. J'ai deux mots à lui dire.

Hurley soupira en le regardant droit dans les yeux.

- Tu ne vas pas te débiner et manquer à ta parole. Tu vas enfin m'expliquer la raison de notre séparation et de ton départ pour River Falls.

Logan s'était juré de ne jamais en parler. Cela faisait des mois qu'il avait enfoui son secret au plus profond de lui-même. Pourquoi tout remettre en cause aujourd'hui ?

Parce que tu as couché avec elle ce matin, espèce de crétin ! se répondit-il en supportant le regard accusateur de Hurley.

- D'accord, mais après être passé chez Callwin.

- Non, fit Hurley d'un ton péremptoire, pas toi.

Logan fronça les sourcils et posa sa fourchette.

- C'est moi qui vais aller la voir. On va avoir besoin de la presse dans les jours à venir. Je ne veux pas que tu fasses d'esclandre. Tu sais comment sont les journalistes. Menace-la et toute la corporation sera contre toi et nous mettra des bâtons dans les roues. Je vais aller lui parler.

Logan n'avait rien à opposer. Une fois de plus, elle avait parfaitement raison.

- Tu comptes faire un rapport sur mon incompétence ou tu as l'intention de me faire chanter ? plaisanta-t-il.

Hurley lui sourit.

- Ce n'est pas tous les jours qu'on voit un homme se tirer une balle dans la tête.

Même quand il avait tout faux, elle lui trouvait une excuse, et là elle n'avait pas vraiment tort.

Aussi, ce fut plus fort que lui. Il se leva et alla l'embrasser.

Sept Jours à River Falls
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