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Larry se réveilla lentement. Il souffrait de courbatures dans tout le corps. Il poussa un grognement alors qu'il émergeait des limbes. Il ouvrit les yeux, et fut totalement désorienté.

Il cligna plusieurs fois des paupières et s'efforça de recouvrer ses esprits. Il était dans sa Subaru. Le véhicule était arrêté dans un chemin de traverse quelque part dans la forêt.

- Qu'est-ce que c'est que ce délire ? marmonna-t-il en découvrant qu'on lui avait changé ses vêtements.

Ceux qu'il portait étaient propres et ne correspondaient absolument pas à ses habitudes vestimentaires. Un pantalon à pinces et un pull-over rayé des plus ringards ! C'est alors qu'il vit sa tête dans le rétroviseur intérieur.

Il ne put s'empêcher de pousser un cri de stupéfaction. L'homme l'avait complètement rasé. C'était monstrueux.

- Putain de malade ! jura-t-il en se passant la main sur le crâne.

Il n'en revenait pas. Ce type était vraiment un grand tordu !

Les souvenirs de sa captivité remontèrent d'un bloc à sa mémoire. Une sourde colère s'empara de lui. Il se revit sur la chaise, terrifié et impuissant. Jamais il n'avait subi une telle humiliation.

- Saloperie de malade !

Il serra les poings et, la colère aidant, il retrouva une énergie vindicative qui lui fit oublier toute la peur qui l'avait submergé ces dernières heures.

Il sentit une pression dans le bas-ventre. Il ouvrit sa boîte à gants et prit un paquet de Kleenex. Avec difficulté, il réussit à s'extraire de son véhicule et put enfin se soulager derrière un arbre.

Puis il retourna dans sa Subaru. Les clés étaient sur le contact. Il pria pour que cela ne soit pas encore une mauvaise blague. Il tourna la clé. Le moteur vrombit sans secousse.

Un sourire de soulagement éclaira son visage. Il se regarda à nouveau dans le rétroviseur et secoua la tête de rage.

L'homme s'était bien foutu de sa gueule. Même s'il comprenait le pourquoi d'une telle vengeance, il n'en revenait pas qu'un de ses pigeons soit passé à l'acte. Il n'aurait jamais cru que l'un d'eux en ait le cran.

En tout cas une chose était certaine, c'en était fini de ce genre d'embrouilles. Il allait quitter la ville et trouver un autre patelin pour continuer sa route.

Il repensa aux dernières paroles de l'homme. Accusé de meurtre ! N'importe quoi ! Une façon de plus de le torturer psychologiquement.

Il fit demi-tour et entreprit de remonter le chemin de traverse.

Il n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait. Il pensa cependant qu'il ne devait pas être très loin de River Falls. Les montagnes se dressaient à l'horizon.

Il mit la radio en marche et tomba sur WKFM. Armageddon it, un vieux standard de Def Leppard.

Tandis qu'il rythmait la musique en remuant la tête, il ne cessait de penser à ce qu'il venait de vivre. La trouille de sa vie ! Il avait vraiment cru que l'homme allait le torturer jusqu'à ce que mort s'ensuive !

L'enfoiré ! se dit-il en frappant le volant de sa main.

Il ne lui restait plus qu'à trouver une explication plausible à présenter aux filles pour les convaincre que son changement de look était un choix personnel.

Il imaginait déjà la tête de Lucy quand elle découvrirait sa nouvelle coiffure. C'est sûr qu'elle allait se foutre de lui. Quant à Amy, elle en rajouterait une couche.

Il jeta un œil au rétro et essaya de se faire à son nouveau portrait. Après tout, ça ne lui allait pas si mal. Il avait toujours aimé ses cheveux mi-longs et ses mèches rebelles, mais ce crâne rasé lui donnait un air de méchant garçon qui, objectivement, ne lui déplaisait pas vraiment.

La chanson de Def Leppard arriva à sa fin, Journey enchaîna avec Girl can't help it. Il adorait ce morceau.

Au bout du chemin, il arriva sur une route. Il n'avait aucune idée de la direction qu'il devait prendre. À tout hasard il opta pour la gauche, vers la descente.

Il n'avait pas vraiment envie de quitter Lucy. Elle était vraiment à son goût, une beauté du diable, une sauvageonne qui savait le faire hurler de plaisir.

Et merde! Je vais pas me laisser intimider par un connard ! se dit-il.

Mais il ignorait l'identité de l'homme qui l'avait kidnappé. Il n'avait pas vu son visage et n'avait pu reconnaître la voix.

Un homme de main, à n'en pas douter. L'ensemble de sa stature donnait à penser qu'il ne devait pas avoir dépassé les trente ans. Peut-être même vingt-cinq ! Une petite racaille prête à tout pour un paquet de dollars. Jusqu'au meurtre ?

Larry oublia cette idée. S'il avait voulu le tuer, ce serait déjà chose faite. Non, c'était simplement une mise en garde. Une sérieuse mise en garde.

Il devait quitter la région. Les choses étaient allées trop loin. Qui sait si Lucy n'accepterait pas de le suivre ? Ses études, elle en avait rien à foutre. Cette fille ne travaillerait jamais, de toute façon. Un jour elle trouverait un surfer plein aux as, et adieu Larry !

En tout cas, si elle pouvait rester avec lui encore un peu, ce serait pas si mal.

La route défilait devant lui. Un panneau indiquant Pearcy à dix miles apparut sur la gauche. Il était dans la bonne direction. River Falls se trouvait à moins de trente miles de cette bourgade.

Le morceau de Journey terminé, la voix du présentateur de la radio reprit.

- Vous êtes toujours sur WKFM. Il est dix-huit heures. Les informations de Patricia Kulick.

Il y eut la petite musique d'un jingle, puis la voix professionnelle de la journaliste prit la suite.

Larry tendit la main pour changer de station avant de se figer brusquement.

- Information de dernière minute. L'identité du boucher de River Falls a pu être établie par la police. Il s'agit de Larry Brooks. Il était le petit ami de l'une des deux victimes, Lucy Barton. Il aurait disparu de son domicile...

Larry freina brusquement, se rangea sur le bord de la route. Il bondit du véhicule et régurgita tout ce qui lui restait dans l'estomac.

Il ne parvenait pas à maîtriser les tremblements de son corps. Le sang avait quitté son visage. Les larmes jaillirent malgré lui.

Il n'arrivait pas à en croire ses oreilles. Putain, Amy et Lucy étaient mortes. Le type les avait vraiment tuées !

- Non, non, non ! gémit-il en se prenant la tête entre ses mains crispées. Mon Dieu, dites-moi que je rêve, ce n'est pas possible, ce n'est pas possible !

Une voiture qui descendait la côte commença à ralentir.

Larry reprit subitement ses esprits. Il se frotta le bas du visage. Par-dessus sa main, il croisa le regard de la femme qui conduisait, mais elle ne sembla pas le reconnaître.

Il venait enfin de comprendre pourquoi on lui avait rasé le crâne. Secoué de tremblements nerveux, il remonta dans son véhicule et le remit en marche. À allure modérée, il reprit la route.

Le flash était terminé. Summer 69 de Brian Adams avait pris la relève. Il changea de station et trouva une radio d'information continue. Un journaliste était en train de brosser son profil ! Sa jeunesse à River Falls, ses petits, méfaits d'adolescent...

Je vais. devenir dingue, se dit-il. Arrêtez, arrêtez !

Il se mit à pleurnicher, sa vision se brouilla et il s'arrêta une nouvelle fois.

Il ne pouvait pas retourner en ville. Il devait prendre le temps de réfléchir. Il était devenu l'homme à abattre !

Il parvint à reprendre son souffle, à modérer les battements désordonnés de son cœur. Puis il fit demi-tour. Il allait retourner dans le petit chemin de traverse. Là, il essayerait de se calmer, de faire le point sur sa situation.

Il savait qu'il devait aller voir la police, mais la menace de l'homme prenait désormais toute sa terrible réalité. « Si tu veux vivre, à aucune condition tu ne dois parler à la police ! »

Que faire ? Il se voyait mal en fugitif jusqu'à la fin de ses jours !

- Je n'ai tué personne ! Je n'ai tué personne ! hurla-t-il alors que le journaliste continuait de broder sur l'affaire.

Sept Jours à River Falls
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