5
Larry entendit un bruit de porte qui s'ouvrait. Son cœur bondit dans sa poitrine. Il était au bord de l'épuisement, attaché sur cette chaise dans le noir.
Il se mit à trembler. Il n'aurait su dire depuis combien de temps il était ainsi, enfermé dans l'isolement.
Son dernier souvenir, c'était de s'être fait kidnapper en allant fournir un nouveau client. Il avait vaguement conscience d'avoir téléphoné à Lucy et à Amy, mais peut-être pas...
Un rai de lumière apparut sous la porte, juste en face de lui.
Assoiffé et affamé, il avait vidé sa vessie sous lui et ne retenait qu'à grand-peine l'envie de lâcher le reste.
Il avait tenté jusqu'à s'en arracher la peau de briser les liens qui le fixaient à la chaise, elle-même solidement scellée au sol.
Des bruits de pas se rapprochèrent.
Il avait toujours su que le jeu qu'il jouait était dangereux mais il n'aurait jamais cru qu'une de ses victimes oserait aller jusque-là.
Durant toutes ces heures de solitude, il n'avait pu s'empêcher d'envisager le pire. Des sévices terribles.
Il avait vu tellement de films d'horreur, se repaissant de la souffrance des victimes, qu'il imaginait sans peine la terreur que pouvait ressentir un prisonnier face à son bourreau.
Une clé s'inséra dans la porte, qui s'ouvrit sans aucun grincement et révéla la stature d'un homme massif.
Larry s'obligea à fermer les yeux.
Je ne veux pas savoir qui il est, se dit-il alors que la sueur ruisselait sur son front et dans son dos.
L'homme alluma la lumière et fit quelques pas en avant.
- Je vous en prie, laissez-moi partir, dit-il d'une voix cassée.
- Ouvre les yeux, ordonna l'homme.
Larry se mordit les lèvres. Cela lui rappelait un film. Il ne manquerait plus qu'il veuille lui faire le « baiser du dragon » ! Cette pensée incongrue ne parvint pas à lui faire oublier sa peur.
- Ouvre les yeux ou je vais devoir te découper les paupières.
La voix était dure, mais calme.
- Promettez-moi de ne pas me tuer, supplia-t-il.
Un silence angoissant fut la seule réponse. Larry entendit l'homme se rapprocher encore et tourner autour de lui.
- Pitié, mon Dieu, pardon, je vous en prie, je ne ferai plus jamais de mal à personne. Sauvez-moi, je vous en supplie, bredouilla-t-il alors qu'il ne pouvait se retenir de vider à nouveau sa vessie.
- Je n'ai aucunement l'intention de te tuer. Ouvre les yeux, maintenant.
La voix était juste derrière son oreille droite. Il pouvait sentir le souffle de l'homme. Un frisson glacé le paralysa.
Il ouvrit les yeux.
L'homme se redressa et d'un pas lent et calculé vint se poster devant lui. Un masque de gardien de hockey dissimulait son visage.
Toutefois, Larry parvenait à voir les deux yeux qui le fixaient avec cruauté.
- Je vous en supplie, ne me faites pas de mal, je suis désolé, je vous en supplie...
Il se mit à pleurer comme un enfant terrorisé. Son corps hoquetait telle une marionnette manipulée par un vieil homme parkinsonien.
- Tu n'as pas été un garçon très sage, Larry, fit l'homme.
Larry releva la tête sans cesser de renifler.
- Mais dis-toi qu'aujourd'hui c'est ton jour de chance.
Un nouveau long silence.
L'homme restait planté devant lui, le fixant de son regard impitoyable. Vêtu d'un jean et d'un blouson en daim, on devinait une musculature particulièrement développée sous sa chemise à carreaux.
- Je vais te libérer. Mais à une condition. Si tu l'acceptes, alors tu pourras continuer à vivre.
Larry s'accrocha à cet espoir. Il était prêt à accepter n'importe quoi pour vivre.
- Oui, je ferai tout ce que vous voulez, je vous le jure.
L'homme sembla satisfait.
- Tu es un brave garçon, Larry. Je ne te demande qu'une seule chose. (Il prit le temps d'une pause avant de continuer :) Tu n'iras en aucun cas voir la police pour leur raconter notre petite entrevue. Tu m'entends ? En aucun cas.
- Oui, je vous le promets.
Il avait craint bien pire. Même si l'humiliation était totale, il savait qu'il tiendrait sa promesse. Il quitterait River Falls le plus tôt possible. Il devait laisser derrière lui l'ancien Larry et recommencer une vie ailleurs. Loin de ce malade.
- C'est bien, alors fais très attention à ne pas te faire prendre par la police.
- Oui, je ferai gaffe. Je vais tout arrêter, je vous le promets.
L'homme sortit de sa poche un flacon d'éther et un mouchoir.
- C'est très bien, Larry, mais il faut que tu comprennes que cela ne sera pas aussi facile que tu le penses.
Larry sentit la peur revenir au galop. Il allait le mutiler. Il en était certain.
Il va me torturer ! se dit-il, au bord de l'hystérie.
- Je ferai très attention, je vous le jure. Laissez-moi partir, parvint-il à articuler.
Des filets de sueur froide provoquèrent une nouvelle salve de frissons dans tout son corps.
- Si tu tiens à remplir la condition de ta survie, sache juste une chose : tu ne vas pas tarder à être recherché pour meurtre. Un conseil, évite de rentrer chez toi.
- Quoi ? s'écria Larry. Mais je n'ai jamais tué personne !
- Moi et toi, nous le savons, mais pas la police. Et n'oublie pas notre contrat, si jamais tu leur parles, je te retrouverai. Où que tu sois et quelle que soit ta protection.
La voix était terrible. Impassible, détachée, et cependant menaçante. Larry n'en douta pas un instant.
- Qui avez-vous tué ?
L'homme s'approcha de lui et prit le mouchoir qu'il imbiba d'éther.
- Tu le sauras à ton réveil. Bonne nuit, Larry.
D'une poigne puissante, il le saisit au menton et lui appliqua le mouchoir sur le visage.
Larry essaya de se dégager, mais très vite ses muscles l'abandonnèrent et il sombra dans l'inconscience.