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Sarah, Lisa, Shanice et Courtney étaient collées au poste de télévision de la chambre de Lisa.

C'est elle qui, réveillée à sept heures comme chaque matin, avait entendu l'information relatant la poursuite de Larry Brooks.

Encore en pyjama, elle avait aussitôt bondi du lit et téléphoné à ses amies, les invitant à la rejoindre pour suivre la poursuite en direct sur River's TV.

- Il n'a aucune chance de s'en sortir, fit Courtney, fascinée par les images prises de l'hélicoptère.

La voiture de Larry venait de doubler en catastrophe un camion, distançant ainsi celle de la police.

- Il est dingue ! s'exclama Shanice.

Une voiture venant en sens inverse manqua le prendre de pleine face.

Sarah aussi était hypnotisée par les images. L'assassin de ses deux anciennes amies se trouvait dans cette voiture.

Elle avait déjà vu des chasses à l'homme, mais jamais elle ne les avait suivies avec autant d'intensité.

Il faut qu'ils l'arrêtent et qu'ils l'abattent comme un chien ! se dit-elle en éprouvant une brusque montée de haine.

Elle savait que Lucy et Amy avaient été atrocement mutilées. Ce type ne méritait pas de vivre !

Quelques minutes plus tard, sur les commentaires énergiques de la journaliste embarquée dans l'hélicoptère, la Subaru quitta la route principale pour s'enfuir par un petit chemin à moitié enfoui sous la voûte d'arbres.

- Merde, on voit plus rien ! se plaignit Courtney.

- Ils vont le perdre ! fit Shanice en serrant les poings sous l'effet de la frustration.

Lisa se retourna vers son amie.

- Impossible, où tu veux qu'il aille ! Il n'y a rien à plusieurs kilomètres à la ronde. Les flics mettront le temps qu'il faudra, mais ils ne peuvent plus le manquer.

La présentatrice indiqua que la voiture de police, qui avait été surprise par le brusque changement de route de Larry, avait fait marche arrière et empruntait à son tour le petit chemin de terre.

Le cameraman essayait de faire des gros plans, mais les branches des arbres cachaient la majeure partie de la route.

- Regarde, je crois qu'il s'est planté ! s'écria Shanice.

Ce que corrobora la journaliste. Un zoom, et les filles purent distinguer à travers le feuillage la Subaru reposant sur le côté droit.

La voix de la journaliste était de plus en plus chargée d'émotion.

- Nous allons essayer de nous poser, même si les conditions atmosphériques ne sont pas favorables, fit-elle.

La voiture de police arrivait non loin de la Subaru.

Les filles eurent du mal à distinguer ce qu'il se passait. Apparemment, un des flics était sorti du véhicule et se rapprochait de la Subaru.

- Putain de feuillage ! On voit que dalle ! geignit Courtney.

L'hélicoptère chercha un endroit pour se poser. Les commentaires de la journaliste devenaient frénétiques.

Durant les dix minutes qui suivirent, le silence régna dans la chambre. Elles étaient hypnotisées par la voix de la journaliste.

L'hélicoptère trouva enfin un endroit où se poser. La journaliste bondit de l'engin, emmenant son cameraman avec elle.

Les filles étaient haletantes devant leur télévision. Comme par empathie, elles avaient l'impression de courir elles aussi dans la forêt.

Au terme d'une longue course agrémentée de propos essoufflés, le cameraman et la journaliste atteignirent le lieu de l'accident. Trois voitures de police étaient sur place. Le shérif Logan venait lui aussi d'arriver.

La journaliste fonça dans sa direction.

- Shérif, avez-vous arrêté Larry Brooks ? demanda-t-elle à brûle-pourpoint.

Les filles retinrent leur respiration. La pluie tombait sur le visage du shérif.

- Je n'ai qu'une chose à dire : Larry Brooks est mort. Maintenant, je vais vous demander de quitter les lieux. Nous vous donnerons plus de détails dans le courant de la journée.

- Vous confirmez donc que notre ville est désormais hors de danger ? Il n'y a plus de tueur ?

Le shérif pinça les lèvres et mit un certain temps avant de répondre.

- Exactement. Si vous le permettez, nous avons beaucoup de travail. Veuillez quitter le site. Une déclaration publique aura lieu, dans la journée, au commissariat.

Des policiers escortèrent la journaliste qui continuait de parler dans son micro. Mais Lisa avait déjà éteint le son.

Les filles se regardèrent et, soudain, explosèrent de rire. Un rire qui ne contenait aucune joie, seulement un puissant soulagement.

- Bien fait pour sa gueule ! J'espère qu'il a souffert ! fit Courtney.

- Oh ça, je m'en fous. Mais, au moins, je suis contente qu'il soit mort, renchérit Shanice.

Lisa, comme ses camarades, était soulagée de la mort de Larry, mais ne s'en réjouissait pas pour autant.

- On ne peut pas applaudir la mort de quelqu'un, même si cette personne était la pire des pourritures, dit-elle.

Shanice la regarda d'un œil torve.

- Tu plaisantes, ma grande ! Ce type méritait de crever. Tu as vu ce qu'il a fait à Lucy et à Amy ? Tu penses à la douleur de leur famille ?

Tout son visage exprimait le dégoût. Elle chercha un appui auprès de Courtney.

- Ce type était un malade. Avec un bon avocat, je suis sûre qu'il aurait échappé à la peine de mort, et va savoir s'il n'aurait pas été libéré au bout de dix ans. Ça ne te dérange pas de savoir qu'une ordure pareille puisse retrouver la liberté après les crimes qu'il a commis ?

- Et surtout qu'il puisse recommencer, ajouta Sarah.

Lisa comprenait les arguments de ses camarades, mais elle savait par ailleurs que la peine de mort ne servait absolument pas d'exemple, bien au contraire : elle institutionnalisait la mort.

C'est aux États-Unis que le nombre de meurtres par habitant était le plus important, alors qu'en Europe, où elle était abolie, ce nombre était éminemment plus faible.

Mais Lisa n'avait pas envie d'entamer un débat qu'elle savait perdu d'avance. L'objectif principal de la justice américaine était d'assouvir le besoin de vengeance personnelle des victimes, plutôt que de réellement chercher la meilleure solution pour protéger la société dans son ensemble. Rien ne pouvait raisonner quelqu'un qui voulait se venger.

- Je ne dis pas que je suis triste qu'il soit mort, mais j'aurais préféré qu'il ait un procès. Imagine une seule seconde que ce ne soit pas lui ? dit-elle sans y croire elle-même.

Les trois filles partirent d'un rire sarcastique.

- Arrête un peu, Lisa. Sois bien contente d'être notre amie, alors que, franchement, être démocrate, c'est vraiment la honte ! fit Courtney.

Shanice rit sous cape.

- Moi aussi je suis démocrate, mais je suis pour la peine de mort, dit Sarah en voulant défendre son amie.

- Personne n'est parfait, ma petite ! commenta Courtney.

- Bon, on ne va pas s'engueuler pour ce connard. Moi, je propose qu'on aille se prendre un petit déjeuner bien chaud et bien réconfortant pour fêter ça, fit Shanice.

Lisa trouva sa dernière remarque extrêmement déplacée, mais elle savait que Courtney était une chic fille. Elle n'avait pas de haine en elle. Elle était seulement le fruit d'une éducation conservatrice.

- OK, mais tu m'excuseras si je ne sors pas les cotillons.

Les trois autres filles sourirent et Shanice vint lui pincer affectueusement la joue.

- On te faisait marcher, ma petite Lisa. On t'adore, même si parfois on ne te comprend pas très bien. Mais c'est ça qui fait ton charme.

Lisa secoua la tête et leva les yeux au plafond.

Sept Jours à River Falls
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