18
Parvenue à moins de cinquante mètres de l’arête rocheuse, Leia comprit que quelque chose n’allait pas. Les Askajian avaient mis pied à terre. Chacun tenait les rênes de son dewback d’une main et ses armes de l’autre, visiblement prêt à se battre ou bien à fuir – voire les deux – à la moindre alerte. Sous le surplomb, une sorte de grotte en hémicycle, retentissaient les croassements rauques d’une meute d’urusais. Le long du transdunes, le sol paraissait grouiller d’ailes parcheminées et de cous reptiliens.
L’odeur, surtout, ne prêtait à aucune confusion. La température de Tatooine, où que l’on se trouve, était toujours très élevée et il n’existait aucune puanteur comparable, dans toute la galaxie, à celle de ses morts se décomposant à la chaleur.
Chewbacca poussa un grognement lorsque l’odeur lui fouetta le nez.
— Oui, moi aussi, dit Leia. Mais je crois être en mesure de supporter ça pour peu qu’on puisse installer Han à l’ombre.
Les Squibs, visiblement moins affectés par la chaleur que Chewie et Leia, partirent inspecter le transdunes. Leia avait du mal à comprendre ce qui motivait réellement le trio de petits rongeurs. Le profit, bien sûr. À l’exception des Hutts et de Threkin Horm, les Squibs étaient probablement les individus les plus égoïstes qu’il lui ait été donné de rencontrer. Pourtant, à deux reprises, ils n’avaient pas hésité à risquer leur peau pour sauver celle de Han. Leia se dit qu’il devait s’agir d’une sorte de code de l’honneur parfaitement incompréhensible de l’extérieur. Quelque chose qui avait à voir avec le strict respect des règles d’un marché, le partenariat étant érigé en valeur suprême et but ultime. Cependant, leur propre interprétation desdites règles leur laissait toujours la possibilité de rendre certains arrangements caduques. Ils illustraient par essence la philosophie de Lando Calrissian, qui prônait de toujours venir en aide à un ami… tant que les intérêts convergeaient. Après ça, c’était chacun pour soi.
Les Squibs atteignirent la caverne bien avant Leia et Chewbacca. Ils jouèrent des coudes entre les jambes des massifs Askajian pour se frayer une place jusqu’au premier rang. Puis ils s’arrêtèrent net et détournèrent la tête. Leia comprit pourquoi, une minute plus tard, quand elle et Chewbacca eurent enfin rejoint le reste du groupe.
Le sol de l’immense grotte était jonché d’urusais. Perchés sur les corps entremêlés de Jawas et de fantassins Impériaux, à gronder, à siffler, à battre l’air de leurs ailes parcheminées pour empêcher les Askajian d’approcher. Des équipements endommagés, aussi divers que variés, étaient éparpillés entre les charognards volants : des pièces de speeder, des droïdes démembrés, des vaporateurs cassés – souvent encore dans leur emballage d’origine –, ainsi que deux aérofouineurs Impériaux. L’un d’eux couché sur le flanc, près de la proue du transdunes, l’autre complètement retourné sur le toit, plus près de l’arrière.
— On sait maintenant pourquoi les Jawas ne sont jamais arrivés à Anchorhead, dit Borno, rejoignant Leia et les autres. Les Impériaux les ont trouvés.
— Non, pas vraiment, répondit Leia. Une patrouille les a trouvés.
— Je ne vois pas bien la différence…
Chewbacca grogna une explication.
— Tout juste, dit Leia. Les Impériaux n’ont pas trouvé le transdunes. Par contre, ils ont perdu une patrouille. Si le Chimaera était au courant de tout cela, ils auraient déjà envoyé une escouade d’analystes sur place afin de démonter le transdunes et de passer la zone au peigne fin.
Chewbacca gronda une autre possibilité.
Leia secoua la tête.
— Non, si les Impériaux avaient voulu nous tendre une embuscade, ils nous auraient déjà attaqués. (Elle vérifia son chronomètre. Il restait moins de dix minutes avant le prochain passage du TIE.) D’autre part, s’ils savaient exactement où nous allions, ils n’auraient pas organisé de surveillance aérienne.
Chewbacca grogna.
— Laissez-moi deviner, intervint Borno. Il a dit « Bien vu », non ?
Le Wookiee hocha la tête. C-3PO apparut entre deux dewbacks.
— Quel crime horrible ! s’exclama le droïde. Je ne considère pas vraiment les Jawas comme des amis, mais ce que ces fantassins Impériaux leur ont fait subir viole des accords de guerre aussi anciens que l’Ancienne République elle-même. Et regardez ce qu’ils ont fait à ces droïdes ! Pourquoi abattre ainsi des prisonniers ? Cela dépasse mon entendement.
— Parce qu’ils ne comprennent pas les droïdes ? suggéra Borno. Ou bien la technologie en général ?
C-3PO se tourna face à l’Askajian.
— Je vous demande bien pardon, Monsieur. Mon expérience avec les Impériaux m’a prouvé qu’ils sont, au contraire, très férus de technologie.
— Je crois qu’il ne parle pas des Impériaux, C-3PO, dit Leia, regardant Borno par-dessus l’épaule du droïde protocolaire. Vous pensez aux Hommes des Sables ?
— Il semble bien. Ils ont dû attaquer pendant que les fantassins Impériaux fouillaient le transdunes. (Il tendit une grosse main vers la rampe d’accès au véhicule. Celle-ci était criblée d’impacts de métal fondu.) Vous voyez ces trous ? C’est la marque des lance-limaces.
Leia hocha la tête.
— Borno, n’allez pas croire que je voudrais manquer de respect à feu vos associés mais il ne nous reste que neuf minutes avant le prochain passage. Il y a de fortes chances pour que cette fois-ci, il vole juste à la verticale du canyon. Comme j’ai pu voir…
— Oui, la chenille arrière, bien entendu. J’y ai pensé aussi. (Borno aboya une série d’ordres. Les cornacs passèrent immédiatement à l’action. Le chef traduisit à Han et à Leia :) Nous allons entasser des rochers pour cacher la chenille. Je doute que les morts nous en voudront beaucoup si nous attendons quelques minutes de plus pour nous occuper d’eux.
— J’ai bien peur qu’il faille attendre plus longtemps que ça. (Leia tendit son bras valide vers les urusais.) Si jamais ils détalent et se mettent à voler en cercle…
— Effectivement, ça risque d’alerter les Impériaux, dit Borno. Je pense que les Jawas comprendront.
— En fait, Monsieur, intervint C-3PO, la tradition Jawa est très…
— C-3PO ! l’interrompit Leia.
— Oui, Princesse Leia ?
— Pas maintenant.
— Oh, bien sûr. J’essayais juste d’expliquer que…
Chewbacca gronda quelque chose en Shyriiwook et le droïde alla se réfugier derrière Borno.
— Non, non, non, je n’ai pas envie d’aller rejoindre les droïdes des Jawas…
Leia vérifia son chronomètre.
Huit minutes.
Elle fit signe aux autres de la suivre et entraîna son groupe vers le fond de la caverne, là où le plafond rocheux rejoignait le sable et où il n’y avait pas de cadavre. L’air y était étonnamment frais, tout du moins pas aussi chaud qu’à l’extérieur, et presque humide. Leia lissa le sable d’une main et demanda à Chewbacca d’installer Han le plus confortablement possible. Puis elle tendit toutes les gourdes vides à C-3PO.
— Retourne aux dewbacks, trouve ceux qui transportent les réserves d’eau et remplis-moi tout ça, ordonna-t-elle. Et magne-toi ! Chewie ? Essaye de trouver une armure de fantassin Impérial dont l’unité de refroidissement fonctionnerait encore. Grees, ce serait sympa si…
Leia se tourna pour s’adresser au Squib et s’aperçut que les trois rongeurs avaient disparu.
— Où sont-ils encore passés, ceux-là ?
C-3PO tendit le bras et indiqua, au-delà de la masse grouillante et grondante d’urusais, la rampe d’accès au transdunes.
— Je crois qu’ils sont là, Maîtresse Leia.
Chewbacca grogna et s’apprêta à suivre les Squibs.
— Non, Chewie ! dit Leia. L’armure d’abord…
Chewbacca jeta un coup d’œil à Han puis un autre en direction des Squibs. Il feula que Han serait certainement furieux, à son réveil, de découvrir qu’à cause de lui les petits voleurs avaient pris la poudre d’escampette avec Le Crépuscule des Killik.
Leia haussa les épaules.
— Oui, eh bien ce ne sera pas la première fois que Han sera en colère après moi. (Dans la fraîcheur relative de la grotte, elle savait que Han pourrait récupérer même sans l’armure de fantassin Impérial. Elle préférait cependant ne prendre aucun risque.) Et j’espère bien que ce ne sera pas la dernière.
Chewbacca regarda le transdunes et poussa un gémissement de frustration.
— Je t’en prie, Chewie, dit Leia. On s’occupera des Squibs plus tard.
— Maîtresse Leia, l’interrompit C-3PO. Je me permets de vous faire remarquer que tenter de négocier quoi que ce soit avec les Squibs plus tard, comme vous dites, pourrait se révéler particulièrement difficile. Ils estiment que vous les avez dupés en omettant de leur signaler que la carte de crédit que vous leur aviez confiée était codée. Ils pensent que vous ne disposez pas des fonds nécessaires pour surpasser la somme qu’ils pourraient obtenir des Impériaux. Je suis persuadé que s’ils mettent leurs petits doigts griffus sur le tableau, ils vont aller directement contacter l’Empire, nous abandonnant alors à notre triste sort.
— Vraiment ? (Leia en était elle-même arrivée à une conclusion équivalente, mais se l’entendre confirmer ne la réjouissait guère. Elle regarda son chronomètre. Sept minutes. Devant la caverne, des Askajian s’affairaient à balayer les traces de chenilles du transdunes, pendant que d’autres empilaient des pierres afin de dissimuler l’arrière de l’engin.) Et comment sais-tu tout cela, C-3PO ?
— J’ai entendu les Squibs en parler, répondit le droïde. Apparemment, ils sont convaincus que personne ne peut comprendre le langage secret qu’utilisent les Squibs entre eux pour tout ce qui touche aux négociations. Il se trouve que je connais parfaitement plus de six millions de formes de communication et…
— Oui, ça va, je sais, C-3PO. (Leia, du coin de l’œil, aperçu Chewbacca, indécis, qui regardait vers le transdunes.) Chewie ? Tu t’occupes de cette armure, oui ou non ?
Laissant à Leia la dernière gourde contenant encore un peu d’eau, le Wookiee et le droïde s’en allèrent vaquer aux tâches qu’on leur avait assignées. La Princesse avala deux gorgées d’eau chaude, puis elle ôta les lunettes de Han et humecta son visage et ses vêtements avec ce qui restait du précieux liquide. Elle observa attentivement son mari, espérant un signe, souhaitant que l’eau produise le même effet salvateur que précédemment. La seule réaction qu’elle obtint fut un petit toussotement.
Leia balaya du regard le sol de la grotte, effrayée à l’idée de ce que les Squibs allaient peut-être découvrir. Si Kitster Banai se trouvait encore à bord du transdunes au moment de l’attaque des Tusken, Leia aurait à transmettre un message très pénible à Tamora.
La Princesse reporta son attention sur Han. Son visage avait retrouvé un peu de couleur, mais il fallait qu’il reprenne conscience, à présent. Boire était la seule façon d’hydrater son corps puisqu’ils ne disposaient plus de perfusion. Elle se pencha sur lui.
— Écoute-moi bien, tête de bantha. J’en ai marre de me payer tout le gros du boulot, là ! (Elle l’embrassa sur la bouche et commença à sentir la tête lui tourner. Rien de romantique, pourtant. Han n’était visiblement pas le seul à avoir besoin de s’hydrater.) Allez, l’acrobate, réveille-toi…
Sa vision s’obscurcit. Au même moment, les paupières de Han se soulevèrent péniblement. Leia se sermonna pour rester consciente.
— Voilà qui est mieux… lui dit-elle en souriant.
Mais les yeux de Han la regardaient sans la voir. Ils étaient vitreux, vides, les pupilles fixes et dilatées.
— Han ! (Elle le saisit par les épaules et commença à le secouer.) Hé ! Han ! Tu vas où, là ? Allez, reviens !
Comme pour répondre à son ordre, deux têtes d’épingle scintillantes apparurent dans les profondeurs des pupilles de Han. Elles remontèrent doucement vers la surface, se transformant en petites boules de feu très pâles. Elles jaillirent ensuite par les iris et recouvrirent entièrement les deux yeux, évoquant deux petits soleils crépitant au fond de deux orbites vides.
— Han ?
Leia sentit que sa langue avait doublé de volume. Les mots se perdirent dans sa gorge. Elle se tourna pour appeler Chewbacca et découvrit que l’ombre qui régnait sous le surplomb rocheux était devenue soudainement aussi noire que le cœur d’une nébuleuse. La silhouette du Wookiee était indiscernable au milieu de douzaines d’autres formes spectrales se mouvant dans les ténèbres.
Alors, Leia comprit ce qui était en train de se passer. Une vision induite par la Force…
Un petit craquement retentit derrière Leia et elle s’obligea à baisser les yeux sur le visage de Han. Les soleils blancs brûlaient toujours au fond de ses orbites.
— À moi… (La voix était bien celle de Han mais ce n’était pas son timbre habituel. Le ton était dur, détaché, impitoyable.) À moi…
— Non ! s’étrangla Leia. Je vous en prie…
— À moi…
Les sphères blanches dans les yeux de Han étincelèrent de plus belle.
Leia, instinctivement, aurait voulu repousser la Force, gifler le visage de Han pour chasser l’apparition spectrale. Mais on ne pouvait vaincre une vision par les coups. Une vision, c’était quelque chose qu’il fallait comprendre.
Un grognement ensommeillé – le grognement ensommeillé de Han ! – résonna aux oreilles de Leia. Imaginant que la vision venait de revêtir un nouvel aspect encore plus effrayant, elle regarda à nouveau vers lui. Et fut stupéfaite de découvrir qu’il était étendu près d’elle, vêtu de l’armure blanche d’un fantassin Impérial. Un manteau avait été roulé sous sa tête en guise d’oreiller et une montagne de fourrure était agenouillée à côté de lui. Elle releva les yeux. Le visage de Han paraissait suspendu au-dessus d’elle. Les sphères dans ses yeux avaient viré au doré et semblaient luire différemment.
— Merveilleux ! (La voix était familière mais ce n’était pas celle de Han. Elle était trop métallique, trop policée, pour être celle de Han.) La Princesse Leia semble revenir à elle !
Une voix grave gronda quelque chose en Shyriiwook que Leia ne comprit pas.
— Non, je ne crois pas qu’il soit dans mes attributions d’obliger la Princesse à…
La voix grave grogna à nouveau. Le visage au-dessus d’elle – ce n’était plus celui de Han et il n’avait pas grand-chose d’humain – recula, heurtant le plafond rocheux de la caverne en produisant un petit tintement cristallin. Une main dénuée de chair et de peau se glissa sous le cou de Leia pour lui soulever la tête.
— Maîtresse Leia, puis-je vous proposer un peu de bactade ?
— C-3PO ? balbutia Leia. Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Je ne suis pas un droïde médical… (Le visage de C-3PO changea dans la vision de Leia – à moins qu’il ne se soit agi d’un rêve ? – pour reprendre son aspect habituel.) Mais il me semble que vous avez perdu connaissance.
Chewbacca poussa un grognement menaçant.
— Je vous en prie, buvez, dit C-3PO en portant une gourde remplie d’un liquide brun aux lèvres de Leia.
Juste à côté de Leia, Han recracha une pleine gorgée de bactade sur la poitrine de Chewbacca.
— Pouah ! C’est pas de la Gizer ! C’est même pas de la bière !
Chewbacca feula une menace tout en appuyant la gourde sur les lèvres de son patient. Cette fois, Han accepta de boire.
Leia se redressa sur ses coudes et fut surprise de découvrir que sa poitrine était protégée par une plaque d’armure blanche. Son épaule démise était douloureuse, mais elle semblait tenir le coup.
— Qu’est-ce que… (Elle laissa la question en suspens, remarquant combien son corps lui paraissait rafraîchi, et prit la gourde des mains du droïde.) Combien de temps suis-je restée inconsciente ?
— Nous vous avons retrouvée il y a exactement une heure et vingt-trois minutes, répondit C-3PO. Messire Chewbacca a dû se battre contre trois urusais…
— Une heure ?
Visiblement, les Askajian avaient réussi à camoufler la présence du transdunes. Leia regarda autour d’elle et vit que le sol de la caverne grouillait toujours d’urusais. Trois d’entre eux gisaient sur le flanc, le cou brisé. Les cornacs avaient rassemblé les vaporateurs détériorés de l’autre côté de la grotte et, espérant sauver ce qui était encore récupérable, procédaient à l’échange de leur précieuse laine de tomuon contre la cargaison. Opportunistes comme pas deux, les Squibs étaient occupés à charger la laine de tomuon à bord du transdunes.
Leia les ignora et, toujours perturbée par sa vision (ou son rêve), se tourna vers Han.
— Comment te sens-tu ?
— Pas terrible. J’ai l’impression qu’un bantha m’a piétiné la tête. (Il leva un pouce vers Chewbacca.) Et ce tas de poil essaye de me faire boire de l’eau croupie.
Chewbacca grogna, sur la défensive.
— Je m’en fiche que tu l’aies préparée toi-même ! dit Han. Ta mixture a quand même le goût d’eau croupie !
— Ouais, eh bien, eau croupie ou pas, il faut que tu la boives. (Leia se força à sourire et leva la gourde.) Moi, en tout cas, je bois.
Le visage de Han afficha une expression qui donnait l’impression qu’il venait d’entrer dans une boîte de strip-tease pour y découvrir un Gamorréen se trémoussant sur la scène.
— Tu as peur ? demanda Leia.
— Ouais, c’est ça…
Han arracha la gourde de bactade des mains de Chewbacca sans quitter Leia des yeux. Tout d’abord, elle crut qu’il attendait qu’elle boive en premier. Lorsqu’elle commença à porter la gourde à ses lèvres, il ne suivit pas le mouvement.
— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle.
— Non, rien. (Han leva la gourde jusqu’à sa bouche et posant le goulot sur sa lèvre inférieure, reprit la parole :) Tu sais que t’es plutôt sexy, en blanc, comme ça ? Ça me fait chaud au cœur !
Leia se passa une main dans les cheveux pour découvrir qu’ils étaient collés de sable et de sueur.
— Ouais, « chaud », c’est le mot !
Elle parvint à boire l’intégralité de la gourde de bactade. Le goût crayeux en était parfaitement horrible. Elle fut cependant heureuse de constater que Han avait également fini sa bouteille.
— On remet ça ? lui demanda-t-il sur un ton de défi.
La seule pensée du bactade donna à Leia l’envie de vomir, mais elle était décidée à tout faire pour que Han aille mieux.
— Et pourquoi pas ? dit-elle en souriant.
— Patron, la même chose ! dit Han à Chewie.
Chewbacca grogna que l’heure n’était pas vraiment aux concours idiots. Puis il fit un geste en direction de l’entrée de la caverne. Borno était en train d’avancer vers eux, un Jawa niché au creux d’un de ses énormes bras.
— Il semblerait que les Tusken aient omis de tuer quelqu’un, observa C-3PO. Merveilleux, non ?
Leia et Han échangèrent un regard.
Borno s’arrêta à proximité du groupe. Lorsque les Solo firent mine de se lever, l’Askajian leur fit un signe pour les inviter à se rasseoir.
— Gardez vos forces, vous en aurez besoin quand nous repartirons.
— On va repartir ? (Leia repensa à sa vision et adressa un regard nerveux au massif Askajian.) Et quand ?
— D’ici un petit quart d’heure, répondit Borno en haussant les épaules. Dès que nous aurons terminé de charger nos bêtes.
Chewbacca grogna une question.
— Messire Chewbacca est préoccupé par les Impériaux, traduisit C-3PO. Il se peut qu’ils soient encore dans les parages.
Borno parut se détendre et fit un geste apaisant.
— Ça fait plus d’une heure qu’on n’a pas entendu passer de TIE. Aucun Impérial ne pourrait nous retrouver dans ces canyons, de toute façon.
Leia et Han échangèrent à nouveau un coup d’œil. Tous deux avaient déjà entendu ce genre de bravade. Chewbacca grogna une autre question.
Une fois que C-3PO eut traduit, Borno secoua la tête.
— Non, on n’a pas retrouvé la toile en mousse végétale dont vous nous avez parlé. Ni le moindre humain. À part ceux qui gisent là, dans leurs armures de fantassins Impériaux. (Il tendit un doigt vers le transdunes.) Mais les Squibs nous ont refusé l’accès aux ponts supérieurs de l’engin.
Han se tourna vers Leia.
— Tu les as laissés récupérer le Crépuscule ?
Leia haussa les épaules.
— On avait d’autres soucis.
— Ah ouais ? Comme quoi ? demanda Han. Après tout ce que j’ai enduré pour le retrouver ? Après tout ce que nous avons enduré ? Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir de plus important que ça, hein ?
— Toi, Han ! dit Leia. J’ai demandé à Chewie de s’occuper de toi et de laisser tomber les Squibs.
Han la foudroya du regard, l’air cependant plus déçu que furieux.
— C’est pas très malin. Chewie est assez costaud…
— Han !
— C’est lui que tu aurais dû envoyer après les Squibs. Toi, tu aurais pu rester ici pour t’occuper de moi. (Han ne parut pas remarquer que Borno et Chewbacca avaient arrêté de discuter et qu’ils étaient à présent en train de les écouter, Leia et lui.) Peut-être que si tu ne t’étais pas évanouie…
— Han !
— Ouais ?
— Je suis restée, dit Leia.
— Où ça ?
— Ici, avec toi !
— Ah bon ? (Le regard de Han exprima soudainement la perplexité.) Alors, qui surveillait les Squibs ?
— Personne, répondit Leia en secouant la tête.
Han soupira, évoquant un réacteur en train de se purger. Son regard resta braqué sur le transdunes pendant un très long moment.
— Donc, tu as laissé les Squibs partir seuls à la recherche du Crépuscule, c’est ça ? demanda-t-il finalement. (Leia hocha la tête.) Parce que tu te faisais du mouron pour moi. (Leia hocha encore la tête.) Eh bien… heu…
Pour la première fois de sa vie, Han parut à court de mots.
Chewbacca gronda une suggestion.
— Hein ? demanda Han.
Le Wookiee s’expliqua.
— Ouais, bon, d’accord. (Han se tourna vers Leia.) Merci.
— De rien. (Leia arbora son sourire le plus diplomatique, puis se leva doucement.) Tête de bantha, ajouta-t-elle entre ses dents.
Borno tendit sa main libre, épargnant à Leia quelques efforts pour se relever.
— On va vous déposer à Motesta. Il y a là-bas un renégat Impérial en qui j’ai toute confiance.
Dans l’esprit de Leia se matérialisa l’image des yeux de Han, juste avant l’apparition des soleils, lorsque ses pupilles étaient fixes et dilatées. Un rêve ou une vision ? Soudain, elle ne pouvait plus supporter l’idée d’avoir à continuer le voyage en compagnie des Askajian.
— Ne vous inquiétez pas du fait que Gwend ait pu un jour servir dans les rangs de l’Empire. (Borno parut songeur pendant quelques instants, puis il ajouta :) C’est lui qui nous a aidés à venir ici, sur Tatooine. Et il est en train d’aider une autre tribu, qui ne devrait plus tarder. C’est pour ça qu’on a besoin des vaporateurs.
Leia eut alors comme un pressentiment. Les Askajian n’étaient pas réputés pour leurs excès de confiance, bien au contraire. Si une autre tribu s’apprêtait à débarquer sur Tatooine, il devait y avoir une bonne raison à ça.
— Quand vont-ils arriver ? (La Princesse venait de penser à la mission secrète de Wedge sur Askaj et à la possibilité que Mon Mothma ordonne à l’Escadron Spectre de faire demi-tour au cas où Leia n’enverrait pas très prochainement son rapport.) Après la visite du Grand Moff Wilkadon ?
Borno en resta bouche bée.
— Ça… Comment avez-vous deviné ? demanda-t-il au bout d’un instant.
— Ça concorde, dit Leia. Savez-vous s’ils ont déjà quitté Askaj ?
— Non, pas Askaj. Mais ils ont déjà quitté leur village. On n’aura pas de leurs nouvelles avant qu’ils ne débarquent ici, sur Tatooine. (Borno étudia attentivement la Princesse.) Ils ont déjà payé leur passage, ajouta-t-il prudemment. Vous pensez que leur vaisseau sera au rendez-vous ?
— Je l’espère. (Leia ne savait pas quoi répondre d’autre. Elle ignorait tout des détails de la mission mais, après une opération aussi audacieuse, il n’était pas rare que les services d’espionnage de la Nouvelle République assurent la protection d’une cellule de résistants en les installant sur une autre planète. Les abandonner reviendrait à signer leur arrêt de mort. Elle posa une main sur le bras de Borno.) Je dois d’ailleurs entrer en contact avec mes amis, et je vous promets que je vais leur demander d’être à l’heure au rendez-vous. Cependant, Borno, nous ne pouvons pas continuer le voyage avec votre caravane.
— Vous souhaitez qu’on vous laisse ? demanda Borno en balayant la grotte du regard. Ici ?
— Exact, répondit Leia.
Borno parut perplexe.
— Pardonnez-moi d’insister, mais vous êtes à une centaine de kilomètres de l’abri le plus proche. Les Squibs se sont déjà approprié le transdunes… (Il ignora la tirade indignée et furieuse du Jawa qu’il tenait dans ses bras.) Et ils n’ont pas l’intention d’emmener qui que ce soit à leur bord. En admettant qu’ils réussissent à faire redémarrer le moteur. Je suis désolé mais je ne crois pas que vous, les humains, vous soyez vraiment faits pour marcher dans le désert…
— Nous n’aurons pas besoin de marcher, dit Leia. (Peut-être que le soleil lui avait trop tapé sur la tête. Peut-être pas. Mais, pour la première fois depuis son arrivée sur Tatooine, Leia sentait au fond d’elle-même qu’elle était en train de prendre la bonne décision.) Il nous reste les deux aérofouineurs et on ne peut pas dire qu’on soit à court de pièces détachées, avec tout ce qui traîne ici. Je suis certaine qu’on peut en retaper un. (Elle se tourna vers Chewbacca.) Pas vrai, Chewie ?
Chewbacca écarta les bras et grogna.
— Vous voyez ? dit Han, venant se poster à côté de son épouse. Tout ira bien. Un peu d’huile de coude, quelques réparations à droite et à gauche, et nous pourrons rentrer chez nous.
Borno les étudia tous deux avec la plus grande attention.
— Vous doutez de mon jugement ? demanda-t-il. Vous croyez que les Impériaux ne sont pas vraiment partis ?
— C’est dangereux de sous-estimer les Impériaux. (Une partie de l’esprit de Leia se demanda si elle n’était pas en train de condamner tout son groupe à mourir. De soif, lentement mais sûrement. Ou bien très vite, des mains des pillards Tusken, si jamais ils revenaient dans les environs. Mais il ne s’agissait que d’une toute petite partie de son esprit, une partie que Leia préféra ignorer pour laisser libre cours à son instinct.) Je sais que nous sommes en train de pousser notre chance un peu loin. Mais si jamais vous devez tomber sur des Impériaux un peu plus tard, je crois que ce sera mieux pour tout le monde si nous ne sommes pas avec vous.
Borno écarta les bras, comme pour imiter Chewbacca, et grogna :
— Si c’est votre choix…
— Oui. (Leia s’apprêtait à conseiller à Borno de ne pas nier les avoir rencontrés, au cas où les Impériaux arrêteraient effectivement la caravane, mais elle se ravisa, ayant une meilleure idée.) Dites-moi, Borno, ça vous plairait, un holocom portable ?
Les yeux, déjà petits, de Borno se transformèrent en de minuscules fentes très soupçonneuses.
— Qu’est-ce que vous voudriez que j’en fasse ?
— Pas grand-chose, concéda Leia. Sauf peut-être passer un coup de fil aux Impériaux pour leur raconter un gros pipeau, comme quoi vous nous avez abandonnés sur la Great Chott, après que leur TIE eut collé la frousse à vos montures, que vous avez changé d’avis et que vous n’avez plus voulu nous aider…
— Mentir aux Impériaux ? (Borno arbora un sourire jusqu’aux oreilles.) Pour ça, rien ne vaut un Askajian !
— Parfait.
Leia lui expliqua son plan. Borno hocha la tête.
— Oui, je peux le faire, pas de problème. (Il tendit le bras qui tenait le Jawa, déclenchant un sifflement de douleur de la part de la petite créature.) On a trouvé ce survivant dans la caisse d’un vaporateur. Je me demandais si vous pourriez l’aider. Je crois qu’il a la jambe cassée.
— Bien sûr. (Leia observa les petits yeux jaunes du Jawa, scintillant sous l’épaisse capuche.) Je ne suis pas médecin mais j’ai eu l’occasion de panser des blessures pendant les combats. Je vais voir ce que je peux faire.
— Go mob un loo ? baragouina le Jawa.
— Il veut savoir combien ça va lui coûter, traduisit C-3PO.
— Tomo !
— Ah, pardon, dit C-3PO au petit ferrailleur. Elle veut savoir combien ça va lui coûter.
Leia sourit.
— Cela ne coûtera…
— Ah ça, je ne sais pas, intervint Han, interrompant Leia. (Il fit mine d’examiner la jambe de la Jawa, puis se redressa vers son épouse, l’air de dire « Joue le jeu avec moi ».) La fracture me semble sérieuse…
— Han ! dit Leia. Comment peux-tu…
Elle ne termina pas sa phrase. Chewbacca venait tout juste de se pencher par-dessus son épaule pour confirmer à Han qu’il s’agissait certainement de la plus vilaine fracture qu’il lui ait été donné de voir.
C-3PO traduisit dûment tout ceci à la Jawa.
Cette dernière se lança dans une longue tirade.
Et C-3PO traduisit en retour :
— Elle dit que la fracture n’est pas aussi grave qu’elle en a l’air. Elle vous propose trois blasters ioniques en échange des soins et pas une cellule énergétique de plus.
Han et Chewbacca échangèrent un coup d’œil. Ils secouèrent la tête de concert. Leia comprit ce qu’ils manigançaient.
Elle jeta un coup d’œil à la jambe et demanda :
— Qu’est-ce que c’est que cette bosse, là ? Elle me paraît drôlement grosse…
— Bien, je vois que vous n’avez plus besoin de moi, dit Borno. (Il déposa la Jawa à terre, puis inclina sa lourde tête, au-dessus de ses multiples rangées de mentons, pour saluer Leia et les autres.) Vous me direz quand vous serez prêts.
— Je vous rejoins dès que j’ai fini ici, dit Leia.
La Jawa fit une nouvelle offre.
— Elle propose d’ajouter un blaster à répétition T-11, dit C-3PO.
— Un T-11 ? se moqua Han. C’était déjà un modèle périmé au temps où il y avait des lacs sur cette planète !
— Une vidéocarte, peut-être ? suggéra Leia. (Borno avait gardé la leur et n’avait certainement aucune intention de la restituer.) On pourrait avoir besoin d’une vidéocarte, non ?
— Oui, une vidéocarte… en état de marche, précisa Han.
La Jawa poussa un petit cri de douleur.
— Yanna kuzu peekay, jo ! baragouina-t-elle.
— Elle n’a pas de vidéocarte, traduisit C-3PO. Mais elle peut vous indiquer un chemin pour peu que vous lui donniez votre destination.
Han la foudroya du regard.
— Son transdunes, là, ce ne serait pas celui qui aurait récupéré un swoop endommagé il y a quelques nuits de cela ?
La Jawa hocha la tête, puis, par l’intermédiaire du droïde de protocole, lui demanda comment il le savait.
— Parce que j’essayais de vous suivre ! dit Han. Et vous m’avez abandonné dans la tempête !
La Jawa balbutia quelque chose qui sonna étrangement comme « Oups ! ».
— Elle s’excuse…
— Ouais, j’ai pigé, dit Han. Et elle est certaine qu’il n’y avait pas de vidéocarte à bord de ce swoop ?
La Jawa se lança dans une très longue explication, que C-3PO s’empressa de traduire :
— Personne dans le clan n’a compris ce que c’était que ce swoop. Qui peut avoir envie de piloter un swoop-fusée au beau milieu d’une tempête de sable ? Kitster Banai devait être suicidaire, ou bien complètement fou, ou bien en train de tenter d’échapper à une bande de Hutts. En tout cas, il pilotait un swoop de compétition et les swoops de compétition ne sont pas équipés de vidéocartes.
Leia se rappela alors que, effectivement, Ulda avait demandé à ce vieux pilote de podracer d’installer une vidéocarte sur celui de Han juste avant son départ.
— Mais est-ce que Kitster a survécu ? Est-ce qu’il avait…
La Jawa l’interrompit et aboya quelque chose que C-3PO se fit un plaisir de traduire :
— Herat aimerait vous rappeler que vous êtes en ce moment en train de négocier le prix des soins pour sa jambe cassée. Si vous souhaitez discuter du prix des informations que vous recherchez, elle serait très heureuse de lancer les négociations juste après les soins que vous pourrez lui prodiguer.
— Et pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups ? suggéra Leia. Les informations en échange des soins ?
— Oog ! gronda Herat.
— Non ! traduisit C-3PO.
— Elle veut jouer à ça ? (Leia avait du mal à le croire. Une jambe cassée, son équipage massacré, entourée d’étrangers, Herat cherchait encore à avoir l’avantage dans la discussion. La Nouvelle République saurait utiliser des négociateurs comme elle. Leia fixa les yeux jaunes et lumineux de la Jawa avec un certain respect, puis releva mentalement ses manches.) Bon. Si ce que vous avez de mieux à nous offrir, c’est un T-11 et trois blasters ioniques, eh bien, soit ! Dans cette galaxie, faut pas venir se plaindre de la qualité quand on n’y met pas le prix, hein ?
Herat se tourna vers C-3PO et couina une très longue phrase dans sa langue natale.
— Elle dit que vous avez le cœur d’un serial killer Hutt, traduisit le droïde. Mais elle a très mal et n’a pas l’intention de boiter pour le restant de sa vie. Elle est prête à vous dire ce qu’il est advenu de Kitster Banai et de son tableau.
Herat poussa un petit grognement.
— Ah, pardon, rectifia C-3PO. Ou de son tableau.
— Elle est dure en affaires, soupira Leia. On dirait qu’elle ne souhaite pas être anesthésiée…
Herat aboya une série de petits couinements.
— Les pillards Tusken les ont pris tous les deux, dit C-3PO. Elle peut vous montrer où ils les ont emmenés.
— Elle peut faire ça ? demanda Han, du coup très intéressé. À ce prix-là, on peut l’anesthésier et lui ajouter une attelle !
— Ah bon ? demanda Leia, se tournant vers Han. Et tu veux te lancer aux trousses d’une tribu d’Hommes des Sables ?
— Ben ouais, c’est quand même un chouette tableau, non ? répondit-il en haussant les épaules.
— Oui… Bien sûr… (Dans son esprit, elle revit les soleils blancs qui s’étaient substitués aux yeux de son époux. Elle commença à se demander si son rêve avait vraiment quelque chose à voir avec la caravane, si tout ceci n’avait pas justement représenté la voie qu’elle ne devait en aucun cas choisir. Ou bien si ce n’était pas tout simplement pour lui signaler que le cauchemar deviendrait une réalité, et ce quel que soit son choix.) C’est un chouette tableau, c’est vrai. Pour peu que les Hommes des Sables pensent à l’arroser.
Han fronça les sourcils, soudain perturbé par la réticence de son épouse à continuer la poursuite.
— Mais il y a un contrôleur d’humidité, sur ce tableau. Un excellent contrôleur d’humidité…
— Je le sais bien, dit Leia. Mais n’oublie pas qu’il s’agit de pillards Tusken. Les choses pourraient mal tourner.
— Mal tourner ? Qu’est-ce que tu veux…
Han laissa sa phrase en suspens, puis secoua la tête. Leia ne parvint pas à déterminer si son regard exprimait la culpabilité ou la colère.
La Jawa baragouina une question.
— Herat demande pourquoi les Impériaux s’intéressent tant que cela à un contrôleur d’humidité, traduisit C-3PO. Elle vous prie également de terminer les négociations avec elle avant d’en ouvrir de nouvelles entre vous. Elle éprouve une grande douleur.
— Nos affaires ne la regardent pas et on s’occupera d’elle dans une minute, rétorqua Han, les yeux toujours braqués sur Leia. Je croyais que tu voulais récupérer ce tableau coûte que coûte. Moi, en tout cas, je veux le retrouver.
— Pourquoi, Han ? demanda Leia en le regardant droit dans les yeux.
— Eh bien, comme je te l’ai dit, je l’aime bien, moi, ce tableau. (Han adressa un coup d’œil à la Jawa, se demandant jusqu’où il pouvait aller dans ses révélations près d’oreilles aussi indiscrètes.) Je ne voudrais pas qu’il tombe aux mains des Impériaux.
— Pourquoi, Han ? répéta Leia. J’aimerais beaucoup que tu m’expliques pourquoi, toi, tu ne veux pas qu’ils le récupèrent.
Une lueur de compréhension traversa le regard de Han.
— Parce que je ne veux pas que cette toile termine accrochée au mur de la cabine d’un amiral Impérial. (Son ton avait pris une tonalité défensive, le signe évident qu’ils étaient en train de progresser vers quelque chose qu’il n’était pas prêt à admettre, quelque chose qu’il ne comprenait pas lui-même.) Je l’ai déjà dit, non ?
— Cela ne me suffit pas, dit Leia. Tu n’es plus membre du gouvernement de la Nouvelle République. Tu ne fais plus partie de l’armée. Qu’est-ce que ça peut bien te faire, que ce tableau tombe aux mains de l’Empire, hein ?
— Eh bien, ça me fait quelque chose, d’accord ? (Sans attendre que Leia réponde ou secoue la tête, Han continua :) Et puis c’est vrai que je suis une vraie tête de bantha, en ce moment…
— Ah ! On progresse, là, on progresse…
— Mambay ! couina la Jawa.
— Herat dit qu’elle l’espère bien, rapporta C-3PO.
Leia les ignora tous les deux et attendit que Han continue.
Celui-ci lui lança un regard qui signifiait « Ne pousse pas le bouchon trop loin ».
— Je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête, reprit-il. J’ai agi comme si le Conseil Provisoire représentait le gouvernement à part entière. Ne t’attends pas à ce que je vienne m’asseoir de si tôt à la même table que Mon Mothma ou Borsk Fey’lya, mais je crois m’être trop impliqué pour simplement tourner le dos à la Nouvelle République maintenant. (Il réfléchit quelques instants et fronça les sourcils.) Et tu es la raison majeure de cette implication, Leia. On ne peut rien y changer.
Leia sentit la tête lui tourner. De façon relativement agréable.
— Je ne voudrais pas que ça change…
Chewbacca poussa un soupir excédé.
Leia prit la main de son époux. Elle l’aurait bien embrassé, mais la Jawa ne les quittait pas des yeux.
— Bon, il est peut-être temps d’accepter l’offre de Herat, dit Leia. (Elle s’empara du nécessaire de première urgence et se tourna vers la Jawa.) Où peut-on trouver les Hommes des Sables ?
Herat répondit par un long gargouillis.
— Elle vous le dira quand vous lui aurez soigné la jambe, traduisit C-3PO. Elle veut s’assurer que vous ne changerez pas encore les termes du contrat.
— Bon, d’accord, dit Leia. Ça me paraît honnête…
Chewbacca gronda en se frappant le front du plat de la main.
— Voilà, il a fallu que tu acceptes… s’exclama Han, secouant la tête de colère. On n’obtiendra plus rien d’autre d’elle, maintenant !
Herat poussa une réplique furieuse.
— Elle dit qu’elle n’est pas ce genre de Jawa, annonça C-3PO.
— Ben voyons. (Han leva les yeux au ciel.) On ne l’avait jamais entendue, celle-là, pas vrai, Chewie ?
Herat explosa, débitant une série de petits grincements hargneux.
— Ciel ! s’étrangla le droïde. Je ne crois pas être en mesure de vous traduire ça !
Herat continuait de débiter son chapelet de jurons. Leia, profitant de l’occasion, attrapa la cheville de la Jawa et tira de toutes ses forces. Il y eut un craquement sourd. Une obscurité totale s’installa sous la capuche de Herat lorsque ses yeux jaunes et scintillants s’éteignirent.
— Heu… Leia chérie ? demanda Han. Tu n’as peut-être pas entendu quand j’ai dit qu’on n’obtiendrait plus rien d’elle ? Peu importe ce qu’ils disent, avec les Jawas, il faut toujours payer d’avance.
— Han, est-ce que tu veux dire par là qu’il fallait laisser cette pauvre créature souffrir jusqu’à ce qu’elle nous donne les informations ?
— Eh bien, envisagé sous cet angle…
— Et puis, elle a la jambe cassée. Elle a besoin d’être transportée.
— C’est ce qui me plaît le plus chez toi, dit Han en soulevant un sourcil.
— Quoi ? Que j’apprenne vite ?
— Non, que tu sois si dure en affaires !
Deux heures plus tard, Han et Leia se trouvaient dix kilomètres plus loin dans le canyon, agenouillés dans l’ombre d’une gorge secondaire dont l’orientation paraissait idéale pour obtenir un signal. Ils regardaient les secondes défiler sur leurs chronomètres respectifs, attendant que Mon Mothma leur réponde depuis la station de son appartement privé. Même si elle lui faisait encore un peu mal, l’épaule de Leia avait apparemment tiré bénéfice du traitement administré par l’intermédiaire du bactade, et la Princesse pouvait à présent utiliser son bras à peu près normalement. Le tout était d’oublier la douleur encore lancinante.
La presque totalité de la caravane des Askajian s’était depuis bien longtemps enfoncée dans le labyrinthe des canyons du désert. Mais Borno était resté. Il patientait à une dizaine de mètres de là dans la gorge, assis près de son dewback, attendant qu’on lui remette l’holocom. Chewbacca et C-3PO se trouvaient avec Herat à l’entrée du petit ravin. Ils avaient laissé tourner le moteur à répulsion de l’aérofouineur pris aux Impériaux. Les Squibs, apparemment, devaient toujours se trouver dans la caverne, occupés à essayer de remettre en route le réacteur énergétique du transdunes qu’ils s’étaient approprié. Sans le module catalytique. Han l’avait retrouvé dans la caverne, au beau milieu des débris éparpillés par les pillards Tusken.
— Bon, tu crois que le mot « vite » est absent du vocabulaire de la Première Conseillère ? demanda Han. (Tout comme Leia, il portait l’armure blanche d’un fantassin Impérial et en avait réglé l’unité de refroidissement sur la position maximale.) Ça fait plus de deux minutes, maintenant…
Leia savait qu’à cet instant précis les officiers de pont du Chimaera avaient déjà dû repérer une transmission suspecte sur le réseau HoloNet. Ils avaient déjà dû rapporter l’information à leur commandant. Peut-être ce commandant était-il Quenton, l’officier rencontré à la vente aux enchères. Dans moins de cinq minutes, la première escadrille de TIE descendrait du ciel. Les pilotes découvriraient Borno, debout au sommet d’une falaise, près de l’holocom. Il faudrait quinze minutes de plus – trente, si les époux Solo avaient de la chance – pour que la première navette d’assaut atterrisse.
Si tout se passait bien, le capitaine de la compagnie croirait au mensonge enregistré sciemment sur un databloc abandonné par Borno et il ne perdrait pas de temps à poursuivre le chef de la caravane au milieu du labyrinthe de la Great Chott. Si les choses tournaient mal, Borno avait promis à Han et à Leia qu’il ne se laisserait pas capturer vivant. Leia lui faisait confiance sur ce point. Ne serait-ce que parce que Borno préférerait mourir plutôt que de révéler l’emplacement de son village.
L’image de Mon Mothma s’anima enfin sur l’écran de l’holocom. Elle avait les cheveux en bataille et les yeux gonflés de sommeil.
— Leia ? Je suis désolée…
— Ça va, l’interrompit la Princesse. Mais je suis trop exposée pour transmettre longtemps. Je serai obligée de couper la communication dans soixante secondes.
L’expression de Mon Mothma parut soudainement plus alerte.
— Je comprends. Avez-vous récupéré le tableau ?
— Pas encore. Les Impériaux non plus, dit Leia. J’ai des nouvelles à propos de la mission des Spectre. Des espions locaux m’ont informée que des forces indigènes sont déjà en position et ne peuvent plus être contactées. Je répète, elles ne peuvent plus être contactées.
— Des espions locaux ? Sur Tatooine ?
— C’est une longue histoire. On n’a pas le temps. Mais je suis presque certaine que c’est vrai.
Des rides d’inquiétude se creusèrent autour de la bouche de Mon Mothma.
— Leia, après que Luke m’a transmis votre rapport, j’ai décidé de rappeler les Spectre. L’ordre est déjà codé. Il sera lancé dans trente heures.
— Vous pouvez l’annuler ?
Mon Mothma se mordit la lèvre inférieure. Elle parut réfléchir puis secoua la tête.
— Non. Pas si nous n’avons pas le tableau. Nous ne savons pas combien de temps il faudrait aux Impériaux pour déchiffrer le code, même avec une vieille clé…
— Mais, du coup, ils apprendraient l’existence du réseau…
— Vous savez ce que nous risquerions de perdre.
Leia le savait, effectivement. Une section d’assaut de destroyers stellaires, Wedge Antilles, les Spectre, probablement les Rogue et quelques autres bataillons expérimentés.
— Je comprends, dit Leia. Mais donnez-nous ces trente heures.
— Nous ?
— Han est avec moi, répondit Leia en hochant la tête.
Mon Mothma sourit.
— Dites-lui que je suis contente qu’il soit revenu. Il a énormément manqué à la Nouvelle République.
Leia releva les yeux et découvrit Han en train de tirer la langue vers l’hologramme de la Conseillère.
— Il sera très heureux de le savoir. Dites à vos assistants de surveiller tous les canaux de communication. Je ne sais pas quand nous pourrons vous contacter à nouveau, mais ce ne sera certainement pas depuis cette unité.
— D’accord, répondit Mon Mothma. Leia ? Que la Force soit avec vous !
— Merci, on va en avoir besoin.
Leia coupa la transmission, éteignit immédiatement l’unité de communication et en ouvrit le capot.
— C’est ça que je n’aime pas chez cette femme, dit Han. (Il vint s’agenouiller à côté de Leia, démonta le générateur d’ondes fantômes et connecta les câbles pour que l’unité retrouve ses fonctions d’holocom standard.) On a l’impression qu’elle veut toujours assurer.
— C’est plus sage, Han…
— Ouais, ben c’est un truc que je n’aime pas…
Han rangea le générateur dans un étui, referma le capot de l’holocom et alla porter l’appareil à Borno.
— Merci, mon vieux, dit-il en lui tendant l’holocom. Et soyez prudent, surtout…
— Vous aussi, mes amis. Que le sable du désert ne fasse jamais fondre la semelle de vos bottes.
— Puissiez-vous toujours trouver de l’ombre sous les deux soleils, ajouta Leia. Borno, s’il y a quelque chose que le gouvernement de la Nouvelle République peut faire pour vous…
— Pour nous ? (Borno éclata de rire.) Non, je ne crois pas, Princesse. Les gouvernements, nous préférons les fuir.
L’Askajian tourna les talons et, après un dernier signe de sa main boudinée, enfourcha son dewback et partit au galop.