16

La moitié de la matinée s’était à peine écoulée et Leia avait déjà l’impression d’avoir une sphère de cristalplast à la place du crâne. Les soleils jumeaux semblaient se jouer de la capuche de protection de son manteau et paraissaient déterminés à lui chauffer le cerveau à blanc. Même au travers des verres fumés de ses lunettes, la plaine qui s’étendait devant elle n’était qu’une brume blanche et aveuglante, avec la perspective trompeuse d’un mirage bleuté ondoyant en permanence au-dessus de l’horizon. L’air était étouffant, lourd, chaque respiration brûlait les poumons.

La caravane progressait à vive allure, trottant vers la cachette signalée par Borno. Une cachette probablement choisie par les Jawas pour s’abriter du vent lors des tempêtes. Les recherches continueraient de là. Encore une fois, Leia avait l’impression d’être influencée par la Force, attirée vers les contrées les plus sauvages de Tatooine sans savoir véritablement ce qu’elle allait y trouver. La plaine de la Great Chott était aussi vaste que vide. Selon elle, les possibilités d’y découvrir un nouveau secret à propos de sa famille, ou de quoi que ce soit d’autre, étaient des plus réduites.

Les Askajian s’étaient dispersés à travers la plaine, prenant soin de ne pas former de rangs ou de colonnes afin d’être moins identifiables – en tant que caravane – par un droïde de surveillance volant à haute altitude. Les corps massifs des cornacs restaient immobiles sur leurs selles, semblant totalement insensibles aux heurts violents provoqués par le galop chaotique des dewbacks.

Han chevauchait en tête, légèrement sur le côté. Ses bêtes de somme avaient été converties en montures pour Chewbacca et les Squibs, afin de le soulager de la charge d’avoir à surveiller deux dewbacks de plus. Cependant, l’intense chaleur était en train de peser sur lui. À chaque foulée de son dewback, il vacillait et devait lutter pour se maintenir en selle.

Leia éperonna son dewback et remonta à la hauteur de son mari. Son visage et ses yeux étaient masqués par ses limettes de protection et sa cagoule et il était impossible d’y discerner la moindre expression. Mais, en observant ses épaules qui tombaient et sa tête qui dodelinait, Leia pouvait voir qu’il n’était pas au mieux de sa forme.

— Hé…

Parler était une épreuve. La gorge de Leia était totalement desséchée.

Les verres fumés de Han se relevèrent dans sa direction. Ses épaules se redressèrent, histoire de montrer à Leia que tout allait bien, mais sa tête continua de dodeliner. Ce n’était pas très bon signe.

Leia attira son attention tout en glissant sa gourde sous son masque pour boire une gorgée d’eau. Le contenu était presque aussi chaud que du café.

— Tu n’oublies pas de boire, hein ?

Han lui montra la gourde qu’il avait en main et hocha mollement la tête.

— Si tu penses pouvoir encore m’envoyer à la ferme des Darklighter, tu te goures, mon cœur. (Sa voix était bien trop étouffée par les différentes protections pour révéler quoi que ce soit de son état de santé.) Je ne ressemble pas à un profogg… Enfin, pas encore.

Leia sourit sous son masque et sentit ses lèvres se gercer.

— T’inquiète, j’ai abandonné l’idée, dit-elle, sachant qu’une telle affirmation était tout de même un peu exagérée. Non, je veux te parler d’autre chose.

— Ah ouais ? demanda Han, ses verres fumés toujours braqués sur elle.

— Je… heu…

La gorge de Leia se dessécha de nouveau. Cette fois, ce n’était pas à cause de la chaleur. Les occasions de discuter avaient été rares depuis la vente aux enchères et Leia avait gardé pas mal de choses par-devers elle. Elle n’avait pas raconté à Han les deux visions dont elle avait fait l’expérience. Elle ne lui avait pas fait part de l’avertissement de Luke concernant l’influence de la Force, ne lui avait pas non plus parlé du journal de sa grand-mère. Et là, elle avait besoin de se confier, de lui faire comprendre combien sa peur d’avoir des enfants était fondée. Même si elle souhaitait en avoir, il s’agissait d’une décision qu’elle n’était pas libre de prendre. Tout au moins tant qu’elle n’aurait pas chassé de son esprit ce visage sinistre aperçu à bord du Faucon.

— Qu’est-ce que tu as dit ? demanda Han.

Le sifflement distant d’un vaisseau retentit derrière la caravane. Tous deux se tournèrent et virent une traînée ondoyante et ionisée traverser le ciel. Le vaisseau lui-même n’était pas visible, impossible d’en discerner ne serait-ce que la silhouette, mais la longueur de la traînée laissait supposer qu’il devait s’agir d’un engin de belle taille, probablement lancé du Chimaera pour espionner les communications locales.

La vue rappela un autre problème à Leia : d’ici peu, il lui faudrait trouver un endroit sûr afin d’y installer l’holocom pour envoyer un rapport concernant les progrès de la mission. Sinon, Mon Mothma serait forcée de faire comme si Le Crépuscule des Killik était perdu à jamais et l’intégrité du Shadowcast, compromise. Elle se sentirait alors obligée de rappeler les Spectre, sans tenir compte de ce que cette décision pourrait signifier pour les représentants de la résistance locale.

Après avoir observé la traînée pendant un long moment, Leia demanda :

— Tu en penses quoi ? Un intercepteur ?

— Les Impériaux ont dû terminer de fouiller Anchorhead, à l’heure qu’il est, dit Han en secouant la tête. Je pencherais plutôt pour une navette d’assaut. (Il s’abstint d’ajouter que si les pilotes de la navette ne localisaient pas la caravane des Askajian à l’endroit où elle était supposée se trouver, l’Amiral du Chimaera déclencherait un plan de recherche à grande échelle pour les débusquer coûte que coûte. Tous les membres de la caravane étaient conscients de cet état de fait depuis qu’ils avaient dévié de leur route initiale, plus de deux heures auparavant.) C’est de ça que tu voulais me parler ?

Leia secoua la tête.

— Non, Han, je…

Les Squibs apparurent de l’autre côté de Han. Ils partageaient tous trois la même selle et rebondissaient de façon incontrôlable à chaque foulée de leur monture.

— Nom d’un gartal ! jura Leia. Il ne manquait plus qu’eux.

— T’as pas l’air en forme, mon Capitaine, dit Grees. (Il était assis à l’avant de la selle, agrippant le pommeau à deux mains. Il avait glissé les rênes du dewback sous ses paumes et les avait nouées autour de ses phalanges.) Écoute ta compagne, sinon tu risques d’en faire une veuve !

— Je vais très bien, dit Han, se tournant pour faire face aux Squibs. De plus, mon état ne vous concerne en rien.

— Ça, c’est vraiment tout toi, alors ! dit Sligh. (Il était assis au milieu, tenant Grees par la taille à deux mains, la lance de berger glissée sous son coude.) Tu ne penses donc jamais aux autres ? Comment crois-tu qu’on se sentira, quand on sera obligés de t’abandonner dans le désert parce que la chaleur aura eu raison de toi, hein ?

— Je suis sûr que ça vous fendra le cœur, répondit Han. Je ne demande pas de traitement de faveur.

Leia conserva le silence. Han et elle ne pouvaient pas poursuivre une conversation sérieuse devant les Squibs.

— Si, justement, tu pourrais bénéficier d’un traitement de faveur, dit Elama. (Elle était assise à l’arrière de la selle, tenant d’une main l’extrémité de la lance et, de l’autre, la taille de Sligh. Plus légère que ses deux compagnons, elle rebondissait beaucoup plus haut que les autres à chaque nouvelle foulée du dewback.) Nous ne sommes pas si loin que ça de la ferme des Darklighter et…

— Non.

Chewbacca apparut à côté de Leia. Il se tenait en selle comme s’il avait dressé des dewbacks toute sa vie. Ses longues jambes pendaient bien en dessous du niveau de l’abdomen de la monture. S’appuyant sur l’une des bêtes de somme sous la responsabilité de Leia, il se pencha pour gronder quelque chose à Han.

— J’ai dit non ! (Han se tourna vers Leia.) Tu es derrière cette conspiration, je suppose ?

— Non, c’est la première fois que j’en ai vent et…

— C’est ça, ouais. (Han secoua la tête.) Décidément, tu ne lâches jamais prise, mon cœur. C’est une des choses que j’apprécie chez toi.

— Han, je t’ai dit que je n’y étais pour rien, je t’assure.

— Bon, d’accord, si tu le dis.

— Mais je n’ai pas dit, en revanche, que c’était une si mauvaise idée que ça.

— Ça ne veut pas dire que c’en soit une bonne, ajouta Han. Je sais comment ça va se passer, Leia. D’abord, j’accepterai d’aller à la ferme et ensuite tu feras tout ton possible pour me convaincre que te laisser partir seule à la poursuite du tableau est la meilleure idée que j’aurai jamais eue. Je t’ai vue à l’œuvre avec des gouvernements planétaires des centaines de fois. Je n’ai aucune chance de te résister.

— Tu n’as rien d’un gouvernement planétaire, répondit Leia. Et je ne suis pas en train d’essayer de te pousser à faire quelque chose que tu refuserais.

— Vraiment ? (La voix de Han s’enroua sous l’action de la sécheresse.) Alors, de quoi voulais-tu me parler ?

— De surveillance orbitale, (Il ne s’agissait pas d’un mensonge. Pas exactement. La Princesse se posait des questions au sujet de la surveillance orbitale depuis le passage à basse altitude du TIE de reconnaissance.) Tu te doutes que le Chimaera doit disposer de satellites-espions, non ? Et on ne peut pas dire qu’on soit vraiment à couvert, ici…

— On est plus à couvert que tu ne le penses. (Han but une longue gorgée d’eau à sa gourde avant de continuer :) Aucun senseur de la galaxie n’est assez sensible pour nous trouver à l’heure actuelle. Le reflet solaire nous cache.

— Le reflet solaire ?

— Ouais, cette plaine agit comme une sorte de grand miroir, dit Han, agitant la main vers l’immense étendue pâle et salée qui les entourait. Avec les deux soleils donnant directement dessus, tout ce qu’un satellite-espion peut voir à cette heure de la journée, c’est une grande masse de chaleur et de lumière. Pareil pour un droïde de surveillance. Si les Impériaux veulent nous retrouver, il faut qu’ils envoient des appareils volant à basse altitude et ça, ça risque de leur prendre du temps.

— C’est donc pour ça que Borno a attendu que les deux soleils soient suffisamment hauts pour changer de direction ?

Han hocha la tête.

— Il connaît toutes les ficelles. (Il se tourna et laissa son regard errer sur l’immensité blanche et étincelante.) J’espère seulement que nous trouverons bientôt un abri. Une fois que les rapports de cette navette auront défini que nous ne nous trouvons pas à l’endroit où nous devrions être, les Impériaux lanceront une escadrille de TIE pour ratisser le désert.

Un Askajian arriva au galop juste derrière eux. Il s’était approché avec tant de discrétion et si rapidement que, lorsqu’il prit la parole, Leia sursauta et manqua de tomber de sa selle.

— Pourquoi restez-vous groupés comme ça ? (Il fit tournoyer la pointe de sa lance vers le ciel.) Je vous rappelle que les cieux ont des yeux. Vous leur facilitez le travail de repérage. Dispersez-vous, sinon Borno récupérera vos montures et vous abandonnera aux Impériaux.

Les Squibs s’écartèrent immédiatement. Chewbacca, qui n’était jamais du genre à céder sous la menace, montra les dents et dévisagea l’Askajian jusqu’à ce que celui-ci détourne le regard.

— Je vous en prie, ajouta le cornac plus poliment. Essayons de limiter les risques.

Chewie grogna une sorte d’excuse. L’Askajian écarquilla les yeux, ne comprenant visiblement pas ce que venait de lui dire le Wookiee. Ce dernier éperonna sa monture et prit un peu de distance. Espérant toujours avoir un entretien privé avec Han, Leia ne bougea pas, histoire de vérifier si l’Askajian les autoriserait à rester ensemble.

— S’il vous plaît, dit celui-ci. Il est essentiel que vous, vous soyez séparés puisque vous guidez des bêtes de somme.

— Bien sûr. (Leia aurait bien aimé, elle aussi, disposer de dents suffisamment impressionnantes à montrer au cornac, mais elle savait que l’Askajian n’insistait que pour mieux assurer leur protection. Elle se tourna vers Han et, tout en invitant sa monture à ralentir, lui demanda :) On se parle plus tard, d’accord ?

— D’accord, répondit Han, braquant ses verres fumés dans ceux de Leia. Je ne suis pas bien loin, de toute façon.

Leia se laissa devancer d’une vingtaine de mètres. Même à une si courte distance, la distorsion causée par la chaleur transformait la silhouette ondoyante de Han en une sorte de pantin indiscernable. Elle serait tout de même en mesure de le surveiller et d’intervenir au cas où il tomberait de sa selle ou si sa monture décidait de n’en faire qu’à sa tête. Elle sentit sa langue se coller à son palais, ce qui lui rappela qu’elle devait également se désaltérer. L’eau était plus chaude que jamais. Elle se força à avaler trois longues gorgées puis rangea sa gourde. Par cette canicule, elle aurait cru que l’eau, sous n’importe quelle forme, aurait meilleur goût. Mais la substance contenue dans sa bouteille de plastoïde commençait à lui évoquer la bave d’un rancor. Elle régla l’alarme de son chrono pour ne pas oublier de boire toutes les quinze minutes.

Le paysage changea et la plaine fut soudain ponctuée de pierres et d’excavations, des poches de sable s’ouvrant çà et là entre des roches plus grosses que des droïdes. La caravane ralentit considérablement son allure, le pas des dewbacks devint plus lent, plus marqué, leurs corps se mirent à se balancer plus pesamment d’une patte sur l’autre.

La silhouette indistincte de Han parut se retourner sur sa selle pour regarder dans la direction qu’ils venaient d’emprunter. Leia comprit qu’il était en train de penser à la même chose qu’elle. Les chasseurs TIE avaient dû commencer à ratisser le désert, à présent. Quand ils trouveraient enfin la caravane, les excroissances de leurs cockpits ne dissimuleraient plus des senseurs ou des caméras. Ils prendraient toutes les mesures nécessaires pour arrêter la colonne le plus rapidement possible.

Il devint vite apparent que les dewbacks préféraient choisir eux-mêmes leur chemin, sans l’intervention de leurs cavaliers. Sachant qu’il leur faudrait encore une bonne heure pour atteindre leur destination, et qu’à part s’inquiéter au sujet de Han ou à cause des Impériaux elle n’avait pas grand-chose à faire, Leia décida qu’il fallait qu’elle s’occupe l’esprit. Elle glissa sa lance dans son étui et attacha les rênes au mousqueton prévu à cet effet sur la selle. Puis, elle sortit le journal de sa grand-mère de sa sacoche et l’alluma.

Shmi était sur le point de lui apprendre quelque chose de particulièrement intéressant…

19 : 17 : 10

« Aujourd’hui, en rentrant à la maison, j’ai trouvé une jeune Falleen attendant au pied de l’escalier. Elle était drôlement impressionnante, Anakin, tu peux me croire, pas seulement à cause de ses petits yeux et de ses dents pointues. Elle était plus grande et plus belle encore que la plupart des femmes de son espèce. Mais ses cheveux avaient été carbonisés et son nez portait la marque d’une brûlure récente. Sa combinaison était criblée de trous, au travers desquels on devinait ses écailles roussies et des excroissances malignes le long de son épine dorsale.

Une boîte de plastacier était posée à côté d’elle. J’ai donc d’abord cru qu’elle m’amenait des cartes mémoires à nettoyer. Je lui ai dit qu’il lui faudrait payer d’avance – j’ai été abusée par suffisamment de voyageurs spatiaux, y compris des Corelliens, pour ne plus me laisser faire –, mais elle m’a annoncé que la boîte provenait de Coruscant. Elle s’est excusée d’avoir mis autant de temps pour me l’apporter et m’a expliqué qu’il s’agissait d’un cadeau de Qui-Gon Jinn.

Anakin, j’étais si excitée que je n’ai même pas fait attention sur le coup à la boîte elle-même. J’étais face à quelqu’un de Coruscant et qui, en plus, connaissait Qui-Gon. Cela voulait donc dire qu’elle devait te connaître. Mais elle s’est contentée de me répondre qu’elle n’était qu’une simple messagère des Jedi, qu’elle travaillait dans les hangars de maintenance et qu’elle ignorait tout de ce qui se passait au Temple. Je ne l’ai pas crue. Je lui ai dit que je voulais savoir qui s’occupait de mon fils. Finalement, elle m’a avoué que tu étais entre de bonnes mains et que je ne devais pas me faire de souci.

Je ne crois pas que ce soit une simple messagère. D’accord, je n’ai pas vu de sabre laser accroché à sa ceinture, mais elle aurait très bien pu être un Jedi. Elle faisait preuve d’une telle assurance. J’espère qu’elle t’a parlé de sa visite ici parce que, comme ça, tu pourras te rendre compte que je suis très heureuse de te voir ainsi poursuivre tes rêves. »

L’enregistrement se termina sur le visage de Shmi, les yeux débordant de larmes. Leia fut surprise de découvrir qu’elle pleurait, elle aussi. Il paraissait injuste de condamner Anakin d’avoir voulu poursuivre ses rêves. Ses rêves s’étaient pourtant transformés en cauchemars pour le reste de la galaxie. Si seulement Shmi avait connu le réel destin qui attendait son fils… Aurait-elle refusé qu’Anakin aille aider les Jedi ? Aurait-elle forcé son enfant à passer le reste de son existence en esclavage ?

19 : 19 : 11

« Ah oui, au fait, la boîte ! À l’intérieur, il y avait un message de Qui-Gon, expliquant que pendant que lui et son Padawan attendaient que le Conseil Jedi ait fini de te faire passer des épreuves, il avait demandé à quelqu’un de lancer une recherche sur l’HoloNet, au niveau galactique, pour… »

L’écran se couvrit de neige et la voix de Shmi se transforma en un inaudible craquement. Leia pianota sur le databloc pour qu’il lui repasse l’enregistrement. Elle parvint, dans la manœuvre à comprendre quelques bribes de phrases supplémentaires : « Imagine, un Jedi comme Qui-Gon, prenant… Alors qu’il doit y avoir… son attention. La galaxie va… de la chance qu’il ait fait irruption dans notre vie… »

Leia abandonna l’idée de comprendre ce que cela pouvait bien signifier. Elle releva la tête et vit que Han avait basculé sur le côté, menaçant de tomber de sa selle. Elle empoigna sa lance et fouetta sa monture pour qu’elle accélère. La bête poussa un grognement d’irritation et refusa d’accélérer sur un terrain aussi accidenté.

Elle vit alors la tête de Han se soulever. Il parut la regarder. Dans les distorsions de l’air brûlant, elle ne parvint pas à le voir distinctement. Il resta encore affalé le long de la selle pendant quelques instants. Finalement, son corps se redressa. Un croissant lumineux de désert se matérialisa entre la selle et son fessier. Han venait de se lever sur les étriers, ces mêmes étriers qu’il était tout simplement en train régler à la bonne hauteur.

Leia poussa un soupir de soulagement et replaça sa lance dans son étui. Elle se força à boire un peu d’eau. Elle était plus chaude et plus écœurante que jamais.

18 : 20 : 12

« Watto a eu un drôle de comportement aujourd’hui. Lorsqu’il m’a envoyée faire les courses, pour lui ramener son nectarot, il m’a donné cinq truguts supplémentaires pour acheter du vin de pallie afin qu’on boive ensemble. Il a insisté pour que j’aille l’acheter chez Naduarr “parce qu’il était temps que je m’initie aux bonnes choses”. Sur le coup, je n’ai pas compris.

En fait, il était au courant de la visite de la Falleen, et du fait qu’elle était venue à bord d’un vaisseau de Coruscant. Il voulait avoir de tes nouvelles, savoir si tu allais bien. “Combien de courses a-t-il gagné, ce gamin ?” Ce genre de choses, quoi… Je lui ai dit que les Jedi ne permettaient pas à leurs étudiants de participer aux courses de pods mais que ton entraînement se déroulait à merveille.

Je suis sûre de ne pas avoir trop déformé la vérité, Anakin. Et les nouvelles ont semblé calmer Watto. De temps en temps, j’ai l’impression que tu lui manques beaucoup… Même s’il ne veut pas l’admettre. Il se contente de marmonner que s’il n’avait pas laissé “ce Jedi” le rouler pour que tu gagnes ta liberté, il serait plus riche qu’un Hutt à l’heure actuelle. »

L’enregistrement prit fin, laissant Leia un peu perplexe quant à la patience de Shmi à l’égard de son propriétaire Toydarien. Mais les relations entre les gens pouvaient parfois être sacrément compliquées et elle avait appris, dans son travail, qu’on ne pouvait peindre le portrait de quelqu’un sans y ajouter quelques ombres ou quelques touches de gris.

En continuant d’étudier les enregistrements suivants du journal, il devint évident que la perte d’Anakin avait affecté profondément Watto. Le Toydarien n’arrêtait pas de blâmer tout le monde pour son manque de chance. Mais, selon Shmi, il n’avait plus trop l’intention de s’en prendre à elle. Il lui faisait à présent suffisamment confiance pour qu’elle tienne la boutique à sa place pendant qu’il allait acheter des épaves ou des pièces détachées. Apparemment, il continuait même à lui donner quelques truguts de plus chaque semaine pour qu’elle aille chercher du vin de pallie chez Naduarr. Mais il n’insistait pas à chaque fois pour trinquer avec elle. Et, même si Shmi n’avait jamais reconnu que Watto était son propriétaire légal, elle paraissait éprouver quelques sentiments pour le Toydarien, allant même parfois jusqu’à prendre sa défense au magasin face à des clients mécontents qui profitaient de ses absences pour l’insulter derrière son dos.

Puis le journal fit défiler quatre années de routine. Et soudain, le visage souriant de Shmi apparut sur l’écran du databloc. Elle n’avait pas souri à ce point depuis le jour où elle avait reçu la boîte envoyée par Qui-Gon.

17 : 06 : 13

« Un colon est passé au magasin de Watto aujourd’hui. Un grand gars, costaud, un peu bourru et franc du collier. »

Shmi baissa le ton et imita une voix d’homme :

« J’ai besoin d’un jeu de bobines de propulseurs pour un SoroSuub V 24. Et n’essayez pas de m’arnaquer, je vous connais de réputation. »

Elle changea de voix et imita à la perfection les gémissements rocailleux du Toydarien :

« Alors vous devez savoir que je suis le seul honnête commerçant essayant de garder pignon sur rue dans ce tas de poussière qu’on appelle une ville. Le V24 est un modèle ancien. Ces bobinages risquent de vous coûter un peu d’argent, pour peu que j’en aie en réserve. »

Shmi, toujours souriante, reprit sa voix normale :

« Je crois bien que j’ai entendu Watto déclamer cette réplique plusieurs centaines de fois. Mais je ne sais pas, il y avait quelque chose chez ce colon qui me poussait à vouloir l’aider. Une sensation de désespoir, peut-être… À moins qu’il ne s’agisse de ses grands yeux, bleus et fiers, ou la façon dont il se tenait. J’ai dit à Watto que nous avions plein de bobines de propulseurs, que j’en avais même dépoussiéré un stock complet le matin même.

“Parfait”, a dit le colon. Il m’a regardée directement dans les yeux et j’ai senti mes jambes trembler, un peu comme quand Amee rencontre Roc ou bien Jerm… Ou bien n’importe quel autre garçon, d’ailleurs. “Alors j’en prendrais deux.” »

Shmi éclata de rire.

« Watto était si en colère qu’il a renversé une caisse de cellules énergétiques en se retournant pour me dire sa façon de penser. »

Leia se força à boire un peu de son eau croupie et en profita pour vérifier si Han était toujours en selle. Puis elle reprit son étude du journal. Les paragraphes suivants étaient fort courts, on y voyait surtout Shmi se lancer dans ses sempiternelles déclarations d’amour et de fierté à son fils. De temps en temps, il était fait mention du colon. Shmi semblait visiblement déçue de ne pas l’avoir revu et pensait qu’elle ne le reverrait jamais. Elle était cependant très contente d’avoir pu l’aider.

Curieusement, Watto se montra très philosophe par rapport à la vente, disant à Shmi que, finalement, il n’avait perdu que quelques truguts dans l’affaire et qu’elle pourrait lui fournir la compensation nécessaire en nettoyant les cartes mémoires d’un vieux navordinateur. Quelques jours plus tard, le Toydarien, visiblement perturbé par le comportement joyeux de son esclave, donna quartier libre à Shmi pour qu’elle aille s’acheter du tissu afin de se confectionner une nouvelle robe.

Deux semaines plus tard, le moral de Shmi s’était encore considérablement amélioré.

23 : 29 : 15

« Le colon est revenu aujourd’hui ! Il était à la recherche de cinquante condensateurs pour ses vaporateurs. Watto était toujours aussi furax à propos des bobinages de propulseur et il lui en a demandé un prix exorbitant. Le colon est reparti.

Mais lorsque Watto m’a envoyée chercher du nectarot, j’ai trouvé le colon qui m’attendait dehors. Il m’a accompagnée jusque chez Naduarr. J’étais un peu nerveuse mais il avait de belles manières et ça a facilité la conversation. Il m’a demandé si j’avais été punie pour l’avoir aidé. Il s’est excusé lorsque je lui ai dit que j’avais dû faire des heures supplémentaires à nettoyer les cartes mémoires du navordinateur. Même si, pour moi, ce n’était franchement pas grand-chose.

Il m’a alors demandé pourquoi je l’avais aidé. J’ai éclaté de rire et j’ai voulu lui répondre que c’était parce que je voulais me venger de Watto qui n’arrêtait pas de me crier dessus. Mais, je me suis dit qu’une telle plaisanterie ne passerait pas. Il y a quelque chose dans les yeux de cet homme qui pousse à se confier, à dire la vérité. Ses yeux sont bleus, Anakin, pas aussi bleus que les tiens, mais ils sont sincères, gentils et chaleureux.

Avant même de m’en rendre compte, j’ai admis la vérité : j’avais accepté de l’aider parce que je le trouvais très attirant.

Il a rougi ! Si, c’est vrai ! Puis il a souri et m’a tendu la main. C’est un homme très bon, Anakin. Comme c’est merveilleux d’avoir un nouvel ami. Il s’appelle Cliegg. Cliegg Lars. »