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Ce n’est pas dans son lit – l’endroit où l’on se réveille habituellement après un rêve – que la Princesse refît surface, penchée en avant dans son harnais de vol. Ses oreilles bourdonnaient sous l’action des parasites émanant des haut-parleurs et ses yeux lui firent mal lorsqu’elle releva la tête vers l’éclat des soleils jumeaux de classe G. Han et Chewbacca étaient toujours occupés à leurs postes respectifs. Solo était en train de calculer un vecteur d’approche et Chewbacca essayait de filtrer les fréquences sonores. La planète Tatooine flottait dans le lointain. Ses sables jaunes, riches en sodium, brillaient tellement que le globe évoquait une petite étoile en orbite autour des énormes jumeaux.

Une main métallique tapota l’épaule de Leia. Elle se tourna pour découvrir les photorécepteurs de C-3PO braquant leur éclat sur elle depuis le siège passager adjacent.

— Pardonnez l’audace de ma question, Princesse Leia, mais vous sentez-vous bien ?

— Pourquoi ? Mon mascara a coulé ?

— Ciel ! répondit C-3PO en se mettant immédiatement en mode mielleux au son de la voix de Leia. Certainement pas, vous êtes aussi resplendissante que jamais, mais, l’espace d’un instant, j’ai bien cru que vos circuits primaires avaient été saturés.

— Mes circuits vont très bien, merci.

— Je vérifierai cela personnellement plus tard ! lança Han, se retournant dans son fauteuil et arborant ce petit sourire en coin qui ne cessait, à la fois, de charmer et d’inquiéter Leia depuis leur toute première rencontre à bord de l’Étoile Noire. N’est-ce pas, Princesse ?

— Vraiment ? (Leia se redressa dans son siège sans totalement se rendre compte de ce qu’elle faisait. Avec ses allures de dur à cuire au grand cœur et ses yeux pétillant de malice, Han parvenait toujours à obliger Leia à se ressaisir.) Et tu te sens capable de déchiffrer mes propres schémas techniques ?

— Ma chérie, tes schémas techniques, je les connais par cœur. (Le sourire de Han s’estompa et laissa place à une expression d’inquiétude.) C-3PO a raison. On dirait que tu viens de croiser un fantôme.

— Quelque chose comme ça. J’ai fait un mauvais rêve.

Han parut dubitatif.

— Je le connais ce fauteuil, je me suis déjà assis dessus. Et il est loin d’être assez confortable pour qu’on y fasse des rêves, bons ou mauvais.

— Le voyage a été long, répondit Leia (peut-être un peu trop rapidement). J’ai dû m’assoupir.

Han la regarda fixement pendant un bon moment avant de hausser les épaules.

— Bon, eh bien, essaie de rester éveillée, tu veux ? (Il se tourna vers l’avant de l’appareil. Les soleils jumeaux étaient en train de disparaître derrière le disque de Tatooine, qui croissait de façon régulière.) Jusqu’à ce qu’on ait réussi à remettre en route les senseurs, il faut qu’on reste attentif à l’ensemble du trafic spatial.

Leia braqua son regard par-delà la verrière du cockpit et inspecta les alentours, à la recherche d’une silhouette occultant la luminosité des étoiles et signifiant la présence d’un vaisseau à l’approche. Ses pensées demeuraient cependant fixées sur son étrange rêve. La sensation était similaire à celle éprouvée lors de la vision, induite par la Force, qu’elle avait éprouvée cinq ans auparavant sur Bakura. Son père lui avait alors envoyé une apparition implorant son pardon, un pardon qu’elle ne pouvait lui accorder, qu’elle ne lui accorderait jamais. Mais la vision était venue de lui, pas d’elle.

La main de Han se leva entre le siège du pilote et celui du copilote, indiquant une silhouette flottant dans le lointain, près du disque jaune de Tatooine. Les soleils jumeaux étaient à présent totalement éclipsés par la masse de la planète. Leia se rendit compte que la forme semblait demeurer à la même place, par rapport à Tatooine, et profiter de la zone d’ombre de la planète pour s’y dissimuler.

— Ça me paraît un peu anguleux pour être une lune, dit Han.

— Et ce n’est pas un astéroïde. Les astéroïdes ne restent pas sur place, ajouta Leia. En tout cas, ça n’a pas l’air de venir dans notre direction.

— Pour l’instant, fit Han. Chewie ? Où en es-tu avec les filtres ?

Un grognement impatient suggéra que le Wookiee se battait toujours avec les fréquences sonores. N’importe qui aurait pu s’en inquiéter, mais Leia trouva le grondement rassurant. Il représentait une balise familière en ces temps troublés d’alliances incertaines et d’annihilations hasardeuses. Lorsqu’elle avait épousé Han, six mois auparavant, elle avait compris que Chewbacca serait un membre honoraire de leur famille. Ça lui convenait parfaitement. Au fil des années, elle avait accepté le Wookiee comme une sorte de grand frère couvert de poils, toujours loyal envers Han, toujours protecteur envers elle. Elle ne pouvait plus à présent, dès qu’il se mettait à grogner, s’empêcher d’éprouver la sensation d’évoluer dans un univers beaucoup plus sûr, la quasi-certitude que grâce à Chewbacca, Luke, Han – quand il était d’humeur – et leurs semblables, la Nouvelle République repousserait l’Empire dans ses derniers retranchements et ramènerait la paix dans la galaxie.

Surtout, elle aimait bien le fait que le Wookiee sente toujours le savon au trillium.

La console de communication devint enfin silencieuse. Chewbacca venait d’aligner la bonne combinaison de filtres. Il alluma les senseurs, pianota quelques instants sur son clavier et poussa un râle de stupéfaction.

— Le calibrage de masse est en rade, fit Han. Mais on dirait bien un destroyer stellaire.

Chewbacca poussa un feulement indigné puis envoya les données sur l’écran de la console auxiliaire installée à côté du siège de Leia. Han se tourna vers elle, attendant de sa part une quelconque confirmation. Il ne fallut à la Princesse qu’une seconde pour se rendre compte qu’il avait raison.

— Seize cents mètres, six fréquences de communication en cours d’utilisation, dit-elle. Et un escadron de TIE en train de croiser tout autour de la station. (Leia se sentit d’un coup nauséeuse et fatiguée : ces derniers temps, lorsque le Faucon Millennium était amené à rencontrer un destroyer stellaire, c’était en général pour des raisons peu amicales.) Je ne comprends pas, Han, le calibrage de masse me semble correct.

Pendant qu’elle parlait, l’ordinateur du Faucon identifia le profil de l’appareil dans ses banques de données militaires et afficha le schéma d’un destroyer stellaire de classe Impériale. Le nom de l’engin apparut juste sous le graphique.

— Le Chimaera, lut Han. Il est toujours au service de l’Empire, non ?

— Il y a deux mois, en tout cas, c’était le fleuron de toute leur armada de destroyers stellaires. (Leia n’eut pas besoin de lire les informations de l’ordinateur. La mort du seigneur de guerre Zsinj, huit mois auparavant, avait redonné confiance et courage aux Impériaux. Depuis lors, le Conseil Provisoire baignait dans un climat de préparatifs de guerre.) L’Amiral Ackbar se demandait justement ce qu’il était devenu.

— Des déserteurs ? (Han attira le regard de son épouse par le reflet dans la verrière du cockpit.) Un autre capitaine voulant se transformer en seigneur de guerre ?

— J’espère que non ! La situation est déjà bien assez compliquée comme ça. (Avec la Nouvelle République combattant les Impériaux pour se disputer les territoires de Zsinj et les seigneurs de guerre survivants tentant d’exploiter la guerre à leur avantage afin d’accroître leurs propres possessions, le mot compliqué relevait de l’euphémisme. À plusieurs reprises, la marine de la Nouvelle République s’était attaquée à un ennemi pour découvrir qu’elle se heurtait à un autre, quand ce n’était pas deux ou trois à la fois.) De plus, ce n’est pas du genre du commandeur du Chimaera. Pour ce que j’en sais, Gilad Pellaeon est à la fois loyal et compétent.

— Alors, qu’est-ce qu’il peut bien fabriquer en orbite autour de Tatooine ? demanda Han. La zone de conflit la plus proche est au moins à cinquante systèmes d’ici.

Chewbacca gronda son opinion, signifiant que c’était peut-être du ressort de quelqu’un d’autre d’analyser les objectifs des Impériaux. Puis il se mit à calculer des trajectoires hyperspatiales. Leia se cala dans son fauteuil, plus préoccupée par la réaction de Han que par celle de Chewbacca, et entreprit de leur expliquer pourquoi il fallait tout de même qu’ils prennent le risque de descendre vers la planète.

Elle n’essuya aucune remarque, Han se contentant de jeter un regard noir aux doigts du Wookiee pianotant sur la console.

— Chewie ! dit-il enfin. Je t’assure que je peux me débrouiller. Pas de problème. (Il paraissait vaguement offusqué.) Ce n’est jamais qu’un petit destroyer stellaire, après tout !

Chewbacca miaula ses propres doutes puis lança un grognement à propos des fous qui titillent le destin pour un simple tableau.

— Le Crépuscule des Killik signifie énormément pour Leia ! dit Han. Il était accroché à un mur du palais, sur Alderaan.

Chewbacca gronda une longue réponse, suggérant qu’ils étaient probablement en train de tomber dans un piège, que la toile en question n’était peut-être même pas authentique.

— C’est impossible de falsifier une toile en mousse végétale, répondit Leia. Enfin, ce n’est plus possible aujourd’hui. Cela nécessite des pousses qui ne se propagent pas, qui ne peuvent pas se reproduire. Leur culture était certainement l’un des secrets les mieux gardés, y compris à Aldera. Ce secret a disparu à jamais, avec le reste de la planète.

— Tu vois ? lança Han. De plus, si les Impériaux étaient réellement en train d’essayer d’attirer Leia sur Tatooine, ils n’auraient certainement pas laissé un de leurs destroyers stellaires en plein milieu du passage, non ?

Han pointa le doigt vers la petite silhouette du Chimaera, qui glissait à présent tout doucement vers l’extrémité de la verrière du cockpit pendant que le Faucon mettait le cap sur la planète. Chewbacca secoua la tête avec insistance, rappelant à la cantonade que les plantes sirènes, sur sa planète natale de Kashyyyk, attiraient leurs victimes vers une mort certaine au moyen d’un parfum auquel il était impossible de résister.

— Pas une mort certaine, le corrigea Han. Sinon, il n’y aurait plus un seul Wookiee dans la galaxie…

N’étant pas particulièrement perméable à l’humour lorsqu’il avait une idée en tête, Chewbacca réitéra les questions qui le turlupinaient depuis qu’il avait pris connaissance de la vente aux enchères. Pourquoi un tableau d’une telle valeur était-il soudain mis en vente dans un endroit aussi peu fréquentable que le spatioport de Mos Espa ? Où était-il resté caché pendant toutes ces années ? Pourquoi refaisait-il justement surface aujourd’hui ?

À vrai dire, tout cela était bien mystérieux, aussi mystérieux que la présence du destroyer stellaire dans le système de Tatoo. Au moment de la destruction d’Alderaan, Le Crépuscule des Killik était en transit, à bord d’un convoi rentrant de Coruscant, après plusieurs mois d’exposition dans un musée de la capitale. Il avait totalement disparu de la circulation. Leia avait cru que la toile avait été détruite en même temps que sa planète, jusqu’à ce que Lando Calrissian lui annonce qu’elle allait bientôt être mise en vente sur Tatooine.

Chewbacca persévérait, insistant sur le fait que la présence du Chimaera n’était certainement pas le fruit d’une coïncidence. Puisqu’un destroyer stellaire Impérial était en orbite autour de Tatooine, il y avait de fortes chances pour que des Impériaux soient présents lors de la vente aux enchères. L’argument était frappé du sceau du bon sens mais, sans que Chewie en ait réellement conscience, cela rendait impérative la présence de Leia lors de la vente. La Princesse se pencha en avant et posa la main sur l’épaule de Chewbacca. La longue tirade grondante du Wookiee prit fin.

— Chewie, tout ce que tu viens de dire est absolument sensé. Le destroyer stellaire m’inquiète aussi. S’il s’agissait de n’importe quelle œuvre d’art Alderaanienne, je ne te demanderais pas de prendre un tel risque. Mais, pour Le Crépuscule des Killik, j’y suis obligée.

Chewbacca étudia le reflet de Leia dans la verrière du cockpit. C’était un Wookiee farouche et courageux, du genre à ne jamais refuser de porter assistance à un ami dans le besoin. Leia espérait simplement qu’elle pourrait le convaincre du bien-fondé de sa mission sans trop s’étendre sur les raisons de sa requête. Han souffrait encore pas mal de l’incident de Hapes, survenu huit mois auparavant, et il ne serait sûrement pas très chaud pour risquer son cher Faucon Millennium au profit du Conseil Provisoire. Et même pas tiède.

Leia soutint le regard de Chewbacca avec cette même expression terriblement sérieuse qu’elle avait si facilement tendance à arborer ces derniers temps. Finalement, le Wookiee grogna tout doucement en hochant la tête.

Han lui lança un bref coup d’œil, ouvrant la bouche sous le coup de l’incrédulité.

— Quoi ? C’est tout ? Elle te dit qu’elle y est obligée et tu ne veux même pas savoir pourquoi ?

Chewie haussa les épaules.

— Mais quand c’est moi qui propose un truc, poursuivit Han, tu ne peux pas t’empêcher de discuter pendant des heures ! (Il leva les yeux vers le reflet de Leia dans la verrière.) Tu as un sacré pouvoir de persuasion, Princesse, tu le sais ? Tu as pris des cours avec Luke pendant que j’avais le dos tourné ?

— Je ne suis pas un Jedi, dit Leia. (Puis, adoptant une fois de plus l’attitude flirteuse qui était de mise entre eux depuis leur mariage – et qui agaçait toujours considérablement Chewbacca, au point qu’il se détourna pour observer l’espace par le hublot –, elle adressa à Han un petit sourire en coin.) Juste une petite princesse bien ordinaire…

— Tu n’as rien de petit ni d’ordinaire… minauda Han, tirant à Chewbacca un grondement excédé. D’ailleurs, ajouta-t-il en changeant subitement de ton, je sais parfaitement que tu as une idée derrière la tête.

— Une idée derrière la tête ? (Leia jura intérieurement. Raté.) On est juste là pour acheter un tableau en mousse végétale…

— Ah ouais ? (Une petite lueur d’amusement traversa le regard de Han.) Alors peut-être que Chewie a raison…

— Je n’ai pas dit qu’il avait tort, fit Leia, essayant d’avoir l’air parfaitement détendue, sans réellement y parvenir. Han, je veux vraiment récupérer ce tableau…

— Il y a quelque chose qui cloche, dit son mari en secouant la tête. (Il commença à faire pivoter le nez du Faucon pour se détourner de la planète.) J’en suis absolument certain.

— Han !

— Ouais ? répondit-il au reflet de son épouse dans la verrière.

— Tu vas attirer l’attention sur nous…

— Qu’est-ce que ça peut faire, vu qu’on s’en va. (Il haussa les épaules et se tourna vers Chewbacca.) Où en es-tu avec ces calculs de trajectoires hyperspatiales ?

Chewbacca grogna, indiquant visiblement qu’il ne voulait pas prendre parti dans la discussion, et leva les bras au ciel. Tatooine commença à glisser doucement par le hublot. Leia comprit qu’elle ne pouvait pas lutter. Han était un trop bon joueur de sabacc pour se coucher avant d’avoir vu le jeu de son adversaire.

— Han, nous devons assister à cette vente aux enchères, dit-elle. Si Le Crépuscule des Killik y est effectivement proposé, nous devons l’acheter. Des milliers de vies au sein de la Nouvelle République en dépendent.

— Vraiment ? (Han n’eut pas l’air surpris.) Voyez-vous ça…

Tatooine cessa de glisser dans leur champ de vision.

Leia poussa un long soupir et annonça :

— Une clé de déchiffrage du code Shadowcast est cachée dans le tableau. Elle est dans les circuits du contrôleur d’humidité.

Les yeux de Chewbacca devinrent aussi ronds que des billes. Le code Shadowcast permettait d’envoyer des informations à la Rébellion sur le réseau HoloNet par l’intermédiaire des messages de propagande payés par l’Empire. Le système n’avait pas encore été découvert, et la Nouvelle République s’en servait pour envoyer des instructions à ses agents en poste sur des positions stratégiques derrière les lignes Impériales.

Le regard de Solo s’était durci.

— Chérie, je pense que nous allons vivre ici et maintenant notre première scène de ménage depuis que nous sommes mariés. Pourquoi m’avoir caché que le Conseil Provisoire était derrière cette petite expédition ?

— Parce que ce n’est pas vrai, rétorqua Leia, adoptant un ton plus défensif qu’elle ne l’aurait vraiment souhaité. (Pourquoi ses talents de politicienne l’abandonnaient-ils donc à chaque fois qu’elle parlait avec Han ?) C’est moi, au départ, qui ai décidé que Le Crépuscule des Killik serait une cachette idéale pour le code. Et tout le monde, moi la première, a cru que la toile avait été détruite sur Alderaan. Tout repose sur moi, Han. Le Conseil Provisoire a autorisé le déblocage des fonds pour acheter le tableau parce que Mon Mothma leur a un peu forcé la main. Elle est la seule personne à connaître la véritable raison de ma présence ici.

— Oh, eh bien me voilà rassuré…

Huit mois plus tôt, Mon Mothma avait fait partie des gens qui avaient lourdement insisté pour que Leia scelle une alliance définie comme hautement stratégique en épousant le prince d’un puissant groupement de planètes connu sous le nom de Consortium de Hapes. Han s’était senti trahi par la Première Conseillère et par l’ensemble du Conseil, au point que, en dépit de nombreuses offres très généreuses, il avait jusqu’à présent refusé de reprendre son grade militaire et même d’occuper le moindre poste officiel au sein de la Nouvelle République.

La réaction de Han n’était pas le seul aspect de l’affaire du Consortium de Hapes que Leia regrettait. Si elle avait été un peu plus claire avec la Reine Mère Ta’a Chume, si elle lui avait annoncé que le mariage avec son fils Isolder n’était pas envisageable, principalement du fait qu’elle ne souhaitait pas avoir d’enfant, elle serait certainement parvenue à sauver cette alliance au moyen d’un autre arrangement. De plus, elle aurait ainsi évité de blesser Han.

Chewbacca gronda un avertissement. Leia se pencha vers le moniteur auxiliaire et découvrit que trois TIE et une navette d’assaut venaient de quitter le Chimaera.

— Il n’y a pas de quoi s’inquiéter, dit Han, étudiant son propre moniteur. Ils veulent simplement vérifier si leur présence nous rend nerveux.

Leia l’était, nerveuse. Un peu exaspérée, aussi, mais elle s’abstint d’en faire part à son époux. Han avait peut-être attiré l’attention du Chimaera. Avoir l’air trop détendu pouvait sembler tout aussi suspect qu’avoir l’air trop nerveux. En vérité, aux yeux des Impériaux, tout pouvait sembler suspect.

— Han, je ne voulais pas faire prendre de risques au Faucon, dit Leia. Je voulais juste qu’on passe un peu de temps ensemble. J’ai pensé que ce voyage serait une bonne occasion.

— Pendant une mission au nom de la Nouvelle République ?

— Je ne savais pas que cela se transformerait en mission, répondit Leia. Je suis désolée.

— Attends, qu’est-ce que tu imaginais ? Qu’on entreprendrait une petite croisière d’agrément jusqu’à Tatooine, qu’on récupérerait le tableau, qu’on ferait même un petit crochet par le palais de Jabba, histoire de se rappeler le bon vieux temps ?

Chewbacca signala que la navette et les TIE approchaient en suivant un vecteur d’interception. Han modifia le cap du Faucon pour lui assurer une voie de dégagement vers l’espace et se tourna de nouveau vers Leia.

— Je ne vois pas ce que cette clé de déchiffrage a de si important, de toute façon, continua Solo. Les codes ont certainement été changés, ou mis à jour. Elle doit avoir plus de dix ans, non ?

— Neuf ans, le corrigea Leia. Et le code est mis à jour au terme de chaque nouvelle demi-douzaine de transmissions. Même une clé ancienne pourrait aider les Impériaux à déchiffrer un code récent. Pire, cela les informerait de l’existence d’un réseau qu’ils n’ont toujours pas détecté au bout de dix ans. Cela coûterait la vie de plusieurs milliers d’agents, actifs ou non, toujours en poste sur des planètes ennemies. Sans parler du temps que cela nous prendrait pour trouver un substitut à Shadowcast…

Han détourna les yeux et se pencha sur sa console d’instruments. Il comprit que Leia venait de le coincer. Quoi qu’il en soit, il ne baisserait pas les bras si vite. Ne serait-ce que pour la forme. Car on pouvait toujours compter sur Han Solo quand les enjeux étaient importants. C’était sa faiblesse, et Leia l’aimait aussi pour ça.

— Han, je souhaite sincèrement récupérer Le Crépuscule des Killik, dit Leia. Quand tu le verras…

— Quand je le verrai ? l’interrompit-il. Tu vas un peu vite en besogne, non ?

Chewbacca leva les yeux au ciel sous le coup de l’exaspération et grogna. Deux fois de suite.

— Moi ? fit Han. Moi je me comporte comme un Hutt ?

Chewbacca aboya affirmativement et reporta son attention sur les capteurs. Il indiqua que les TIE étaient en train d’accélérer pour passer devant la navette. Han consacra quelques instants à évaluer à la fois l’accusation et l’information lancées par son copilote avant de se tourner à nouveau vers Leia.

— Moi ? répéta-t-il. Me comporter comme un Hutt ?

Leia leva la main, tenant son index et son pouce à quelques millimètres l’un de l’autre.

— Eh bien, peut-être, dit-elle. Mais alors juste un petit peu…

L’expression de Han passa de l’incrédulité au chagrin. Il ramena le nez du Faucon vers Tatooine, mettant le cap sur l’horizon de la planète, là où les soleils jumeaux projetaient un croissant d’un blanc brillant.

— Je ne fais pas ça pour le Conseil, annonça-t-il. Je le fais pour toi.

— Je sais. (Le sourire de Leia était probablement un peu trop prononcé et elle ne put s’empêcher d’ajouter :) Et le Conseil t’en sera éternellement reconnaissant.

Han lui adressa un regard noir mais, avant qu’il ait pu rétorquer quoi que ce soit, le haut-parleur de la console de communication se mit à grésiller :

— Transport C.I.C. Regina Galas, tonna une voix Impériale plutôt bourrue. Conservez votre position et préparez-vous à une inspection.

Regina Galas était un nom de code parmi la douzaine que le Faucon Millennium adoptait pour les voyages anonymes. Han se tourna vers C-3PO.

— À toi de jouer, Bouton d’Or.

— Jouer, Messire Solo ? demanda C-3PO en penchant la tête de côté.

— Retarde-les, dit Han en lui indiquant le microphone installé sur l’interface auxiliaire du navordinateur. Fais-toi passer pour un Gand. Ils seront obligés de s’équiper pour résister aux vapeurs d’ammoniac. Ça devrait nous faire gagner du temps.

— Bien entendu, dit C-3PO. Peut-être pourrais-je suggérer…

— Regina Galas, annonça une voix plus douce que la précédente. Ici le destroyer stellaire Chimaera. Préparez-vous à l’accostage ou bien nous ouvrons le feu.

— C-3PO ! tonna Leia en indiquant la console au droïde.

C-3PO activa l’émetteur et se servit de son vocabulateur pour délivrer un staccato de cliquetis et sifflements. Il y eut une très longue pause. Les Impériaux devaient être en train de convoquer un droïde de traduction.

Han sourit, visiblement satisfait, et se leva de son siège de pilote.

— Tu sais quoi faire, Chewie…

Chewbacca grogna et prit les commandes du cargo, continuant la descente vers le croissant lumineux qui s’étendait à l’horizon. Han se pencha par-dessus l’épaule de C-3PO et bascula un commutateur qui permettrait, sur l’intercom du Faucon, d’entendre les échanges du canal de communication. Il fit alors signe à Leia de le suivre.

— J’ai besoin de toi à l’arrière, dit-il.

Leia détacha les boucles de son harnais de vol et sentit son cœur lui monter dans la gorge.

— Han, je ne suis pas sûre que nous frayer un chemin à coups de laser…

— Tu me prends pour un gundark ou quoi ? lança-t-il. Si nous ouvrons le feu, nous sommes morts !

Heureuse de découvrir qu’ils étaient d’accord, Leia suivit son mari jusqu’au sas de la soute arrière. Au moment où ils ouvraient l’écoutille, les Impériaux reprirent la parole sur le canal de communication, assistés par leur droïde de traduction. La conversation avec C-3PO ne fut qu’une cacophonie de craquements et bourdonnements. Han décrocha une petite capsule cargo, qu’il traîna jusqu’à la passerelle centrale du vaisseau. Là, il ouvrit l’un des petits compartiments secrets pratiqués dans le plancher. Il en sortit quelques caisses d’un excellent brandy Chandrilan, qu’il conservait pour soudoyer les responsables des capitaineries des spatioports. Il les passa à Leia pour qu’elle les entasse dans la capsule cargo.

— Qu’est-ce qu’on va faire ? demanda-t-elle. Les bombarder à coups de tord-boyaux ?

— C’est à peu près ça, répondit Han. Ça s’appelle du « pot-de-vin volant ». Cette boisson est une excellente monnaie d’échange, surtout pour un sous-officier qui n’a pas vu la moindre fiche de paye depuis des mois…

— Han, tu n’as pas compris ce que j’ai dit concernant Pellaeon ? demanda Leia. Il ne va sûrement pas tomber dans le panneau…

— Il n’en aura pas besoin, répondit-il en souriant.

Tout en finissant de charger la capsule cargo, il expliqua à Leia ce qu’il avait l’intention de faire. La voix de l’officier du Chimaera revint sur la fréquence de communication. C-3PO était très doué pour énerver les êtres vivants et celui-ci ne faisait pas exception à la règle.

— Pilote du Regina Galas, notre droïde de traduction nous assure que les Gand sont tout à fait capables de parler le Basique.

C-3PO répondit par un long trille en forme de question.

Il y eut un léger décalage, en raison de la traduction, et l’officier reprit :

— Je tiens à dire que je suis persuadé que vous comprenez nos instructions. Maintenez votre position ou bien nous serons obligés d’ouvrir le feu. Nos ordinateurs d’acquisition de cibles sont déjà braqués sur vous.

Leia manqua de tomber à la renverse lorsque Chewbacca décéléra et sembla exécuter un demi-tour en direction du Chimaera. Elle savait que le but d’une telle manœuvre était de placer la navette d’assaut entre le Faucon et les puissants turbolasers du destroyer stellaire. Han et Chewbacca avaient eu l’occasion de passer les contrôles Impériaux à maintes reprises, et ce bien avant que la Rébellion n’existe. Ils connaissaient tous les trucs des contrebandiers. Et quelques autres encore…

— J’ai dit « maintenez votre position », inutile de faire demi-tour ! aboya l’officier du Chimaera. Et communiquez en Basique !

C-3PO répondit par un chapelet de cliquetis perturbés. Han et Leia pouffèrent de rire, appréciant pleinement la situation. Tous deux savaient combien le droïde pouvait se révéler irritant lorsqu’il commençait à paniquer. Ils scellèrent la capsule cargo et l’éjectèrent par le sas principal. Lorsqu’ils regagnèrent la console d’ingénierie installée dans la soute, ils demandèrent à l’ordinateur d’afficher les données tactiques sur le moniteur. Chewbacca avait terminé sa manœuvre de retournement et était en train d’accélérer à nouveau. La navette d’assaut se trouvait à présent exactement entre eux et le Chimaera.

— Halte ! Halte ! Nous allons ouvrir le feu ! hurla l’officier.

— Ouvrir le feu ! s’exclama C-3PO, avec la voix d’un Gand s’exprimant maintenant en Basique. Ciel !

Chewbacca ferma la fréquence en riant si fort que les grondements de sa voix retentirent jusqu’à l’autre bout du cargo, et continua d’accélérer. Dans l’impossibilité de mettre les menaces de l’officier à exécution sous peine de détruire sa navette d’assaut, le Chimaera s’abstint de tirer. La nouvelle trajectoire du Faucon ne pointait plus vers Tatooine mais longeait à présent en parallèle la surface de la planète. Leia savait qu’une fois qu’ils ne seraient plus à portée de tir des turbolasers, ou dès qu’ils seraient masqués par les décharges électromagnétiques des soleils jumeaux, Chewbacca changerait de direction. La Princesse continua d’observer l’écran tactique, s’attendant à ce que le destroyer stellaire entame une manœuvre afin de dégager son angle de tir ou bien ordonne à la navette de changer de position. Rien ne se produisit.

— Parfait, dit Han. Ils doivent penser que nous sommes des passeurs d’épices. Ils vont s’arrêter pour récupérer notre petite cargaison de brandy et nous pourrons décaniller. L’officier de pont n’a certainement pas envie de s’encombrer de prisonniers qui pourraient aller raconter à Pellaeon ce qu’il y a dans la capsule.

— Tu en es sûr ?

Leia, de plus en plus inquiète, vit les trois chasseurs TIE dépasser la capsule abandonnée. Ils filèrent dans le lointain pour se poster entre Tatooine et leur proie. Tant que Chewbacca conserverait ce même cap, les chasseurs seraient incapables de rattraper le Faucon, mais, dès que celui-ci obliquerait vers la surface, les TIE seraient en mesure de l’intercepter.

— Ils n’ont pas vraiment l’air intéressés par notre pot-de-vin…

Han étudia son moniteur, sa mâchoire se crispant un peu plus à chaque nouveau kilomètre que les chasseurs mettaient entre eux et la capsule. L’espace d’un instant, on crut que la navette d’assaut ignorerait également la cargaison et resterait derrière le Faucon. Mais, soudain, un rayon tracteur s’alluma à sa proue et se braqua sur le petit projectile. Han poussa un soupir de soulagement. Il saisit la main de Leia et attira son épouse vers le couloir d’accès aux tourelles de tir.

— Viens…

— Han, je croyais qu’il était hors de question de tirer ? (En dépit de ses protestations, elle se laissa entraîner vers les échelons.) Si nous tirons, nous sommes morts, c’est toi même qui l’as dit, tu te souviens ?

— Je dis des tas de trucs. (Ils atteignirent les tunnels d’accès. Han sauta dans le puits de la tourelle inférieure, utilisant à peine les barreaux de l’échelle pour ralentir sa descente.) Mais ils vont essayer d’attraper la capsule en plein vol. L’officier de pont a besoin qu’on joue le jeu, sinon son commandeur ne croira pas à notre fuite.

Leia était déjà en train de gravir les degrés de la tourelle supérieure.

— Jouer le jeu jusqu’où ? demanda-t-elle.

— Jusqu’au bout. Ce Pellaeon doit être vraiment tatillon. (Le Faucon bourdonna au moment où Han enclencha la procédure de test de mise à feu de ses canons.) Surtout, ne détruis rien. Si nous touchons quoi que ce soit, nous sommes…

— Morts, termina Leia en bouclant son harnais de sécurité. Merci, j’ai compris.

Elle passa ses écouteurs et fit pivoter la tourelle vers le disque lumineux de Tatooine.

La verrière fut brièvement occultée. Les systèmes automatiques de protection venaient de réagir à l’éclair couleur saphir d’un tir de turbolaser et le pouls de Leia s’arrêta brusquement. Elle se prépara mentalement à disparaître dans le tourbillon de chaleur infernale et de lumière aveuglante auquel elle s’attendait depuis les débuts de la Rébellion. Elle rouvrit les yeux et découvrit la petite silhouette de la navette d’assaut qui se découpait dans l’éclat d’une explosion distante.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? s’étrangla-t-elle.

Chewbacca gronda une réponse qui lui retourna l’estomac.

— Ils l’ont fait sauter ?! cria Han. Mais il y en avait pour plus de deux mille crédits de brandy !

— Voilà qui anéantit notre idée de pot-de-vin, annonça Leia, qui avait toutes les peines du monde à conserver une voix calme. On fait quoi, maintenant ?

Avant de répondre, Han décocha un véritable mur de rayons laser juste devant les chasseurs TIE.

— La navette, on peut réussir à la semer, dit-il. Mais il faut qu’on teste un peu ces coucous-là. Essaye de ne…

— Pas toucher quoi que ce soit, dit Leia en activant son collimateur de visée. Je sais…

À cette distance, les TIE n’étaient que de vagues flux bleutés d’énergie ionisée. Leia activa son amplificateur de visée et les angles acérés de trois intercepteurs TIE apparurent sur son moniteur. Elle programma son tir pour que les projectiles explosent à une longueur au-devant des chasseurs. Par sécurité, elle ajouta une longueur de plus. Puis une demi-longueur, pour être sûre et certaine. Elle pressa alors la détente.

Les quadruples canons laser tirèrent en séquence alternée afin de minimiser les vibrations accompagnant les décharges. Cependant, la tourelle trembla de toute sa structure. Leia vérifia sa visée. Les TIE étaient toujours en train d’essayer de leur couper la route. Elle ouvrit à nouveau le feu. Le Faucon se trouvait encore au maximum de la portée et les tirs mirent une éternité à atteindre leur destination. La plupart disparurent bien avant de toucher les TIE mais d’autres – probablement ceux de Han – fusionnèrent avec les traînées bleutées des propulseurs ioniques des chasseurs stellaires. Leia fixa son regard sur son écran tactique et continua de tirer, priant pour qu’aucune des trois cibles ne se volatilise. Les Impériaux avaient l’habitude des contrebandiers tentant de prendre la fuite et, en général, ils ne mettaient pas la dernière énergie à les poursuivre. Cependant, ils deviendraient certainement beaucoup plus pugnaces si l’un des leurs était détruit par l’appareil fuyard.

La distance séparant les rayons décochés par Han et les TIE diminua encore plus sur le moniteur de la Princesse. Elle décida de réduire sa distance de sécurité d’une longueur et le barrage de laser tiré par le Faucon se transforma en une tempête de feu presque impénétrable. Les Impériaux perdirent patience et pivotèrent vers le cargo Corellien afin d’utiliser leurs propres canons.

— De vrais conducteurs de péniches ! ricana Han. Qu’est-ce que c’est que ces pilotes du dimanche que l’Empire a recrutés ces derniers temps, hein ?

Les TIE ouvrirent le feu et de petites lances de lumière verte jaillirent de l’éclat jaunâtre de Tatooine. Les traits s’évanouirent à quelques kilomètres en avant du Faucon, mais des corolles de feu d’énergie au laser bourgeonnèrent contre les boucliers des engins ennemis bien avant que Leia ne déconnecte le tampon de sécurité de ses quadruples canons.

La tourelle de Han stria l’espace tout autour des TIE. Leia suivit l’exemple de son époux, obligeant le trio à reculer vers le destroyer stellaire. L’image de son écran de visée bascula en échelle réelle et les intercepteurs se transformèrent en points flous. Ils avaient repris leur course et fonçaient à tombeau ouvert sur leur proie. Chewbacca conserva son cap, maintenant la navette d’assaut entre la poupe du Faucon et les canons du Chimaera.

Leia se dit alors qu’ils allaient peut-être s’en tirer. Aucun destroyer stellaire, dans toute la galaxie, n’était de taille à lutter contre Han et Chewbacca. Une fois que les époux Solo auraient forcé les TIE à se rabattre sur l’arrière du cargo Corellien, Chewie profiterait de la manœuvre pour mettre le cap vers l’atmosphère de Tatooine. Les énormes canons du Chimaera ne pourraient plus rien faire. À moins que Pellaeon ne décide de bombarder la planète pour arrêter un simple petit vaisseau.

Même les Impériaux n’iraient pas jusque-là. À moins qu’ils ne découvrent la véritable identité du Regina Galas.

Les TIE approchaient toujours. Ils avaient à présent la taille d’un poing sur l’écran tactique de Leia. Celle-ci prit un peu plus d’assurance, chronométrant ses tirs pour qu’ils explosent dans les zones précédemment occupées par les chasseurs de l’Empire, forçant les engins à se rabattre un peu plus vers le quart arrière du Faucon à chacune de leurs manœuvres d’esquive. Han, de son côté, lançait des attaques plus audacieuses, toujours à deux doigts de détruire les panneaux solaires des ailes des petits appareils, les poussant dans leurs derniers retranchements.

Et soudain, le système d’occultation automatique opacifia toute la verrière. Pas assez vite, cependant. Leia fut aveuglée par deux rayons de turbolaser tirés coup sur coup à proximité du Faucon. Les épaules de la Princesse se heurtèrent aux sangles du harnais de sécurité lorsque l’onde de choc de la déflagration frappa le cargo de plein fouet. À nouveau, son cœur cessa de battre et elle eut l’impression d’être suspendue indéfiniment entre la vie et la désintégration. Ce fut alors qu’elle se rendit compte qu’elle pressait toujours la gâchette et qu’un bourdonnement émis par l’ordinateur de visée annonçait la destruction de l’un des intercepteurs TIE.

Leia poussa un juron et lâcha prise. Elle cligna des yeux pour tenter de chasser l’éblouissement causé par l’explosion et eut de la peine à croire qu’elle avait échappé à la destruction.

— Désolée ! lança-t-elle. Je ne voulais pas…

Chewbacca l’interrompit d’un grondement de stupéfaction.

— C’est le Chimaera qui l’a détruit ? s’étrangla-t-elle. Par erreur ?

— Non, plutôt pour l’exemple, dit Han en ouvrant de nouveau le feu. Apparemment, ils n’aiment pas trop qu’on se moque de leurs TIE…

Leia vérifia son écran et vit les deux autres intercepteurs zigzaguer afin de se poster au-devant du Faucon. Elle fit pivoter sa tourelle mais se sentit trop indécise pour tirer en toute sécurité. Quelque chose allait de travers.

— Pellaeon n’irait tout de même pas jusqu’à détruire ses propres TIE, annonça-t-elle. L’Empire est à court de bons pilotes…

— C’est une leçon que les survivants ne sont pas près d’oublier. (Les rayons des canons de Han se mirent à danser tout près du TIE de tête, tissant une toile mortelle de plus en plus serrée autour du chasseur ennemi.) En admettant qu’il y ait des survivants… (Finalement, incapable d’esquiver ou de battre en retraite, l’engin Impérial croisa un rayon et explosa dans une nuée blanche de feu et de lumière.) J’ai l’impression qu’ils nous utilisent pour leur entraînement. J’ai horreur de ça.

— Han, tu avais dit de ne rien toucher…

— Changement de plan ! (Han concentra ses tirs sur le dernier TIE.) Ils veulent aller jusqu’au bout ? Eh bien, on va aller jusqu’au bout !

Leia se joignit à lui, forçant le TIE à croiser la ligne de mire des canons de Han. L’engin sautilla et zigzagua mais, très discipliné, conserva le même cap, ayant sans aucun doute retenu la leçon délivrée par le Chimaera quelques instants auparavant.

Le TIE tourna enfin en direction du Faucon et l’espace qui le séparait du cargo Corellien s’emplit bientôt de rayons lumineux au moment où l’impérial ouvrit le feu. Leia, les yeux fixés sur le moniteur de visée, conserva les doigts pressés sur la détente. Elle darda l’intercepteur de spirales de rayons mortels de plus en plus étroites. Elle essaya de ne pas penser à l’image en train de grossir sur son écran tactique, de ne pas se demander pourquoi l’image du moniteur s’était mise à clignoter et encore moins de s’interroger sur la raison pour laquelle le système opacifiant des hublots de la tourelle était entré en action.

Le pilote du chasseur choisit alors de monter en chandelle. Ses ailes et son cockpit sphérique pivotèrent à l’instant où Leia se rendait compte que les tirs Impériaux avaient cessé.

— Il est à toi ! cria Han dans l’intercom. Chewie, fais-nous faire un tonneau, vite !

Leia releva ses canons, activa la commande d’explosion à l’impact de ses rayons laser et fit feu. Mais le TIE était déjà trop loin. Elle décocha quelques traits supplémentaires de laser, jusqu’à ce que son ordinateur lui signale que l’ennemi était hors de portée.

— C’est bon, on a dû lui demander de retourner à la base, déclara Han. Je ne crois pas qu’ils vont nous courir après.

Leia vérifia son écran tactique et vit que la navette d’assaut était toujours à leurs trousses. Incapable d’égaler la vitesse du Faucon, elle était loin, perdant considérablement du terrain, mais elle s’obstinait à les poursuivre.

— Tu en es sûr ? demanda la Princesse à son mari.

— Sûr et certain. Pour piloter, l’expérience ne sert à rien si on est mort.

— Et les sections d’assaut ?

Pendant que Leia posait sa question, la navette abandonna la poursuite et descendit vers la surface de la planète. Chewbacca modifia promptement son cap et suivit une trajectoire parallèle, conservant toujours la navette entre le Faucon et le destroyer stellaire. À présent, l’engin d’assaut Impérial volait plus ou moins dans la direction que les occupants du cargo souhaitaient emprunter. Leia demeura sur ses gardes, s’attendant à n’importe quel moment à ce que la navette fasse une embardée quelconque pour regagner le Chimaera ou bien pour dégager la ligne de mire afin de laisser le champ libre aux turbolasers du destroyer. Rien de tel ne se produisit. La navette continua de descendre, volant toujours dans la même direction que le Faucon.

Leia fit pivoter sa tourelle, ne sachant pas si elle devait remercier le pilote de la navette ou bien lui tirer dessus.

Han prit la décision à sa place :

— Chewie ! Coupe derrière eux ! File vers le désert et vite !

Le Wookiee ne demanda pas pourquoi. Il lança le Faucon dans un virage si serré que Leia dut fermer les yeux afin de résister au tournoiement violent du champ d’étoiles. Han lui hurla alors de faire pivoter ses canons dans la bonne direction.

Leia rouvrit les yeux, regrettant immédiatement de l’avoir fait. Par-delà la verrière, l’espace et la planète tourbillonnaient ensemble, alternant des vues de spirales étoilées et d’étendues désertiques, pendant que Chewbacca descendait en vrille vers Tatooine. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi Han souhaitait qu’elle se tienne prête. Elle se concentra cependant sur son moniteur et tourna ses canons en direction de la navette d’assaut.

Une demi-douzaine de témoins lumineux apparut au bord du moniteur tactique. Le cœur de Leia se serra bien avant que l’ordinateur ne confirme l’information par l’affichage du symbole identifiant d’autres intercepteurs TIE. Han, lui, avait déjà compris deux secondes auparavant. Un nouvel escadron de chasseurs Impériaux venait à leur rencontre depuis la face cachée de la planète.

Leia concentra de nouveau son attention sur son ordinateur de tir. Sous l’action des girations furieuses du Faucon, les servomoteurs de stabilisation, programmés pour tenir la navette dans le collimateur de tir, lancèrent la tourelle dans une danse nauséeuse, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre.

— C’est bon, j’ai la cible dans mon collimateur ! s’exclama Leia. (Remarquant que Han n’avait pas encore ouvert le feu, elle ajouta :) Est-ce que…

— Non, pas encore, dit Han. Chewie ? Tu vois cette tempête de sable ? La très grosse, là ?

Un grondement affirmatif retentit dans l’intercom. Leia risqua un coup d’œil par la verrière et ne vit qu’un maelström d’étendues jaunes et d’étoiles tourbillonnant sur un fond violet. Elle eut immédiatement envie de vomir. Elle reporta son regard sur son ordinateur de visée et espéra se tromper quant aux intentions de Han par rapport à cette tempête de sable.

Le Faucon tressaillit et se mit à ralentir brusquement. Leia se demanda alors s’ils venaient déjà d’atteindre les couches supérieures de l’atmosphère, mais le ciel à l’extérieur paraissait encore bien noir. Han poussa un juron et se demanda à voix haute si les pilotes du Chimaera se prenaient pour des trompe-la-mort. La Princesse vit la navette d’assaut tourbillonner comme un flitnat sur son écran tactique, reliée au Faucon par le ruban invisible d’un rayon tracteur qui rapprochait inexorablement les deux appareils l’un de l’autre.

— Maintenant, peut-être, Han, non ?

— Toujours pas, répondit celui-ci. Chewie, vas-y !

Un coup sourd retentit à l’intérieur du Faucon. Deux missiles à fragmentation venaient d’être éjectés de leurs tubes et remontaient à présent le rayon tracteur en direction de la navette.

— Maintenant, mon cœur !

Leia pressa la détente. La tourelle vrombit et les quadrilasers crachèrent leurs traits mortels. Le centre de l’écran de visée explosa en une corolle de feu. La verrière s’opacifia automatiquement au moment où la navette se mit à riposter. Les systèmes qui n’étaient pas essentiels à bord du Faucon s’éteignirent pour que l’énergie soit entièrement dédiée aux boucliers déflecteurs. Un silence pesant tomba sur le cargo Corellien. La Princesse essaya de viser la source du rayon tracteur mais le cargo tournoyait beaucoup trop, comme ayant échappé au contrôle de son pilote, et Leia dut se contenter de tirer à l’aveuglette.

Soudain, les missiles disparurent dans la corolle de feu. Le rayon s’éteignit brusquement, la navette se volatilisa et l’écran ne présenta plus bientôt que le vaste champ des étoiles en arrière-plan.

Chewbacca fit sortir le Faucon de sa chute en vrille et plongea directement vers la surface de Tatooine. L’écran tactique indiquait que les intercepteurs se rapprochaient, mais ils étaient toujours hors de portée. Leia fit pivoter sa tourelle et aperçut enfin la tempête de sable que Han venait de signaler au Wookiee. C’était un tourbillon furieux de couleur ambrée qui couvrait près de dix pour cent de la partie visible de la planète. Même depuis l’espace, on distinguait clairement les nuages qui se détachaient du sol, où la tempête faisait rage, pour remonter vers le ciel.

Chewbacca exécuta un large virage afin de rester hors de portée de leurs adversaires. Sur l’écran tactique, Leia vit que les TIE étaient toujours hors de portée et qu’il y avait peu de chance pour que cela change. Ils ne pourraient pas couper la route au Faucon sans se risquer dans l’atmosphère, une manœuvre qui prendrait au moins autant de temps que de faire complètement le tour de la planète. Le Chimaera ne pouvait pas faire grand-chose non plus, croisant toujours en orbite haute, encore assez près, cependant, pour lancer une nouvelle opération d’accostage. Il restait une option au destroyer stellaire pour arrêter le Faucon Millennium dans sa course.

Une ligne étincelante de tirs émis par les turbolasers explosa juste au-devant d’eux. Le but n’était pas de toucher le Faucon mais de le forcer à se rabattre vers les TIE. Chewbacca décida de se glisser entre les déflagrations. Les boucliers déflecteurs crépitèrent sous les éclairs couleur saphir lorsque l’appareil passa en trombe entre les turbulences énergétiques. Il plongea ensuite droit dans l’atmosphère de Tatooine, son sillage instantanément englouti par les flammes causées par le frottement de l’air.

Han bondit de son fauteuil. Il eut du mal à remonter l’échelle de coupée qui menait à la coursive principale tandis que Chewbacca tentait de contrôler le Faucon filant à la vitesse d’un météore. Le Chimaera avait cessé le feu. Son capitaine devait penser que le cargo allait s’écraser sous peu.

— Restons sur nos gardes, dit Han à Leia qui le suivait tant bien que mal en direction de la soute principale. Pellaeon doit être aussi en colère qu’un rancor à l’heure actuelle. Ces TIE vont peut-être vouloir nous suivre…

— Alors, où vas-tu ?

— À la passerelle, dit-il. Lorsque nous plongerons dans la tempête de sable…

— Dans la tempête de sable ! Mais… (à cet instant, Leia vit les TIE descendre dans l’atmosphère à leurs trousses, et elle comprit qu’il n’y avait pas d’autre choix.) D’accord, Han, essaye de…

— De ne pas toucher quoi que ce soit, termina son époux. Ouais, je sais.