La gardienne tire

Tiens tiens ! avait pensé le Guide–Protecteur, Miss Olympe a peur des fliqueurs, dirait–on. Intéressant !

Mais… il n’avait pas eu le temps d’y penser davantage. Noir comme le néant, un zark venait de surgir du fond de la nuit pour vomir sa première sommation automatique :

— < Attention,veuillez vous soumettre à un contrôle d’identité. Mettez un doigt dans le trou au centre du cercle, s’il vous plaît.

*

Sur chaque flanc du véhicule de surveillance un cercle blanc entoure une cavité digitale. Ce sont les deux seules parties du zark que l’on voit nettement car elles sont violemment éclairées par de puissantes photoles. L’éblouissement est tel, que l’on distingue difficilement autre chose du monstre des ténèbres !

Le Guide–Protecteur avance vers le cercle blanc, un bras levé devant les yeux pour se protéger de la vive lumière. L’Éternelle réfléchit à toute allure. Elle ne doit pas se découvrir en touchant l’identificateur. Personne ne doit savoir qu’elle est là. Elle évalue ses chances d’échapper à ce contrôle. Elles sont quasi inexistantes, elle le sait. La seule solution consisterait à neutraliser les deux gardiens. Mais… comment les faire sortir de leur blindé ? Elle ne peut s’enfuir, cela leur donnerait l’autorisation de la tuer. C’est le règlement. Ils ne peuvent pas tricher, quelque part, des yeux regardent à travers les réseaucams. Si elle cherche à leur échapper, ils ne seront pas obligés de la tuer, mais ils en auront le droit. Un droit si légitime que certains gardiens en zark s’en font même un devoir. Son cerveau accélère, ses pensées se précipitent.

Le Guide–Protecteur avance vers le cercle blanc, un bras levé devant les yeux pour se protéger de la vive lumière. L’Éternelle réfléchit à toute allure. Elle ne doit pas se découvrir en touchant l’identificateur. Personne ne doit savoir qu’elle est là. Elle évalue ses chances d’échapper à ce contrôle. Elles sont quasi inexistantes, elle le sait. La seule solution consisterait à neutraliser les deux gardiens. Mais… comment les faire sortir de leur blindé ? Elle ne peut s’enfuir, cela leur donnerait l’autorisation de la tuer. C’est le règlement. Ils ne peuvent pas tricher, quelque part, des yeux regardent à travers les réseaucams. Si elle cherche à leur échapper, ils ne seront pas obligés de la tuer, mais ils en auront le droit. Un droit si légitime que certains gardiens en zark s’en font même un devoir. Son cerveau accélère, ses pensées se précipitent. Elle a bien une arme, mais elle est totalement inefficace contre un tel blindage.

Le Guide–Protecteur est sur le point de s’identifier, son doigt se tend vers le cercle blanc. Tout en poursuivant son geste, il se retourne. L’Éternelle croise son regard perplexe et interrogateur. Son doigt entre dans l’identificateur.

— Identification réussie. À vous, Madame.

Cette fois c’est un des gardiens qui parle dans le ventre du zark, ce n’est plus le synthétiseur. L’Éternelle entrevoit une solution. « Identification réussie » a–t–on dit pour l’homme qui l’accompagne. Cela signifie qu’il est libre, qu’il a le droit d’aller à sa guise, en ces lieux ! Les gardiens en zark lui doivent donc protection. S’il venait à mourir sous leurs yeux, ils seraient responsables.

Une vingtaine de mètres la sépare du zark. Elle s’en approche lentement en tenant son arme au fond de sa poche. Son plan est simple. Ce n’est qu’une solution à très court terme, mais c’est mieux que de se rendre.

Quinze mètres. Elle imagine l’action qu’elle envisage. Donner l’impression de vouloir s’identifier. Au dernier moment passer brutalement derrière le Guide–Protecteur. Lui faire une prise autour du cou et lui poser l’arme sur la tempe. Ensuite…

Dix mètres. Ensuite… elle ne sait pas. Son projet est sans issue. Combien de temps peut–elle gagner en menaçant la vie de cet homme ? Les renforts vont immédiatement arriver et… Tous les médias diffuseront l’incroyable arrestation de Sandrila Robatiny. Elle réalise qu’elle ferait mieux d’accepter l’identification. So Zolss sera immédiatement informé de sa présence ici. Il découvrira tout au sujet de son double.

Cinq mètres. Elle ne sait plus que faire. Comment a–t–elle pu se retrouver sans une situation aussi stupide et inextricable ! Pourquoi avait–elle accumulé autant d’erreurs ? Retrouver l’Organisation toute seule ! Quelle décision imbécile ! Avait–elle complètement perdu la tête ? L’âge sans doute ! Certainement, même ! Le cerveau avait sûrement une limite ! Que faire ?

Voilà, le dernier moment n’est plus qu’à quelques secondes. Elle est dans l’étroite zone éclairée de l’identificateur. Son cercle blanc ressemble à un œil funeste qui la regarde. Elle imagine les deux gardiens tranquillement installés à bord de leur forteresse roulante. Eux aussi la regardent, avec l’assurance insolente de ceux qui ont la loi et la force de leur côté. Mais ils sont sur le point d’apprendre qui elle est. Elle connaît déjà leur future réaction. Avec une servilité repoussante, ils feront soudain pleuvoir des excuses et lui proposeront mille services en rampant comme des larves. La plupart des humains sont ainsi. Il y a si longtemps qu’elle le sait. C’est en les observant vivre, quand elle était jeune, qu’elle a acquis cette terrible conviction. Terrible, parce qu’elle a souffert de le constater. Terrible, parce qu’elle s’est volontairement isolée de l’humanité en construisant entre elle et les hommes un gigantesque mur de mépris. Terrible, parce que ses rêves de révoltes contre les puissants se sont transformés en amers désirs de conquêtes.

— Votre doigt dans l’identificateur, dit le zark, avec une voix d’homme.

Elle tressaille. Son esprit revient brusquement sur place. Un des deux gardiens lui rappelle ce que l’on attend d’elle. Elle n’a pas peur. C’est le jeu de la vie. Elle a joué, elle a perdu. So Zolss allait être ravi. Mais, dès demain, quoi qu’il lui en coûte, elle annoncerait elle–même l’existence de son double à tous les mondes. Il ne pourra pas utiliser cette information comme moyen de pression contre elle.

Elle tend le doigt. Le Guide–Protecteur la regarde avec un sourire stupide. Pauvre type, elle a presque envie de le gifler. Qu’a–t–il, à triompher bêtement, celui–là, se demande–t–elle. Il fait une sorte de grimace. Elle ne comprend pas ce qu’il… On dirait qu’il tente de lui faire comprendre quelque chose… que… Mais… Que… Il lui attrape le bras ! Que veut–il ? Il s’approche et murmure dans son oreille :

— Attends encore un peu.

À l’intérieur du zark, Miox interloqué s’énerve.

— Pourquoi vous intervenez, vous ? crie–t–il. Lâchez son bras. Laissez–la s’identifier.

Puis, relâchant, sur son accoudoir gauche, le bouton qui dirige sa voix vers l’extérieur, il s’adresse à Xa, en s’essuyant le front d’un revers de manche :

— C’est quoi c’te fécalerie de climatisation !

— Je ne sais pas ce qui se passe, répond Xa. Cette chaleur est inexplicable.

Elle touche son bouton de commande et prononce, pour la troisième fois déjà, la même commande vocale :

— > Diminuer la température.

L’Éternelle sonde les yeux du Guide–Protecteur qui vient de lâcher son bras. Elle est surprise et presque troublée de trouver que son regard est… Elle ne sait pas vraiment… Rassurant… Complice aussi, dirait–on. Oui c’est ça. Rassurant et complice. Il lui sourit, l’air de dire : ça va s’arranger, ne t’inquiète pas. Elle lui fait confiance. C’est incroyable, mais elle a foi en lui. Elle ne comprend pas comment c’est possible… mais… pourtant… du regard de cet homme émane quelque chose qui la rassure. Il ne peut y avoir qu’une seule explication à cette faiblesse soudaine et inattendue : la folie. C’est ce qu’elle se dit. Faire confiance ! Et qui plus est, à un type qu’hier encore elle ne connaissait pas. 220 ans ! mon cerveau a 220 ans, se dit–elle.

— Mais ! qu’est–ce que c’est cette fécalerie de chaleur ? hurle soudain le zark.

À l’intérieur de ce dernier, la température a rapidement atteint un niveau inconfortable. Miox vient de manifester son mécontentement en restant distraitement en audio–externe. Le Guide–Protecteur pare son sourire d’un clin d’œil complice.

Dans le monstre noir, les gardiens suffoquent. La température est devenue insupportable. Elle est montée si rapidement qu’elle atteint à présent la limite de la brûlure grave. Waff devient fou. Il saute partout. Ses griffes ont lacéré les bras de sa maîtresse. Miox actionne l’ouverture et se jette à l’extérieur, son calmeur tendu à bout de bras.

L’Éternelle n’a pas le temps de comprendre ce qui se passe. La porte du zark vient de s’ouvrir, côté trottoir. Un des gardiens bondit dehors. Son visage est rubicond. Le Guide–Protecteur le vise avec quelque chose. Sa cible tombe à plat ventre, face contre terre, les bras en croix. À peine a–t–il atteint le sol, qu’une épaisse fourrure, jaillissant des entrailles du blindé, atterrit sur son dos. C’est un petit animal effarouché.

— Waff ! Waff ! hurle une femme échevelée apparaissant à l’intérieur du zark, une arme dans la main.

Xa était presque calcinée. Elle a vu tomber Miox sur le sol. Waff s’est élancé au dehors comme un boulet sort d’un canon. Terrorisée, elle a pris son arme de service dans sa gaine. Puis, en appelant son angémo sans même s’en rendre vraiment compte, elle vient de se présenter dans l’ouverture à son tour. Mais pas le temps d’apprécier la vague d’air frais qui lui caresse le visage. Celui qui a tiré sur Miox avec une arme inconnue est en face d’elle, juste derrière la femme qui ne s’est pas encore identifiée. En sortant, elle se baisse et tire dans sa direction pour se défendre.

Sandrila Robatiny réalise trop tard que la gardienne tire. Le dard d’un paralysant l’atteint à l’épaule gauche. Instantanément son corps se ramollit. Ses jambes ne semblent soudain pas plus consistantes qu’un voile de brume. Elle ne tombe pas. Quelqu’un la soutient sous les aisselles. C’est son Guide–Protecteur. Sa tête roule sur ses épaules, mais elle est tout de même consciente. Elle entend et voit tout ce qui se passe. La gardienne passe dans son champ de vision. Comme son collègue, elle est à présent étalée de tout son long sur le trottoir. Le Guide–Protecteur a, de toute évidence, eu le dernier mot. Elle se sent soulevée. Il l’a prise dans ses bras.

Elle n’est pas lourde, réalise–t–il, en courant le plus vite qu’il peut.

Le visage de l’Éternelle est dirigé vers l’arrière. Sa tête est ballottée mais elle aperçoit la peluche qui les suit en trottinant. C’est un angémo. Un des produits de l’une de ses succursales. Un article d’Amis Angémos.