Le Fliqueur Calmeur



— < Sauf impondérable, nous serons sur place dans approximativement deux minutes, avait dit le zark.

Il avait serré son calmeur dans sa main moite et ruminé silencieusement quelques pensées amères.

Elle pouvait faire ce qu’elle voulait, celle–là, avec ses trucs et ses machins Réseau à la con. Visquerie !

Il montra son calmeur en disant avec les yeux : y a qu’ça d’vrai !

— Je cerveaute rien à c’que tu fais ! mais je vais te montrer l’métier moi, assura–t–il. J’vais te montrer l’métier…

— Laisse tomber la place des Gargouilles. Il vaut mieux retrouver ces deux–là. Je lance un repérage réseaucam. Tu…

— Rien du tout ! c’est moi qui commande dans ce zark. Prépare ton calmeur. On va chez les Fhadas et on les calme tous. Tu cerveautes ce que j’dis ! ON LES CALME ! et puis c’est tout.

— D’accord, d’accord ! céda Xa. Faut pas te mettre en nerfs !

Elle savait que ce n’était pas le moment de le contrarier. C’était ça l’administration. Compétent ou pas, le plus ancien commandait. En plus elle avait pris Waff avec elle ce soir–là. Les animaux, angémos ou pas, n’étaient pas autorisés à bord des zarks, mais ils étaient plus ou moins tolérés, car la hiérarchie fermait les yeux, sauf s’il y avait des problèmes. Or, si l’un des deux équipiers se plaignait, il y avait un problème. C’est en tout cas ce que lui faisait comprendre Miox quand il tordait un œil méprisant vers Waff. Il n’aimait pas les angémos. Elle avait d’ailleurs remarqué que, sans se compter parmi ses membres, il prêtait attention aux propos de l’association anti–angémos Satangémo.

— J’me mets pas en nerfs. Je sais ce que j’fais. J’connais mon métier. J’ai su sauver mon cuir jusqu’à ct’heure. Si tu veux en faire autant, fais comme j’te dis.

Il lui donna le coup d’œil de la confidence amicale avant d’ajouter avec une fierté débordante :

— C’est pas pour rien que cette racaille m’a surnommé… Tu sais comment ! Je te l’ai déjà dit…

Oui. Elle le savait. Il le lui avait déjà dit. Plusieurs fois. Trop souvent même et elle était lasse de l’entendre. Elle ne répondit pas, se contentant de faire un effort pour sourire. Alors, il ferma à demi l’œil gauche, souleva le sourcil droit et hocha lentement la tête (Expression du genre : Tu te rends compte ! C’est pas dingue tout de même ce que je suis en train de te raconter !) pour dire encore une fois :

— Ils m’ont surnommé le Fliqueur Calmeur. Le Fliqueur Calmeur… hein ! Ça veux bien dire ce que…

Elle trancha brusquement sa phrase :

— Ils sont là ! juste devant. Regarde.

Il leva les yeux sur le vidéo–cylindre pour regarder dehors dans la direction qu’elle lui indiquait. Parfaitement révélées par l’amplificateur de lumière, et le grossissement de cette partie du champ, deux silhouettes marchaient à leur rencontre. On reconnaissait aisément l’homme et la femme qui avaient précipitamment quitté l’éclatoir des Fhadas . Xa posa brièvement un doigt sur leur image pour dire :

— > Afficher distance.

Un nombre mauve apparut sous les fuyards, indiquant qu’ils étaient à plus de mille cinq cents mètres, mais comme Xa avait zoomé, on les voyait très nettement. Comme le zark roulait à grande vitesse dans leur direction, l’indicateur de distance décroissait rapidement. À son tour, Miox leva un doigt vers l’homme et la femme et commença à ordonner :

— > Intercepter ces individ…

Mais sa commande vocale resta inachevée ; à peine en avait–il prononcé les deux premières syllabes au moment où les deux personnes avaient disparu sous son doigt.

— Tu as remarqué ? s’étonna Xa. C’est étrange, on dirait que la femme nous a vus.

— De si loin ! répondit–il, incrédule. Par une nuit si noire. Z’étaient encore à plus de mille mètres.

Il parlait ainsi autant pour Xa que pour lui, car comme elle, il avait remarqué l’expression sur le visage de la femme, juste avant qu’elle ne saisisse l’homme par le bras pour l’entraîner dans une rue perpendiculaire. Elle les avait vus, il n’y avait aucun doute là dessus.