Miss Olympe a peur des fliqueurs
De temps à autre, il avait furtivement cherché son regard, mais il faisait si sombre qu’il l’avait à peine distingué. Là encore, elle avait eu le réflexe de faire semblant de ne pas mieux voir que lui. L’inconnu lui avait parlé du géant nu aux bras énormes. Ils avaient marché tous les deux.
Vent chargé d’odeurs maritimes. Quelques étoiles entre quelques nuages, mais pas de lune. Bruit de leurs pas sur un trottoir sale avec des bords en béton ébréchés. Des deux côtés, murs crasseux de vieilles habitations.
Peu à peu il reprenait son souffle. Elle faisait semblant d’en faire de même.
— Tu n’es pas du quartier ! Pas vrai ? avait–il demandé.
— Non, avait–elle dû reconnaître.
Quelques pas plus loin, il venait à l’instant d’ajouter sans se retourner :
— J’ai l’impression que tu n’as pas envie de parler de toi.
Elle ne répondit pas, car quelque chose retint son attention. Quelque chose de noir. Tout au bout de la rue, à quelque mille cinq cents mètres.
Mille prouesses techniques, rendant parfaite l’optique de ses yeux, permettaient à ses rétines artificielles, équipées d’un nombre considérable de photorécepteurs, de recevoir des images d’une extraordinaire finesse, contenant même bien plus de détails que le cerveau humain n’en pouvait traiter. L’amplificateur de lumière était réglé pour fonctionner en mode automatique. Sa puissance annihilait tout simplement l’ombre. Elle n’eut pas besoin de zoomer beaucoup pour reconnaître un zark. Il roulait dans leur direction.
Elle attrapa le Guide–Protecteur par le bras droit et tira fermement, pour l’entraîner dans une rue perpendiculaire, à droite.
— Cachons–nous vite, dit–elle. Prenons par là.
Dans sa précipitation, elle oublia de dissimuler son exceptionnelle vigueur. Sa petite main gauche serra l’avant–bras de l’homme au point de lui faire mal.
— Hé ! gémit–il, en courant pour rattraper son membre.
Elle prêta peu d’attention à son cri, ne se doutant pas qu’elle en était la cause, et continua à le remorquer sur quelques mètres avant de le lâcher. Poursuivant sa course derrière elle, il se massa le bras en grimaçant ; la douleur pouvait être attribuée à une des nombreuses contusions dues aux brutalités du géant. Elle l’avait tiré sans aucune retenue ; seul son manque d’adhérence, car elle était plutôt légère, fit que sa force surhumaine ne fut pas trahie une seconde fois.
— Que ? Quoi ? s’étonna–t–il.
— Un zark.
— Un zark ! Où ça, un zark ?
— Au bout de la rue là–bas.
Ah bon ! se dit–il, je n’ai rien vu, moi. Puis il pensa :
Tiens tiens ! Miss Olympe a peur des fliqueurs, dirait–on. Intéressant !
Mais… il n’eut pas le temps d’y penser davantage.