PRÉFACE
Je ne puis donner dans ce livre un exposé détaillé des études scientifiques poursuivies par l’Expédition. Les lecteurs trouveront en appendice des notes, rédigées par les spécialistes, résumant leurs observations dans le domaine de la géologie, de la biologie, et de la physique du globe. Aussi bien, je me borne à esquisser ici les principales lignes de notre œuvre géographique.
Nous avons passé l’hiver de 1908 sur les bords du Sound Mc Murdo, à 32 kilomètres au nord des quartiers de la Discovery. En automne, une escouade fit l’ascension du mont Erebus et en releva les différents cratères. Au printemps, et durant l’été 1908-1909, trois groupes rayonnèrent de notre station : le premier se dirigea vers le sud et parvint à la latitude la plus méridionale que l’on ait jusqu’ici atteinte ; le deuxième fut le premier à arriver au Pôle magnétique austral et le troisième explora les chaînes de montagnes situées à l’ouest du Sound Mc Murdo.
L’escouade du Sud, composée de quatre hommes, planta le pavillon britannique au 88° 23’ de latitude sud, à 179 kilomètres du Pôle Sud.
Elle constata en outre l’existence d’une grande chaîne de montagnes, s’étendant du 82°au 86°de latitude vers le sud-est, et, de plusieurs autres crêtes très élevées orientées vers le sud et le sud-ouest ; enfin, entre ces reliefs, elle reconnut un des plus grands glaciers du monde, descendant d’un plateau glacé dont l’altitude sous le 88°de latitude dépasse 3300 mètres. Suivant toutes probabilités ce plateau s’étend au delà du Pôle géographique Sud et couvre la région comprise entre ce point et le cap Adare.
Ces reliefs et le grand glacier se trouvent représentés sur la carte jointe à ce livre, aussi exactement que le comportent les seuls levers expédiés que les circonstances nous ont permis d’exécuter.
Nous n’avons pu dissiper le mystère qui enveloppe les conditions génétiques de la Grande-Barrière de glace. Son étendue et son mode de formation ne pourront être connus que lorsqu’une expédition aura fixé la position de la chaîne qui enveloppe son extrémité méridionale.
Toutefois, les observations et les mesures que nous avons recueillies nous inclinent à penser, sous réserves cependant, que cet appareil est constitué principalement de neige, formant un glacier imparfait.
La disparition de la baie du Ballon, survenue à la suite d’un vêlage de la Grande-Barrière, montre quelle est toujours affectée par le mouvement de régression qui a été observé depuis le voyage de Sir James Ross, en 1842. Sous le 163e méridien, l’existence d’une haute terre couverte de neige semble certaine ; là, nous avons reconnu des pentes et des monticules entièrement enneigés atteignant une altitude de 240 mètres, mais aucun affleurement rocheux. Dans ces parages nous n’avons pu effectuer de sondages. Au sujet de l’existence de cette terre, il ne nous a pas été possible d’arriver à la certitude.
Les observations faites par l’escouade du Nord au Pôle magnétique austral comme dans ses environs donnent pour les coordonnées de ce point : 72° 25’ latitude sud et 155° 16’ longitude est. Suivant d’abord la ligne de côtes de la Terre Victoria, ce groupe découvrit dans cette région de nombreux pics, glaciers et langues de glace, ainsi que deux petites îles. Mawson a fait la triangulation de cette section du littoral ; il a pu ainsi apporter plusieurs corrections aux cartes existantes.
Enfin, dans les montagnes de l’Ouest de la Terre Victoria, la troisième escouade a exécuté des levers, qui complètent nos connaissances topographiques de ces reliefs, et poursuivi des recherches géologiques importantes.
Une autre découverte géographique notable est celle de 72 kilomètres d’une côte nouvelle située au delà du cap Nord et orientée d’abord vers le sud-ouest, puis vers l’ouest.
Les recherches minutieuses poursuivies pendant la traversée de retour du Nimrod confirment l’opinion généralement admise que les îles Émeraude, Nimrod et Dougberty n’existent pas. Je n’engagerai pas cependant à effacer ces terres sur les cartes, avant que de nouvelles explorations n’aient été entreprises. Peut-être, en effet, quoique cela soit très douteux, ces îles gisent-elles en deçà ou au delà des positions qui leur sont assignées. Dans ces conditions, il est préférable de les maintenir sur les cartes jusqu’à ce que l’on ait la preuve certaine de leur non-existence.
Je tiens à exprimer ma plus profonde reconnaissance à tous ceux dont la libéralité a soutenu nos débuts. C’est à la générosité de miss Dawson Lambton et de miss E. Dawson Lambton que je dois d’avoir pu commencer l’organisation de l’Expédition ; ultérieurement, leur concours actif ne me fit jamais défaut. MM. William Beardmore (de Parkbead, Glasgow), G. -A. Mc Lean Buckley (de Nouvelle-Zélande), Campbell Mc Kellar (de Londres), Sydney Lysaght (Somerset), M. A. -M. Fry (de Bristol), le colonel Alexander Davis (de Londres), William Bell (de Pendell Court, Surrey), H. -H. Barllett (de Londres) et d’autres amis tinrent à honnorer de concourir aux frais de l’Expédition. Je dois aussi des remerciements à ceux qui ont bien voulu se porter garants des sommes que j’empruntai pour couvrir une très grande partie des dépenses nécessaires. J’exprimerai enfin ma gratitude au Gouvernement Impérial, pour la subvention de 500 000 francs qu’il m’a accordée et qui m’a permis de me libérer.
Sir James Mill, directeur de l’Union Steam Stupping Company, de Nouvelle-Zélande, m’a également apporté un précieux concours. Enfin, la bienveillance et la libéralité que nous ont témoignées le Gouvernement et les habitants de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande resteront un des plus agréables souvenirs de l’Expédition.
J’ai aussi une dette de gratitude à l’égard des maisons de commerce qui m’ont offert des vivres, et des fabricants qui ont apporté le zèle le plus vif à nous fournir des produits de premier choix.
J’ai de grandes obligations à M. Edward Saunders, de Nouvelle-Zélande, qui a été non seulement un secrétaire actif, mais encore un conseiller littéraire avisé et un collaborateur dans la rédaction de ce livre ; enfin à mon éditeur, M. William Heinemann qui m’a donné de nombreuses marques d’intérêt et de bienveillance.
Je remercierai enfin les membres de l’Expédition, auteurs des appendices scientifiques. Je dois une mention spéciale au professeur T. -W. Edgeworth David, qui a présenté le récit de l’expédition de l’escouade du Nord, et à M. George Marston, notre artiste, dont la contribution à ce volume est représentée par les gravures en couleur, les esquisses et quelques diagrammes.
Pour le récit d’événements survenus en mon absence, j’ai eu recours aux notes prises par divers de mes collaborateurs.
Les photographies qui illustrent ce volume ont été choisies entre des milliers, faites par Brockleburst, David, Davis, Day, Dunlop, Harbord, Joyce, Mackintosh, Marshall, Mawson, Murray et Wild, et obtenues souvent dans des circonstances exceptionnellement difficiles.
Je dois également rendre hommage à l’activité avec laquelle mon beau-frère, M. Herbert Dorman, de Londres, M. J. -J. Kursey de Christ-church (Nouvelle-Zélande) et M. Alfred Reid, notre administrateur, ont dirigé nos affaires en mon absence.
Pour terminer, c’est pour moi un devoir d’exprimer ma plus profonde reconnaissance à mes collaborateurs. Par leur zèle et par leur dévouement, ils ont été les artisans de nos succès ; sans leur concours si affectueux et si entier dans toutes les circonstances, aucun résultat n’aurait été atteint.
e. h. shackleton. Londres, Octobre 1909.