23

Je me suis garé près de l’hôtel en fin d’après-midi et j’ai sonné à la réception. Le type m’a reconnu.

— Je voudrais bien avoir la même chambre, j’ai dit.

— Écoutez, il a fait, j’aimerais bien que nous n’ayons pas les mêmes problèmes que la première fois…

— Y’aura pas de problèmes, j’ai dit. Je peux vous payer d’avance.

— Ça me paraît plus raisonnable, il a fait.

J’ai donc signé un chèque et il m’a tendu les clés d’un air satisfait.

À une époque, j’avais habité cet hôtel pendant huit ou neuf mois, je travaillais sur les docks et j’y avais écrit mon premier bouquin. J’avais connu ces moments pénibles où l’on doit trifouiller la sortie de secours pour éviter de passer devant la réception, j’avais eu une période un peu noire cette année-là mais je m’en étais sorti.

— Je vous indique pas le chemin, a fait le type.

— Cette fois-ci, je prendrai le petit déjeuner dans ma chambre, j’ai dit.

— Oh… on dirait que de l’eau a coulé sous les ponts.

J’ai rien répondu à cet abruti, j’ai pris l’ascenseur jusqu’au huitième et j’ai retrouvé ma chambre. Ça m’a fait quelque chose et en plus rien n’avait changé, le porte-savon était toujours cassé et il fallait toujours tirer comme un cinglé pour ouvrir la fenêtre. Une échelle de secours passait juste devant et la nuit, quand la lune plongeait en plein dessus, je pouvais rester des heures à regarder ça de mon lit, c’était ça ou rien.

Le soir tombait, j’ai posé mes trucs dans un coin et je suis allé prendre une douche. Ensuite, je suis resté étendu à poil sur le lit, il faisait bon, malheureusement y’avait pas de lune et le truc dehors n’était rien qu’une ombre noire sans âme, c’était dommage, il manquait quelque chose à mon bonheur. J’ai avalé ce genre de machin qui vous tient éveillé et vous secoue les plumes et je me suis levé d’un bond, j’ai installé la table devant la fenêtre, j’ai attrapé mon manuscrit et j’ai commencé à lire la première page.

Vers deux ou trois heures du matin, je me suis aperçu que je claquais des dents et je me suis levé pour fermer la fenêtre. J’ai jeté un coup d’œil en bas, dans la rue, les néons donnaient une impression de rivière colorée et les bagnoles se faufilaient au milieu comme des torpilles argentées, ça me faisait du bien de changer un peu de paysage malgré que j’aimais pas beaucoup celui-là. Je dominais plusieurs pâtés de maisons et rien que de voir ça, je me sentais écœuré, je pouvais presque sentir la sueur des gens qui habitaient l’immeuble en face, je trouvais qu’ils étaient trop près et ce qu’il y a de chiant dans une ville, c’est qu’il y a trop de gens à la fois. Mais c’était parfait pour ce que j’étais venu faire et je me suis remis au boulot enroulé dans une couverture délavée, changeant un mot, déplaçant une virgule et clignant des yeux jusqu’au petit matin.

Dès que les magasins se sont ouverts, je suis descendu pour faire quelques courses. J’avais les yeux rouges, je me sentais fatigué sans avoir du tout envie de dormir. Il y avait du monde dans les rues, dans les magasins, dans les bagnoles, dans les étages, c’était quelque chose que j’avais un peu oublié, des centaines de milliers d’individus qui se réveillaient en même temps, je voulais plus vivre ça. J’ai atterri dans un petit bar de quartier et j’ai avalé deux cafés en desserrant à peine les mâchoires, quand je suis sorti le ciel était tout blanc.

J’ai acheté quelques trucs indispensables ainsi que des cigarettes et de la bière et je suis retourné à l’hôtel. J’ai poireauté devant l’ascenseur en regardant les gens qui prenaient leur petit déjeuner dans la salle et dans l’ensemble c’était pas des marrants, ils avaient tous l’air de réfléchir à quelque chose, c’était vraiment le coin idéal pour travailler en paix.

Je suis resté enfermé toute la matinée, il a plu pendant une petite heure et je suis descendu juste après pour avaler quelque chose dans un self. J’ai repris mon manuscrit dès que j’ai pu et j’ai terminé la lecture vers huit heures du soir. J’étais crevé. J’ai remis les feuilles en ordre et je me suis glissé dans les draps. J’étais pas mécontent d’en être arrivé là.

Le lendemain matin, je me suis assis devant la fenêtre, j’ai installé la machine sur la table et j’ai attaqué sec. J’étais pas un écrivain à la mode, je faisais partie d’aucun courant et j’avais pas d’idée particulière à défendre, ça me laissait pas mal de liberté, je pouvais me laisser emporter et chercher un peu de jouissance, je pouvais enfoncer mon doigt dans les coins un peu sensibles et y’avait pas un seul connard à l’horizon. Ça ressemblait à une course folle sauf que je savais où j’allais.

J’étais vraiment au calme, l’hôtel était silencieux dans la journée. Je connaissais rien d’aussi mortel que cette chambre mais elle avait l’avantage de vous laisser l’esprit tranquille et de vous faire oublier l’heure, en plus de ça les prix étaient corrects et les draps étaient changés deux fois par semaine. J’adore ça voir quelqu’un en train de s’occuper de mon lit et secouer les oreillers dans un rayon de soleil, c’est ce que j’aime dans les hôtels et la nuit vous avez l’impression de pouvoir vous envoler à travers la fenêtre ou le sentiment qu’il va vous arriver quelque chose. Je me levais sans arrêt pour aller pisser et un peu plus tard un type est entré dans la chambre à côté et il a mis sa radio à fond. J’ai dû envoyer quelques coups de pied dans le mur avant de retrouver le fil de mes pensées, je voulais à tout prix finir ce chapitre avant de m’arrêter un peu, même si je devais m’arracher les mots un par un.

Ça m’a amené assez tard dans la nuit. J’ai vaguement entendu qu’on frappait à la porte et je me suis retourné au moment où elle s’ouvrait. Une blonde en robe de chambre, dans les quarante ans avec des cheveux sur les yeux.

— Hey, dites donc, j’arrive pas à m’endormir, moi, avec votre machine électrique, là.

— Quelle heure il est ? j’ai demandé.

— Bon, ça va, laissez tomber, de toute façon j’arrivais pas à m’endormir. Vous connaissez un truc pour dormir, vous ? Je crois que j’ai essayé à peu près tout.

Elle a traversé la chambre et s’est approchée de la fenêtre.

— La mienne donne sur une cour, elle a fait. C’est pas très marrant.

— Vous voulez une bière ?

— Je veux bien mais à propos, qu’est-ce que vous fabriquez au juste… ?

— J’écris un bouquin.

Elle m’a regardé avec des yeux ronds.

— C’est pas vrai… elle a dit.

— Je vous le jure, j’ai dit.

— Bon sang, c’est formidable… Quoi, un livre avec une histoire et des personnages, une vraie histoire… ???

— Ouais, vous avez mis le doigt dessus…

Elle s’est assise sur un coin du lit avec la canette, elle a regardé le plafond en souriant :

— Bon sang… je peux pas vous dire ce que ça me fait mais je trouve ça formidable !

— J’apprécie beaucoup ce que vous me dites… Vraiment.

— Je crois que c’est quelque chose qui m’aurait vraiment plu, je crois que j’aurais adoré écrire des livres.

— C’est un bon départ.

— Vous moquez pas de moi.

— Je suis très sérieux, la passion c’est ce qui fait briller les choses.

On a bu un coup et elle s’est laissée aller en arrière sur le lit, mais sans découvrir ses jambes, c’était juste histoire de se relaxer et j’ai facilement vu la différence, je me suis étiré sous la table.

— J’en connais une qui sera encore complètement crevée, demain. Je vais encore en entendre, elle a fait.

— C’est pas trop dur ? j’ai demandé.

— Non, je travaille dans un self pas très loin, je me fatigue pas trop. Ce qui est dur, c’est de rester debout toute la journée avec les chevilles gonflées et de respirer ces odeurs de bouffe.

— Merde, j’imagine ça…

— Ouais et si ça continue, j’en sortirai pas. J’arrive même pas à économiser de quoi prendre un appart dans le coin. Je crois que ça me ferait du bien si je pouvais trouver un appart. Peut-être que je pourrais dormir normalement.

— Vous êtes seule ? j’ai demandé.

— Ouais, je suis veuve, pas d’enfant. Je suis pas certaine d’avoir tiré un bon numéro mais je me plains pas, j’ai été très heureuse avec un type pendant plusieurs années, je crois que j’ai eu ma part.

Elle s’est mise à rire en tirant ses cheveux en arrière.

— C’est peut-être pour ça que j’arrive plus à dormir, elle a fait. Peut-être que j’en ai plus besoin… ???!

— T’as vraiment un moral d’acier, j’ai dit. Je suis content de te connaître.

— Crois pas ça. Je pourrais te faire pleurer si je voulais. Je pourrais te parler pendant des heures de mon bel amour envolé, je te clouerais sur ta chaise.

— Tu veux une autre bière… ? J’ai rien d’autre.

— Je te remercie mais je vais essayer d’aller dormir. Je vais essayer de te laisser sur une bonne impression.

Elle s’est levée, elle a posé une main sur mon épaule et s’est penchée par-dessus moi pour jeter un œil sur la feuille glissée dans la machine à écrire.

— J’espère que tu écris quelque chose de bien, elle a dit. J’espère que t’es un grand écrivain.

— Si tu aimes une seule de ces pages, j’ai dit, c’est que je suis un grand écrivain.

— Non, tu te fous de moi, j’y connais rien…

— Personne n’y connaît rien.

Elle a pris une feuille au hasard et elle est retournée s’asseoir sur le lit. Je me suis levé. Je suis allé sucer mon feutre près de la fenêtre et dans le lointain on entendait des sirènes d’ambulance ou les pompiers ou les flics et ça s’arrêtait jamais, il fallait vraiment avoir de la merde dans les oreilles pour s’habituer à ça.

— Je peux voir la suite ? elle a demandé.

Je lui ai passé les derniers feuillets et ça a pris encore un moment, j’ai eu le temps de descendre tranquillement une ou deux canettes. Ensuite elle m’a tendu le paquet en souriant.

— Je crois que je vais aller me coucher, elle a dit. Mais tu peux continuer, ça me dérangera pas.

— Je te remercie, j’ai dit. Passe quand tu veux.

Je suis resté pratiquement une semaine sans sortir et le forcing était payant, un beau petit paquet de pages, le truc déjà assez épais entre les doigts et qui pèse un peu. À part ça, la grande question était : « Qu’est-ce qui peut pousser un type de trente-quatre ans, au meilleur de sa forme, à rester cloué des journées entières sur une chaise, plus une bonne partie de la nuit ? »

Non, la connerie n’expliquait pas tout, en fait la bonne réponse était : « Ce qui pousse un type à écrire, c’est que ne pas écrire est encore plus effrayant. » Je me demande comment je pouvais garder le sourire avec des idées pareilles, n’empêche que j’avais le moral au beau fixe. Les journées étaient belles, peut-être qu’on allait avoir droit à un été indien et ça me donnait une bonne lumière pour mon roman. Je sentais que j’allais bientôt toucher la fin, tous les fils se resserraient et je pouvais me laisser porter, mon style devenait plus liquide, je suis pour la bonne vieille méthode qui consiste à contenir au début pour ensuite laisser filer, c’est la plus naturelle.

Je me suis payé une journée de repos avant de m’y replonger, j’ai bu mon café au lit et ensuite je me suis rasé. J’ai planqué mon manuscrit sous le lavabo avant de sortir. J’ai toujours planqué mes manuscrits, de toute façon j’ai jamais été un type détaché, ça représentait quelque chose pour moi, j’encule la dérision.

Je suis allé manger dans le self où travaillait ma copine et j’ai juste pu lui faire un clin d’œil parce que le truc était bourré de monde, oui, non seulement ils se levaient en même temps mais ils bouffaient en même temps, ils bossaient en même temps et ainsi de suite c’était très subtil, c’était l’aboutissement de toute une civilisation, j’encule la décadence.

En sortant, j’ai relevé le col de mon petit blouson à cause du vent mais le ciel était quand même vraiment bleu. Je suis allé faire un tour dans les coins que je connaissais histoire de traîner un peu et ensuite je suis allé voir Rambo, le film de Stallone, super, j’encule l’avant-garde.

Quand je me suis retrouvé dehors, le ciel était jaune-rose, les gens forçaient l’allure pour rentrer chez eux avant la nuit, ça foutait une mauvaise ambiance. J’ai décidé d’aller me coucher pour être en forme le lendemain matin et je suis rentré. C’était pas un programme très réjouissant mais je connaissais plus personne ici et j’avais marché une bonne partie de l’après-midi. En rentrant dans le hall de l’hôtel, j’ai croisé ma copine, elle avait fini son service.

— Je vais manger chez ma sœur, elle a fait. Si t’es seul, je t’emmène.

— Je suis seul, j’ai dit.

La sœur était pas mal mais je me suis coltiné son mec pendant toute la soirée, il m’a pas lâché d’un pouce, un blondinet avec une coupe romantique et un pull débardeur à losanges.

— Hey, vieux, il a fait, laissons les filles s’occuper de la cuisine et allons écouter un peu de folksong en prenant un verre. J’ai tous les disques de folksong que tu peux imaginer, vieux…

— Sans rire… j’ai dit.

En plus de ça, ce type prenait des cours de tennis, des cours de guitare, des cours de dessin, il prenait des cours d’à peu près n’importe quoi et c’était très intéressant, je savais pas si je devais rire ou pleurer et je bâillais en me cachant derrière mon verre.

J’ai reçu le coup de grâce vers la fin du repas parce que la blonde a eu le malheur de lui dire que j’écrivais un bouquin.

— Oh, il a fait, eh bien moi, justement, je vais bientôt en écrire un. J’ai toute l’histoire dans la tête, vieux, et dans les moindres détails…

— Et alors, qu’est-ce que t’attends ? j’ai fait.

— Hein ?

— Ouais, tu crois que ça va te tomber du ciel ?

Il a rigolé bêtement et s’est empressé de changer de sujet, il nous a annoncé qu’il venait de s’inscrire à un cours d’expression corporelle.

Au retour, il m’avait tellement lessivé que j’ai proposé de prendre un taxi. On a fumé une cigarette devant une station et la nuit était fraîche et le quartier assez désert. On a attendu un petit moment sans dire un mot, je me balançais sur place, les mains enfoncées dans les poches, le bout filtre serré entre les dents et j’essayais de penser à rien.

Un taxi est arrivé. Je me suis penché sur le type pour lui balancer l’adresse et j’ai empoigné la portière arrière. Elle était bloquée de l’intérieur. J’ai tiré un peu dessus.

— Ça va… vous fatiguez pas, a fait le chauffeur.

— Faut faire le tour ? j’ai demandé.

— Non, c’est pas la peine de faire le tour.

— Hé, qu’est-ce qui vous arrive ?

— Rien, seulement c’est pas sur mon chemin.

— Ouais, je m’en doute, mais vous êtes pas en train de conduire un tramway.

— Je fais ce que je veux. Et puis, t’as l’air jeune, t’as qu’à marcher un peu.

Je tenais encore la poignée de la porte dans la main et j’ai pensé mon petit pote, quand je vais être assis à l’arrière de ton taxi à la con, ça m’étonnerait que t’arrives à me déloger avant qu’on soit arrivé à l’hôtel et alors seulement après tu pourras changer de boulot. J’avais repéré le bouton de fermeture de la porte. Il suffisait que je passe une main à travers le carreau du type pour débloquer le système et avant qu’il ait eu le temps de comprendre quoi que ce soit, il allait me voir sourire dans le rétro, bien installé sur la banquette arrière.

J’ai donc plongé le bras à l’intérieur de la bagnole mais au même moment j’ai vu une couverture s’envoler à côté du mec et pousser un grondement effroyable. J’ai retiré mon bras à la vitesse d’un éclair.

Le type a caressé la tête du dogue qui se tenait maintenant entre ses jambes, j’avais fait un bond d’au moins deux mètres en arrière et je crois que ça lui avait vraiment plu, il me regardait en souriant.

— Tu te croyais peut-être plus malin que les autres ? il a fait.

— Ça va, tu peux aller te faire foutre, j’ai dit.

— T’as cru que t’allais pouvoir m’enculer mais tu fais pas le poids, petit. Cette bagnole est une vraie forteresse… Personne peut s’y attaquer, je fais monter qui je veux.

— L’important, c’est d’avoir essayé, j’ai dit.

— Tu crois vraiment ça ?

— Non, bien sûr.

Il a démarré et j’ai regardé les feux arrière remonter la rue et disparaître en silence. C’était pas ce qu’on avait fait de mieux dans le genre journée de repos.

Il m’a fallu encore huit-jours pour finir mon roman et sans doute que j’aurais pas pu tenir une minute de plus, je suis arrivé sur les genoux avec des tremblements dans les mains, la bière, l’émotion, les cafés, que sais-je… ? La dernière page était la meilleure page, elle était d’une pureté céleste et le point final ressemblait au bout du monde, je suis resté encore quelques heures sans bouger derrière ma machine et ensuite je suis allé me coucher.

Avant de partir, je suis allé dire au revoir à ma copine. J’ai frappé à sa porte. Elle est venue m’ouvrir en peignoir avec une serviette blanche sur la tête.

— Tu te lavais les cheveux… ? j’ai fait.

— Oh oui… entre, assieds-toi.

— Je suis venu te dire au revoir. J’ai fini mon bouquin.

Elle a fait glisser la serviette de sa tête pour s’essuyer les mains. Elle paraissait plus jeune avec les cheveux tirés en arrière.

— Oh, bon sang, c’est complètement idiot mais j’ai même pas un truc à boire…

— Ça fait rien, j’ai dit.

Elle a continué de se frotter les mains pendant que je regardais ailleurs.

— Eh bien, je crois que je vais perdre un gentil voisin, elle a fait.

— Tu devrais essayer d’avoir ma chambre, la vue est plus chouette.

— Mince, c’est vrai, t’as raison.

Elle a penché la tête de côté pour faire tomber l’eau qu’elle avait dans l’oreille et j’ai regardé toutes les fringues qui s’entassaient sur le lit.

— Fais pas attention à ça. Je suis en plein bordel, elle a fait.

— Je te verrais bien dans un super appart, j’ai dit.

Elle a roulé la serviette autour de son cou comme un type qui revient de l’entraînement et elle a donné un petit coup de poing contre la porte. Elle a souri.

— Ouais, avec des fleurs aux rideaux, elle a fait. Et des baies de trois mètres cinquante.

— Je me fais pas de souci pour toi, j’ai dit.

Elle a baissé la tête et a repris la serviette pour s’essuyer à nouveau les mains.

— Je suis encore fichue d’arriver en retard aujourd’hui. Mon séchoir est détraqué. Ce sont des choses qui arrivent.

On est resté silencieux quelques secondes et ensuite elle m’a regardé.

— Tu sais ce que ça me fait… ? Tu sais pas quel effet ça me fait… ? Eh bien j’ai l’impression qu’on m’a enfermée dans une cage et qu’on m’a oubliée. Mais c’est pas de ta faute, elle a ajouté. Ce matin on dirait que tout va de travers.

Un type a branché un rasoir électrique dans une chambre à côté et il s’est mis à chanter.

— Bon, j’ai dit, qu’est-ce qu’on fait, on s’embrasse… ?

Elle a été d’accord.