8

Un soir, je me suis retrouvé chez Yan au milieu d’une bande de cinglés, je les connaissais pas tous, j’avais passé trois jours à la baraque sans sortir et j’avais eu envie de changer un peu d’air, j’avais lancé un clin d’œil à mes deux copines et je m’étais tiré. J’avais apprécié le petit moment de solitude dans la bagnole, pas pour la tranquillité mais pour la liberté, conduire les yeux mi-clos sans avoir envie de rien et sentir la fragilité.

Il y avait deux filles aussi, elles étaient déjà saoules quand je suis arrivé, deux filles plutôt chiantes et qui parlaient fort mais dans l’ensemble les mecs étaient pas mieux, c’était le genre de bande à la mode, un œil sur le rock, un autre sur le néo-beat, sauf qu’ils en tiraient pas grand-chose, ils étaient un peu trop préoccupés par leur image et ça leur prenait du temps.

Ils ont commencé à parler littérature et j’en ai profité pour aller boire un verre dans le jardin. C’était encore une de ces nuits d’été douce et calme avec un croissant de lune entre les dents, une bagnole descendait la rue au ralenti avec le sourire d’une murène, quelques fenêtres brillaient de l’autre côté de la rue, dans la douceur de l’air, je me suis laissé envahir en cramponnant mon verre, il y a des moments qui sont surprenants à vivre, des instants violents comme si un poing tire-bouchonnait votre tee-shirt et vous enfonçait sous la douche, je suis resté un moment à bayer aux corneilles, dans le gazon abandonné et la bagnole est passée devant moi, deux types en train de draguer et j’ai pensé à la fille qui allait tomber sur deux types comme ça, j’ai pensé courage, petite.

Je suis rentré pour manger un morceau, dans la cuisine une fille était grimpée sur la table et distribuait les œufs durs en déconnant.

— Je prendrais bien un œuf, j’ai dit.

Ça a été vite, mais j’ai vu un éclair glacé passer dans son regard.

— Je suis la Gardienne des Œufs, elle a fait.

— D’accord. Donne-moi n’importe lequel.

— Je vais réfléchir, je vais voir… elle a répondu.

J’ai attrapé un cornichon russe dans un bocal, je l’ai croqué lentement, sans me presser et ensuite j’ai redemandé un œuf à la folle.

— J’ai entendu parler de toi, elle a dit. Mais j’ai pas lu tes bouquins, ça m’intéresse pas.

— Pourquoi tu me dis ça ? j’ai demandé. Je veux juste un œuf.

Elle a continué à discuter au-dessus de moi mais j’ai laissé tomber, l’enjeu était pas énorme et je me sentais pas énervé, pas vraiment, c’était juste une fille avec une grande gueule, ce genre-là je le crains pas tellement. Je l’ai quand même photographiée pour l’avenir, je me suis coupé une tranche épaisse de fromage au cumin, j’ai embarqué deux ou trois sandwiches et j’ai retrouvé la plupart des autres à côté, discutant au milieu des miettes de pain et des gobelets en carton.

Je me suis assis avec eux mais j’arrivais pas à écouter ce qui se disait, je me contentais de hocher la tête de temps en temps, ça faisait un ronron agréable, je me sentais bien, parfois ils mettaient de la bonne musique, c’était des gens de mon âge et on était tous coincés dans cette fin de siècle, peut-être qu’eux aussi ils faisaient tout ce qu’ils pouvaient, je sais pas.

Plus tard, je me suis retrouvé assis dans le fond d’une bagnole, c’était pas la mienne et on roulait le long de la côte, j’avais un peu bu, je me souvenais plus ce qui avait été décidé mais on roulait, c’était Yan qui conduisait et il y avait un type un peu plus jeune à côté de lui, un rouquin aux yeux bleus qui secouait toujours la tête et moi j’étais coincé sur la banquette arrière et d’un côté il y avait la Gardienne des Œufs et de l’autre un gros avec le crâne rasé et des lunettes à verres grossissants.

La fille faisait tout ce qu’elle pouvait pour éviter de me toucher mais comme je faisais la même chose avec le gros, elle se donnait du mal pour rien, elle se retrouvait avec l’accoudoir enfoncé dans la hanche et regardait le plafond. Je me suis demandé pourquoi le monde était si tordu, pourquoi il avait fallu que je me retrouve avec elle, elle me lançait des regards comme si j’allais la violer ou lui trancher la gorge, je crois que cette fille-là était vraiment cinglée et j’aurais pas tenté quelque chose pour tout l’or du monde, enfin à ce moment-là.

Je me suis penché en avant, j’ai senti des poignards glacés à l’endroit où ils m’avaient collé leur sueur, j’ai posé ma main sur l’épaule du rouquin :

— Eh, je lui ai dit, merde pourquoi tu mets pas de la musique… ?

Il a plongé vers les boutons sans se retourner, ses cheveux ont scintillé dans la lumière du tableau de bord comme une poignée de rubis jetée dans les flammes et il est tombé sur un truc de Mink De Ville, j’ai reconnu que c’était bien joué de la part du rouquin, je lui ai donné un bon point. Juste quand il s’est redressé, j’ai vu le paquet de boîtes à ses pieds et j’ai compris qu’il commençait à faire chaud, je me suis mis à avoir la gorge sèche et j’ai poussé un petit sifflement.

— Eh, mon salaud, qu’est-ce que tu fabriques… ? Passe-nous les boîtes en vitesse.

Elle était tiède, vous pouviez vous étouffer avec une gorgée mais c’était quand même mieux que rien, le gros a descendu la sienne à toute allure et s’est mis à transpirer un peu plus et la Gardienne des Œufs, son nom c’était Sylvie, je l’ai vue faire, elle s’y est prise tellement bien qu’un geyser a grimpé au plafond, je l’ai regardée dans les yeux et j’ai fini ma bière tranquillement pendant qu’elle secouait ses fringues dans tous les sens.

Yan a passé son bras autour du rouquin et on a continué à longer la plage. Les petites vagues venaient se jeter presque sous les roues. On a dépassé un parc d’attractions sans la moindre petite lumière, juste la clarté du ciel qui glissait sur des machins argentés et des formes bizarres enveloppées sous des bâches, ensuite on s’est enfilé sur un long boulevard et on s’est farci tous les feux rouges jusqu’au bout, il y avait personne sur les trottoirs, il devait être trois ou quatre heures du matin, on s’est garé dans une petite rue sur le côté et on a allumé des cigarettes, on a attendu.

— Qu’est-ce qu’on attend ? j’ai demandé.

Yan s’est tourné vers moi en passant un coude sur son dossier.

— On attend qu’il se ramène. Il va arriver, il était pas chez lui.

— Ah, ça commence bien, j’ai dit.

La fille a ouvert sa porte et elle a posé un pied sur la rue. Ça nous a donné un peu d’air et les autres ont trouvé l’idée pas mauvaise, ils ont ouvert de leur côté, la bagnole s’est mise à ressembler à un scarabée ou à un de ces trucs en train d’ouvrir les ailes pour foncer dans la nuit.

Un type s’est ramené au bout de la rue, il marchait lentement. Il s’est arrêté devant la bagnole et on est tous descendus, on l’a suivi.

Il est parti devant avec Yan et le rouquin, je l’avais jamais vu, le gros se tenait juste à quelques pas derrière et la fille marchait carrément sur la rue, comme si elle pensait mettre cette foutue ville à genoux avec sa cervelle d’oiseau.

C’était pas très loin, on a grimpé en haut d’une baraque et le type nous a fait entrer. C’était le truc bien rangé, merdeux, je me suis tout de suite senti mal là-dedans, le type regardait ses pieds sans arrêt mais j’étais pas sûr qu’il avait des yeux. Il a parlé une seconde à l’oreille de Yan et il s’est tiré.

— Qu’est-ce qu’y’a ? j’ai demandé.

— Il est parti chercher les trucs, a fait Yan. Il doit passer chez un type.

— Ça va, ça paraît encore foireux, j’ai dit.

Yan a attrapé un journal et il s’est assis dans un coin. En général, on pouvait attendre ce genre de type une bonne partie de la nuit, ça faisait partie du folklore.

— Merde, je me demande pourquoi je suis venu, j’ai fait.

J’avais dit ça comme ça mais la fille m’a accroché :

— Hé, mon pote, personne t’a forcé à venir. Tu vas pas nous piquer une crise de nerfs, hein ?

Je me suis tourné vers Yan. Je comprenais pas pourquoi cette fille me cherchait depuis le début, elle s’engageait de toute façon sur une mauvaise pente.

— Hé Yan, qu’est-ce que c’est que cette fille, qu’est-ce qu’elle me veut… ? Est-ce que tu crois que c’est un truc sexuel ?

La fille a eu un rire nerveux :

— Bon Dieu, j’aimerais mieux me toucher ! elle a fait.

Le gros a pouffé dans son coin. J’ai réfléchi un moment et je suis sorti.

En passant près de la bagnole, j’ai attrapé une boîte de bière sur la banquette et je me suis baladé un peu, j’ai remonté tout le boulevard sans avoir d’idée très précise, sans attendre un miracle, je sentais une espèce d’énergie monter en moi mais ça me servait à rien, j’ai juste marché un peu plus vite, en laissant les lumières s’aligner dans mon dos.

J’ai longé la route pendant un moment, les mains enfoncées dans les poches, sans faire le moindre bruit, je trouvais ça marrant, j’avançais dans le sable mais pas une seule chose au monde pouvait m’entendre arriver, je me sentais prêt à devenir invisible. J’ai regardé mes mains et j’ai attendu qu’elles explosent dans la nuit, ensuite j’ai allumé une cigarette, j’ai pas pu m’empêcher de sourire, c’est venu tout seul.

Sans m’en rendre compte, je suis arrivé jusqu’au parc d’attractions, j’ai failli buter contre la Grande Roue. Il y avait tout un tas de camions et de caravanes rangés un peu à l’écart mais tout le monde devait dormir là-dedans, il y avait pas de lumière et tout était silencieux. J’ai grimpé sur une barrière et j’ai fumé tranquillement, je me suis surtout intéressé au Grand Huit, j’imaginais le boulot pour monter un truc comme ça, tous ces tubes de ferraille enchevêtrés, emboîtés les uns dans les autres, boulonnés, j’ai suivi le rail des yeux, le nez en l’air, la grande courbe tout en haut, à l’extérieur, genre Virage de la Mort avec des poutrelles hérissées dans tous les sens comme la couronne du Christ.

J’ai hésité une petite minute puis j’ai enjambé la barrière, j’avais envie de voir ça de plus près, me mettre juste dessous et lever lentement la tête pour le petit frisson, c’était chouette, c’était un truc inventé pour faire peur, tout en rouge et blanc et le rail filait là-dessus luisant comme une lame de couteau. J’ai jeté un œil dans la cabane où l’on vendait les tickets, j’ai vu les nanas épinglées derrière la caisse, dans des positions à la con, avec leur paquet de poils en plein milieu et un sourire idiot, ça m’a fait penser à un cimetière parce que les photos étaient vieilles et toutes ces filles devaient avoir au moins cinquante ans aujourd’hui et quelque chose devait être vraiment mort et enterré pour elles et tous ces sourires avaient disparu.

Il faisait bon, j’ai pris mon temps pour examiner le bazar, je me suis installé dans un petit wagon à l’avant, je pouvais sentir la trouille incrustée sur le siège et la peinture avait même foutu le camp aux endroits où les gens se cramponnaient, je pouvais les entendre gueuler et hurler à la mort, tourner de l’œil, pisser dans leur froc, tous ces dingues retournés à l’état sauvage. Quand le silence est revenu, je me suis sorti de là-dedans comme une fleur. Je me suis avancé le long de la voie, en suivant le rail jusqu’au système a crémaillère et là le truc montait presque à la verticale mais il y avait toutes les prises possibles, ça semblait pas tellement difficile, c’était plutôt un jeu d’enfant de grimper tout là-haut.

J’y suis arrivé sans problème, ensuite j’ai repéré tout un réseau de passerelles et je me suis baladé dessus, ça devait servir pour l’entretien, mes pas résonnaient et je faisais vibrer toute cette saloperie à moi tout seul, j’essayais de trouver un rythme rigolo, traînant des semelles ou sautant à pieds joints ça m’a absorbé un moment. Ensuite, je me suis calmé, je me suis assis avec les jambes dans le vide et j’ai goûté à la vie, j’aime les choses simples, un vent léger avec une rondelle de lassitude, j’étais dans le même état d’esprit qu’un type de l’espace qui a tenté une sortie et qui reste coincé dehors, dans son scaphandre, attendant qu’il arrive quelque chose.

J’avais presque oublié où j’étais quand j’ai entendu gueuler en bas et je me suis aplati sur ma passerelle :

— S’PÈCE D’ENCULÉ !!! DESCENDS, S’PÈCE D’ENCULÉ !!!

J’ai repéré le type qui avait braillé dix mètres au-dessous, une espèce de baraque en slip avec des bras énormes, il faisait des grands gestes dans ma direction.

— PUTAIN, SI JE MONTE, T’ES UN HOMME MORT ! il a fait.

Je me suis relevé, j’ai agité les bras, j’ai pensé qu’il valait mieux agiter les bras, je les tenais presque en l’air.

— Ça va, j’ai dit, du calme. Je faisais rien de mal. Je descends.

Mais le type avait l’air vraiment furieux, il s’est mis à cogner sur les barres de traverse avec un morceau de bois, je sentais les vibrations sous mes pieds, DANG DANGGG CLONGG et je me suis mis à descendre en vitesse avant qu’il ameute les autres.

Je me suis arrêté juste au-dessus de lui, peut-être à trois ou quatre mètres et quand j’ai vu sa gueule, j’ai compris que j’avais eu une riche idée de grimper là-dessus, j’ai eu un hoquet.

— Arrive, s’pèce d’enculé, il a grogné.

J’ai vu que c’était une sorte de manche qu’il tenait entre les mains et ses yeux brillaient comme des pastilles d’uranium, alors je les ai vraiment eues à zéro, j’ai cherché à gagner du temps.

— Hé, vous énervez pas, j’ai dit, je faisais rien de mal. Je vais foutre le camp en vitesse, je vous le jure. Je suis un écrivain, je peux rien faire de mal.

Mais le type a poussé une sorte de cri effroyable et il a jeté le manche sur moi, j’avais vraiment affaire à un dingue et je dois la vie à une petite barre transversale qui a dévié la trajectoire de l’engin, SBBAAANNGGGGG… j’ai fermé les yeux une fraction de seconde, j’ai entendu le truc rebondir sur le côté.

Je me suis mis à cavaler entre les barres de ferraille, je me cramponnais nerveusement, je voulais pas regarder sous moi mais je l’entendais, ce salaud avait pris le temps d’enfiler des godasses, on a presque fait un tour entier comme ça, je me suis retrouvé avec des ampoules dans les mains mais c’est que dalle quand un type en veut à votre peau.

Je me suis arrêté juste à la hauteur de la cabane aux tickets, j’étais trempé de sueur. J’ai essayé encore une fois :

— Bon Dieu, j’ai fait, je l’ai pas abîmé votre machin, c’était juste pour voir…

Mais il a pas répondu, il a poussé un nouveau grognement et il a commencé à escalader le bidule. J’ai jeté un regard affolé autour de moi et j’ai repéré la seule chance que j’avais, je l’ai vue tout de suite.

C’était pas très haut, enfin je me rendais pas très bien compte, il faisait encore nuit et l’autre s’approchait en soufflant. Je me suis donc décidé pour le toit de la cabane, sans vraiment réfléchir, simplement parce que c’était ce qu’il y avait de plus près.

J’ai sauté. J’ai sauté juste à la dernière seconde, juste au moment où l’autre allait m’attraper une jambe mais c’était une petite cabane de rien du tout avec un toit en plexiglas et je suis passé directement au travers, le truc s’est crevé avec un bruit épouvantable et je me suis ramassé là-dedans. Je me suis relevé en vitesse, je suis vivant, je me suis dit, je suis vivant. Je me suis jeté sur la porte, c’était pas pour rigoler, toutes les charnières ont sauté en même temps et j’ai continué dans mon élan, j’ai buté sur quelque chose et je suis tombé. Maman, j’ai poussé un cri épouvantable, je pensais qu’il était juste derrière moi et qu’il allait me cogner avec son manche de pioche ou n’importe quoi d’autre, j’ai roulé sur le côté mais je l’ai pas vu, je me suis remis sur mes jambes en grimaçant et j’ai commencé à cavaler, j’ai longé la piste des autos tamponneuses.

Alors seulement je l’ai aperçu, il était de l’autre côté, je voyais surtout son slip blanc et il m’avait repéré lui aussi. Il a coupé au plus court, il a sauté sur la piste avec une souplesse déroutante et il s’est mis à courir vers moi en faisant un boucan de tous les diables, CLANG CLANG CLANG, chacun de ses pas était comme un coup de masse sur une enclume alors j’ai mis le paquet, j’ai foncé comme un enragé et en ligne droite, j’ai sauté par-dessus les barrières, sans me retourner et j’ai continué mon sprint sur la plage.

Merde, c’est pas facile de courir dans le sable, j’ai commencé à étouffer.

Je suis arrivé jusqu’à une baraque en bois à moitié démolie, c’était peut-être un vieux truc de pêcheurs, un truc où ils pendaient leurs filets, j’en sais rien mais maintenant les gens venaient plutôt y chier ou se débarrasser de leurs saloperies et malgré l’air de la mer, malgré la porte et les fenêtres arrachées, il y avait une telle odeur à l’intérieur que j’ai failli renoncer. C’est juste parce que je voulais pas mourir que j’y suis entré.

Je me suis planqué près d’une fenêtre et j’ai jeté un coup d’œil dehors. Le type était encore assez loin mais il arrivait, je vous jure qu’il fallait qu’il soit complètement enragé, ça tournait au comique et je voyais pas comment j’allais pouvoir m’en tirer.

J’allais sortir et me remettre à courir quand j’ai vu ce truc à moitié enterré dans le sable, un morceau de ferraille tordu. Je me suis baissé et j’ai tiré dessus, j’ai pas fait semblant. Je me suis retrouvé avec une espèce de chaîne dans les mains, d’environ un mètre, très lourde, avec des maillons énormes et rongés par la rouille, je me suis senti un peu mieux, pas vraiment bien mais un peu mieux.

J’ai encore fait cent ou deux cents mètres mais j’en pouvais plus, surtout avec le poids de la chaîne. J’ai dévalé une petite dune et je suis resté en bas sans bouger, pour reprendre ma respiration. J’entendais juste les touffes d’herbe frissonner et une mouette s’est mise à tourner au-dessus de moi en hurlant. J’ai aperçu une autre cabane, pas très loin, plus petite que l’autre, ça ressemblait à un abri construit avec des traverses de chemin de fer et des roseaux. Je me suis traîné jusque-là et je l’ai attendu, j’aurais pas été capable de faire un pas de plus.

Je me suis planqué sur le côté en cramponnant la chaîne, je l’avais passée par-dessus mon épaule pour prendre tout mon élan, j’étais comme une bombe livide et je me disais putain, si jamais il arrive jusqu’ici, si jamais il arrive, putain je vais le réduire en miettes, je vais le rayer de la surface du globe. En plus, j’avais trouvé une fameuse place, je pouvais surveiller tout le coin qui m’intéressait sans me faire voir. Je suais et frissonnais en même temps, j’aurais donné je sais pas quoi pour aller me baigner et rentrer tranquillement avec une serviette jetée sur les épaules, faire un peu les choses comme tout le monde, foncer sous la douche en puant l’ambre solaire.

Le type est apparu en haut de la dune, il a hésité un moment avec un croissant de lune épinglé dans les cheveux, il a tourné la tête deux ou trois fois, le nez en avant et ensuite il s’est mis à descendre et il s’est avancé vers la cabane, en plein sur moi.

J’ai arrêté de respirer, j’ai arrêté de penser, j’ai tout arrêté, je suis resté avec les doigts crispés sur la chaîne, dans le noir, avec seulement le souffle des vagues et le grincement des coquillages et j’avais mal partout, mes articulations étaient en train de se souder, j’avais l’impression que j’étais là depuis des siècles sauf que mon cœur allait claquer. Je suis resté comme ça pendant au moins cinq minutes, les yeux écarquillés et la bouche à moitié ouverte.

Qu’est-ce qu’il pouvait bien foutre ? J’étais au bord de la syncope et je tremblais doucement, merde, quel genre de tour il était en train de me jouer, normalement j’aurais déjà dû le descendre depuis un bon moment, qu’est-ce que ça voulait dire, hein, quel truc d’enfoiré il essayait de me faire, hein, NOM DE DIEU !

C’était de la folie de faire ça mais je pouvais plus attendre, j’ai voulu en finir. J’ai risqué un œil en me mordant les lèvres.

J’ai mis trois secondes avant de le voir et j’ai pas compris tout de suite, j’ai pas compris ce qu’il faisait. Puis la réponse a pété dans mon crâne comme une ampoule de flash, bon Dieu mais ce connard était en train de se tirer, je rêvais pas, il remontait tranquillement la dune en s’aidant de ses mains, je voyais danser son sacré cul blanc, merde je rêvais pas du tout, ce cinglé avait bel et bien fait demi-tour !

Je me suis laissé glisser sur les genoux avec les poumons en feu et j’ai maudit cet enculé, j’arrivais pas encore à déplier mes doigts, je l’ai maudit de toutes mes forces.

Je suis resté un petit moment tranquille avec les genoux repliés sous le menton. Ensuite, je me suis débarrassé de la chaîne et je suis remonté vers la route, j’avais les jambes encore un peu molles et les mâchoires douloureuses.

Je voulais plus penser à ça. Maintenant le jour se levait, il faisait doux, c’était la température idéale pour marcher un peu, c’était bon aussi pour les nerfs. Le ciel était rose, ça me plaisait, la mer rose, mes pieds roses et le goudron aussi, c’était facile de marcher dans une ambiance pareille, je me suis essuyé la figure avec mon tee-shirt et les mains, je me suis demandé si le cinglé était retourné se coucher ou s’il donnait à manger aux tigres.

J’ai connu un moment de paix intense sur un peu moins d’un kilomètre, sans voir personne, sans un bruit sauf quelques mouettes qui décollaient de la plage et tournaient en rond, j’attendais que le soleil les dégomme dans un éclair de feu, c’était carrément rouge maintenant. J’ai entendu la bagnole arriver derrière moi et freiner. J’ai pas eu le temps de réfléchir, j’ai entendu Yan qui braillait :

— ET ALORS, QU’EST-CE QUE TU FOUS ??

Je me suis arrêté, je me suis tourné vers eux.

— Rien, j’ai dit, je me suis baladé.

— On t’a cherché, il a fait.

Je suis monté à l’arrière, du côté du gros. Je l’ai poussé au milieu, il a grogné et la fille a grogné et j’ai grogné, ces deux-là ils avaient le chic pour vous mettre à cran et j’étais encore un peu tendu. Yan a redémarré, il m’a cherché dans le rétroviseur, il avait l’air fatigué.

— C’est du bon, il a dit, on a bien fait d’attendre.

Je lui ai pas répondu, j’ai fermé les yeux.

On a débarqué chez Yan vers six heures du matin. Les rideaux étaient tirés, ils dormaient presque tous, allongés sur les coussins ou dans les fauteuils et les survivants s’étaient réfugiés dans la cuisine pour faire sauter des crêpes.

J’ai foncé jusqu’à la salle de bains et je me suis fait couler de l’eau sur la tête, tout doucement et j’en ai bu et ensuite je suis allé pisser, je les entendais rire en bas. Plaisanter après une nuit blanche ça fait partie des bons moments et bâiller dans le soleil et s’envoyer des crêpes dans le petit matin avant de gicler en pleine lumière, sans penser que tout est perdu d’avance et sans nourrir d’espoirs insensés, simplement marcher au milieu du trottoir et relever la tête, grimper dans sa bagnole et attendre cinq minutes avant de démarrer, surtout si vous êtes garé sous un mimosa en fleur ou en face d’un arrêt d’autobus avec une fille qui croise ses jambes en riant.

J’ai décidé de me raser, j’aime bien faire ça chez les autres, pour essayer les nouveaux produits et toucher à tout, je trouve ça moins chiant. J’avais empoigné la bombe de mousse et j’étais en train de l’agiter comme ils disaient quand elle est entrée. C’était toujours la même, la Reine des Œufs, je me suis demandé si elle me poursuivait ou si le hasard existait vraiment. Mais le hasard existe pas, elle était donc venue là pour me faire chier. J’ai attendu qu’elle démarre.

— Je vais prendre une douche, elle a dit.

— Froide ? j’ai demandé.

Elle a haussé les épaules et je lui ai souri, mais je pensais pas du tout à elle, je venais juste de faire gicler une boule de mousse dans ma main et c’était d’une douceur incroyable, c’était plutôt un sourire à la saveur du monde, à ces instants de pureté qui vous font frissonner le temps d’un éclair. Elle est restée plantée à côté de moi, je crois qu’elle réfléchissait à la suite et je voulais pas la déranger, je me sentais bien, Yan ce salaud il a la salle de bains de mes rêves, je pourrais m’enfermer quinze jours là-dedans avec la dernière cassette de L. Cohen et quelques bouteilles, je suis prêt à essayer, une des fenêtres est tournée vers le soleil levant, oui, tout vient de là, je le sais.

Ensuite, elle a pris une bonne résolution, elle a viré son froc et son tee-shirt, sans me regarder et elle a tiré sur son slip, mais sans la moindre élégance, c’est dommage, j’ai pensé, c’est dommage quand une fille vous met pas l’eau à la bouche, c’est dommage quand elle oublie sa force. J’ai juste jeté un œil sur ses poils mais elle serrait les cuisses, de toute manière, j’y croyais pas, je cherchais pas à me compliquer la vie par plaisir, je me suis étalé la mousse sur les joues pendant qu’elle enjambait la baignoire et elle a fait couler l’eau à fond la gomme comme si elle avait fait sauter un barrage.

Je me suis rasé tranquillement, sans qu’on se dise un seul mot, elle paraissait détendue dans son bain, les yeux à peine ouverts, je la regardais de temps en temps mais c’était juste un corps plongé dans l’eau, c’était pas dingue, sauf si elle avait joué avec ses nichons ou si elle s’était enfilé un doigt mais elle restait simplement sans bouger, à faire la planche au premier étage d’une baraque.

J’ai cru qu’on allait en rester là, je me suis rincé la bouche avec un truc tout nouveau à la cannelle, ça venait tout droit des îles, ces salauds connaissaient des tas de secrets pour conserver la beauté et la santé du corps, l’huile de machin, les parfums, les racines, ces trucs faisaient fureur dans les dix pays les plus riches du monde, on s’en collait partout. Le truc à la cannelle était pas mauvais du tout.

— Bon, elle a fait, mais il faut que tu saches que ça me fait chier encore plus que toi.

Je me suis tourné vers elle, j’avais pas très bien compris ce qu’elle avait voulu dire, je m’étais pas attendu à ce qu’elle ouvre la bouche non plus, mais je lui ai fait face. Ma position était meilleure que la sienne.

— Ça dépend, j’ai dit.

Elle s’est redressée lentement, elle s’est retrouvée assise dans l’eau avec les genoux sous le menton et alors elle m’a dévisagé carrément pendant une bonne minute, bon ça encore je pouvais le supporter, j’en avais rien à foutre, je lui ai laissé continuer son petit numéro.

— Ouais, ça me plaît pas trop, je te sens pas tellement, elle a ajouté.

— C’est rare que j’accroche avec les gens, j’ai dit. Je le fais pas exprès.

Puis son visage s’est mis à changer, une espèce de ride lui a traversé le front et les coins de sa bouche sont tombés légèrement, c’est la même chose quand on voit un orage arriver sur un champ de parasols, ça tourne vite au cauchemar.

— N’empêche qu’il va falloir qu’on le fasse ensemble, il faut qu’on soit tous les deux, elle a dit.

J’ai senti qu’elle rigolait pas, j’ai su qu’elle allait me sortir un truc incroyable, ça faisait aucun doute, j’ai rentré imperceptiblement ma tête dans mes épaules.

— J’ai des nouvelles de Nina, elle a dit. Elles sont pas très bonnes…

Ma paupière droite s’est mise à trembler, je l’ai frottée mais impossible d’arrêter ça, je sentais une douce odeur de crêpes qui glissait dans le couloir et ce que j’aurais dû faire, c’était de claquer la porte et de descendre en avaler quelques-unes et boire et déconner avec les autres mais je suis resté planté avec cette fille dans un monde de douleur, j’ai pas vraiment choisi et puis j’ai toujours été long à réagir, mon attitude m’a pas étonné.

— Hé, ça t’intéresse… ? elle a demandé.

Je me suis approché d’elle, je me suis appuyé sur le bord de la baignoire.

— Vas-y, j’ai dit. Je t’écoute.

— Bon, mais c’est pas une raison pour te rincer l’œil. Recule-toi un peu…

— Merde, d’accord, j’ai dit, mais accouche. Je vais pas essayer de te baiser si c’est ce que tu penses. Alors arrête de me faire chier avec ça.

— Les mecs, il faut toujours qu’ils essayent à un moment ou à un autre, elle a dit.

À ce moment-là, un type a voulu entrer mais je l’ai foutu dehors, c’est complet ! je lui ai dit et quand je me suis retourné ma copine était sortie du bain et s’essuyait dans une serviette rouge. Je me suis assis dans un coin et je me suis rappelé qu’elle s’appelait Sylvie.

— Écoute, Sylvie… Essaye de m’expliquer un peu ce qui se passe. Fais pas attention si je te regarde, je te vois pas vraiment, je t’écoute Sylvie.

Ses fesses c’était zéro mais elle avait des hanches très rondes, en fait elle aurait été pas mal avec une âme un peu plus douce. Elle s’est frictionnée méthodiquement puis elle a enfilé son slip, non décidément elle savait pas faire ça, c’était vraiment très mauvais.

— Bon, elle a enchaîné, je sais où elle est et je connais le type qui est avec elle. Qu’est-ce que tu dis de ça ?

— Tu en connais un bon bout.

— Ouais, comme tu dis. Ils se sont rencontrés chez moi, je me sens un peu responsable.

— Bien sûr, j’ai dit, mais dis-moi, Sylvie… qu’est-ce que tu cherches ?

— Hein… ? elle a fait.

— Ouais, je t’ai demandé ce que tu cherchais. Pourquoi tu viens me raconter tout ça ?

J’ai essayé de garder mon calme en disant ça mais c’était pas facile, j’étais en train de penser à Nina, j’étais en train de penser qu’elle m’avait laissé sa fille sur les bras pour pouvoir s’envoyer tranquillement en l’air avec un mec, ça c’était vraiment balèze, ça c’est parce qu’il m’arrive parfois de croire les gens, de prêter un peu d’attention à toutes leurs conneries, fallait pas que je vienne me plaindre.

La fille faisait durer le plaisir mais j’avais pas envie de jouer aux devinettes, je lui ai envoyé ma tête des mauvais jours avec un œil légèrement fermé. Elle a compris, elle s’est habillée en vitesse. Je me suis levé, je l’ai attrapée par son tee-shirt avant qu’elle ait fini de l’enfiler, elle avait encore un bras dehors, en fait j’ai jamais frappé une femme mais j’en ai cramponné quelques-unes, je sais comment m’y prendre, il faut y aller franchement, il faut leur foutre un peu la trouille sinon c’est pas la peine d’essayer, vous vous en sortirez mal. J’ai mis la bonne dose, je l’ai tirée à vingt centimètres de mon nez, elle avait de beaux yeux mais je m’en foutais de ses yeux, elle a poussé un petit cri, ça m’a excité.

— Bordel, j’ai dit, me fais pas attendre plus longtemps. En plus je suis fatigué.

Bon, elle savait aussi bien que moi que ses yeux lançaient pas des couteaux, elle en a pas trop fait, dans l’ensemble je trouvais ça plutôt positif. J’avais déjà eu affaire à des espèces de cinglées, quand la fille a l’air de vous exploser dans les doigts et que vous pensez à vos yeux et j’ai connu aussi des filles qui avaient une force inimaginable et d’autres qui connaissaient des prises mortelles, oui des sacrés numéros, des filles que rien peut arrêter. Heureusement, Sylvie était pas une de celles-là. Je l’ai lâchée, je suis sûr qu’elle avait compris, j’avais fait ce qu’il fallait pour ça, son tee-shirt ressemblait plus à rien.

— Ce qui m’ennuie, elle a dit, c’est que je connais le type qui est avec elle. C’est un truc personnel. Mais je peux t’aider à retrouver Nina.

— Je sais pas si j’en ai vraiment envie, j’ai dit.

— Écoute, elle a fait, il s’agit pas de ça. Mais lui je le connais il est un peu spécial… tu vois ?

Elle avait dit ça en baissant les yeux et avec une voix bizarre. Bien sûr, vers six heures du matin les choses ont toujours un petit air étrange et je comprenais pas très bien ce qu’elle avait voulu dire.

— Qu’est-ce que ça veut dire, il est spécial… ?

— Rien, elle a fait. Mais il faut aller chercher Nina.

— Ah putain, mais qu’est-ce que tu chantes… ? T’es une pauvre conne, où tu veux en venir ?

— Écoute, je te le répéterai pas. Il faut y aller en vitesse.

J’ai fait un pas vers elle, j’avais une envie folle de cogner dessus, je suis bien d’accord qu’il faut un commencement à tout mais à ce moment-là, je suis devenu quelqu’un d’intelligent, j’ai fait demi-tour et je me suis tiré, j’ai claqué la porte sur cette histoire de merde.

Seulement elle m’a rattrapé dans l’escalier. Je l’ai envoyée dinguer, j’ai dégringolé les dernières marches et je suis sorti dehors, la rue était déjà brûlante, j’ai cligné des yeux, parfois il suffit de deux ou trois pas pour se retrouver au bord du gouffre, j’ai senti sa main se poser sur mon épaule.

Je me suis dégagé sans un mot et je me suis mis à marcher sur le trottoir, j’arrivais plus à penser à rien.

Au bout d’un moment, je suis entré dans un bar. J’ai filé jusqu’au fond et je me suis jeté sur la banquette. Putain, je me suis dit, je suis encore jeune, si je voulais j’aurais pas le moindre problème, je suis tout seul dans la vie, je pourrais essayer de vivre juste avec mon talent et passer des journées à rien foutre, alors pourquoi cette fille je suis pas capable de l’envoyer chier, pourquoi je me sors pas une bonne fois pour toutes de cette histoire ?

— Au bout de cinq minutes, elle est arrivée. Elle s’est assise en face de moi et je lui ai demandé ce qu’elle prenait. Elle a annoncé un bourbon, un double, elle a dit. J’ai pas pu m’empêcher de sourire, je l’ai regardée.

— Ça va, toi, tu tiens le choc, j’ai fait.

Elle a levé les yeux sur moi, elle faisait une gueule d’enterrement.

— Écoute, Sylvie, toute cette histoire me fait chier. Mais ça va pas nous empêcher de prendre un verre tous les deux et on va parler d’autre chose. Tu vois, on a pas fermé l’œil une seconde de toute la nuit et on a vu le jour se lever, je voudrais savoir ce que tu penses de ça, de ce cadeau du jour… ?

— C’est parce que tu as la trouille ? elle a demandé.

— Oui, j’ai dit.

— Mais tu sais même pas de quoi.

— Ça fait rien, j’ai pas besoin de grand-chose. En plus je me sens de bonne humeur d’un seul coup et je vais pas me casser la tête. Je m’entends bien avec Lili, elle me gêne pas du tout, ça fait rien même si je dois la garder un an et Nina c’est une vieille histoire, je suis désolé si elle est pas tombée sur l’homme de ses rêves, je suis d’accord avec elle si elle trouve que c’est dur…

Elle a attendu que le type s’amène avec son bourbon, elle l’a vidé d’un coup en jetant la tête en arrière, c’était un coup parfaitement étudié, très beau à voir, j’ai toujours confiance le matin, je suis d’humeur contemplative et ensuite elle a cramponné mon bras. J’ai cru qu’un aigle venait d’atterrir dessus.

— Ma parole, elle a sifflé, tu le fais exprès… ?

— Tous les coups sont permis, j’ai dit.

— Oh merde, j’ai pas envie que cette histoire tourne mal ! Il faut aller la chercher…

Je me suis dégagé, je me suis appuyé bien droit dans le fond de la banquette, il y avait trop de lumière dans ce truc, je pouvais pas me concentrer. Je me suis massé un peu les mains et je me suis mis à rire.

— Non, mais qu’est-ce que c’est que ce cirque ? j’ai demandé.

— Je sais de quoi je parle, elle a dit.

J’ai levé la tête pour regarder au-dessus d’elle, dans la salle, les trois types silencieux collés au bar, une fille dans un coin qui bâillait et une vieille qui dévorait un croissant. Puis quelqu’un est entré juste à ce moment-là, il a laissé la porte grande ouverte pendant une ou deux secondes et un peu de vie est entré là-dedans, un nuage de poussière invisible, je sais pas quoi, je peux pas expliquer ça, n’empêche que le monde a plus pesé grand-chose et je l’ai plus senti du tout, j’ai croisé mes bras sur la table et je me suis penché vers elle.

— Bon, c’est d’accord, ma vieille. Alors dis-moi ce qu’on va faire au juste.