15

Le lendemain matin, quand je suis rentré chez moi, j’ai vu une bande de gens attroupés devant la porte, des concierges, des voisins, des connards, des retraités en robe de chambre, des cinglés. J’étais pas levé depuis très longtemps et je payais encore pour la veille et de voir cette espèce d’émeute devant chez moi, ça m’a complètement assommé. J’ai vacillé sous le soleil de midi et au moment où je poussais la porte du jardin, un type en uniforme s’est frayé un chemin parmi les mecs et s’est avancé vers moi. Ma première pensée a été de fuir mais au lieu de ça, j’ai sorti mes papiers et je les ai tendus au mec.

— Je m’appelle Philippe Djian, j’ai dit. J’espère que tout est en règle.

Il a pas jeté un regard sur mes papiers, c’était un jeune type costaud avec une clé à molette dans la main. J’avais encore jamais vu un type transpirer comme ça, il était trempé des pieds à la tête.

— C’est réglé, il a fait. Une de vos canalisations avait pété et pas moyen de mettre la main sur le robinet d’arrêt. On s’est un peu arrosé…

— Excusez-moi, je croyais que vous étiez de la police.

— Non. On s’occupe aussi des inondations, il a fait.

À ce moment précis, mon cerveau s’est paralysé, comme si le mec m’avait envoyé un coup de fouet dans la colonne vertébrale, qu’est-ce qu’il a dit ? Qu’est-ce qu’il est en train de me dire… ? Le type s’est barré alors que j’étais encore sous le choc. Ensuite tous les ahuris se sont tournés vers moi avec un franc sourire. Je leur ai indiqué la sortie :

— Bon, allez, barrez-vous. Y’a rien à voir. Ça sera demain dans vos journaux.

Je suis rentré et je leur ai claqué la porte au nez. Y’avait une mare de flotte dans le couloir, deux bons centimètres et des reflets dansaient sur les murs et éclairaient le plafond, c’était pas un rêve ni une vision détraquée par le manque de sommeil, c’était le genre de truc qui pouvait vous faire vieillir de dix ans pendant deux ou trois jours. Hormis un léger clapotis, la baraque était silencieuse, c’était presque inquiétant.

— Nina ? j’ai appelé.

Rien, j’ai pataugé en faisant un crochet par la cuisine mais en fait je l’ai trouvée dans l’autre pièce, dans mon fauteuil, les genoux remontés et la tête penchée en avant. Elle était trempée aussi et j’ai pris une voix détachée :

— Faut pas se plaindre, j’ai dit. Il y a des types qui se retrouvent avec trois mètres d’eau dans leur baraque, pendant les inondations.

— Ça va, garde ça pour toi.

— Oui, j’espère pour eux qu’ils ont des femmes avec les nerfs solides.

Elle m’a envoyé un regard farouche :

— Dis donc, j’ai l’impression que tu t’es tiré au bon moment, hein… ? J’étais toute seule quand ce foutu machin m’a pété à la figure. T’es au courant… ?

J’ai rien répondu, j’essayais de penser à un moyen pour évacuer toute cette flotte, soit remplir des bouteilles, soit faire du feu ou grimper sur le lit et attendre. Mais elle a insisté :

— Je suis toute seule dans ce foutu appartement depuis trois jours !

— Écoute, j’ai dit, te casse pas la tête. C’est mon roman qui me fait ça, tu sais ce que c’est…

— Ha, ha, elle a fait, faudrait que je sois folle pour gober des trucs pareils !

— Bon sang, il y a plus urgent à faire que nous engueuler, il me semble.

Je me suis avancé dans la pièce, j’ai vérifié discrètement que mon roman s’était pas envolé et j’ai retiré mes godasses.

Toute cette merde nous a pris une bonne partie de l’après-midi et au fur et à mesure, Nina s’est détendue. Je sais être vraiment gentil quand je veux, je fais ça avec une aisance suprême et à la fin on trouvait ça presque marrant de frotter et d’essuyer côte à côte, c’était bon d’éponger ensemble, je lui racontais des conneries, je lui allumais des cigarettes, j’avais même cavalé jusqu’au marchand du coin pour lui ramener des glaces et un bâton de guimauve, c’était une belle fille, j’en avais pas eu souvent des comme ça, j’en avais même jamais eu pour être franc, ça me ferait chier de la perdre, j’ai pensé, mais comment faire, comment traverser cet océan d’écueils ?

Heureusement, le soleil inondait toute la pièce, je me suis dit que ça sécherait assez vite, je me suis dit qu’on aurait juste le temps de faire quelques courses et de revenir manger tranquillement ici tous les deux et écouter de la bonne musique. Mais il y a eu un contretemps. Je tordais ma dernière éponge et elle se tenait accroupie devant moi, de dos, et elle portait ces espèces de pantalons indiens, très larges, qu’un rayon de soleil traverse facilement. J’ai avancé une main entre ses jambes et j’ai attrapé son sexe à travers le tissu. Comme elle m’a pas envoyé sur les roses, j’ai fait glisser l’élastique de son froc et je me suis rincé l’œil tranquillement. Ensuite j’ai calé mon biceps entre ses fesses et j’ai plongé une main sous elle pour lui attraper les nichons. C’était bon. Je sentais ses grandes lèvres s’ouvrir sur mon bras. C’était vraiment génial.

Un moment après, on s’est à moitié endormi et les ombres se sont allongées dans la pièce. Je me suis levé en regardant le ciel rouge par la fenêtre et j’ai mis le cap vers la cuisine pour voir si je pourrais pas confectionner quelque chose d’à peu près mangeable. J’ai mis de la bière sur un plateau, des tomates, du fromage, cinq ou six yaourts et un sac de pain de mie. Au passage j’ai pris quelques couverts et le tour était joué.

Elle dormait, je me suis penché sur elle mais elle dormait vraiment. J’ai mis le téléphone en dérangement et je me suis installé dans un fauteuil. J’étais juste assis devant la glace, je voyais un type baignant dans une lumière dorée et crevant d’un coup sec un sachet de papier cristal. Parfois je m’aime, parfois je peux pas me saquer mais là je me voyais mal, je me suis approché et je me suis regardé dans les yeux. Au bout de cinq minutes, j’ai plus reconnu cette tête et je suis retourné m’asseoir pour manger, il aurait fallu quelque chose d’un peu plus incroyable pour me couper l’appétit.

Il y avait une sacrée ambiance quand je me suis installé derrière ma machine, rien qu’une étrange lumière et un silence tendu, c’est dans ces moments-là que je suis le meilleur, tout ce qui sort de mon esprit est finement ciselé, transparent comme une source et dur comme de la pierre, je suis à deux doigts de cracher des diamants à travers la pièce, ce qui explique mon style, ce curieux mélange de pureté et d’intensité. Quinze ans de travail acharné, les gars.

Pendant plusieurs jours, ça a bien marché, j’ai abattu un travail de forçat, j’ai réussi à aligner une cinquantaine de pages qui se tenaient. J’avais passé toutes les nuits soudé à ma chaise, attendant de m’écrouler de fatigue au petit matin, quelquefois passablement éméché et les yeux gonflés par les cigarettes. Rien ne m’arrêtait, j’emmenais un bloc pour aller chier et j’avalais des sandwichs. Nina allait et venait, entrait et sortait, parfois elle me faisait sursauter quand je la croyais sortie ou je discutais avec elle quand elle avait filé dans je ne sais quelle balade insupportable en plein après-midi, de préférence du côté du trottoir pilonné par le soleil. Je la sentais nerveuse mais je faisais comme si de rien n’était, il y avait pas grand-chose qui pouvait m’atteindre à ce moment-là, j’y pouvais rien. Je sentais que les choses se dégradaient doucement mais je regardais ailleurs. Je voulais pas penser à ça.

Pourtant, j’aime écrire dans une ambiance sexuelle, j’aime quand elle se lève à trois heures du matin pour chercher un verre d’eau et que je la chope au passage, j’aime quand le drap glisse sous un rayon de lune et me fait apparaître un bras ou une cuisse argentée, j’aime quand elle vient me sucer au milieu d’un chapitre et que la machine continue à ronronner tandis que nous glissons sous la table, j’aime retourner au travail l’esprit débarrassé de toutes ces saletés, j’aime quand elle vient me masser la nuque et qu’elle reste silencieuse, j’aime quand elle se fait les ongles, j’aime ses ongles, j’aime ça écrire avec une femme dans les parages, une femme qui reste à portée de voix. Mais comment lui faire avaler que c’était sa présence qui comptait par-dessus tout, comment lui faire comprendre que j’étais pas dans mon état normal, comment venir à bout de toutes ces merdes qui nous compliquent l’existence, comment je pouvais faire pour écrire et vivre avec une femme en même temps ? Surtout ce genre de femme, gonflée de lumière et au meilleur de sa forme. Il fallait vraiment que je fasse un drôle d’effort pour plus penser à ça. Ensuite je me prenais pour un type courageux alors que j’étais qu’un pauvre connard hypocrite penché sur ses petites feuilles. J’étais pas beau à voir. J’étais un vrai fantôme.

J’ai même pas fait attention quand le plombier est venu et un après-midi j’ai trouvé un mec en casquette couché dans ma salle de bains. Les deux flics sont repassés aussi un matin, ils cherchaient toujours Cécilia mais cette fois-ci j’ai à peine entrebâillé la porte, j’étais prêt à leur claquer sur la gueule de toutes mes forces mais ces deux enfoirés ont pas insisté, je les ai trouvés moins en forme que la dernière fois. Sinon, je répondais même plus au téléphone, je voulais parler à personne et la seule visite que j’ai eue, c’est Yan qui s’est pointé un soir pour voir si j’étais pas mort.

Tous les gens un peu au courant évitaient ma compagnie quand je traversais ce genre de période, ils avaient pas envie de se retrouver avec cet ahuri incapable de s’intéresser à quoi que ce soit, cette espèce de taré au regard fixe.

Mais pas Yan, Yan me laissera jamais tomber, c’est pour ça qu’en fin de compte je vois l’avenir d’un œil tranquille, c’est son amitié qui a fait de moi un humaniste. Je peux pas blairer la plupart des gens que je rencontre mais j’imagine qu’il y a des hommes et des femmes sur terre qui valent vraiment la peine, c’est la première chose que je regarde quand je suis avec du monde, comme ça je peux savoir d’avance si la soirée va être fichue.

Il a frappé à la porte sur le coup d’une heure du matin et je suis allé ouvrir en bâillant. On s’est assis de chaque côté de la table qui me servait de bureau. J’ai rangé mes feuilles vite fait car il pouvait arriver un accident, qu’il renverse une bière ou qu’il y mette le feu avec une cendre, ça pouvait arriver et y’a de quoi se trouver mal quand on s’aperçoit qu’on a souffert pour rien. Quand on a souffert toute sa vie pour rien, je comprends qu’on finisse gâteux. J’ai glissé mes feuilles sous ma machine, comme ça j’étais à peu près tranquille.

— Hé, dis donc, j’ai fait, tu finis tôt aujourd’hui…

— Tu parles, j’y suis même pas allé. Merde, j’en ai vraiment jusque-là, tu sais. Depuis qu’Annie est rentrée, c’est devenu l’enfer à la baraque, c’est vraiment l’enfer.

— Comment ça se fait ? j’ai demandé.

— Ouais, Annie et Jean-Paul peuvent pas se saquer. Je les ai empêchés de se battre, ah quelle chierie, ils sont insupportables.

— Je crois qu’Annie aurait eu le dessus, tu crois pas ?

— Merde, elle fait rien pour arranger les choses. Elle lui laisse pas passer le moindre truc.

On est resté silencieux un moment, le silence est la plus grande merveille de ce monde misérable, ça je l’ai toujours su. Ensuite on a fumé et bu un peu sans se creuser la cervelle, on s’est retrouvé pieds nus et assis par terre sur des coussins, c’était le premier vrai moment de repos que je m’accordais depuis pas mal de temps. Ce salaud était tout simplement en train de faire un miracle. Voilà un truc que Nina aurait pas encaissé, elle aurait sans doute fait une remarque du genre et alors espèce de salaud, tu vois bien que tu arrives à lever ton nez de tes putains de feuilles quand tu en as envie. Et qu’est-ce que j’aurais pu répondre à ça ? Rien, rien du tout, parce qu’elle aurait eu raison. C’était d’accord, je m’arrêtais de bosser pour un ami mais pourquoi je l’aurais fait pour elle ? C’était pas mon amie, c’était la femme qui vivait avec moi, c’était celle qui me voyait dormir, travailler, manger, chier, baiser, grimacer, rire et me prendre la tête à deux mains, c’était plutôt quelque chose, non ? Ce qu’elle voulait, c’était que je lui donne le meilleur de moi-même et c’est ce que j’essayais de faire mais j’étais obligé de lui donner aussi le pire avec, il arrive toujours un moment où on peut pas faire autrement.

Bon, j’ai donc bu une bière avec Yan et ça m’a fait du bien, je sentais la pression se relâcher. Le téléphone a sonné vers deux heures du matin mais ça m’a pas ennuyé, j’ai décroché d’une main tranquille, mon âme traversait un champ de blés mûrs à peine courbés par le vent, dans une vallée inaccessible.

— Allô oui… ? j’ai fait.

— C’est Marc, a fait la voix. Je veux lui parler… je veux lui parler tout de suite !

J’ai presque entendu ses dents grincer dans l’appareil. Il paraissait nerveux, vachement nerveux, il respirait très vite.

— Tu veux parler à Yan ? j’ai demandé.

— Fais pas le con.

— Tu veux parler à Nina… ?

— Je te conseille de pas faire le con, il a grogné. Tu me connais mal.

— Écoute, y’a que trois personnes, ici et ça fait des jours que je suis pas sorti, tu comprends, alors je suis à moitié lessivé. J’aimerais mieux que tu ailles faire ce cirque ailleurs.

— Ha ha, il a fait. Comme écrivain, je te plaçais pas parmi les meilleurs mais je m’aperçois que tu vaux rien du tout, en tant qu’être humain.

— Je me suis déjà fait cette remarque. Ne remue pas le couteau dans la plaie.

— Allez, merde, fais pas le salaud.

— Si tu veux parler de Cécilia, elle est pas ici. Et je suis au courant de rien. Peut-être que je vaux pas grand-chose comme individu mais je te mens pas.

— Raconte pas de conneries, je sais qu’il y a un truc entre elle et toi.

— Plus maintenant, j’ai dit. Je te mens pas.

— Ouais, j’en sais rien, il a fait.

— Comment ça, t’en sais rien ?

— Ouais, j’en sais rien, peut-être qu’elle est à côté de toi et qu’elle tient l’écouteur, hein… ? J’en sais rien.

— Je comprends ça.

— CÉCILIA, SI TU M’ENTENDS, LAISSE CE SALAUD, IL FAUT QUE JE TE PARLE !!! LAISSE CE SALAUD !!!…

J’ai eu l’impression qu’on m’enfonçait un pieu dans l’oreille un pieu avec l’écorce.

— Écoute-moi bien, j’ai dit, ta cervelle est tellement chiffonnée qu’elle a dû passer par ton trou du cul. Rappelle-moi si tu veux, mais quand t’auras mis tout ça au propre.

J’ai raccroché en souriant à Yan.

— Cécilia s’est encore échappée, j’ai fait. Moi, cette fille, elle me fait marrer, c’est un bon numéro. Elle ralentit pas d’un poil et des types sont renversés sur son passage.

— Comment veux-tu traverser cette vie sans être brisé au moins une fois ?

J’ai jeté un coup d’œil sur Nina qui dormait à quelques mètres à peine, je lui ai jeté un regard rempli de douceur.

— Ouais, j’ai murmuré, tu vois, moi, si je tombais sur une fille qui soit un mélange des deux, je crois que je serais vraiment bon pour l’asile. Mais j’aime bien y penser, on doit toujours garder au cœur le sentiment de l’inaccessible.

Yan s’est levé en hochant vaguement la tête et il s’est planté devant la fenêtre.

— Le jour se lève, j’ai envie d’aller voir, il a fait.

— Si tu veux un bon conseil, reste planqué en attendant que ça se tasse.

— Tu rigoles, mais je suis vachement emmerdé.

— Je me mets à ta place.

— Je vais y aller. J’espère qu’ils se sont calmés.

Je l’ai accompagné dehors, jusqu’à sa bagnole et on a continué à discuter sur le trottoir. Il commençait à faire presque jour et je m’étais assis sur une aile de la Mercedes. J’ai fumé une cigarette dans le petit matin, dans cette rue silencieuse et morne pendant que Yan était plongé sous le capot.

— En ce moment, je perds de l’huile, il a dit.

— J’y connais rien, j’ai fait.

C’est juste au moment de partir qu’il a glissé une main dans sa poche et qu’il m’a tendu un morceau de papier.

— Merde, j’avais complètement oublié, il a fait. Moi j’ai des nouvelles de Cécilia. Je l’ai vue pas plus tard qu’hier. Elle m’a donné ce mot pour toi.

— Tu vas me faire croire que tu y penses seulement maintenant… ?

— Ben, je me suis demandé si j’allais, te le donner. Je crois que cette fille est une source d’emmerdes.

— Pas plus qu’une autre, vieux. Pas plus qu’une autre, je t’assure…

Il a démarré en m’envoyant un petit baiser du bout des doigts et je me suis retrouvé tout seul avec mon petit papier plié en quatre, il faisait vraiment bon et je me sentais insouciant. J’ai ouvert le truc tranquillement, le silence de cette rue me donnait envie de rire. Le message disait : « J’aimerais bien te voir. Si tu vois une solution, appelle-moi. » C’était suivi d’un numéro de téléphone et c’était signé. J’ai souri. Dieu sait que j’avais eu de bons moments avec elle, oui de bons moments, elle avait une préférence pour les positions assise ou penchée sur le lavabo, jambes écartées, et j’ai continué à sourire, quand elle était sur le point de jouir son sexe se mettait à fonctionner comme une pompe et rien que d’y penser j’ai respiré un grand coup, c’est formidable une fille qui semble toujours d’accord pour baiser, ça entretient la bonne humeur. Mais elle avait aussi quelque chose de plus que ça, elle avait conscience d’avoir un esprit, c’est pour ça que je l’avais pas oubliée.

J’ai chiffonné le papier et je l’ai jeté dans le caniveau. Merde, j’ai pensé, quel genre de solution elle voulait que je trouve, dans quel piège insensé voulait-elle me précipiter ? Mon roman avançait vraiment bien depuis un moment et ça me rendait lâche, seul un type qui a déjà écrit un bouquin peut comprendre ça, on arrive à lutter contre l’angoisse de la mort mais impossible de faire face à une scène de ménage, le moindre cri m’aurait anéanti. J’ai chassé quelques bons souvenirs comme des slips minuscules, j’en avais bien déchiré la moitié ou alors quand elle me prenait la main et la fourrait entre ses jambes et s’excitait. Quand il peut, un bon écrivain doit faire passer son travail avant le sexe, tous les éditeurs sont d’accord là-dessus.

Je suis tout de même rentré avec un soupçon d’amertume au cœur. Je me suis allongé sur le lit à côté de Nina et je me suis mis une cigarette dans la bouche. Il y avait juste une lampe allumée au-dessus de ma machine. Et mon tabouret vide. En temps normal, un type grimaçait à cette place, et riait, et gémissait. Je suis resté planqué dans l’ombre, à passer en revue des images sexuelles, j’en avais plein la tête. J’ai pas réveillé Nina pour les mettre en pratique, c’était juste un petit exercice cérébral, de quoi bander mollement en attendant que le soleil se lève. J’ai fait une croix sur Cécilia avant de m’endormir. Je compte plus tous les sacrifices que j’ai dû faire pour devenir l’écrivain le plus tordu de ma génération.