CHAPITRE XVI
… Dans une salle étanche… Première constatation : c’était faux. Le sourire de Robi, qui s’était effacé, réapparut. Certes, la situation n’était pas des plus brillantes. Pour un humain, elle eût été insoluble. Mais pour Robi ?
Un humain, en effet, eût été condamné à l’inaction. Il n’eût pu faire le vide dans le sas afin de sortir de l’astronef, puisque les combinaisons d’espace étaient dans la salle où se tenait Stan.
Pour Robi, le problème était résolu. Sans le moindre vêtement protecteur, il pouvait expulser l’air du sas, ouvrir la porte et passer à l’extérieur. Cela lui serait-il de quelque utilité ? Il l’ignorait. Mais, de toute façon, il n’était pas enfermé. Sur ce point, Stan s’était trompé.
En outre, il le savait parce que Stan et Guérik l’avaient fait, il pouvait accéder directement dans la soute du Pluton. C’était là qu’ils avaient pris le libérium qui avait brisé l’Espace Interdit. Cette soute communiquait-elle directement avec le poste de pilotage ? Non, sans doute. Mais de toute façon, outre le libérium que l’on y avait entassé à la base de Vénus AII, il pouvait y avoir bien d’autres choses dans la soute… et peut-être des choses utiles.
Il hésita un peu. Son côté gamin lui suggérait de sortir de l’astronef. Il resterait évidemment plaqué contre la coque de celui-ci, le champ de gravitation artificielle traversant les parois. Il pourrait alors se diriger tant bien que mal vers les hublots avant… Frapper… et se montrer à Stan qui en éprouverait un choc… Il regretta aussitôt cette idée. Il n’était pas là pour s’amuser, mais pour empêcher Stan de se vendre aux chefs de Planète III. D’ailleurs, il avait négligé le fait que le Pluton naviguait en hyperpropulsion… Que se passait-il quand on sortait dans ces conditions ?
Il se mit à chercher l’ouverture qui permettait de communiquer avec la soute. Il découvrit sans difficultés une porte étanche, et, pour l’ouvrir, dut manœuvrer plusieurs manettes et plusieurs volants. Bien entendu, les premières tentatives provoquèrent des phénomènes inattendus. Sans y prendre garde, il agit même sur la vanne d’expulsion d’air et ne s’en rendit compte qu’en regardant par hasard un manomètre. Il s’empressa de rétablir la pression, tout en se demandant la tête qu’aurait fait Stan dans les mêmes conditions. Quant à lui, il avait continué à « respirer » tranquillement, sans même remarquer qu’il agissait dans le vide presque absolu. En abaissant une manette, il eut, pendant quelques secondes, une effroyable sensation de froid. Ses circuits réagirent aussitôt pour rétablir sa température normale, mais encore une fois, il se demanda ce que Stan aurait ressenti… Cela devenait une sorte de test, à la suite duquel la preuve fut faite, qu’il dépassait de cent coudées celui qui l’avait enfermé là. Il n’en éprouva aucun orgueil (C’était un sentiment dont ses circuits étaient incapables.) mais un certain soulagement. Il était, physiquement et mentalement, tellement supérieur à Stan que l’aventure ne pouvait tourner qu’à son profit.
Enfin, la porte étanche s’ouvrit. Grimace de Robi. La soute était un gouffre d’obscurité, et aux trois quarts emplie de caisses comme il le constata en s’y engageant. Pourtant, Stan et Guérik n’avaient pu travailler dans la nuit, et donc il y avait une possibilité d’éclairage. A tâtons, il chercha un commutateur. Une fois de plus, il regrettait de ne pas être nyctalope. C’aurait été si facile pour Allan Premier, son créateur ! Mais Allan avait jugé qu’il donnait à « son robot » assez de supériorité sur les humains sans y ajouter celle-là.
Les choses les plus simples sont les moins évidentes. Il fallut plus de dix minutes à Robi pour découvrir l’interrupteur. Celui-ci était placé non dans la soute, mais dans le sas !
La soute s’illumina. Bon, cela. Stan n’avait pas eu l’idée de couper le courant. (Et d’ailleurs, la vanne de pression et les autres dispositifs n’avaient-ils pas fonctionné ?) Ou peut-être n’en avait-il pas la possibilité. Le constructeur du Pluton n’avait certainement pas prévu que l’on enfermerait quelqu’un dans le sas ou dans la soute.
Cette réflexion suggéra à Robi une autre idée. Pendant qu’il fouinait parmi les caisses de Libérium, et qu’il découvrait, de-ci de-là de menus objets oubliés – une clé anglaise, une courte barre de fer et des choses inutilisables – il pensait à ceci : « Pour communiquer avec Stan, j’ai dû crier… Lui aussi, sans aucun doute. Je serais surpris s’il n’y avait pas un dispositif permettant de parler entre le sas et le poste de pilotage. Cela paraît très utile : des astronautes revenant dans l’appareil peuvent avoir à dire des choses très importantes avant d’avoir dépouillé leur combinaison d’espace…».
L’idée finit par le préoccuper au point qu’il revint, dans le sas et se mit à la recherche de quelque chose qui ressemblât à un micro ou à un haut-parleur. Il découvrit les deux, après d’attentives explorations de la paroi. Cette dernière comportait plusieurs « niches » fermées par des panneaux métalliques. Incapable de les ouvrir, il força les portes à l’aide de la barre de fer. Dans l’une des « niches » il y avait, en effet, un ensemble de communication. Un seul commutateur commandait l’ensemble. Il était baissé. On pouvait en déduire que, en le relevant, il était possible de prendre contact avec le poste de pilotage.
Robi hésita, pensif. Appeler Stan ? A quoi bon ? L’autre croyait l’avoir pris au piège, inutile de le détromper.
Comme il réfléchissait, il tourna la tête vers l’unique hublot du sas et haussa les sourcils, surpris. Les étoiles avaient reparu ! Le Pluton n’était plus en hyperpropulsion. Il ignorait la distance qui séparait le satellite-Cerveau de Planète III d’Altaïr, et il se demanda s’il ne s’était pas trompé, si Stan n’allait pas… ailleurs. Mais où ?
Très intéressé, il revint vers la porte de communication et, sans entendre un seul mot, constata que Stan parlait lentement, articulant chaque syllabe, au niveau du communicateur-radio.
Son réflexe fut immédiat. Il releva le bouton du commutateur de la petite niche.
Immédiatement, il entendit Stan… Mais il se garda de signaler sa présence.
…
— je répète. Je demande à communiquer avec l’un des chefs du Conseil, à l’exclusion des sous-ordres.
Stan répéta trois fois. Le haut-parleur répondait :
— C’est impossible tant que nous ne vous avons pas identifié. Qui êtes-vous ? Où êtes-vous ?
— Notez mes paroles, reprenait Stan avec impatience. Je ne suis que peu de chose, mais je viens de loin, de très loin.
De nouveau, il répéta trois fois, martelant les syllabes. Robi devina qu’il s’agissait d’une phrase convenue, soit que Stan l’eût connue par ses espions, soit qu’il eût déjà engagé des pourparlers avec le Conseil des chefs de Planète III.
— Bien, fit enfin le haut-parleur. Ne quittez pas. Cela sera peut-être long, mais restez à l’écoute.
Robi put noter le sourire de triomphe de Stan qui, attendant un nouvel appel, s’adossa confortablement, tête légèrement renversée. Que faire ? Il n’y avait plus l’ombre d’un doute. Stan, ulcéré par la trahison de Kora, s’apprêtait à livrer ceux qui combattaient sous ses ordres. Y songeait-il depuis longtemps ? Son caractère avait-il été légèrement modifié par le passage dans l’Espace Interdit ? Autant de questions qui resteraient toujours sans réponse. Le fait était là : Stan allait trahir.
Or, Robi devait l’en empêcher pour éviter de faire du Cerveau une sorte de boussole fausse. « Si Stan réussit, c’est que nous sommes dans un univers parallèle… et tout ce qu’a emmagasiné le Cerveau ne compte plus… Ce serait trop bête ! Une telle masse de connaissances… Il faut absolument que Stan échoue ! »
« Il faut ! » Deux petits mots faciles à dire. Mais quand on est bloqué dans le sas d’un astronef…
… Cinq minutes s’écoulèrent, pendant lesquelles Robi étudia toutes les possibilités. Il dut se rendre à l’évidence : il ne pouvait neutraliser Stan. Le tuer ? Peut-être. Robi tenait à la main la barre de fer qu’il avait ramassée dans la soute… Peut-être, grâce à sa force prodigieuse, pourrait-il, avec cela, briser le verre du hublot qui séparait le sas du poste de pilotage…, après avoir ouvert le sas vers l’extérieur, bien entendu. L’air respirable s’enfuie-rait par cette brèche et les appareils de conditionnement atmosphérique ne pourraient maintenir la pression. C’était peut-être possible. Inquiet, il regarda le hublot. Le verre (Mais était-ce du verre ?) était d’une considérable épaisseur. S’il était comparable à celui des hublots qui s’ouvraient sur l’extérieur, il résisterait victorieusement.
Et d’ailleurs… La mort de Stan ne résolvait rien. Robi n’en demeurerait pas moins enfermé dans le sas, à bord de l’astronef qui voguerait à l’aventure.
Que faire ?
Brusquement, le haut-parleur du poste de pilotage transmit :
— Parlez. Vous êtes en circuit.
Il y eut quelques claquements. L’opérateur, obéissant à de strictes consignes, débranchait ses écouteurs afin de ne rien capter de la conversation ultra-secrète.
Une voix sèche, rude, parfaitement désagréable, grinça :
— Ici chef Kox. Qui êtes-vous ? Numéro d’identification ?
— Je n’en ai pas, dit Stan très vite. Je suis Stan, le chef de l’Organisation.
Il continua aussitôt :
— Pas de blagues, Kox. Je suis encore très loin de Planète III et avant que vous ne m’ayez fait repérer, je serai ailleurs. Ceci n’est qu’une prise de contact. Si elle échoue, jamais vous ne retrouverez une occasion semblable.
— Vous ne manquez pas d’audace ! fit l’autre.
Et, après un temps :
— Vous êtes donc sorti de l’E.I… Nous savons qu’il y a eu là-bas de graves bouleversements.
— Vous aimeriez savoir comment j’en suis sorti, n’est-ce pas ? fit Stan en riant. Vous le saurez. Je vous livrerai également toutes précisions pour que vous puissiez pulvériser l’Organisation que j’abandonne.
— Si c’est un piège, gronda Kox, je vous avertis que…
— Ne soyez pas stupide. Je tiens à une entente. En garantie de ma bonne foi, je suis prêt à me livrer à vous… sous certaines conditions que nous débattrons. Donc, j’ai l’intention de vous communiquer tous les secrets de l’Organisation. Mais ce n’est pas tout. Depuis près de dix ans, vos agents tentent de savoir comment nous pouvons entrer en liaison avec le mystérieux Cerveau dont les directives nous sont parfois très utiles.
La voix de Kox était cette fois très, très exaltée.
— Oui, le Cerveau… Eh bien ?
— Je sais où il se trouve. Je vous l’indiquerai. Et je vous fournirai toutes les données pour fabriquer un communicateur. Attendez ! Ce n’est pas terminé. J’ai ici, à bord, un être non-humain, bien qu’il possède exactement l’apparence d’un homme. C’est un robot merveilleux, construit par une civilisation très différente de la nôtre. Je vous le donne en prime. Vos spécialistes pourront tout à loisir l’étudier et le disséquer, et je ne doute pas qu’ils découvrent des merveilles. En résumé, je vous apporte la victoire sur l’Organisation, le moyen de communiquer avec le Cerveau, et un sensationnel robot.
Il attendit. Kox murmura :
— Trop beau pour être vrai.
— Cessez de vous défier ! grogna Stan. Si vous voulez savoir pourquoi j’agis ainsi, je vais vous le dire. Kora m’a plaqué au profit de mon lieutenant Batchenko. Et j’ai fini par comprendre que, d’un jour à l’autre, ils vont m’éliminer. Tout ce que je vous demande en échange, c’est une amnistie totale.
L’autre ne répondait pas. Stan reprit avec impatience :
— Que risquez-vous ?
— C’est bien ce qui m’inquiète, fit Kox lentement. En apparence, je suis gagnant. Mais je me méfie des apparences. Ce que vous m’offrez est… trop beau.
— Je vous ai expliqué que…
— Une preuve, demanda Kox sèchement. Donnez-moi une preuve et je vous autorise à atterrir sur l’astrodrome privé du palais.
Stan attendait cela, aussi n’hésita-t-il pas.
— A cinquante kilomètres à l’ouest de la capitale, le complexe industriel de Lovermar traite le minerai de libérium. L’Organisation possède là de telles complicités que, depuis des années, nous arrivons à subtiliser près de 20 % de la production. Faites arrêter immédiatement tous ceux dont je vais vous donner les noms. Une rapide vérification vous permettra de comprendre que je ne bluffe pas. Notre base secrète vit avec le libérium, et rien que ça, ce sera un coup mortel que vous lui porterez.
— J’écoute les noms, fit Kox, impassible.
— Les voici. Tout d’abord, l’ingénieur…
Stan se tut, stupéfait. Toutes les lumières venaient de s’éteindre dans le poste de pilotage. Il se retourna. Le hublot, en haut de la porte de communication avec le sas, était illuminé.
— Allô ! Kox ?… M’entendez-vous ?
Pas de réponse. Machinalement, Stan regarda le tableau de bord. Tous les voyants indicateurs étaient éteints.
Il se leva, dents serrées, alla vers le sasse, haussa au niveau du hublot éclairé.
Robi était de l’autre côté, et riait gentiment.
* *
*
… Les trois cerveaux de Robi avaient découvert depuis quelques minutes la solution du problème qui se posait à lui.
Problème : étant donné un astronef tel que le Pluton, fonctionnant grâce à l’énergie nucléaire, étant donné en outre que l’on n’a accès qu’au sas et à la soute, comment s’assurer la maîtrise de l’appareil et contraindre Stan à l’obéissance ?
Aucune possibilité d’accéder au compartiment dans lequel se trouvait la pile nucléaire dont le courant assurait l’éclairage et le fonctionnement des appareils de bord.
Aucune possibilité d’entrer dans le poste de pilotage. Robi pouvait sortir de l’astronef, mais c’était inutile.
La solution ? Il ne pouvait s’attaquer ni à la source d’énergie, ni aux appareils. Restait la possibilité d’agir sur les moyens de transport de cette énergie. Or, et c’est là un fait remarquable, les civilisations qui en sont arrivées au stade nucléaire continuent toutes à utiliser l’électricité comme le moyen le plus commode de relier la source à l’utilisation.
Qui dit « électricité » dit « réseau de fils conducteurs ». Robi s’en souvint tout à coup, il avait aperçu dans la soute, à la jonction du plafond et de l’une des parois, une gaine métallique qui, ma foi, semblait protéger des fils.
Il passa dans la soute avec sa barre de fer. Son premier mouvement était pour briser gaine et fils afin de priver totalement le Pluton de courant électrique. De cette façon, Stan ne pourrait trahir l’Organisation et continuer sa conversation avec Kox.
Alors qu’il levait la barre de fer, il aperçut dans l’angle, près de la paroi qui le séparait du poste de pilotage, une grosse « boîte à relais ». On nomme ainsi une boîte isolante, munie de bornes sous lesquelles on visse les fils conducteurs, de façon à pouvoir « dériver » le courant dans plusieurs pièces ou sur plusieurs appareils.
En voyant cette boîte, Robi avait eu un geste très humain : il s’était gratté le haut du front.
Deux fils, très gros, venaient de la gauche : ils amenaient le courant. De chaque borne partaient quatre autres fils, plus petits. Il y avait là probablement l’éclairage de la soute, celui du sas – et qui peut-être fournissait le courant aux appareils commandés par les vannes. Et si les deux autres fils alimentaient le poste de pilotage ?
Entre le pouce et l’index, Robi desserra l’une des bornes. A un autre, il eût fallu un tournevis, mais ses doigts étaient de véritables pinces.
Il tira sur l’un des fils, le débrancha. Immédiatement la lumière s’éteignit dans la soute. Avec une grimace, il le rebrancha, en sortit un autre. La lumière s’éteignit dans le sas.
Derrière lui, il entendait le petit haut-parleur qui retransmettait la conversation de Stan et de Kox.
— J’écoute les noms, disait Kox.
Stan répondait :
— Les voici. Tout d’abord, l’ingénieur…
Brusquement, Robi arracha les deux autres fils. Autour de lui, rien ne bougea, la lumière étant revenue dès qu’il avait eu rebranché le conducteur.
Il tourna la tête vers le hublot de la porte étanche…
Et il se mit à rire en silence. La salle de pilotage était obscure. Le courant électrique n’y arrivait plus. Et donc, selon toute probabilité, les appareils de bord ne fonctionnaient plus. Il revint alors vers la porte de communication et, par le hublot, il aperçut Stan…
— Est-ce toi qui…, gronda Stan furieux.
— Et qui voulez-vous que ce soit ? répondit Robi tout tranquille.
Il épiait le poste de pilotage. Pas une lumière au tableau de bord.
— Voyez-vous, Stan, reprit-il, je crois que le vent a tourné et que me voilà maître de la situation. Je n’en abuserai pas, soyez tranquille.
L’autre faisait mine de s’éloigner sans répondre. Robi le héla :
— Hé ! un moment… Je tiens à ce que vous compreniez ce qui vous attend. Moi, je l’ignore car je ne connais guère le Pluton et surtout je ne sais dans quelles conditions vous le pilotiez. Pour autant que je sache, la soute occupe tout l’arrière de l’astronef. Elle est donc placée entre le poste de pilotage et la pile nucléaire et les réacteurs. D’où obligation pour vous de la traverser si vous désirez établir un circuit électrique de secours. Ne vous faites pas d’illusions : si vous entrez dans la soute, je vous réduis à l’impuissance.
Stan était revenu, haussait les épaules.
— Où veux-tu en venir ? gronda-t-il. Tu n’as aucune chance de sortir de ta prison.
— Pas plus que vous de la vôtre, répondit Robi. Mais moi, je vous en ai donné la preuve, je n’ai pas besoin d’air pour respirer.
— Que veux-tu dire ?
— Le dispositif de renouvellement de l’oxygène est certainement commandé électriquement. Il a sans doute déjà cessé de fonctionner… ou du moins, il cessera dès que j’aurai débranché les autres fils. Vous tiendrez le coup pendant quelques heures…, puis ce sera l’asphyxie. D’ailleurs, peut-être n’aurez-vous pas un délai aussi long : il se peut que le Pluton se dirige actuellement vers l’atmosphère de Planète III d’Altaïr. Vous savez ce que cela signifie. Vous ne disposez plus d’aucun moyen de contrôler l’angle d’attaque de l’atmosphère. Si vous plongez dedans à la vitesse actuelle, le Pluton se désintègre. Vrai ?
Une légère hésitation chez Stan, puis la réponse :
— Exact. Mais rien ne prouve que nous allons pénétrer dans l’atmosphère de Planète III.
— Dans le cas contraire, reprit Robi avec sa gentillesse accoutumée, voulez-vous m’expliquer ce qui va se produire ? C’est classique. Vous étiez en orbite autour de Planète III. Vous n’êtes plus maître de l’astronef. Ou bien il se désintègre dans l’atmosphère, ou bien il part en orbite… autour d’Altaïr, étoile du système planétaire. Est-ce que je suis mal informé ?
Stan ne répondit rien.
— De l’oxygène pour quelques heures, dit Robi. Impossibilité absolue de contrôler l’orbite de Pluton. Le Cerveau l’a affirmé, vous devez mourir… avant longtemps. Je crains que ce ne soit cette fois. Désintégration dans l’atmosphère… Asphyxie… ou bien départ en satellite d’Altaïr… Je vous laisse le choix.
Stan s’écarta du hublot, s’en fut dans l’ombre s’asseoir sur le siège du pilote. Robi escomptait cette réaction, et sourit de nouveau. Stan était vraiment « un politicien ». Il calculait, il échafaudait des plans… L’insolite le prenait au dépourvu.
En regardant fixement par le hublot, Robi vit encore que l’autre procédait à certaines vérifications. Des appareils ne fonctionnaient plus, parce qu’ils avaient besoin de courant électrique. D’autres fonctionnaient encore… C’était le cas du manomètre indiquant la pression d’air et sa teneur en oxygène. La conclusion ne fut guère encourageante pour Stan, car celui-ci revint et demanda :
— Qu’exiges-tu ?
— Moi ? Une seule chose : dépanner le Cerveau. Vous revenez en hyperpropulsion jusqu’au satellite, et j’apporte le libérium au Cerveau.
Le visage de Robi témoignait d’une telle ingénuité que Stan s’y laissa prendre. Le commandant du Pluton se demandait, en effet, si son prisonnier avait entendu sa conversation avec Kox de Planète III.
— Et quand le Cerveau sera dépanné ?
— Vous agirez comme vous l’entendrez. Je me moque de tout le reste. Vos histoires d’Organisation, le sort réservé à Kora, à Batchenko… et à vous… ne m’intéressent nullement.
Stan réfléchissait encore.
— Vous perdez du temps, fit Robi tout tranquille. Or, vous ne disposez désormais d’aucun repère vous indiquant la direction qu’a prise le Pluton. Une fraction de seconde de trop, et peut-être entrerons-nous dans l’atmosphère.
— Je ne puis avoir aucune confiance en toi, décréta Stan. Tu prétendais que le Cerveau t’avait ordonné de m’aider…
— N’est-ce pas ce que je fais ? Vous m’avez enfermé dans le sas. Résultat : vous voilà privé de courant. Si je rebranche les fils, je vous sauve.
On ne pouvait savoir s’il plaisantait, tant sa voix était calme.
— C’est bon, fit soudain Stan. Vérifie que la pression dans le sas est normale, rétablis le courant. Dès que ce sera fait, j’ouvrirai la porte de communication et tu reviendras dans le poste de pilotage.
— Parfait, reconnut Robi.
Il se demandait quel genre de piège allait lui tendre l’autre. Il n’y eut pas de piège. Quand il passa dans le poste de pilotage, après avoir rebranché les fils, Stan était aux commandes et passait en hyperpropulsion.