CHAPITRE II
Les quatre croiseurs lancés à la poursuite du Pluton appartenaient à une nouvelle série d’engins puissamment armés et qui avaient effectué leurs essais dans un secret tel que Stan, malgré les nombreuses complicités dont il bénéficiait, n’en avait jamais entendu parler.
Dans la salle de pilotage de Gob 1, les trois officiers de bord étaient rassemblés près du lieutenant Springs, qui pilotait. Visages tendus, ils surveillaient l’écran du radar et, de temps à autre, la carte galactique lumineuse. Ils n’échangeaient que peu de mots. Des plis soucieux barraient le front du commandant Varin. Ce qu’ils tentaient là, sur ordre, était très grave, et un échec eût présenté pour leur avenir les plus fâcheuses conséquences. Ils jouaient non seulement leur avancement, mais sans doute leur situation.
— Prenez garde, Springs… Il oblique vers nous.
Jamais le Conseil ne pardonnerait un échec. Varin y pensait tout en surveillant le radar du coin de l’œil. Trois possibilités. Ou bien le Pluton s’engageait dans l’E.I. C’était alors comme si Varin avait eu dans sa poche sa nomination de chef d’escadre. Et Springs le remplacerait au commandement du Gob 1. Et l’on reviendrait sur la planète avec toutes les preuves de ce que Stan n’avait pas été attaqué par les croiseurs, qu’il était passé de lui-même dans l’Espace Interdit.
Ou bien le Pluton refusait cette solution. Il faudrait alors établir un tir de barrage afin de l’y contraindre. Mais s’il s’obstinait et qu’il s’engage dans le barrage, il serait désintégré avec ses occupants. Cela ne plairait pas au Conseil, pas du tout. Varin serait exclu du personnel navigant et envoyé sur quelque planète secondaire, dans des bureaux… Il en eut un frisson. La vie de bureaucrate lui paraissait insupportable, comme à tous les officiers de la Garde.
Enfin, troisième hypothèse…, la plus désagréable ! Si, par une chance extraordinaire, le Pluton parvenait à s’enfuir… Bien sûr, c’était très improbable. Mais Varin en frissonnait !
— Pas de doute, murmura Springs. Ils foncent vers nous !
— Tir de barrage, ordonna Varin sèchement.
Il pensait aux bureaux… Enfermé pendant des années, sans goûter aux joies de l’espace !
Tout le flanc droit de Gob 1 parut s’embraser. Varin pensa aux navires des temps anciens, que l’on pouvait voir sur de vieilles images conservées dans les musées : ils lançaient leurs projectiles par le flanc, comme Gob 1. En direction du Pluton, une nappe de feu s’étendit en rideau, couvrant sur le radar la position de l’astronef. Varin avait happé à deux mains le dossier métallique du siège du pilote. Mâchoires serrées, il regardait l’écran, attendant que se dissipe le nuage de feu. Chef d’escadre ? Ou bien un bureau sur une planète désertique ? Ou bien, si le Pluton réussissait à passer…, il ne savait quelle vengeance du Conseil.
— Ils sont capables de s’entêter ! grogna-t-il.
Quelqu’un ricana près de lui.
— Personne ne peut s’entêter devant un tel barrage, commandant. Dans les conditions où ils se trouvent, personne ne se lancerait déliebérément dans la mort.
— Ils se savent perdus, de toute façon, murmura Varin.
L’autre s’obstinait.
— Ils sont dans l’état d’esprit d’un gibier traqué par des chiens. Un gibier pacifique… Ils n’ont pas d’armes, vous le savez.
Varin soupira. Trop habile pour avouer qu’on leur faisait faire, à eux, officiers de la Garde, un bien étrange métier – somme toute.
Ils allaient abattre des êtres désarmés – il murmura :
— Les chiens, c’est nous, n’est-ce pas ?
— Oui, répondit l’autre. Nous ne sommes pas autre chose : des chiens de chasse. Et un chien n’a pas à savoir si le gibier qu’il poursuit est innocent. Il l’attrape et lui tord le cou.
Varin ne répondit rien. Springs ajouta :
— D’ailleurs, je suis prêt à parier que nous n’aurons pas leur mort sur la conscience. La réaction de tout homme, c’est de fuir devant la Camarde. Tenez pour certain que le Pluton n’a pas foncé droit dans notre barrage, mais qu’il a obliqué dans la seule direction libre : celle de l’E.I. Bon gré mal gré, il y pénétrera.
Sur l’écran, au-delà du nuage de feu créé par le barrage atomique, un point lumineux apparaissait.
— Tenez, que vous disais-je ? s’exclama Springs.
Le Pluton avait rebroussé chemin et se dirigeait vers le trait noir de l’Espace Interdit.
* *
*
… Robi, comme ses compagnons, avait vu apparaître sur l’écran le nuage de feu entre le Pluton et le croiseur. A mi-voix, il dit :
— Je croyais que leurs projectiles étaient automatiquement guidés vers leur cible ? Apparemment, ils ont explosé à mi-chemin.
Guérik eut un rire sans joie.
— Ils n’ont pas tenté de nous atteindre, affirma-t-il. C’est un simple tir de barrage, afin de nous contraindre à rebrousser chemin et à passer dans l’E.I.
Avec fureur, il gronda :
— On crèvera, c’est entendu, mais on ne passera pas dans l’Espace Interdit !
Comme Stan ne répondait rien, il se retourna. Il n’y avait plus que Robi près de lui. Stan était revenu au fond de l’astronef, près de Kora.
— Il l’aime beaucoup, murmura Robi.
Guérik répondit presque sans desserrer les mâchoires :
— Il l’aime trop. Il serait capable de sacrifier toute l’Organisation pour la sauver. Et ça, ce n’est pas digne d’un chef.
Robi ne répondit rien. Il regardait Stan, qui venait de s’agenouiller une fois de plus près de Kora et soulevait la tête inerte. La jeune femme haletait doucement, sur un rythme d’agonie. Plus rien ne pouvait la sauver. Toute la science de ce monde techniquement avancé était impuissante contre les rayons epsilon. Kora morte, à quoi bon vivre ? Stan n’avait goûté vraiment à l’existence que depuis qu’il connaissait Kora. Auparavant, il n’avait été qu’un « penseur », c’est-à-dire qu’il n’avait pas vécu. La vie, c’est l’amour, non l’action. Il le constatait maintenant, depuis que Kora était perdue.
Brusquement, une idée surgit en lui. Une idée folle. Mais… elle donnait peut-être une chance de sauver Kora. Du moins provisoirement.
Il se releva, revint vers Guérik, sans même voir Robi qui, pour apprendre ce qu’il pensait, attendait qu’il parlât.
— Guérik ! Nous avons encore une chance…
— Je sais, fit Guérik. Une chance sur mille, ai-je dit tout à l’heure. En réalité, c’est une chance sur un million. Avec un peu de bonheur, nous pouvons franchir leur barrage entre deux vagues consécutives de projectiles. La radioactivité n’imprégnera que l’extérieur de la coque du Pluton. Ce n’est pas impossible.
Stan l’interrompit avec impatience.
— Ce n’est pas de cela que je parle. Nous avons encore peut-être une chance de sauver Kora…
Robi, silencieux, lisait dans son esprit. Certes, Stan était un homme intelligent, mais il n’avait pas l’âme d’un chef. Sur la planète où Robi avait été créé régnait une impitoyable civilisation de dictature ; aussi, dans l’un des trois cerveaux de ce robot plus qu’humain, avait-on inséré, comme une protestation muette, les caractéristiques d’un vrai chef. Allan Premier, l’inventeur de Robi, avait longuement étudié l’histoire de sa planète et en était arrivé à des conclusions peu orthodoxes. Tous les grands capitaines, tous les grands chefs d’États, tous les meneurs de foules avaient un point commun : un manque total de scrupules. L’explication de leur réussite était là. Parfois, leur intelligence n’était que moyenne. Ils se hissaient pourtant au premier plan parce que, inlassablement, ils neutralisaient ceux qui auraient pu leur porter ombrage. La plupart des grands hommes n’apparaissaient grands que parce qu’ils avaient nivelé ce qui les entourait, au mépris, d’ailleurs, de l’intérêt de leur peuple.
Or, Stan était bourré de scrupules. En outre, il aimait follement une femme, au point de lui sacrifier tout ce qu’il avait jusqu’alors considéré comme essentiel.
Stan, héros libertaire d’un monde où sévissait la dictature, n’avait aucune chance de réussite. Cela s’inscrivit aussitôt dans la tête de Robi. Mais, chose étrange, ce Stan là n’en devint que plus sympathique. Les circuits de raisonnement de Robi démarraient à partir des notions de bonté, de justice et de liberté. On l’avait construit ainsi. Il existe d’ailleurs des humains de ce genre, qui traînent pendant toute une vie le boulet de l’éducation qu’ils ont reçue.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? grogna Guérik.
Stan répondit à voix basse :
— Les distorsions provoquées par le passage dans l’E.I.
— Tu es fou !
Guérik avait sursauté. Cependant, à la faveur des quelques mots que venait de prononcer Stan, Robi avait appris quelque chose au sujet de l’Espace Interdit.
C’était tout simplement un univers différent de celui dans lequel voguait le Pluton. Différent jusqu’à quel point, Robi n’avait pu le définir encore. D’une façon très vague, il avait lu dans l’esprit de l’autre, d’abord que c’était effroyable, ensuite que les êtres vivants y subissaient de légères distorsions physiques et mentales. La vie n’évoluait pas dans l’Espace Interdit exactement comme dans l’univers tridimensionnel auquel les humains sont accoutumés.
Stan ne pensait qu’à Kora. Dans l’univers habituel, elle était condamnée pour avoir été soumise aux radiations epsilon. C’était une question d’heures, ou, peut-être, de minutes. Mais, dans l’Espace Interdit, comment évoluerait la maladie de Kora ? On ne pouvait le deviner, mais Stan en était certain, l’évolution serait différente. Kora étant condamnée, elle ne pouvait que gagner à pénétrer dans l’E.I.
Guérik reprenait, mâchoires serrées :
Même si Kora s’en tire…, elle sera condamnée comme nous, tu le sais ! On ne sort pas de l’E.I.
— Certains en sont sortis, murmura Stan.
— Il n’y a pas une chance sur un million !
— C’est ce que je veux savoir, reprit Stan, farouche. En attendant, écarte-toi des tirs de barrage.
— Que veux-tu faire ?
Stan s’asseyait près du pilote.
— Note l’heure, Guérik, dit-il d’une voix qui tremblait un peu. Nous avons une chance inouïe. Je vais consulter le Cerveau.
L’autre regardait l’horloge de bord, jurait tout haut.
— Dieux d’Altaïr ! C’est pourtant vrai… Une telle occasion… Oui, appelle-le. Vite ! Tu sais comme les communications sont brèves !
Attentif, Robi avait appris deux choses : qu’il existait, quelque part dans la Galaxie, une intelligence supérieure dont Stan avait eu connaissance par un heureux hasard. Et que cette intelligence consentait parfois à répondre aux questions qu’on lui posait, mais toujours très brièvement et à des heures bien déterminées.
Stan manœuvrait les boutons d’un appareil qui devait être un émetteur d’ondes.
— Cerveau, m’entends-tu ? Nous vois-tu ? Sais-tu dans quelle situation apparemment sans issue nous nous trouvons ?
Quelques secondes s’écoulèrent avant que la réponse ne parvînt. A la vitesse de la lumière ou des ondes hertziennes, cela ne représentait qu’une distance ridiculement faible. Or, Stan n’avait pas réussi à repérer l’emplacement du Cerveau – donc celui-ci était très loin, et donc, dans ce monde où Robi venait d’émerger, on utilisait des procédés de communication infiniment plus rapides que la lumière. Cela donnait une idée du développement technique de cette civilisation.
Une voix mécanique, sans timbre, articula :
— Je vous entends. Je vous vois. Je connais votre situation. Que voulez-vous ?
Stan s’efforçait de rester calme, mais il éprouvait beaucoup de difficultés à parler de façon intelligible.
— Cerveau, la femme qui est allongée au fond de notre astronef a été atteinte par les rayons epsilon. Existe-t-il un moyen de la sauver ?
— Non, répondit avec indifférence la voix mécanique. Toutes les cellules de son corps sont gorgées de radiations epsilon. Elles se dissocieront lentement sous leur action. Dans cet univers, il n’existe aucun moyen d’anéantir les radiations epsilon.
Stan cria :
— Dans cet univers, soit ! Mais dans un autre ? Dans l’Espace Interdit ?
Quelques secondes encore, et la voix paisible :
— Les radiations epsilon ne peuvent exister dans l’Espace Interdit. C’est une impossibilité physique.
— Donc, si nous nous y engageons, le processus de dissociation des cellules sera stoppé ?
— Évidemment. Les radiations cesseront d’exister, puisqu’elles ne peuvent pas exister dans cet univers-là.
— Et Kora sera sauvée ?
— Oui, répondit le Cerveau.
Stan se tourna vers Guérik, le visage illuminé de bonheur.
— Entends-tu ? Entends-tu ?
— Tu parles si j’entends ! grommela l’autre. Mais ça changera quoi ? Une agonie de plusieurs semaines, voilà ce que tu offres à Kora. On ne sort pas de l’Espace Interdit !
Stan secouait la tête. Robi, debout derrière lui, lui effleura l’épaule, du bout du doigt.
— Vous avez la chance d’avoir en ligne un correspondant qui semble remarquablement bien informé, fit-il gentiment. Pourquoi ne pas en profiter jusqu’au bout ?
— Comment cela ?
— Pourquoi ne pas lui demander s’il n’existe pas un moyen de sortir de votre Espace Interdit ?
— Il ne répond jamais à des questions de ce genre, grogna Guérik avec amertume.
— Bah ! Il vous a pourtant affirmé que Kora serait sauvée si nous passions dans l’E.I. ?
— Parce que je le lui avais suggéré, murmura Stan. Comprenez-vous ? Si je lui demandais : « Est-il possible de sortir de l’E.I. de telle ou telle façon ? », il répondrait « oui » ou « non ». Et sans doute m’expliquerait-il pourquoi. Mais si je lui demande : « Comment sortir de l’E.I. ? », il refusera de répondre.
— Voulez-vous me céder la place ? demanda Robi.
Comme Stan hésitait, il le happa d’une main au collet, le souleva sans effort apparent et le posa à deux mètres, comme une poupée de chiffon. Il s’excusa.
— J’ai lu dans votre esprit que la communication sera bientôt coupée… Et j’ai des questions à poser, moi aussi.
Stan n’avait pas encore réagi, que Robi s’adressait au Cerveau.
— Cerveau ? Existe-t-il un moyen de sortir de l’Espace Interdit ?
— Il en existe plusieurs, répondit l’intelligence inconnue.
— Un de ces moyens est-il applicable dans notre cas ?
Le Cerveau déclara, de sa voix monotone :
— Vous en sortirez quand vous voudrez.
Les deux exclamations de Stan et de Guérik impatientèrent Robi qui se retourna et demanda avec sévérité :
— Silence ! Laissez-moi aller jusqu’au bout.
Et, aussitôt, au Cerveau :
— Comment faut-il faire ?
— Je ne puis répondre à cette question, égrena la voix monotone. Je ne puis que juger en pesant les informations que je possède.
— Et, d’après ces informations, tu es sûr que nous pourrons quitter l’Espace Interdit quand nous le voudrons ?
— Oui.
— Facilement ?
— Oui.
Stan, stupéfait, regardait l’appareil de communication, la tête penchée au-dessus de l’épaule de Robi. Quant à Guérik, il avait machinalement mis en marche le pilote automatique et s’était tourné vers ses deux compagnons.
Robi réfléchit très vite, et l’un de ses cerveaux lui suggéra une question très importante.
— Reviendrons-nous dans l’univers où nous nous trouvons actuellement ?
La réponse se fit attendre. Elle vint enfin, tranquille :
— Pas tout à fait.
— Explique-toi ?
— Il y aura d’inévitables distorsions, mais minimes. Il est impossible que vous reveniez exactement dans l’univers que vous occupez. Voyez, par exemple, cette femme qui est avec vous. Dans votre univers, elle est condamnée. Dans l’univers où vous émergerez, elle ne le sera plus puisque les radiations epsilon qui la rongent auront cessé d’exister au cours de votre passage dans l’Espace Interdit. Il y aura ainsi de très légères modifications. Très légères. Il est hautement probable que vous ne les remarquerez même pas, vos sens étant très imparfaits.
« Une autre question », suggérait l’un des cerveaux de Robi…
— Du moins, serons-nous vivants tous les quatre ?
— Je ne sais pas, répondit, paisible, l’intelligence inconnue. Car j’ignore ce que vous ferez dans l’Espace Interdit.
— C’est gai ! grogna Guérik.
Robi lui imposa silence et reprit, à l’intention du Cerveau :
— Ne peux-tu nous fournir aucune indication quant à la façon de sortir de l’Espace Interdit ?
— Je ne le puis.
— Pourtant, tu en connais le moyen !
La réponse le stupéfia.
— Non, disait le Cerveau. Une fois encore, je le répète, je me contente de peser les informations que je possède. Je sais que vous disposez dans votre astronef de tout ce qu’il faut pour revenir dans un univers très proche du vôtre, mais je suis incapable de vous dire ce que vous devez faire. Ce n’est pas mon rôle.
Une seconde s’écoula, puis :
— Le temps qui vous était imparti est écoulé. Je passe sur une autre communication.
Il y eut un déclic, et l’appareil devint muet.
* *
*
Guérik s’essuyait le front. Il jeta un coup d’œil sur l’écran-radar. En direction des quatre croiseurs, l’espace flamboyait. Les tirs de barrage ne cessaient pas.
— Eh bien, fit-il en hésitant, je crois que…
— Fonce droit sur l’E.I., ordonna Stan. Tu as entendu comme moi : nous en sortirons quand nous le voudrons. Et Kora sera sauvée.
Le pilote eut un long soupir et, résigné, reprit les commandes. Robi avait fermé les yeux à demi. Il ne pensait pas à l’Espace Interdit, avec lequel il allait faire connaissance. C’était le Cerveau qui attirait tout son attention. Cette façon de répondre, cette voix mécanique… Il en était persuadé, ce Cerveau-là n’était pas vivant. C’était une machine. Comme lui.
* *
*
… Dans le Gob 1, le commandant Varin, gorge serrée, visage tendu, ne pouvait plus parler. Sur l’écran du radar, le Pluton fonçait droit vers la ligne interdite. « Chef d’escadre ! pensait Varin. A trente-quatre ans ! Mes copains de promotion en feront une jaunisse ! Pourvu que notre gibier ne change pas d’idée…»
Quelqu’un soupira. Sur l’écran, on discernait les trois autres croiseurs lancés, comme le Gob 1, à la poursuite du Pluton.
— Ces salauds-là se sont enfin décidés ! grommela Springs.
Varin réussit à parler.
— Ne soyez pas grossier, Springs. Les chiens grognent, mais n’insultent pas le lapin auquel ils brisent les reins.
— Ça n’empêche pas qu’ils vont crever comme des rats bloqués dans un trou de muraille ! grogna le lieutenant.
Varin lui jeta un regard en biais. Mais il ne répliqua pas. Dès l’instant où le Pluton entrait dans l’E.I., Varin et Springs ne se rencontreraient plus, sinon aux conférences officielles. Pendant une fraction de seconde, Varin imagina l’enfer que deviendrait l’existence sur le Gob 1 lorsque Springs commanderait à bord : un chef prétentieux, sournois et autoritaire…
— Ça y est ! hurla quelqu’un.
Le Pluton venait d’atteindre la ligne noire figurant l’Espace Interdit et, d’un coup, il avait disparu.
Varin ferma les yeux. Il pensait aux étoiles de chef d’escadre. Il sortit en silence. Et le lieutenant Gaspard, qui le suivait, l’entendit murmurer d’une voix bourrue :
— Du diable si, maintenant, je n’ai pas pitié d’eux !