CHAPITRE XI
La pierre était exactement où le Cerveau l’avait indiqué. Robi eut un sourire. Pauvres humains ! Dire que Stan s’imaginait pouvoir le remplacer ! Mais comment Stan ou quelque autre humain quel qu’il soit eût-il dirigé ses pas très exactement vers cette pierre ? Elle n’était pas plus grosse que les autres qui parsemaient la surface du satellite. Elle pesait environ vingt kilos, pas davantage. Et Robi l’avait trouvée aussitôt, grâce aux dispositifs d’orientation inclus dans ses cerveaux.
Il continuait à sourire quand il la souleva. Au-dessous, comme le Cerveau l’avait indiqué, il y avait une anfractuosité, quelque chose comme la tanière d’un petit animal sauvage.
A droite, une arête rocheuse faisait saillie. A gauche, il y avait un creux dans la pierre. Tout cela paraissait normal, naturel. Et cela ne l’était pas. C’était, entre mille autres, l’une des précautions qu’avaient prises ceux qui avaient créé le Cerveau, afin que nul autre qu’un initié ne pût découvrir celui-ci.
Robi, d’une main, souleva l’arête rocheuse, de l’autre, appuya dans le creux. Un panneau pivota, démasquant un couloir dans lequel brasillaient quelques lumières prêtes à s’éteindre.
L’angoisse le saisit. Il n’avait pas pensé à cela : la lumière. Le Cerveau agonisant pourrait-il l’éclairer dans sa tentative ? Sinon, que faire ? Il n’avait pas apporté la moindre lampe électrique.
Il se hâta, avança dans le sombre couloir. Son sourire s’était effacé, mais il n’eut pas le moindre tressaillement et ne se retourna pas quand, derrière lui, le panneau d’accès se referma. Un humain eût peut-être été pris de panique. Robi savait que, logiquement, le Cerveau reprendrait le contrôle total de tous ses mécanismes dès que la matière fissile aurait été glissée dans le réservoir. Or, le Cerveau ne lui voulait aucun mal, bien au contraire.
Le corridor mesurait plus de cent mètres et était en pente assez accentuée. Robi ne put déterminer le matériau qui composait le sol et les parois. Cela avait la dureté du béton et, au toucher, l’apparence d’une douce matière plastique. Et cela ne s’était ni désagrégé, ni fissuré depuis des milliers d’années ; des millions, à en croire le Cerveau « qui revenait de l’avenir ».
A gauche, soudain, il vit une porte ouverte, et un petit réduit vaguement éclairé. Le Cerveau n’avait pas parlé de cette porte ni de ce réduit, aussi Robi ne ralentit-il même pas son allure mais, au passage, il glissa un regard curieux. Il y avait là un siège confortable, fait pour un humain et, devant le siège, un appareil fixé à la paroi, avec, à gauche, un orifice ovale, entouré d’un enjoliveur de plastique. Robi eût parié qu’il s’agissait d’un haut-parleur. L’un de ses cerveaux commença à envisager diverses possibilités… Qu’était ce réduit ? Pourquoi un siège humain ? Pourquoi un haut-parleur ? La réponse était évidente : tout comme le Cerveau pouvait répondre à distance, il le pouvait sur place, dans sa masse même. Il y avait là un appareil de communication semblable à celui que l’on utilisait sur le Pluton.
Deux cents pas encore… Puis les panneaux verticaux qu’avait signalés le Cerveau. Robi en fit coulisser un. Devant lui s’ouvrait un tuyau cylindrique, d’un diamètre de près d’un mètre, qui s’enfonçait presque verticalement. C’était par-là que l’on avait « chargé » les réservoirs énergétiques.
Robi prit, d’une main, le paquet qu’il portait. Il eut un léger frisson, tout comme un humain. Dix kilos de libérium, par suite de la densité considérable de ce métal, représentaient à peine un demi-décimètre cube ! Il y avait une telle disproportion entre l’orifice de chargement et la quantité de matière fissible que Robi allait y laisser glisser qu’il se demandait si… si le Cerveau pourrait s’en contenter !
Il tendit la main, l’ouvrit… Le minuscule paquet commença à rouler dans le tuyau cylindrique, disparut dans la pénombre.
Robi attendit pendant quelques secondes puis haussa les épaules. Etait-il changé, lui aussi, par leur bref passage dans l’Espace Interdit ? Il n’y croyait guère, et pourtant, comment avait-il pu espérer que le Cerveau « accuserait réception » ? C’était évidemment impossible. Cette gigantesque masse de circuits, qui occupait tout l’intérieur du satellite, était incapable de s’exprimer sans le truchement d’un haut-parleur.
Il rebroussait chemin, pensif, quand un de ses cerveaux suggéra de façon insistante :
Le réduit… Le réduit avec le siège pour humain…, l’appareil et le haut-parleur… Il semble être là pour que l’on communique avec quelqu’un… ou avec le Cerveau lui-même. Pourquoi n’essaies-tu pas ?
En effet. Pourquoi ne pas essayer ?
Il entra dans le réduit et s’assit. Du regard, il étudia l’appareil. Le fonctionnement était assurément très simple, puisqu’il n’y avait que deux boutons : un rouge, un vert. Robi, qui avait repris tout son sang-froid, se demanda avec amusement comment un humain daltonien pouvait utiliser cet engin. Il est vrai que, une fois repéré le bouton de mise en marche, et l’autre qui commandait probablement l’arrêt, on ne pouvait commettre d’erreur.
Au hasard, il appuya sur l’un des boutons.
La voix du Cerveau résonna aussitôt, toujours affaiblie, mais parfaitement distincte.
Merci, Robi de planète Mater. Mes circuits spécialisés identifient ton envoi. Il semble que ce soit parfait.
Il y en avait très peu, murmura Robi sur un ton d’excuse.
— Si je me mets en sommeil, c’est-à-dire si je cesse de fournir des renseignements à tous ceux qui possèdent un communicateur, je pourrai subsister pendant des mois.
— Il y a une chose que je ne comprends pas, fit Robi en hésitant. Tu viens de l’avenir. Et donc tu sais parfaitement ce qui va se passer dans les mois qui viennent. En particulier, tu sais si les humains, avec mon aide, parviendront à te… te dépanner.
— Non, fit le Cerveau.
— Mais pourtant, tu as déjà rencontré, dans ton passé, une situation semblable puis-que…
— Non, répéta le Cerveau. Tu connais assurément la théorie des univers parallèles ?
Robi sursauta. Dans un coin de sa mémoire, il y avait, en effet, une référence à cette théorie suivant laquelle, au cours d’un laps de temps bien déterminé, une infinité d’univers coexistaient. Ils n’étaient pas rigoureusement semblables. Dans certains, Robi était là. Dans d’autres, il n’avait jamais existé. Il pouvait y avoir des univers dans lesquels le Pluton avait été détruit par les croiseurs, d’autres dans lesquels il n’était jamais entré dans l’E.I. I…
— Les humains n’ont jamais cru à cela, murmura-t-il.
— Et pourtant, c’est exact, dit le Cerveau. J’ai vécu dans un univers légèrement différent de celui-ci. Dans mon passé, il y a bien eu cassure dans le temps, provoquée par votre passage dans l’E.I… Mais je n’ai pas été renvoyé en arrière. Ce qui fait que j’ignore tout de ce qui peut m’advenir dans l’univers où nous sommes, et qui n’est pas tout à fait celui que tu as connu. Et c’est pourquoi je voudrais que tu fasses tout ton possible pour que les humains consentent à m’apporter du libérium ou tout autre corps du même genre.
— Ce sera fait, tu peux y compter, affirma Robi.
La voix du Cerveau s’affermissait. Avec quelque curiosité, Robi demanda :
— Peux-tu utiliser ce que je t’ai fourni ?
— C’est fait, répondit le Cerveau. Mes circuits spécialisés ont rechargé une petite batterie nucléaire.
Robi réfléchissait, maussade. Les quelques vagues phrases prononcées par le Cerveau et concernant les univers parallèles l’embarrassaient beaucoup. Il eût aimé poser quelques questions à cet extraordinaire amas de souve nirs, mais à quoi bon ? L’univers actuel était légèrement différent de celui qu’il avait connu avant de passer dans l’E.I., et donc le Cerveau ne pourrait répondre avec certitude.
Comme il demeurait silencieux, le Cerveau reprit :
— Je crains de m’être fait mal comprendre. Les modifications dont je t’ai parlé ne concernent qu’une infime partie de ton univers à toi : celle qui a été bouleversée par la cassure de l’Espace Interdit. Malheureusement, je suis pris dans cette zone. Mais au delà, le passé n’a pas été modifié et, si tu veux me poser quelques questions – très vite car je dois ménager mon énergie – je crois que je pourrai y répondre.
— Oui, oh ! oui, fit Robi, soudain radieux. Mais auparavant… De l’intérieur du Pluton, peut-on entendre notre conversation ?
— Non. Mais la réciproque n’est pas vraie, c’est-à-dire que, du réduit dans lequel tu te trouves, on entendrait toute conversation que je tiendrais avec d’autres que toi. Que veux-tu me demander ? Fais vite car je dois ménager mon énergie.
Robi fut un peu pris de court. Il ne savait sous quelle forme poser sa question. Enfin :
Voilà. Je suis pris malgré moi dans une histoire d’Organisation qui lutte contre un Comité des chefs, lequel tient le pouvoir sur la Planète III du système d’Altaïr, et…Résume, je t’en prie ! Je sais tout cela.
— Stan se présente comme le chef de ceux qui veulent la liberté. J’ai été conçu…, fabriqué…, pour aider les humains qui luttent pour leur liberté. Mais je ne sais quoi dans l’attitude de Stan me gêne. Dois-je l’aider ?
Il y eut un temps de silence. Robi allait répéter sa question quand le Cerveau répondit :
— Je ne sais si tu dois l’aider. Mais je suis sûr que tu vas l’aider.
— Ne peux-tu mieux t’expliquer ?
— A quoi bon puisque, de toute façon, tu l’aideras ?
— Soit ! Mais de quelle façon ? Je ne connais rien de la planète III d’Altaïr…
— Il faut que tu l’aides, dit le Cerveau, tout en l’empêchant de conclure une entente avec le Conseil des chefs qui dirige la planète. Souviens-t’en. Si tu agis de cette façon, tout se passera comme dans l’univers que j’ai connu – et tu auras été utile. Sinon, c’est que vous serez aussi dans un univers parallèle, et je n’ai aucun moyen de prévoir les catastrophes qui surviendront. La marge d’erreur est très étroite. Tout est conditionné par ton attitude : aide Stan en tout ce qu’il te demandera, mais empêche-le de s’entendre avec les chefs du Comité. As-tu compris ?
— Oh ! bien sûr, bougonna Robi.
Il s’apprêtait à poser de nouvelles questions quand une voix connue retentit dans le haut-parleur.
— Cerveau, m’entends-tu ?
C’était la voix de Kora.
— Je t’entends, répondit le Cerveau. Que veux-tu ? Fais vite, je dois mesurer jusqu’à la moindre parcelle de mon énergie…
* *
*
… Il n’y avait pas tout à fait deux heures que Robi s’était éloigné du Pluton quand Stan manifesta l’intention de prendre pied sur le satellite. Il ne tenait pas en place. Les désobéissances successives de Guérik, le fait que Robi agissait en maître alors que Kora voyait et entendait tout avaient mis ses nerfs à vif.
Quand il se dirigea vers le sas, Guérik lui demanda doucement :
— Où vas-tu ? Envie de faire un tour, hein ?
— Oui, grogna Stan.
Il regarda vers Kora, mais Kora ne protesta pas. Il ne se rendait même pas compte de ce qu’il en était venu à solliciter l’autorisation de celle qu’il aimait. Il l’avait toujours prise pour une demi-déesse, certes…, mais le passage dans l’E.I. n’avait fait qu’amplifier cette tendance à s’incliner devant les décisions de la jeune femme.
— Ça te gênerait que je vienne avec toi ? demanda Guérik.
— Et pourquoi donc ? Il y a deux combinaisons d’espace.
Ils passèrent dans le sas, s’habillèrent, ouvrirent la vanne, puis l’orifice circulaire de sortie. Stan ne pouvait s’empêcher de songer à « ce Robi », qui courait sur cette terre hostile sans le moindre vêtement protecteur. Ce n’était plus de la hargne qu’il ressentait : c’était presque de la haine.
Guérik sortit le premier. Stan le suivit. Ils firent quelques pas. Ils ne pouvaient pas savoir que Kora attendait cela avec impatience. Dès qu’elle comprit qu’ils étaient sur le satellite, et donc qu’ils ne pouvaient revenir dans l’astronef avant de longues minutes, elle réussit à se lever et, livide, chancelante, au prix d’un violent effort de volonté, elle se dirigea vers le tableau de bord.
Là, elle s’affala plutôt qu’elle ne s’assit dans l’un des sièges. Sa main tâtonna, mit en marche le communicateur.
— M’entends-tu, Cerveau ?
Le Cerveau répondit aussitôt.
— Je t’entends. Que veux-tu ? Fais vite, je dois mesurer jusqu’à la moindre parcelle de mon énergie.
« Et moi de même ! pensa Kora… Aurai-je la force d’aller jusqu’au bout ? »
Tout tournait autour d’elle. Elle respirait avec difficulté. Mais elle eût donné des années de son existence pour connaître la réponse aux questions qu’elle allait poser…, et surtout à la dernière.
— Cerveau, tu reviens de l’avenir…, et donc tu connais tout de ton passé. Sais-tu qui je suis ?
— Évidemment. Tu es Kora, de la Planète III d’Altaïr.
— J’ai été atteinte par les rayons epsilon. Je suis gravement malade. En réchapperai-je ? Vivrai-je longtemps ?
Impassible, le Cerveau répondit :
— Tu en réchapperas. Tu vivras ce que vivent les humains.
Kora eut un long soupir et se détendit. Elle paraissait beaucoup moins lasse quand elle reprit.
— Et Stan ? Cerveau, je te parle avec franchise. Un « initié », qui prétend connaître les secrets de la vie et de la mort, m’a déclaré que Stan allait mourir avant…, attends un peu…, avant un mois ! Entends-tu ?
— J’entends.
— Est-ce vrai ? Puisque tu as devant toi tout le passé de cet univers, tu dois pouvoir…
— Je consulte mes circuits, fit le Cerveau.
Robi, dans le réduit, avait tout entendu. Dans l’immédiat, son raisonnement lui suggérait que Kora lui avait confié son amour pour Batchenko parce qu’elle savait ou, du moins supposait, que Stan allait mourir prochainement. Batchenko deviendrait alors le chef de l’Organisation…, c’est-à-dire que Kora, en réalité, continuerait à diriger. La question de Kora lui fournissait une réponse à certaines de ses préoccupations.
Mais il fut surpris quand le Cerveau lui demanda, par l’intermédiaire du haut-parleur :
— Es-tu toujours là, Robi de planète Mater ? Oui, je te vois… Que dois-je répondre ?
Il y eut en Robi comme un éblouissement. Il comprenait soudain l’utilité de ce réduit, de ce siège et de cet appareil. A une certaine époque, un humain s’était tenu là, et avait dicté ses réponses au Cerveau.
— Que veux-tu dire, Cerveau ? Y a-t-il plusieurs façons de répondre ?
— Non, certes. Mais je pourrais m’abriter derrière des prétextes…, comme je l’ai fait si souvent.
Robi réfléchit puis, doucement :
— Dis-lui la vérité.
— Soit !
Et, déjà, le Cerveau répondait à Kora.
— Il ne s’agit pas d’un mois, mais de quelques jours.
— Quelques jours ! s’exclama-t-elle.
Et, aussitôt :
— Mais… serons-nous revenus à la base secrète ?
La lumière se fit en Robi. Il savait désormais pourquoi Kora lui avait ouvert son esprit comme elle l’avait fait à bord du Pluton pendant que Stan et Guérik étaient absents, pourquoi elle lui avait confié qu’elle n’aimait pas Stan, qu’elle lui préférait Batchenko…, mais qu’elle ignorait si Batchenko l’aimait. C’était tout simple : Kora savait que Stan allait mourir. Dès lors, l’Organisation tombait entre les mains de Batchenko. Et Kora, depuis qu’elle connaissait Stan, s’était accoutumée à diriger l’Organisation. Le vrai chef, c’était elle. Batchenko accepterait-il de suivre ses directives ?
— Tu ne réponds pas, Robi de planète Mater, dit le Cerveau.
Robi comprit que le satellite artificiel lui avait posé une question qu’il n’avait pas entendue, pris comme il l’était par ses pensées.
— Pardonne-moi, Cerveau. Que disais-tu ?
— Dois-je répondre à cette humaine ?
Encore un éblouissement en Robi. Il ne s’était pas trompé : à une certaine époque, un humain, placé sur le siège où il se tenait, avait soigneusement « trié » les réponses du Cerveau. De quels pouvoirs disposait donc cet humain ? Et pourquoi, pendant des millénaires, avait-on cessé de diriger cette inimaginable masse de circuits ? Le Cerveau avait fourni la réponse : les civilisations s’écroulent… Puis l’homme revient et repart de zéro…
— Réponds, Cerveau. Puis fais silence car cette femme te poserait assez de questions pour épuiser les faibles réserves d’énergie que je viens de t’apporter.
Aussitôt, le Cerveau répondit à Kora.
— Vous reviendrez à votre base secrète. Ce n’est pas là que Stan mourra. Si vous ne changez pas d’univers, Stan mourra dans l’Espace Interdit, quelques jours plus tard.
— Dans FE.I. ! cria-t-elle. Mais qu’irait-il faire dans l’E.I. ?
— Je ne sais.
— Et que signifie « si vous ne changez pas d’univers » ?
Robi anticipa sur la question que le Cerveau allait lui poser.
— Ne réponds pas, fit-il. Dis-lui que tu dois couper la communication.
Le Cerveau obéit docilement. Kora protesta, rappela plusieurs fois puis finit par se taire. Robi comprit qu’elle avait regagné sa couchette. Pendant quelques instants, il rêva. Décidément, cette aventure lui plaisait de moins en moins. Il avait affaire à des humains « tordus ». Une femme ambitieuse, qui allait abandonner celui qui l’aimait pour sauter au cou d’un autre – le dauphin, le futur chef. Un homme, Stan, que le passage dans l’Espace Interdit semblait avoir transformé… en mal. Un Guérik, sous-ordre insignifiant… Et cette lutte entre le Conseil des chefs de la Planèt III d’Altaïr et l’Organisation libertaire de Stan… Libertaire ? Jusqu’à quel point ? Robi n’avait pas oublié les déclarations de Stan : ce dernier prétendait gouverner « suivant un juste milieu ». Le type même de l’expression qui ne signifiait rien, ou qui pouvait signifier trop de choses…
— M’entends-tu, Cerveau ?
— J’entends toujours celui qui me parle dans l’appareil qui est devant toi. Que veux-tu, Robi de planète Mater ?
— Je me demande… Oh ! je sais que cela va te sembler bizarre car tu n’as pas, comme moi, des circuits de réactions humaines…, je me demande si je vais suivre ces humains jusqu’à leur base secrète. Je préférerais rester ici, avec toi, et t’aider de mon mieux.
— Non, fit le Cerveau.
C’était inattendu pour Robi, qui avait fini par supposer que ce formidable assemblage de circuits obéissait aux ordres qu’il recevait du réduit.
— Pourquoi, non ? murmura-t-il.
Le Cerveau dit, lentement, et cette lenteur était assurément volontaire :
— Il faut que tu aides Stan dans tout ce qu’il entreprendra. Et que tu l’empêches de s’associer au Conseil des chefs de la Planète III d’Altaïr. Si tu t’en abstenais, c’est que j’aurais commis une grave erreur, c’est que vous ne seriez pas dans l’univers dont je connais le passé, mais dans un univers parallèle. Alors, là, à mon avis, les humains courraient au-devant de terribles catastrophes. Comme moi, tu as été créé pour aider les humains. Ton rôle est de prêter ton concours à Stan, jusqu’au moment-limite où il essaiera de transiger avec les chefs de Planète III. Si tout se passe ainsi, j’aurai la certitude que nous sommes bien dans l’univers dont je connais le passé. Sinon, je n’aurai plus aucune utilité.
Robi rêva puis, doucement, se soumit.
— C’est entendu, Cerveau. Mais… nous nous retrouverons ?
— Je ne sais pas, répondit le Cerveau. Tout dépend de l’univers dans lequel tu surgiras… après ta mort. Peut-être n’y serai-je pas encore… ou n’y serai-je plus… ou n’y aurai-je jamais existé.