Avant-propos

 

Isomorphe à l'homme, le roman devrait normalement pouvoir tout en contenir. C'est à tort par exemple qu'on s'imagine les êtres humains menant une existence purement matérielle. Parallèlement en quelque sorte à leur vie, ils ne cessent de se poser des questions qu'il faut bien - faute d'un meilleur terme - qualifier de philosophiques. J'ai observé ce trait dans toutes les classes de la société, y compris les plus humbles, et jusqu'aux plus élevées. La douleur physique, la maladie même, la faim sont incapables de faire taire totalement cette interrogation existentielle. Le phénomène m'a toujours troublé, et plus encore la méconnaissance qu'on en a ; cela contraste si vivement avec le réalisme cynique qui est de mode, depuis quelques siècles, lorsqu'on souhaite parler de l'humanité.

Les «réflexions théoriques» m'apparaissent ainsi comme un matériau romanesque aussi bon qu'un autre, et meilleur que beaucoup d'autres. Il en est de même des discussions, des entretiens, des débats... Il en est encore plus évidemment de même de la critique littéraire, artistique ou musicale. Tout devrait pouvoir se transformer en un livre unique, que l'on écrirait jusqu'aux approches de la mort ; cela me paraît une manière de vivre raisonnable, heureuse, et peut-être même envisageable en pratique – à peu de choses près. La seule chose en réalité qui me paraisse vraiment difficile à intégrer dans un roman, c'est la poésie. Je ne dis pas que ce soit impossible, je dis que ça me paraît très difficile. Il y a la poésie, il y a la vie ; entre les deux il y a des ressemblances, sans plus.

 

Le point commun le plus évident aux textes réunis ici est qu'on m'a demandé de les écrire ; du moins, on m'a demandé d'écrire quelque chose. Ils ont donc été publiés, dans différents périodiques, puis sont devenus introuvables. Conformément à ce que je viens de dire, j'aurais pu envisager de les recycler dans un roman. J'ai essayé, mais je n'y suis que rarement parvenu ; pourtant, je continue à tenir à ces textes. C'est, en somme, la raison d'être de cette publication.

 

M. H., 2008.