CHAPITRE V

Le festin s'achevait. Olgo, le visage coloré par la bonne chère, regardait ses invités. Sa fille était à sa droite, Marc à sa gauche. Son intendant, un quinquagénaire au visage carré, se tenait à côté du Terrien, tandis qu'une duègne escortait Wanda. Le baron avait voulu honorer Ray pour son courage et il l'avait convié à sa table. Pâtés en croûte, volailles et quartiers de viande rôtie s'étaient succédé. Avec amusement, Marc observait Nancy et Anderson que leurs rôles subalternes confinaient au service. Ils devaient se contenter des restes. Le Terrien feignait de ne pas voir les regards furibonds de la jeune femme.

Lorsqu'un serviteur apporta un flacon d'eau-de-vie parfumée, le baron huma l'alcool puis porta un toast à son hôte.

-Messire Marc, votre venue est un signe du destin. Ce domaine a besoin d'un bras fort pour le protéger. Vous pourriez rester ici et prendre Wanda comme première épouse.

Marc leva son gobelet et répondit gravement :

-Je suis très sensible à votre proposition, qui m'honore. Cependant, avant de l'accepter, je désire accomplir un double devoir. D'abord, je me rendrai à la cour du roi Arth pour lui prêter serment.

Le baron hocha la tête en signe d'approbation.

-De plus, j'ai juré à mon père, sur son lit de mort, de consacrer une année à la recherche du Graal. Ensuite seulement, je serai libre.

-C'est une noble mais redoutable tâche. L'année dernière, j'étais à la cour du roi Arth. Un chevalier avait prêté le même serment, et il n'est jamais revenu. Vous devriez renoncer.

-Je ne puis me délier d'une promesse faite à un mourant. Toutefois je gagnerais du temps, si je savais dans quelle direction chercher.

-Lorsque vous serez au château du roi, il faut vous diriger toujours vers le Nord. A trois jours de marche se trouve un marais. On le dit sans fin et peuplé de créatures monstrueuses. On raconte encore qu'après de nombreux jours de marche se dresse une montagne. C'est là que se tiendrait le Graal. Nul n'a jamais pu l'approcher.

Le baron demeura un long moment silencieux, puis reprit :

-Si un être humain doit réussir dans cette quête, vous serez celui-là, car j'ai pu juger de votre vaillance.

Il se leva.

-Vous avez toute la nuit pour prendre votre décision. Mon âge me contraint au repos. Permettez-moi donc de me retirer. Ma fille vous conduira à votre appartement.

Marc suivit Wanda qui le mena dans une vaste chambre au premier étage. Deux chandelles grésillaient, éclairant un lit de bois recouvert de fourrures. La jeune femme fit asseoir le Terrien sur un tabouret et s'agenouilla pour lui enlever ses bottes. Puis elle l'aida à se dévêtir. Lorsqu'il fut couché, Wanda lui sourit et, d'un geste plein de grâce, dégrafa sa longue tunique. Elle émergea de son vêtement, nue, séduisante.

-Ta bravoure et ton courage méritent une récompense, murmura-t-elle en se glissant contre Marc.

Au contact de ce corps chaud et souple, Marc sentit sa fatigue s'envoler. Il prit Wanda dans ses bras.