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Nous avons joué contre la Lettonie et gagné 1 à 0. Kim Källström avait marqué le but de la victoire et, le lendemain, nous avions une journée libre. Nous étions le 3 septembre, le jour de l’anniversaire d’Olof Mellberg qui avait vingt-neuf ans. Il était le capitaine d’Aston Villa. Je l’avais rencontré au sein de l’équipe nationale et, au début, je pensais qu’il était un peu coincé, comme Trézéguet, mais il s’est détendu et nous sommes devenus amis. Il voulait que nous allions avec Christian Wilhelmsson, alias Chippen, fêter son anniversaire. D’accord, pourquoi pas ?

Nous sommes allés sur Avenyn, l’artère principale de Göteborg, dans un endroit placardé de photos sur les murs. Les journaux en parlaient comme d’une adresse branchée. Je ne voyais pas l’intérêt, il n’y avait presque personne. Nous étions pratiquement les seuls dans la salle et nous nous sommes assis pour prendre un verre, tout à fait décontractés. Je n’étais pas plus emballé que ça mais il fut vite 23 heures. C’est l’heure à laquelle les règles de vie en équipe nationale nous dictent de rentrer. On se disait, quelle importance ? Ils ne vont pas être aussi tatillons. Nous avons donc pris notre temps et sommes rentrés assez tard, sans qu’il y ait le moindre souci. De plus, c’était l’anniversaire d’Olof et nous avions été sobres et sages. À minuit et quart, nous étions allés nous coucher à l’hôtel comme de bons garçons. Voilà à peu près toute l’histoire. Mes amis de Rosengård n’auraient même pas pris la peine de l’écouter si je la leur avais racontée. Franchement, ce n’était rien du tout.

Le seul problème est que je ne peux pas sortir acheter une bouteille de lait sans que les journaux soient au courant. J’ai des espions sur le dos, où que j’aille. Ils envoient des SMS et des photos. « J’ai vu Zlatan dans tel ou tel endroit, ouh là là ! », et pour faire en sorte que ça ne paraisse pas trop plat, ils en rajoutent et en parlent à leurs potes qui exagèrent encore à leur tour. Ça doit avoir l’air cool, au moins un minimum. Ça fait partie du jeu mais, la plupart du temps, on prend ma défense. Qu’est-ce que c’est que ces âneries ? Zlatan n’a absolument rien fait de mal. Mais, pour une fois, les journaux ont été plus malins.

Ils ont inversé les rôles et appelé le sélectionneur. Ils ne lui ont rien demandé à notre sujet, pas même l’heure à laquelle nous étions rentrés à l’hôtel, mais l’ont interrogé sur les règles qui régissent l’équipe nationale. Il n’énonça que la vérité : tout le monde devait rentrer à 23 heures.

« Mais Zlatan, Chippen et Mellberg sont rentrés plus tard que ça. Nous avons des témoins », répliquèrent les journalistes. Si l’entraîneur avait eu un peu de jugeote, il nous aurait défendus. Mais là, il n’a pas eu l’esprit très vif et on ne peut pas lui en vouloir. Qui n’a jamais fait de gaffe ?

S’il avait été plus malin et imité les Italiens, il aurait demandé s’il pouvait les rappeler pour leur donner ensuite une version plausible expliquant pourquoi nous étions sortis un peu plus tard que d’habitude. Par exemple, en prétendant qu’il nous avait donné l’autorisation, ou quelque chose dans ce sens. Tout ça pour dire que nous n’aurions pas été sanctionnés pour cette sortie, pas du tout. Le principe de base devrait toujours être de faire front commun. Nous sommes une équipe et ça ne les aurait pas empêchés de nous punir en interne autant qu’ils voulaient.

Mais le sélectionneur leur avait précisé que personne n’avait le droit de sortir après 23 heures et que nous étions en faute. Ce fut infernal.

On m’appela dès le lendemain matin. « Tu es convoqué à une réunion avec Lagerbäck. » Pour sûr, je n’aime pas les réunions. J’en connaissais toutes les ficelles. J’ai été convoqué depuis la garderie. Rien de plus banal pour moi. C’est l’histoire de ma vie et cette fois je savais de quoi il s’agissait. Ce n’était pas si grave et je ne me faisais pas trop de mouron. J’appelai un type de la sécurité que je connaissais et qui en général était au courant de tout.

« Comment ça se présente ?

— Je pense que tu peux faire tes valises. »

Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire par là. Faire mes valises ? Parce que je suis rentré légèrement en retard ? Je n’arrivais pas à le croire. Puis je me suis fait une raison. Que faire d’autre ? Je rangeai mes affaires et ne cherchai même pas d’excuse. Toute cette histoire était trop ridicule. Pour une fois, la vérité devait suffire. Je n’avais même pas besoin d’y mêler mon frère. Je me suis contenté d’entrer tranquillement et Lagerbäck ainsi que tout l’encadrement de l’équipe nous attendaient, puis Mellberg et Chippen sont arrivés. Ils n’étaient pas aussi relax que moi qui avais l’habitude. J’étais comme à la maison. C’était presque comme si cela me manquait, comme si j’avais été trop sage et que j’aurais pu être un petit peu plus énervé !

« Nous avons décidé de vous renvoyer à la maison immédiatement, débuta Lagerbäck, et tous les autres eurent un mouvement de recul. Qu’est-ce que vous avez à dire ?

— Je m’excuse, déclara Chippen, c’était une connerie, on n’aurait pas dû.

— Je m’excuse aussi, enchaîna Mellberg. Hum… Qu’allez-vous dire aux médias ? » ajouta-t-il et ils se mirent à en discuter entre eux.

Pendant ce temps, je restai silencieux. Je n’avais rien à dire et peut-être Lagerbäck a-t-il pensé que c’était bizarre. Généralement, j’ai la langue bien pendue.

« Et en ce qui te concerne, Zlatan, qu’as-tu à dire ?

— Rien.

— C’est-à-dire, “rien” ?

— Juste rien !

Je remarquai immédiatement que cela les inquiétait. Je suis sûr qu’ils auraient été plus à leur aise si je l’avais ramenée. Ça aurait été plus dans mon style. Pour eux, c’était inédit. Le « rien » les stressait, genre, « Qu’est-ce que Zlatan mijote ? ». Plus ils étaient troublés, plus je me sentais calme. C’était étrange, en un sens. Mon silence rééquilibrait la balance. J’avais la main. Tout me paraissait familier. Je me retrouvais comme dans le grand magasin Wessels. C’était comme à l’école. Comme dans l’équipe junior du Malmö FF. J’écoutai le petit laïus de Lagerbäck expliquant qu’il avait été très clair quand il avait exposé les règles de vie de l’équipe avec le même intérêt que j’écoutais les professeurs à l’école. Tu peux continuer à jacasser, je m’en tape complètement. Cependant, une chose m’irrita profondément.

« Nous avons décidé que vous ne disputerez pas le match contre le Liechtenstein. »

Ne vous imaginez pas que cela m’ennuyait, j’avais déjà plié bagage. Lagerbäck aurait pu m’envoyer en Laponie, je n’aurais pas fait d’embrouilles et, vraiment, qu’est-ce qu’on a à faire du Liechtenstein ? C’est l’utilisation du « nous » qui m’a gonflé. Qui était ce « nous » ?

Il était le patron. Pourquoi se cachait-il derrière les autres ? N’était-il pas un homme pour affirmer « j’ai décidé » ? Alors, j’aurais respecté sa décision, mais ça, c’était de la lâcheté. Je le fixai d’un regard très sombre mais toujours en silence, avant de remonter dans ma chambre pour appeler Keki. C’est dans ce genre de situation qu’on a besoin de sa famille.

« Viens me chercher !

— Qu’est-ce que t’as fait ?

— Je ne suis pas rentré à l’heure. »

Avant de me barrer, je parlai au directeur sportif. Lui et moi avions toujours eu de bonnes relations. Il est celui qui me connaît le mieux dans la sélection, il connaît mes antécédents et ma personnalité. Il sait que je n’oublie pas les choses facilement.

« Écoute, Zlatan. Je ne m’inquiète pas pour Chippen et Mellberg, ce sont des Suédois tout ce qu’il y a de plus normal, ils vont encaisser leur punition et reviendront. Mais toi, Zlatan… J’ai peur que Lagerbäck creuse sa propre tombe.

— On verra. »

C’est tout ce que je répondis. Une heure plus tard, je quittais l’hôtel avec mon petit frangin et Chippen. Il y avait un de mes potes avec nous dans la voiture et, lors d’un arrêt à une station-service, nous avons découvert les titres des tabloïds.

Il n’y avait jamais eu pire battage autour du non-respect d’un couvre-feu ! En gros, c’était comme si on avait vu une soucoupe volante. Les choses allaient se dégrader et, pendant toute cette période, je gardai contact avec Chippen et Mellberg. Je devins un peu paternel avec eux.

« Détendez-vous, les garçons. Dans quelque temps, cela se retournera en notre faveur. Personne n’aime les gentils garçons. »

Mais, sincèrement, toute cette histoire m’agaçait. Lagerbäck et les autres nous mettaient en porte-à-faux avec le reste de l’équipe. C’était ridicule. Il n’y a pas si longtemps, je me suis battu avec un type à Milan. Oguchi Onyewu, c’est son nom. Je vous raconterai plus tard, c’était violent. Bien sûr, personne n’a jamais considéré cette bagarre comme intelligente. Mais la direction prit ma défense en public, en déclarant que j’étais enragé et surexcité, quelque chose dans ce sens. Ils avaient fait front commun. En Italie, c’est comme ça. Ils te défendent en public et te critiquent en privé. Mais ici, en Suède, il faut qu’il y ait les bons et les méchants. Tout cela a été mal géré et je le soulignai à Lars Lagerbäck.

« De l’eau va couler sous les ponts, à mon avis, me répondit-il. Tu seras toujours le bienvenu à ton retour.

— Ah bon ? Eh bien, je ne reviendrai pas. Tu aurais pu me filer une punition. Tu aurais pu faire ce que tu veux. Mais tu as préféré parler aux médias et tu nous as sacrifiés. Je ne marche pas. »

C’était comme ça et pas autrement.

Je refusai la sélection en équipe nationale et je m’ôtai tout ça du crâne. Enfin, presque. On me le rappelait à chaque occasion. Je ne regrettais qu’une chose. J’aurais dû me servir de ce scandale pour tout balancer, puisque de toute façon je n’étais plus dans l’équipe. Pourquoi diable ? Tout ça pour être allé dans un bar avec un verre presque vide et rentré en retard ? Il ne s’agissait que de ça ? J’aurais mieux fait de détruire le bar, d’emboutir une fontaine avec une voiture au beau milieu d’Avenyn et de tituber torse nu dans la ville. Ça, ça aurait été un scandale à mon niveau. Mais là, c’était une farce.

« On ne réclame pas le respect, on l’impose. » Il est facile de se sentir tout petit quand on arrive dans un nouveau club. Tout est neuf et chacun joue déjà son rôle, préserve sa position et parle à sa façon. Ce serait trop facile de se faire discret pour prendre la température. Dans ce cas, on perd l’initiative. On perd du temps. Je suis allé à l’Inter pour m’imposer et faire en sorte que le club gagne le championnat après dix-sept ans de disette. Si tel est le cas, on ne peut pas se cacher ou même être prudent, simplement parce que les médias vous critiquent ou que les gens ont des préjugés. « Zlatan est un mauvais garçon. Zlatan a des problèmes, avec son caractère », et tout ça. Ce serait trop facile d’être ébranlé et d’essayer de montrer que l’on est tout le contraire, un gentil garçon. Mais alors, on se laisse manipuler.

Les événements de Göteborg avaient été colportés par toute la presse italienne et ce n’était pas l’idéal. « Voyez, au prix qu’il coûte, ce type ne respecte rien. » « Ne serait-il pas surévalué ? » Ou carrément : « C’est une erreur de casting. » On racontait tout ça. Le pire étant qu’un soi-disant « expert » suédois déclara : « Tel que je vois les choses, à l’Inter de Milan, ils ont toujours fait d’étranges investissements, ils ne parient que sur des individualistes… Là, ils se sont payé un nouveau problème. »

Mais je pensais à la phrase de Capello. Il faut imposer le respect. C’était comme à Rosengård quand on entrait sur un autre territoire. Il n’est pas question de baisser la tête ou de s’inquiéter des bruits qui courent sur soi à tel ou tel sujet. Bien au contraire, il faut en faire encore plus et assumer pleinement son comportement, celui que j’avais adopté à la Juventus : « O.K., les gars, j’arrive, à partir de maintenant, on va se mettre à gagner ! »

Je fis d’emblée mauvaise impression lors des entraînements. Avec ma mentalité de vainqueur, mon attitude bestiale et cette volonté farouche, j’étais pire que jamais. Sur le terrain, je devenais fou furieux si les autres ne se donnaient pas à cent pour cent. Si nous perdions ou jouions mal, je hurlais, je faisais du boucan, et j’endossais le rôle de leader comme jamais au cours de ma carrière. Ça se voyait dans le regard des autres : c’était à moi de jouer maintenant. J’allais les tirer vers le haut et Patrick Vieira était avec moi. Quand vous l’avez près de vous, tout devient possible. Nous avions le virus de la victoire, nous donnions tout ce que nous avions pour accroître la motivation de l’équipe.

Mais le club rencontrait des problèmes. Moratti, le président-propriétaire, en faisait des tonnes pour l’Inter de Milan. Il avait dépensé plus de trois cents millions d’euros pour acheter des joueurs. Il avait investi sur Ronaldo, Maicon, Crespo, Christian Vieri, Figo et Baggio. Il avait une politique étonnamment agressive. Mais il avait aussi une autre caractéristique. Il était trop généreux, trop gentil. Il nous avait accordé de grosses primes après avoir remporté un simple match et cela me fit réagir, je n’étais pas d’accord. Je n’avais rien contre le fait de gagner de l’argent et les primes. Qui serait contre ? Mais ces bonus tombaient non pas après avoir remporté un titre ou une coupe, il nous les versait après un banal match sans importance.

Il envoyait de mauvais signaux. Je me disais, certes, un joueur ne peut pas s’opposer à Moratti. Il vient d’une vieille famille huppée. Il est puissant. Il représente l’argent même. Mais j’avais acquis une certaine position au club, ce qui fit que je me lançai quand même. Moratti n’est pas un tordu. On peut lui parler facilement.

« Eh !

— Oui, Ibra ?

— Il faut y aller doucement.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— À propos des primes. Les gars pourraient s’en contenter. Un seul match gagné, mince, ce n’est rien. Nous sommes payés pour gagner et, certes, si nous remportons le Scudetto, allez-y, offrez-nous quelque chose de sympa si vous voulez, mais pas après une seule et simple victoire. »

Il avait compris. Mon intention dans tout ça, comprenez-moi bien, n’était pas de faire comme si je pouvais diriger le club mieux que Moratti, pas du tout. Mais si je notais que quelque chose pourrait avoir une influence négative sur la motivation de l’équipe, je le faisais remarquer, et cette histoire de primes n’était pas très grave.

Le vrai défi concernait les clans. Cela m’a perturbé dès le premier jour et pas seulement parce que je suis de Rosengård. Là-bas, tout le monde marche ensemble, Turcs, Somalis, Yougos, Arabes, même si c’est le foutoir. J’avais clairement remarqué que dans le football, à la Juventus comme à l’Ajax, les équipes dont le collectif est soudé réussissent mieux. À l’Inter de Milan, c’était l’inverse. Les Brésiliens restaient dans leur coin, les Argentins dans le leur et nous, les autres, nous étions au milieu. Nos relations étaient superficielles et minimales.

Certes, il arrive que l’on trouve des groupes dans les équipes de football. Mais, au moins, les joueurs se choisissent des amis et les gardent parce qu’ils s’entendent bien. Là, ça se faisait par nationalités. C’est tellement simpliste. À part lorsqu’ils jouaient au football, ils vivaient en vase clos et cela me rendait dingue. Je voulais changer ça sans quoi nous ne pourrions pas remporter le titre. On aurait pu dire : qu’est-ce que ça peut bien te faire de manger avec l’un ou l’autre ? Croyez-moi, ça compte. Si l’on n’est pas unis en dehors du terrain, le jeu s’en ressent.

Cela affecte la motivation et l’esprit d’équipe. En football, les différences entre les équipes sont si minces que ce genre de détail peut devenir un facteur décisif. Il fallait que je fasse cesser tout ça. Personnellement, ce serait un premier grand test. Je savais toutefois qu’il ne suffit pas de belles paroles.

« Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Pourquoi restez-vous assis entre vous comme des écoliers ? » leur demandai-je.

La majeure partie était d’accord avec moi. D’autres étaient un peu gênés mais cela n’eut aucun effet. Il est difficile de changer de vieilles habitudes. Entre eux, ces barrières invisibles étaient trop grandes. Je suis donc monté voir Moratti une nouvelle fois et, cette fois, j’ai essayé d’être aussi clair que possible. L’Inter n’avait pas gagné de titre depuis des lustres. Est-ce que cela allait continuer ? Allions-nous perdre encore juste parce qu’on ne peut pas demander aux gens de communiquer ?

« Bien sûr que non.

— Alors il nous faut casser ces clans. Nous ne gagnerons pas si nous ne travaillons pas en équipe. »

Je ne sais pas si Moratti a vraiment saisi à quel point les choses allaient mal, mais il comprit mon raisonnement. Il était tout à fait d’accord avec cette philosophie.

« À l’Inter, nous sommes une grande famille. Je vais leur parler. » Il ne tarda pas à le faire, ce qui permit de vérifier immédiatement de quel genre de respect il jouissait auprès des joueurs.

Moratti était le club. Il ne prenait pas que les décisions. Il était aussi le propriétaire. Il fit un petit discours. Il était très convaincant, il parlait d’unité et, bien sûr, tout le monde m’observait attentivement. Cela ressemblait à ce que je leur avais déjà dit. Ibra aurait-il balancé ? Je pense que la plupart des joueurs en étaient persuadés. Je m’en fichais. Je voulais juste une équipe soudée et, pendant un temps, l’ambiance s’améliora vraiment. Les clans étaient brisés et on commença à passer du temps ensemble, les uns avec les autres.

Nous étions plus enthousiastes et plus unis. Je faisais le tour, essayant de rassembler encore davantage les troupes. En soi, bien sûr, ce n’est pas ça qui vous fait remporter un championnat. Je me souviens de mon premier match, c’était contre la Fiorentina à Florence. Nous étions le 19 septembre 2006 et, bien sûr, la Fiorentina voulait nous battre à tout prix. Leur équipe avait été mêlée au scandale du foot italien et démarrait la saison avec un handicap de quinze points. Le public du stade Artemio Franchi avait la haine.

L’Inter était sorti du scandale totalement blanchi, ce que pas mal de gens contestaient. Les équipes étaient toutes les deux plus qu’armées pour gagner : la Fiorentina pour retrouver son honneur et nous pour gagner le respect qui nous permettrait de viser le Scudetto.

J’étais aligné d’entrée avec Hernán Crespo en attaque. Crespo était un Argentin qui arrivait de Chelsea et nous faisions tous les deux des bons débuts, du moins sur le terrain. Dès les premières minutes de la deuxième mi-temps, je reçus une longue passe dans la surface et d’une demi-volée j’envoyai la balle dans le but. Vous imaginez ! C’était un tel soulagement ! Pour commencer, grâce à ce but, je m’intégrais de mieux en mieux à l’équipe. Puis il me parut tout à fait naturel de refuser la sélection en équipe nationale suédoise qui jouait un match qualificatif pour l’Euro contre l’Espagne puis l’Islande en octobre. Je désirais me consacrer entièrement à l’Inter et ma famille. Avec Helena, nous comptions les jours. Nous allions avoir notre premier bébé et nous décidâmes qu’elle accoucherait en Suède à l’hôpital universitaire de Lund. Malgré tout, nous avions plus confiance dans le système de santé suédois que dans n’importe quel autre. Mais ce ne fut pas si facile. Ça a fait des histoires.

 

Les médias et les paparazzis nous attendaient. C’était l’hystérie complète et nous avons dû engager des agents de sécurité, avertir la direction de l’hôpital pour qu’ils bouclent la salle 44 de la maternité. On fouillait à l’entrée. À l’extérieur, il y avait des patrouilles de police et nous étions tous les deux nerveux. Il y avait cette odeur particulière d’hôpital. Des gens couraient dans les couloirs et nous entendions leurs cris. Ai-je déjà évoqué mon aversion pour les hôpitaux ? Je les déteste. Je me sens bien quand les gens qui m’entourent vont bien. S’il y a des gens malades autour de moi, je le deviens ou, du moins, j’ai l’impression de l’être. Je ne sais pas pourquoi mais les hôpitaux me donnent mal au ventre. Il y a une ambiance qui fait que généralement je sors de là dès que je peux.

Sauf que là, j’avais décidé d’y rester, d’être présent, et cela me stressait. Je recevais des tas de lettres du monde entier que, d’habitude, je n’ouvre pas. C’est une question d’honnêteté. Depuis qu’il m’est impossible de toutes les lire et d’y répondre, je préfère ne pas les ouvrir. Je ne veux pas de traitement de faveur. Mais, parfois, Helena ne peut pas s’en empêcher et nous découvrons des histoires plus tristes les unes que les autres. Par exemple, il y avait cet enfant malade à qui il ne restait qu’un mois à vivre et qui m’idolâtrait. Helena me demanda : « Que pouvons-nous faire ? On pourrait lui offrir un billet pour un match ? Envoyer un tee-shirt avec un autographe ? » Nous avons essayé de faire quelque chose. Mais ça ne me plaisait pas. C’est une de mes faiblesses, je l’admets, dans cet hôpital, au moment d’éteindre la lumière, cette histoire me préoccupait. Mais je m’inquiétais davantage pour Helena, bien sûr. Elle était très agitée. Ce n’est pas facile de donner naissance à son premier enfant quand vous êtes traqué. Si quelque chose tournait mal, j’en voudrais au monde entier.

Est-ce que quelque chose ne va pas ? Je me figurais un tas de choses. Mais tout se déroula normalement. J’étais heureux, je nageais dans le bonheur. C’était un amour de petit garçon, nous y étions arrivés. Nous étions parents. J’étais père et je n’imaginais pas une seconde qu’un problème puisse surgir, en tout cas pas à l’instant précis où nous étions parvenus à passer cette épreuve, où tous les médecins, toutes ces infirmières, avaient l’air tout aussi heureux. Mais nous étions loin du compte, le scénario réservait quelques surprises.

Nous appelâmes le garçon Maximilian. Je ne sais plus exactement d’où venait cette idée. Mais ça sonnait superbement. Ibrahimoviæ était un nom merveilleux en soi. Maximilian Ibrahimoviæ, c’était encore mieux. C’était la bonté et la puissance réunies mais, bien sûr, nous allions finir par l’appeler « Maxi », ce qui était tout aussi bien. L’avenir était radieux et je quittai l’hôpital presque aussitôt. Ce qui ne veut pas dire que ce fut facile, loin de là. Au-dehors, les journalistes étaient partout. Mais le mec de la sécurité me couvrit d’une blouse blanche, genre, « Docteur Ibrahimoviæ ». Il me fit monter dans un panier à linge, un immense panier, où je me mis en boule, puis on m’a poussé dans les passages et les couloirs jusqu’au parking du sous-sol. Une fois en bas, je me suis extirpé de là, je me suis changé et j’ai pris la direction de l’Italie. On n’y a vu que du feu.

Les choses ne se passèrent pas aussi bien pour Helena. Ce n’était pas facile pour elle. La naissance avait été compliquée et elle n’avait pas l’habitude comme moi de tout ce remue-ménage. Personnellement, je n’y pensais presque plus. Cela faisait partie de ma vie. Mais Helena stressait de plus en plus et, avec Maxi, ils furent emmenés en cachette à bord de deux voitures différentes chez ma mère à Svågertop. Nous pensions qu’elle pourrait souffler un peu là-bas. Comme nous étions naïfs. Les journalistes ne mirent qu’une heure pour se rassembler à l’extérieur de la maison et Helena se sentit comme traquée. Dès qu’elle le put, elle prit l’avion pour Milan.

J’étais déjà là, prêt à jouer un match contre le Chievo Vérone à San Siro. J’étais remplaçant. Je n’avais pas beaucoup dormi. Roberto Mancini, notre entraîneur, pensait non sans raison que je n’étais pas en possession de tous mes moyens. J’avais l’esprit ailleurs. Je regardais vers la pelouse puis en hauteur vers les spectateurs. Les Ultras, les supporters les plus fanatiques de l’Inter, avaient suspendu une immense banderole qui tombait des tribunes. Cela ressemblait à une grande voile battant au vent et il y avait une inscription à la bombe sur la toile, en lettres noires et bleues. Benvenuto Maximilian, ce qui signifie « Bienvenue Maximilian », et je me demandai : mais qui diable est ce Maximilian ? Possédions-nous un joueur qui portait ce nom-là ?

Puis je compris. Il s’agissait de mon fils. Les Ultras souhaitaient la bienvenue à mon petit garçon chéri ! C’était si beau que j’avais envie de pleurer. Ces supporters ne sont pas des plaisantins. Ce sont des mecs durs, il m’arrivera d’avoir affaire à eux un peu plus tard. Mais là, que dire ? C’était l’Italie dans ce qu’elle a de meilleur, avec leur amour du football et des enfants. Je pris une photo avec mon portable pour l’envoyer à Helena et, sincèrement, peu de choses l’ont si profondément touchée. Elle en a encore les larmes aux yeux quand elle en parle. C’était comme si San Siro lui envoyait tout son amour.

Nous avions également un nouveau petit chiot. Nous l’avons appelé Trustor, à cause de l’affaire du même nom en Suède où des gens avaient détourné tout l’argent d’une société financière. J’avais donc dorénavant une vraie famille. J’avais Helena, Maxi et Trustor.

À cette époque, je jouais tout le temps à la Xbox. Beaucoup trop. Une vraie drogue. Je ne pouvais pas m’arrêter et, souvent, je m’asseyais avec le petit Maxi sur mes genoux et je jouais.

À Milan nous vivions à l’hôtel en attendant que notre appartement soit aménagé et, quand nous sonnions pour commander à manger, on se rendait bien compte qu’ils ne nous supportaient plus, et nous non plus d’ailleurs. Cet hôtel nous tapait sur les nerfs et nous avons donc déménagé à l’hôtel Nhow sur la Via Tortona, qui était bien mieux mais où tout était aussi chaotique.

Tout était nouveau avec Maxi et nous avions remarqué qu’il vomissait beaucoup, qu’il ne grossissait pas, voire le contraire. Il maigrissait. Mais aucun de nous deux ne savions comment interpréter cela. Peut-être était-ce normal. On dit que les enfants perdent parfois du poids quelque temps après leur naissance et il avait l’air costaud, non ? Pourtant il rejetait son lait et son vomi paraissait épais et étrange. Il avait des renvois tout le temps. Est-ce que c’était normal ? Nous n’en avions pas la moindre idée, ce qui me fit appeler ma famille et des amis qui me rassurèrent tous, persuadés que ce n’était rien de grave. C’est aussi ce que nous pensions, ou du moins c’est ce que je préférais me dire, mais je tentai de trouver une explication.

Tout va bien. C’est mon garçon. Que pouvait-il lui arriver ? Cependant, je ne cessais de m’inquiéter. Il devint de plus en plus évident qu’il ne pouvait rien ingurgiter, il perdit encore plus de poids. Il pesait un peu plus de trois kilos à la naissance. Il ne faisait plus que deux kilos trois cents et je sentais au plus profond de moi que ce n’était pas bon, pas bon du tout, et je ne pouvais pas tenir comme ça plus longtemps.

« Helena, quelque chose ne va pas !

— Je le pense aussi, mais quoi ? »

J’avais d’abord eu un doute, un pressentiment. J’en étais désormais persuadé et la pièce commença à vaciller. J’étais dans tous mes états. Je n’avais jamais rien vécu de tel, loin de là. Avant, quand j’étais gosse, j’étais monsieur Intouchable. Je pouvais être en colère, furieux, ressentir toutes les émotions possibles. Mais il suffisait que je les combatte pour qu’elles disparaissent. Mais là, rien de comparable. J’étais impuissant. Même avec l’habitude, je n’arrivais pas à me sentir mieux. Je ne pouvais pas lutter.

Maxi devint de plus en plus faible. Il était si malingre qu’il n’avait que la peau sur les os. C’était comme s’il n’avait plus la force de vivre et, pris de panique, nous avons passé des coups de fil un peu partout avant qu’un médecin, une femme, n’entre dans notre chambre d’hôtel. Je n’étais pas là. J’avais un match à jouer. Je pense que nous avons eu de la chance.

La femme examina son vomi. Elle l’ausculta et, reconnaissant les symptômes, décréta immédiatement : « Vous devez l’emmener à l’hôpital tout de suite. » Je m’en souviens très clairement. J’étais avec l’équipe. Nous jouions contre Messine à domicile et mon téléphone sonna. Helena était toute retournée : « Ils vont opérer Maxi, c’est urgent. » Et j’ai pensé : va-t-il mourir ? Est-ce possible ? Toutes sortes de questions angoissantes me passaient par la tête et j’expliquai tout à Mancini. Comme beaucoup d’autres entraîneurs, c’était un ancien joueur et il avait débuté sa deuxième carrière sous les ordres de Sven-Göran Ericksson à la Lazio. Il comprit. Il avait du cœur.

« Mon fils est malade. » Il vit immédiatement dans mes yeux que j’étais bouleversé.

Je n’avais plus du tout l’esprit d’un vainqueur. J’avais Maxi en tête et rien d’autre, mon petit garçon, mon fils adoré, il fallait que je décide seul : allais-je jouer ou non ? J’avais marqué six buts depuis le début de la saison et durant ces matchs j’avais été plutôt bon. Mais là… Que faire ? Il était encore plus évident que Maxi ne se porterait pas mieux que je sois remplaçant ou pas. Et puis, serais-je capable de jouer correctement ? Je ne savais pas. Mon cerveau bouillonnait.

J’avais des nouvelles d’Helena régulièrement. Elle avait foncé à l’hôpital et apparemment tout le monde criait autour d’elle mais personne ne parlait anglais et Helena ne connaissait que quelques bribes d’italien. Totalement paumée, elle ne comprenait rien d’autre à part qu’il y avait urgence. Un médecin lui demanda de signer des papiers. Quelles sortes de documents ? Elle ne savait pas. Mais on n’avait pas le temps de réfléchir. Elle signa. Dans ce genre de situation, je pense qu’on signerait n’importe quoi. Puis on lui présenta d’autres papiers. Elle les signa aussi et Maxi, lui, fut emmené et ce fut douloureux, je le comprends.

Que se passait-il ? Elle était dans un état de confusion totale et Maxi devenait de plus en plus faible. Mais Helena serrait les dents. Il n’y avait que ça à faire. Il fallait faire avec et il n’y avait plus qu’à espérer, tandis que Maxi était transporté dans une autre pièce avec des médecins et des infirmières et tout un tas d’instruments. Elle saisit progressivement ce qui n’allait pas. Son estomac ne fonctionnait pas normalement et il fallait une intervention chirurgicale.

De mon côté, j’étais au stade San Siro avec ces dingues de supporters et il n’était pas facile de me concentrer sur quoi que ce soit. Mais j’avais décidé de jouer. J’étais titulaire. Du moins, il me semble. Tout est un peu flou et je me doute que je ne devais pas très bien jouer. Comment aurais-je pu ? Je revois Mancini, debout, en train de me faire des signes du bord la touche pour me dire : « Je te sors dans cinq minutes », et j’opinai. Oui, il fallait que je sorte. Ça ne servait à rien.

Mais, la minute suivante, je marquai un but. Va te faire voir, Mancini ! Essaie donc de me sortir maintenant ! Je poursuivis donc et nous avons largement gagné. En rage et plein d’inquiétude, je me suis barré dès la fin du match. Dans le vestiaire, je n’ai pas prononcé un mot et j’arrive à peine à me souvenir du trajet en voiture. Mon cœur battait. Je me souviens des couloirs de l’hôpital, de l’odeur qui y régnait et comment j’ai déboulé là-dedans en demandant : Où ? Où ? Je me souviens comment, enfin, j’ai trouvé mon chemin pour atteindre une immense salle où Maxi était allongé dans une couveuse au milieu d’autres enfants. Il était plus maigre que jamais, comme un petit oiseau. Des tubes lui entraient dans le corps et le nez. Mon cœur cognait dans ma poitrine, je le regardais, puis Helena, et que pensez-vous que j’ai fait ? Auriez-vous reconnu la petite frappe de Rosengård ?

« Je vous aime tous les deux », dis-je. Mais je ne gérais pas. J’allais disjoncter. « Appelle-moi s’il se passe la moindre petite chose », et je sortis de là.

Ce n’était pas très élégant de faire ça à Helena. Elle était seule avec lui. Mais je ne supportais pas. Je commençais à paniquer. Je détestais les hôpitaux plus que jamais et je retournai à l’hôtel où, sans doute, j’ai dû jouer à la Xbox. D’habitude, dans ce genre de situation, cela me calme. Toute la nuit, je suis resté allongé avec le téléphone près de moi et, parfois, je me réveillais d’un coup comme si quelque chose de terrible allait arriver.

Mais tout allait bien. L’opération avait réussi et Maxi, depuis, va très bien. Il a une cicatrice sur le ventre. Sinon, il est en aussi bonne santé que la plupart des enfants et il m’arrive de repenser à cet épisode. Pour être honnête, cela me fait prendre du recul.

Lors de cette première année à l’Inter, nous avons remporté le Scudetto. Un peu plus tard, en Suède, j’étais nominé pour le prix Jerring. Il n’y a pas de jury pour en déterminer le vainqueur, c’est le public qui vote. On élit l’athlète suédois ou l’équipe qui a réalisé l’exploit de l’année et, logiquement, ce type de récompense revient presque chaque fois à des athlètes de sports individuels comme Ingemar Stenmark en ski alpin, Stefan Holm en athlétisme, ou Annika Sörenstam en golf. Cependant, je dois dire qu’une équipe l’avait remporté. L’équipe nationale suédoise de football l’avait reçu en 1994. Mais, en 2007, j’étais nominé en mon seul nom.

Nous étions à la cérémonie de gala, Helena était avec moi, je portais un smoking et un nœud papillon et, avant que le prix ne soit décerné, je me baladai un peu dans la salle et je tombai nez à nez avec Martin Dahlin.

Martin Dahlin est un ancien joueur, un des plus grands. Il était dans l’équipe qui avait terminé troisième de la Coupe du Monde et avait reçu le prix Jerring en 1994. Il avait été pro à la Roma et au Borussia Mönchengladbach et avait marqué des tas de buts. Mais comme toujours, ça ne changera jamais, une génération s’oppose à une autre. Les anciens veulent toujours être les meilleurs de tous les temps. Et les jeunes aussi. Nous ne voulons pas que les vieilles stars nous fassent de l’ombre et je ne veux surtout pas entendre des choses comme « tu aurais dû voir ça à notre époque », des bêtises pareilles. Pour nous, il s’agit de jouer du mieux possible au football pour ce qu’il est aujourd’hui. Et j’ai perçu quelque chose de sarcastique dans la voix de Martin quand il m’a lancé : « Oh ! Tu es ici ? »

Pourquoi, je ne devrais pas ?

« Et toi ? répliquai-je avec la même ironie, feignant d’être surpris qu’on les ait laissés entrer, lui et les autres.

— Nous avons gagné le prix en 1994.

— En tant qu’équipe, ouais. Moi, je suis nominé tout seul. »

J’avais répondu en souriant et ce n’était rien, juste un peu de provocation.

Au même moment, une sensation me traversa le corps : je veux ce prix. Je le glissai à Helena en revenant à notre table : « S’il te plaît, croise les doigts pour moi. » Je n’avais jamais dit une chose pareille auparavant, même pas pour un titre ou une coupe. Mais c’était sorti comme ça. Cette récompense devenait tout d’un coup importante, comme si quelque chose en dépendait. Je ne pourrais pas l’expliquer. J’ai reçu tout un tas de prix mais cela ne m’avait jamais autant affecté et, peut-être, je ne sais pas, peut-être compris-je que ça pouvait être la consécration, le signe que j’étais véritablement accepté, non seulement en tant que footballeur mais comme individu, en dépit de tous mes excès et de mon passé. J’étais donc complètement sur les nerfs quand ils sont montés sur la scène pour donner les résultats.

Nous étions trois, Susanna Kallur, cette fille qui saute des haies, et la skieuse Anja Pärson. Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Pour les Guldbollen, j’étais prévenu à l’avance, car dans ces occasions je ne voulais pas monter sur scène pour rien. Là, je ne savais rien et les secondes filaient. Alors, tu accouches ! Et le vainqueur est…

On prononça mon nom et j’en aurais chialé, croyez-moi, je ne pleure pas facilement. Je ne me suis pas trop entraîné à ce genre de truc pendant mon enfance mais là, vraiment ému, je me levai. Tout le monde criait et applaudissait. Ça grondait autour de moi et je croisais encore Martin Dahlin à qui, cette fois, je n’ai pas pu m’empêcher de dire : « Excuse-moi, Martin, je vais juste chercher mon prix. »

Sur la scène, le prince Carl Philip me remit le prix et je m’emparai du micro. Je ne suis pas du genre à préparer des discours de réception longtemps à l’avance, pas du tout. Alors que je commençais à parler, voilà soudain que je me mis à penser à Maxi et à toutes les choses que nous avons vécues avec lui et je me suis dit, c’est vraiment étrange en fait. Je venais de remporter ce prix pour avoir contribué à décrocher le Scudetto avec l’Inter, le premier depuis dix-sept ans, et j’étais en train de me demander si Maxi était plutôt né durant la saison en cours, donc pas forcément la même année, ou durant la saison où nous avions remporté le titre. Tout d’un coup, je ne savais plus et je le demandai à Helena. Je la fixai et elle n’arriva même pas à me faire un signe de tête.

Elle avait des larmes plein les yeux et, croyez-moi, je ne l’oublierai jamais.