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Ça ne me gênait pas spécialement d’être seul. Si j’avais appris quelque chose dans ma jeunesse, c’était bien de me débrouiller. Et puis je me prenais toujours pour le mec le plus cool d’Europe.

Transféré pour une somme record, j’étais donc devenu un professionnel. N’empêche que ma petite maison était vide. Je me sentais loin de tout. Il n’y avait aucun meuble, rien qui puisse faire que je me sente chez moi, et le frigo allait lui aussi très rapidement se vider. Je ne paniquais pas, je ne revivais pas mon enfance, ce n’est pas ça. Ce n’est pas le problème. À Lorensborg, le frigo était aussi vide. Je pouvais m’en sortir avec rien. Et, même à Malmö, je n’ai jamais souffert de la faim. Entre autre parce que je me ravitaillais au Kulan, le restaurant du Malmö FF, où je chapardais souvent du rab que je planquais dans mon survêtement, un yaourt ou autre qui me permettait de tenir le soir, mais aussi grâce à ma mère à Cronmans Väg et à mes potes.

À Malmö, en général, je n’avais pas besoin de cuisiner ou de m’inquiéter pour un frigo vide. Mais là, à Diemen, j’étais revenu à la case départ. Pour un professionnel, c’est ridicule. Il n’y avait même pas un paquet de cornflakes et je n’avais que très peu de fric sur moi alors, je m’asseyais, là, dans ma maison mitoyenne sur mon drôle de lit, et j’appelais à peu près tous ceux que je connaissais : mes potes, mon père, ma mère, ma sœur et mon petit frère. J’ai même appelé Mia alors que nous étions séparés. « Vous ne voudriez pas venir ? » Je me sentais seul, agité et j’avais faim. Finalement, j’appelai Hasse Borg.

Je pensais qu’il pourrait s’entendre avec l’Ajax, pour qu’il me prête un peu d’argent que l’Ajax lui rembourserait plus tard. Je savais que Mido avait fait un truc similaire avec son ancien club. Mais ça ne marchait pas. « Je ne peux pas faire ça, refusa Hasse Borg. Tu dois te débrouiller seul. » Ça m’a rendu fou.

Il m’a vendu, ne pouvait-il pas m’aider dans une situation pareille ?

« Pourquoi non ?

— Je ne peux pas.

— Et où sont passés mes dix pour cent ? »

Je n’obtins aucune réponse et je me mis en colère – d’accord, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. Je n’avais pas compris qu’il me fallait attendre un mois avant de toucher mon premier salaire. Puis j’ai eu un souci avec ma voiture. Ma Mercos décapotable. Elle avait des plaques suédoises et je ne pouvais pas l’utiliser en Hollande. Je venais juste de la recevoir et le but était de me balader dans Amsterdam ; or, maintenant, il me fallait la vendre et en commander une autre (une SL 55), ce qui n’arrangeait pas mes finances.

Je me retrouvais là, à Diemen, dépouillé et affamé. Et mon père m’avait passé un savon, soulignant qu’il fallait être crétin pour acheter une voiture quand on n’avait pas d’argent et, bien sûr, il avait entièrement raison. N’empêche, ça ne m’aidait pas. Je n’avais toujours pas de cornflakes à la maison et j’ai toujours détesté les frigos vides.

C’est alors que je me rappelais le Brésilien de l’aéroport. Il y avait pas mal de nouveaux joueurs cette saison-là. Il y avait moi, Mido, et lui, Maxwell. Je traînais un peu avec eux deux, pas seulement parce que nous étions des nouveaux joueurs, mais parce que je me sentais mieux avec les Noirs et les Sud-Américains. Ils étaient plus drôles, je les trouvais plus peinards et moins envieux que les autres. Les Hollandais ne voulaient rien tant que se barrer pour aller jouer en Italie ou en Angleterre et donc, ils s’épiaient tout le temps – genre, « qui a la meilleure chance ? » – tandis que les Africains et les Brésiliens étaient globalement contents d’être là. Genre, « waouh ! nous allons jouer à l’Ajax ? ». Je me sentais plus à ma place avec eux, j’aimais leur sens de l’humour et leur attitude. Maxwell ne ressemblait en rien aux autres Brésiliens que je croiserais par la suite.

Ce n’était pas une bête de scène, pas le mec qui a besoin de partir en vrille régulièrement, pas du tout, c’était une personne sensible, proche de sa famille, qu’il appelait sans arrêt. C’était un gars gentil jusqu’au bout des ongles et si je n’avais qu’un reproche à lui adresser, je dirais qu’il est trop gentil.

Je lui téléphonai :

« Maxwell, je suis dans une situation critique, je n’ai même pas un paquet de cornflakes chez moi. Est-ce que je peux venir chez toi ?

— Bien sûr, amène-toi. »

Maxwell habitait à Ouderkerk, une petite ville de seulement sept ou huit mille habitants et je déménageai chez lui. Je dormis par terre, sur un matelas, pendant trois semaines, avant de recevoir ma première enveloppe, c’était le bon temps. Nous cuisinions ensemble et discutions de nos séances d’entraînement, des autres joueurs, de nos vieux restés au Brésil et en Suède. Maxwell parlait un bon anglais. Nous discutions de sa famille, de ses proches. Je me souviens de ça en particulier parce qu’un de ses frères trouverait la mort dans un accident de voiture peu après. C’était affreusement triste. J’aimais beaucoup Maxwell. J’arrivais à peu près à m’en sortir tant que j’étais chez lui et les choses se détendirent progressivement. Je retrouvais mes sensations, ce que je faisais était excellent, et je fis de bons débuts à l’occasion d’un match avant la reprise. J’avais planté des buts à l’équipe d’amateur que nous rencontrions et j’avais réussi de nombreux petits gestes, exactement comme je le voulais. L’Ajax était connu pour pratiquer un football agréable, technique, et les journalistes écrivirent d’emblée des commentaires comme : « Bien, bien, bien, on dirait qu’il les vaut ces quatre-vingt-cinq millions de couronnes. » Je remarquai également que l’entraîneur, ce Co Adriaanse, était dur avec moi. Je pensais que c’était son style. J’avais entendu tellement de choses sur lui.

Après chaque match, il nous donnait des notes sur dix et, une fois que j’avais marqué des tas de buts, il dit : « Tu as marqué cinq buts mais tu as aussi raté deux passes. Ça fait cinq sur dix. » O.K., le niveau est élevé ici, me dis-je. Mais j’en suis resté là car, en fait, rien ne m’arrêterait. D’autre part, c’était la première fois que je rencontrais un type qui n’avait aucune idée de qui j’étais.

« Est-ce que tu te sens à la hauteur ?

— Ce n’est pas à moi de répondre à ça.

— Est-ce que les supporters adverses te sifflent et se fichent de toi ?

— Ah ça oui !

— O.K., tu es assez costaud alors. »

Je n’ai jamais oublié cette réplique.

Un joueur qui croit en lui est capable de subir les huées et les insultes. C’est comme ça que ça marche.

Fin juillet, le Tournoi d’Amsterdam démarrait. En Hollande, c’est un classique du calendrier, juste avant la reprise du championnat. Cette année-là, Milan, Valence et Liverpool y prenaient part, ce qui était évidemment fantastique.

J’avais l’occasion de me montrer au niveau européen et je me rendais compte immédiatement – grands dieux ! – que cela n’avait rien à voir avec l’Allsvenskan. À Malmö, balle au pied, j’avais tout le temps que je voulais. Là, ils étaient tout de suite sur moi. Tout allait plus vite.

Pour le premier match, nous affrontions Milan. Milan traversait une mauvaise passe à ce moment-là. Mais le club avait dominé le football européen dans les années 1990 et n’avait pas trop à s’en faire avec des défenseurs comme Maldini. Je me suis vraiment défoncé et j’ai obtenu quelques coups francs, des applaudissements en faisant quelques jolis mouvements. Mais c’était dur et nous avons perdu 1 à 0.

Le deuxième match nous opposait à Liverpool. Le club avait remporté cette année-là sa troisième coupe d’affilée et ils avaient probablement la défense la plus forte de la Premier League avec Sami Hyypiä, un Finlandais, et Stéphane Henchoz, un international suisse.

Henchoz était à son meilleur niveau. Un incident faisait parler de lui dans le milieu du foot. Lors de la finale de la Coupe d’Angleterre, il avait arrêté d’une main un tir qui allait au but et ce vilain geste avait complètement échappé à l’arbitre, ce qui contribua à la victoire de Liverpool.

Lui et Hyypiä me collaient comme des sangsues. Un peu plus tard dans le match, du côté du drapeau de corner, je trouvai le chemin des filets, je rentrai dans la surface où se tenait Henchoz. Il me bloqua en me ramenant vers le but. Bien sûr, j’avais plusieurs solutions. J’étais dans un angle fermé mais je pouvais centrer ou passer en arrière, voire essayer de marquer.

Je tentai une feinte avec un pied, un de ces trucs géniaux que Ronaldo et Romario font souvent, un de ceux que j’étudiais sur l’ordinateur quand j’étais junior et que j’avais pratiqué pendant des heures et des heures jusqu’à ce que je sois capable de les reproduire les yeux fermés et je n’avais même plus besoin d’y penser quand je les sortais de ma boîte à outil. Cela venait naturellement. Ce coup-là s’appelait « le serpent » parce que si vous le faites très vite, c’est comme un serpent qui vous glisserait le long du pied. Mais ce n’est pas si facile à faire. Vous devez placer l’extérieur du pied derrière la balle et rapidement le faire passer à droite et d’un coup sec l’orienter avec le bout de la chaussure vers la gauche, passer au-dessus, rapide comme l’éclair, en contrôlant parfaitement le ballon collé à votre pied, comme un joueur de hockey love le palet dans sa crosse.

J’utilisais cette astuce très souvent à Malmö en deuxième division mais je ne l’avais jamais exécutée contre un défenseur de classe mondiale comme Henchoz. J’avais déjà ressenti ça contre Milan, l’ambiance m’incitait à le tenter. Il était bien plus amusant de dribbler face un type comme lui et les choses se précisaient. Zig, zag, et je marquai. Stéphane Henchoz était parti vers la droite et n’a pas pu suivre la balle que je glissai derrière lui. Toute l’équipe de Milan assise le long de la ligne de touche se leva et hurla. L’ensemble de l’Amsterdam Arena hurla.

Ça, c’était du spectacle. Après le match, je fus encerclé par les journalistes et je balançai cette phrase que, je vous jure, je n’avais pas préparée. J’en dirai bien d’autres avant de devenir plus prudent avec les médias mais c’est sorti comme ça : « D’abord je suis allé à gauche, et il m’a suivi. Puis je suis allé à droite et lui aussi. Puis j’ai repris à gauche et il est parti s’acheter un hot dog. » Cela était repris partout et la citation devint célèbre. Quelqu’un s’en est même servi pour une pub et on disait que Milan s’intéressait à moi. On m’appelait le nouveau Van Basten, et j’en passe, je me sentais super bien. J’étais le Brésilien de Rosengård et, vraiment, cela aurait dû être le départ d’une merveilleuse saison.

Pourtant, des jours sombres se profilaient et, avec le recul, les signaux étaient au rouge dès le début – en partie à cause de moi, je n’avais pas pris ma bêtise en considération.

Je rentrais à la maison trop souvent et je me suis mis à perdre du poids et à devenir filiforme. Mais il y avait aussi l’entraîneur, Co Adriaanse. Il me critiquait publiquement. Pas sérieusement, au début. Cela empira par la suite, après qu’il eut été viré. Il déclara que ça n’allait pas bien dans ma tête. À ce moment-là, et avant, il déblatérait juste les trucs ordinaires, que j’étais trop personnel, et je commençais à me rendre compte que même mes feintes contre Henchoz n’étaient pas forcément appréciées à l’Ajax tant que cela ne se traduisait pas par des résultats concrets.

Au contraire, tout ce que je faisais pouvait être perçu comme une tentative de se faire remarquer et de frimer devant les spectateurs plus que d’être au service de l’équipe. À l’Ajax, on jouait avec trois attaquants au lieu de deux. J’étais avant-centre. Il ne fallait pas papillonner sur les côtés et jouer personnel. J’étais plutôt censé être un finisseur, celui qui se met en pointe, réceptionne les passes et, surtout, marque. Pour être honnête, je commençais à me demander si tous ces clichés à propos du football hollandais, qui serait prétendument plus amusant et technique, étaient toujours vrais. On aurait dit qu’ils avaient décidé de se conformer à ce qui se faisait partout ailleurs en Europe, mais il n’était pas facile de s’en apercevoir.

Beaucoup de choses étaient nouvelles pour moi et je ne comprenais ni la langue ni la culture et l’entraîneur ne me parlait pas. Il ne parlait à personne. Il était complètement impassible. Il prenait mal le fait que je le regarde droit dans les yeux et je perdis mon style. Je ne marquais plus de but et je ne bénéficiais pas de mon excellente période de préparation. En fait, c’était tout le contraire. Les titres des journaux et les comparaisons avec Van Basten se retournaient contre moi et je commençais à être considéré comme une déception, une mauvaise acquisition. Je fus remplacé en attaque par Nikos Machlas, un Grec avec qui je sortais pas mal et, dans ce genre de situation, quand on m’écarte et que je perds la forme, je me prends la tête. Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Comment vais-je me sortir de là ?

Je suis comme ça.

Je ne suis pas le genre à me pavaner en clamant « C’est moi Zlatan ! », pas du tout. J’avais la sensation qu’un film passait en permanence dans mon esprit dans lequel je me demandais encore et encore : aurais-je pu faire ça autrement ? J’observais les autres ; pourquoi ne puis-je rien apprendre d’eux ? Qu’est-ce que je fais de mal ? Je reviens toujours sur mes erreurs – mais aussi sur les bonnes choses. Que puis-je améliorer ? Je retire quelque chose de tous les matchs et des séances d’entraînement et, bien sûr, c’est parfois dur. À l’Ajax, je me suis empêtré dans ces interrogations et je n’avais personne à qui me confier, pas vraiment.

Chez moi, je parlais aux murs. Je pensais que les gens étaient idiots et, bien sûr, j’appelais à la maison pour me plaindre. J’avais un nuage noir au-dessus de la tête. Pourtant, je ne pouvais accuser personne. Tout me paraissait apathique et je n’allais pas bien du tout. La vie aux Pays-Bas ne me convenait pas et je suis allé voir Beenhakker pour lui demander ce que l’entraîneur pensait de moi. « Il est content ou pas ? » Beenhakker est d’une autre trempe que Co Adriaanse, il ne veut pas que des joueurs obéissants.

« Tout va bien. Tout va bien. Nous prendrons le temps avec toi », répondit-il.

Mais j’avais le mal du pays et je ne me sentais pas apprécié, ni par l’entraîneur ni par la presse, et encore moins par les fans. Les supporters de l’Ajax ne doivent pas être traités à la légère. Ils ont l’habitude de gagner, ils sont du genre : quoi, vous n’avez gagné que 3 à 0 ?

Alors que nous avions peiné à obtenir un match nul contre Roda, ils avaient jeté des pierres, des morceaux de tuyaux, des bouteilles en verre, et j’avais dû me planquer dans le stade pour être à l’abri. On me balançait toujours des quantités de saletés et, maintenant, au lieu des « Zlatan, Zlatan » que j’avais déjà eu l’occasion d’entendre, même à l’Ajax, on me huait, on se moquait de moi et ça ne venait pas des supporters adverses, c’était dur. Je me demandais : que diable se passe-t-il ?

Et pourtant, dans ce sport, on est obligés de cohabiter et, dans un sens, je les comprenais. J’étais la recrue la plus chère du club. Je n’aurais vraiment pas dû être remplaçant. J’étais censé être le nouveau Van Basten, marquer but après but et, pour être honnête, je faisais tous les efforts possibles pour cela.

Une saison de football, c’est long. Et vous ne pouvez pas faire le show à chaque rencontre. Mais c’est ce que j’essayais de faire. Dès mon arrivée, je voulais étaler tout mon répertoire d’un coup et c’est pourquoi, je pense, j’étais coincé. Je voulais trop en faire, ce n’était jamais assez et, je présume, je n’avais pas encore appris à gérer la pression, en dépit de tout. Je commençais à traîner ces quatre-vingt-cinq millions de couronnes comme un boulet à la cheville et je passais beaucoup de temps assis dans ma maison mitoyenne de Diemen.

Je n’ai aucune idée de ce que pensaient de moi les journalistes à cette époque. Pas mal d’entre eux m’imaginaient sûrement sortir en ville avec Mido, faire la fête. En réalité, je restais à la maison et jouais aux jeux vidéo jour et nuit et lorsque nous avions un lundi libre, je prenais l’avion pour rentrer chez moi le dimanche et revenais le mardi matin pour aller directement à l’entraînement. Je ne fréquentais pas les boîtes de nuit, rien de tout ça, ça ne faisait pas de moi un professionnel pour autant. Pour être honnête, j’étais complètement irresponsable – je ne mangeais ni ne dormais vraiment et je participais à toutes sortes de bêtises à Malmö. Je me baladais avec des pétards ou autres feux d’artifices illégaux que nous allions tirer dans les jardins. Nous faisions ce genre de trucs idiots pour nous éclater. Il y avait de la fumée, des mottes d’herbes et des saloperies qui volaient partout. On faisait aussi beaucoup de courses de voiture. C’est comme ça que je fonctionne : quand rien ne va avec le football, il faut que je marque des buts d’une autre façon. J’ai besoin d’action, de vitesse, et je ne faisais pas attention à moi.

Je me laissais aller et en tant qu’avant-centre de l’Ajax j’aurais dû être fort et capable d’avancer. J’étais tombé à soixante-quinze kilos, peut-être moins. J’étais très mince et, sans doute, fatigué. Je n’avais pas pris de vacances. J’avais effectué deux stages d’avant-saison en l’espace de six mois et concernant les repas, eh bien, vous pouvez l’imaginer : je ne mangeais que des cochonneries. Je ne savais cuisiner que des toasts et des pâtes. Le flot des articles élogieux tarissait. Ça ne donnait plus « Un autre triomphe pour Zlatan » mais plutôt « Zlatan a été sifflé », « Il est hors de forme ». Il est ceci, il est cela, et autre, et on parlait beaucoup de mes coudes.

On faisait toute une affaire de mes coudes.

J’avais débuté dans un match contre Groningen dans lequel j’avais filé un coup de coude derrière la nuque à un défenseur. L’arbitre n’avait rien vu mais le défenseur tomba à terre et fut emmené sur une civière. On parla de commotion. Quand le mec revint un peu plus tard, il était sonné, mais, pire que tout, la fédération prit la décision d’examiner l’action à la vidéo, suite à quoi je fus suspendu pour cinq matchs.

Je n’avais certainement pas besoin de ça. Quelle poisse. Et les choses ne s’améliorèrent pas à mon retour de suspension. Je flanquai un coup de coude à un autre mec qui était, lui aussi, évacué. On aurait dit que j’avais pris une sale habitude et quand bien même, cette fois-ci, j’évitai une nouvelle suspension. Par la suite, je n’ai plus beaucoup joué et c’était dur, les fans n’étaient pas non plus spécialement ravis et donc, j’appelai Hasse Borg. C’était idiot mais c’est le genre de chose que l’on fait quand on est à la ramasse.

« Mince, Hasse, tu peux pas me reprendre ?

— Que je rachète ton contrat ? Tu es sérieux ?

— Sors-moi de là, je n’en peux plus.

— Allons Zlatan, je n’ai pas l’argent nécessaire, tu le sais bien. Il faut que tu sois patient. »

J’en avais marre d’être patient. Je voulais jouer davantage et j’avais le mal du pays, tout cela me paraissait irréel. Je me sentais complètement perdu et je contactai à nouveau Mia. Je ne savais pas si c’était elle ou autre chose qui me manquait. J’étais seul et je voulais retrouver mon ancienne vie. Au lieu de ça, je pris un sacré coup dans les dents.

Tout commença quand je découvris que j’étais moins payé que tous les autres joueurs de l’équipe. Je m’en doutais depuis un moment et j’en eus la confirmation. Si mon transfert avait été le plus important du club, mon salaire était le plus faible. J’avais été acheté pour devenir le nouveau Van Basten et je gagnais toujours des cacahuètes. Pourquoi cette différence ? Ce n’était pas difficile à comprendre.

Souvenez-vous quand Hasse Borg me disait : « Les agents sont des escrocs. » D’un coup d’un seul, je compris. Il m’avait baisé. Il prétendait être de mon côté mais en réalité il n’œuvrait que pour le Malmö FF. Plus j’y pensais, plus cela me mettait en rogne. Dès le début, Hasse Borg s’est assuré que personne ne s’immisce entre nous, personne qui puisse défendre mes intérêts. C’est pourquoi je m’étais rendu comme un idiot en survêtement à l’hôtel Saint Jörgen et laissé piéger par ces types en costard avec leur diplôme en finance et là, j’ai pris un sale coup dans l’estomac. Disons-le carrément : l’argent n’a jamais été essentiel pour moi, mais de m’être fait arnaquer, exploiter, rouler comme un vulgaire vendeur de fallafel me rendait furieux et je ne perdis pas une seconde. J’appelai Hasse Borg.

« Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? J’ai le plus mauvais contrat de tout le club.

— Que veux-tu dire ? »

Il faisait l’idiot.

« Et mes dix pour cent ?

— Nous les avons placés sur une police d’assurance, en Angleterre. »

Une police d’assurance ? Qu’est-ce que c’est que ce baratin ? Ça ne voulait rien dire pour moi et je lui rétorquai que cela pouvait être n’importe quoi, qu’il les place sur une police d’assurance, dans un sac plein de billets de banque ou dans un trou au fin fond d’une forêt vierge, ça ne changeait rien.

« Je veux mon argent tout de suite. »

Ce n’était pas possible.

Ils étaient pieds et poings liés, ils avaient investi dans quelque chose dont je ne savais rien et je décidai d’aller jusqu’au bout. J’allais prendre un agent parce que – c’est au moins ce que je venais de comprendre –, les agents ne sont pas des escrocs. Sans agent, vous n’avez aucune chance. Sans aide, on se ferait toujours bananer par des mecs en costard. Par l’intermédiaire d’un ami, je pris contact avec un type qui s’appelait Anders Carlsson et travaillait pour IMG1 à Stockholm.

Il n’était pas mal, mais pas le genre à retourner ciel et terre. C’était le genre de gars qui n’aurait jamais craché son chewing-gum dans la rue ou traversé en dehors des clous mais qui, quand même, veut faire le dur, même si ça ne lui va pas du tout. Quoi qu’il en soit, Anders m’a beaucoup aidé au début. Il s’était procuré les documents de l’assurance et c’est alors que je pris ma deuxième claque. Les papiers indiquaient qu’il ne me revenait que huit pour cent du montant du transfert et non dix. Je demandai : « C’est quoi ça ? »

Je découvris qu’ils avaient payé une certaine « taxe sur les futurs salaires ». Un prélèvement anticipé sur le salaire de quelqu’un ? Jamais entendu parler de ça et, immédiatement, je dis : « Ce n’est pas juste. » C’était une nouvelle arnaque. Et que pensez-vous qu’il arriva ? Anders Carlsson s’occupa de l’affaire et c’est tout ce qu’il fallait pour récupérer mes deux pour cent manquants. Tout d’un coup, il n’y avait plus de « prélèvement anticipé sur salaire ». C’en était terminé de Hasse Borg. C’est une leçon que je n’oublierai jamais. Pour dire la vérité, ça m’a marqué, à cette époque, je ne pense pas une seconde avoir été vraiment au courant de tout ce qu’on faisait avec mon argent et mes contrats.

Quand Mino m’a appelé récemment pour me demander :

« Qu’est-ce que tu touches des éditions Bonnier pour ton bouquin ?

— Je ne sais pas trop.

— Arrête ! Tu sais exactement combien. »

Et il avait raison. Je maîtrise complètement. Il n’est plus question que l’on me gruge ou que l’on profite de moi ; dans les négociations, j’essaie toujours d’avoir un coup d’avance. Que pensent-ils ? Que veulent-ils ? Qu’est-ce qu’ils mijotent ? Et je suis rancunier. Je n’oublie rien et Helena me dit souvent que je ne devrais pas me focaliser autant. « À quoi ça t’avance de détester Hasse Borg ? »

Mais non. Je ne le lui pardonnerai jamais. C’est exclu. On ne fait pas un truc comme ça à un enfant des cités qui ne sait absolument rien de tout ça. On ne prétend pas être son deuxième père alors que l’on cherche par tous les moyens la petite faille pour l’entuber. Personne ne croyait en moi, ils étaient les derniers à imaginer que je sois sélectionné en équipe première. Mais après… Quand ils m’ont vendu pour tout cet argent, leur attitude a changé. Ils voulaient me traire jusqu’à la dernière goutte. Ils m’avaient presque laissé exister une minute et celle d’après, ils m’exploitaient. Je n’oublierai jamais et je me demande souvent : est-ce que Hasse Borg aurait fait la même chose si j’avais été un gentil garçon et si mon père avait été avocat ?

Je ne le crois pas. De retour à l’Ajax, je me suis prononcé à ce sujet, en disant, en gros, qu’il devrait faire gaffe. Mais il n’a pas vraiment pigé parce que, plus tard, dans sa biographie, il écrivit qu’il était mon mentor, qu’il avait pris soin de moi. Mais il l’a compris un petit peu plus tard. Il y a quelques années, nous sommes tombés nez à nez dans un ascenseur. C’était en Hongrie.

J’étais avec l’équipe nationale suédoise. Je monte dans l’ascenseur et, au quatrième étage, sorti de nulle part, il entre. Il était en ville pour un bref séjour. Il était en train de resserrer sa cravate avant de m’apercevoir. Hasse s’exclame toujours : « Eh ! Alors, comment ça va ? », ce genre de trucs, et il ajouta autre chose en me tendant la main.

Je n’ai pas bougé le petit doigt, rien du tout. Il n’eut droit qu’à un regard glacé, noir, et il devint nerveux, ça c’est sûr. Il resta là, tendu, et je ne dis pas un mot. Je le fixai et sortis dans le hall en le laissant derrière moi. Ce fut notre seule rencontre depuis toute cette affaire, donc, non, je n’oublierai pas. Hasse Borg est un homme à double facette et cela m’avait vraiment blessé. À l’Ajax, on s’est foutu de moi, on m’a insulté, j’étais moins bien payé que les autres et même les supporters du club me huaient. On me faisait plein d’histoires. On parlait de mes coups de coude. On racontait des vacheries, on faisait la liste de mes dérapages, on ressortait l’histoire avec la police à Industrigatan pour la quatre-vingt-dix-huitième fois et on disait que je n’étais pas en forme. On voulait que je redevienne l’ancien Zlatan. On bavait sur moi jour et nuit et, dans ma tête, je me repassais tout ça en boucle.

À toute heure, à chaque minute, je cherchais une solution parce que je n’allais pas lâcher. Pas question. Enfant, je n’avais pas eu la vie facile. Les gens l’oublient. Je ne suis pas un surdoué qui est parvenu sur la scène européenne les doigts dans le nez. Je me suis battu contre le destin. Dès le début, j’avais les parents et les entraîneurs contre moi et, beaucoup de ce que j’avais appris, je l’avais engrangé en dépit de ce que les gens disaient sur moi. « Zlatan ne sait que dribbler », se plaignaient-ils. « Il est ceci, il est cela, il a tort. » Mais j’ai tenu bon, j’ai écouté, parfois pas, et, à ce moment-là, à l’Ajax, j’essayais vraiment de comprendre leur culture et d’intégrer leur façon de penser et de jouer.

Je me demandais ce que je pouvais améliorer. Je m’entraînais dur et j’essayais d’apprendre des autres. Mais, en même temps, je ne reniais pas mon style. Personne n’allait ôter ce qui fait l’originalité de mon jeu, non parce que j’étais un tête de lard ou que je cherchais les ennuis, mais parce que je continuais à me battre et, quand je travaille, sur un terrain, je peux paraître agressif. C’est un des aspects de ma personnalité. Je demande aux autres tout autant que ce que je m’impose. Mais, à l’évidence, j’embarrassais Co Adriaanse. Il dira plus tard que j’étais difficile, que j’étais imbu de ma personne, que je n’en faisais qu’à ma tête et blablabla, et bien sûr il a le droit de dire ce qu’il veut, je ne veux pas m’embrouiller avec lui. J’accepte la situation. L’entraîneur, c’est le patron. Je peux seulement dire que j’avais fait un effort pour m’adapter.

Mais les choses n’allèrent pas en s’améliorant. Il ne se passait rien, rien d’autre à part entendre que Co Adriaanse pourrait être viré et, après tout, c’était une bonne nouvelle. Nous avions été écrasés par le Celtic d’Henrik Larsson dans les qualifications pour la Ligue des Champions puis par Copenhague en Coupe de l’UEFA mais je ne crois pas que ces résultats aient été la cause de sa disgrâce. En championnat, ça se passait bien.

Il devait partir parce qu’il n’arrivait pas à communiquer avec les joueurs. Nous n’avions aucun contact avec lui. On était dans le néant. J’aime bien les types qui ont du caractère et Co Adriaanse était très dur. Mais il est allé trop loin, son style dictatorial était excessif – il n’avait aucun sens de l’humour, rien – et, bien sûr, nous étions curieux de savoir qui allait le remplacer.

Il y avait des rumeurs concernant Rijkaard pendant un moment, et ça me plaisait bien, même si un bon joueur ne fait pas nécessairement un bon entraîneur, mais quand même, à Milan, Rijkaard était une légende, avec Van Basten et Gullit. Mais ce fut Ronald Koeman. Je le connaissais aussi. Il avait été un brillant tireur de coups francs à Barcelone. Il s’adjoignit les services de Rudi Krol, un autre grand joueur, et je notai immédiatement qu’ils me comprenaient mieux et je me remis à espérer que les choses prendraient une meilleure tournure.

Ce fut pire. Je fus remplaçant cinq fois d’affilée puis Koeman me renvoya à la maison au beau milieu d’une séance d’entraînement. « Tu n’y es pas ! gueulait-il. Tu ne donnes pas tout ce que tu as. Tu peux rentrer chez toi. » Pour sûr, en sortant de là, mon esprit était ailleurs. Ce n’était pas si grave, bien sûr, mais il y avait les gros titres. Même Lars Lagerbäck disait qu’il s’inquiétait pour moi et la rumeur circulait que j’allais peut-être perdre ma place en équipe nationale. Ce n’était pas drôle, pas du tout.

La Coupe du Monde se profilait au Japon cet été-là et je l’attendais depuis longtemps. J’étais aussi préoccupé par le fait que mon maillot numéro neuf pourrait m’être retiré à l’Ajax. Ce n’est pas si important, je me fiche de ce qu’il peut bien y avoir d’écrit dans mon dos. Mais, symboliquement, cela signifiait qu’on ne croyait plus du tout en moi. À l’Ajax, on parle tout le temps de numéros.

Le numéro dix devrait être comme ça, le numéro onze comme ci et il n’y en avait pas de plus beau que le neuf de Van Basten. C’était un honneur particulier que de porter celui-là et si vous n’étiez pas à la hauteur, on vous l’enlevait. C’était ainsi que ça marchait et on n’arrêtait pas de dire que je n’apportais pas assez à l’équipe, et, malheureusement, ce n’était pas faux.

Je n’avais marqué que deux buts en championnat. Six au total et, la plupart du temps, j’étais remplaçant et nos supporters me conspuaient toujours plus. Pendant que je m’échauffais avant de rentrer sur la pelouse, ils entonnaient « Nikos, Nikos, Machlas, Machlas ». Peu leur importait à quel point il était mauvais, simplement, ils ne voulaient pas de moi. Ils voulaient qu’il reste sur le terrain et je pensais : bon sang, je n’ai pas encore touché un ballon que déjà ils s’attaquent à moi. Si je rate une passe, ça va faire un sacré boucan là-dedans. Il fallait bien que je m’y fasse et, certes, il semblait bien que nous étions en passe de remporter le championnat.

Mais je n’arrivais pas à m’en réjouir. Je n’y avais pas vraiment contribué et je ne pouvais plus faire comme si je ne le savais pas. Il y avait beaucoup trop de joueurs qui pouvaient prendre ma place dans le club. Quelqu’un devait partir, et tout indiquait que j’étais en première ligne, je le sentais, et on disait que je n’étais que le troisième choix en tant qu’avant-centre, après Machlas et Mido. Même Leo Beenhakker, mon ami, était cité dans les médias néerlandais :

« Zlatan est souvent le joueur à l’origine de nos attaques. Mais ça ne suit pas dans la réalisation des buts. » Et il ajoutait : « Si nous le vendons, nous ferons en sorte que ce soit dans un bon club. »

De plus en plus de déclarations allaient dans ce sens. Koeman disait lui-même : « En termes purement qualitatifs, Zlatan est notre meilleur buteur, mais réussir avec le numéro neuf de l’Ajax demande aussi d’autres qualités. Je doute qu’il puisse les acquérir. » Puis vint la guerre des gros titres : « Décision ce soir », clama l’un. « Zlatan sur la liste des transferts ! » Il était impossible de distinguer le vrai du faux mais le fait est que j’avais été acheté pour une grosse somme d’argent et que j’avais déçu et, croyez-moi, je le sentais passer. Autant dire que cela revenait à confirmer que j’étais bien une diva surévaluée.

Je ne répondais pas à leurs attentes. C’était mon premier et principal revers. Mais je refusais de baisser les bras. J’allais leur montrer de quoi j’étais capable. Cette pensée continuait à me turlupiner, jour et nuit. Je n’avais pas le choix, que je sois vendu ou pas, il fallait que je leur prouve que j’étais bon, quoi qu’il arrive. Le seul hic : comment y parvenir si je ne jouais pas ? Lors d’un match accroché, le score était de 2 à 2. Il n’y avait plus aucun espoir, je restai là, assis sur le banc, furax : ils sont stupides ou quoi ? J’avais l’impression d’être revenu en arrière dans l’équipe des jeunes du Malmö FF.

Ce printemps-là, nous nous étions qualifiés pour la finale de la Coupe des Pays-Bas. Nous devions affronter Utrecht dans le stade De Kuip de Rotterdam, là où s’était disputée la finale de la Coupe de l’UEFA deux ans auparavant, et l’ambiance était électrique. C’était le 12 mai 2002. L’ambiance était chaude dans les tribunes et il y avait des bagarres. L’Ajax est l’ennemi juré d’Utrecht. Il n’existe pas d’autre équipe à battre impérativement et les supporters transpiraient la haine et avaient soif de revanche après notre victoire dans le championnat. Pour nous, c’était l’occasion de remporter le doublé et montrer que nous étions de retour après quelques années de vaches maigres. Mais, évidemment, j’avais peu de chances de participer.

Je passai toute la première mi-temps et un bon bout de la seconde sur le banc et j’assistai au but marqué sur pénalty d’Utrecht qui leur donnait l’avantage 2 à 1 et, croyez-moi, on l’a senti passé. Ils nous ont proprement coupé l’herbe sous le pied, les supporters d’Utrecht devenaient dingues et, non loin de moi, Koeman se morfondait dans son costume à cravate rouge. On aurait dit qu’il n’y croyait plus du tout. Fais-moi rentrer, pensai-je et, effectivement, à la soixante-dix-huitième minute, j’allai jouer. Il fallait agir et, bien sûr, j’étais impatient, j’étais plus que prêt et je voulais tout faire d’un coup, comme d’habitude cette année-là. Nous maintenions la pression mais les minutes filaient et la situation paraissait désespérée. Nous n’y arrivions pas et je frappai une balle dont j’étais sûr qu’elle rentrerait alors qu’elle tapa la barre transversale.

Ça ne servait à rien, à la fin du temps réglementaire il ne restait plus qu’une poignée de minutes dans les arrêts de jeu, il n’y avait plus aucun espoir. On ne ferait pas la fête pour la Coupe et les fans d’Utrecht étaient derrière eux. Leurs drapeaux rouges flottaient tout autour du stade, nous entendions leurs hymnes et leurs chants, voyions les fumigènes, il restait trente secondes, puis vingt. C’est alors qu’une longue passe arriva dans la surface de réparation, trompa quelques défenseurs d’Utrecht et parvint à Wamberto, un de nos Brésiliens. Il était sans aucun doute en position de hors-jeu mais les juges de touche ne l’avaient pas vu, alors Wamberto mit le pied sur la balle et marqua le but. C’était délirant. Nous sauvions notre peau en finale dans les dernières secondes du temps additionnel et les fans d’Utrecht baissèrent la tête, effondrés. Et ce n’était pas fini.

Nous allions jouer les prolongations et, à cette époque, beaucoup de matchs se décidaient sur un but en or (comme la mort subite en hockey sur glace). L’équipe qui marquait le premier but remportait de facto le match. Après cinq minutes de jeu, une nouvelle passe arriva de la gauche, et je sautai pour faire une tête mais la balle me revint assez vite.

Je contrôlai de la poitrine. J’étais serré de près mais je me suis retourné et ai tiré de mon pied gauche, ce n’était pas un tir splendide, pas vraiment. Le ballon rebondit dans l’herbe mais, mon Dieu, j’avais parfaitement visé et il entra dans le but. J’ai enlevé mon maillot et sprinté vers la gauche complètement submergé de bonheur, j’étais maigre comme un clou. On pouvait voir ma cage thoracique. J’avais eu une année difficile. On avait écrit beaucoup de saletés dans les journaux, ils avaient passé leur temps à tailler mon style de jeu. Mais j’étais de retour. Je leur prouvais à tous que je pouvais réussir et le stade entier était en folie. Tout était bonheur ou déception et je me souviens particulièrement de Koeman qui courait vers moi en hurlant :

« Merci beaucoup ! Merci beaucoup ! »

L’euphorie était indescriptible et je me suis mis à courir avec toute l’équipe, j’étais libéré.

1- International Management Group, fondé par l’Américain Mark McCormack.