CHAPITRE XXIX

Le soldat Vick siffla quand ils entrèrent dans la salle de commandement de Tonith.

Odie Subu jeta un regard sur le Muun et demanda :

— C’est lui qui commandait ?

La respiration encore hachée, Anakin continua de dévisager Tonith et ne répondit pas. De son côté, Tonith n’en menait pas large. Il avait fini par craindre ce jeune Jedi qui l’avait capturé. Il le jugeait déséquilibré et imprévisible.

— Le combat a cessé, dehors, annonça le caporal Raders. Les tirs se sont arrêtés juste au moment où on entrait dans le bunker, monsieur, et… oh…

Il cessa de parler quand il vit le visage d’Anakin.

— Monsieur, dit le clone sergent d’une voix autoritaire, votre sabre laser.

Ils finirent par attirer l’attention d’Anakin.

— Quoi ?

— Votre sabre laser, monsieur.

— Mon…

Anakin regarda sa main et sursauta, comme s’il était surpris de le voir encore activé. Il l’éteignit et l’accrocha à sa ceinture.

Il trébucha légèrement en se retournant vers les clones. Pensant qu’il agissait normalement pour un homme ayant survécu à un tel combat, Odie se précipita pour l’aider. Elle vit son visage de près, vidé, blanc comme un linge, avec des rides autour de la bouche, comme celles d’un vieillard.

Il refusa son aide en disant :

— Merci, ça va, ça va, je vais bien.

Il sourit faiblement. L’un des gardes – il ne le reconnut même pas – lui donna une gourde de fluide régénérant qu’il but d’un trait. Il rendit la gourde vide à son propriétaire.

— Merci, merci beaucoup, dit-il dans un souffle en s’essuyant les lèvres du dos de la main.

Il désigna ensuite Tonith et les autres.

— Ce sont nos prisonniers. Prenez-les en charge, voulez-vous, sergent ? Amenez-les devant le général Halcyon et enfermez-les.

B’Wuf ne put s’empêcher d’intervenir :

— On m’a forcé à venir, monsieur ! Je n’ai rien à voir avec les actes monstrueux de cette créature, monsieur !

Il montrait Tonith du doigt.

— Il m’a sauvé la vie ! ajouta-t-il en désignant cette fois Anakin. Ils allaient m’exécuter ! J’ai dit à l’amiral que je n’approuvais pas son action et que je démissionnais, et il a décidé de me faire exécuter ! Le Jedi m’a sauvé la vie ! Ils allaient me tuer ! Il m’a sauvé la vie !

Le récepteur d’Anakin bipa. Il se souvint l’avoir vaguement entendu à plusieurs reprises alors qu’il progressait à l’intérieur du complexe, mais il l’avait ignoré. Il était plus que temps de répondre.

— Anakin ?

C’était Halcyon.

— Anakin ? C’est toi ? Tu vas bien ? L’ennemi vient juste de déposer les armes. Que se passe-t-il ?

— Maître Halcyon, répondit Anakin d’un ton las, tout va bien, je suis dans le bunker de commandement avec mes hommes. J’ai capturé le chef Séparatiste et ses techniciens. Je vous les ramène immédiatement.

— Tu m’en vois soulagé, soupira Halcyon. Remets tes prisonniers au commando de clones et demande-leur d’assurer leur sécurité. Je t’envoie une navette. Les renforts Séparatistes ne vont pas tarder. On m’a dit que leur flotte était gigantesque. Je dois y envoyer immédiatement la chasse. Un dur combat nous attend et j’ai besoin de toi immédiatement.

Seuls les techniciens se retournèrent vers Tonith qui lâcha un faible plainte. Si seulement ils avaient tenu quelques minutes de plus…

— Je viens aussi vite que possible, répondit Anakin.

Il se tourna vers le sergent.

— Vous avez entendu ? Bien. Je vous remets les prisonniers et je vous laisse le commandement.

— Monsieur, il a parlé d’une flotte ennemie en approche ? demanda le caporal Raders d’un air troublé.

— Ça y ressemble.

Anakin se redressa et se sentit bizarrement plus à l’aise à l’idée de continuer le combat.

 

Le commandant de la flotte loyaliste ne s’était pas tourné les pouces pendant que le combat faisait rage entre les troupes d’Halcyon et les droïdes Séparatistes sur Praesitlyn. Il s’était longuement préparé à l’éventualité d’une telle attaque. Plusieurs scénarios étaient envisagés, mais il fut décidé que la flotte devrait rester unie pour mieux résister à l’ennemi, et ce quelle que soit la tactique qu’il emploierait. Si les Séparatistes attaquaient escadrons après escadrons sur plusieurs zones, la flotte de la République s’occuperait d’eux les uns après les autres. S’ils attaquaient en une seule ligne, les loyalistes évolueraient un peu plus vite pour forer leurs positions et y faire un passage éclair, mais dévastateur. Quelle que soit la tactique envisagée, la flotte serait couverte par un essaim de chasseurs.

Mais même les meilleurs plans de bataille sont soudainement inutiles après le premier coup de feu. Le commandant ennemi décida d’attaquer en formant un vaste carré dont le centre était son vaisseau amiral et dont les flancs étaient protégés par ses croiseurs les plus dévastateurs.

Les chasseurs se heurtèrent dans un fracas hallucinant et se lancèrent dans une mêlée sauvage entre les deux armadas. Ce n’est pas le nombre d’appareils qui décide de la victoire, mais plutôt la façon dont on les pilote.

Pour cette bataille, Nejaa Halcyon opta pour une attaque frontale. La flotte serait commandée par l’amiral Hupsquoch et lui-même se chargerait des chasseurs.

 

— Très beau vaisseau, monsieur, lui dit le clone qui avait apporté L’ange de l’azur II à la surface de Praesitlyn, alors qu’il aidait Anakin à grimper dans le cockpit.

Anakin sourit en s’attachant au siège. Il était dans son élément, désormais.

— Merci de me l’avoir amené, dit-il. Comment se comporte-t-il ?

L’ange de l’azur II était plus que modifié. Même si les clones avaient la capacité naturelle d’apprendre à piloter n’importe quel vaisseau spatial, voler avec un modèle modifié sans savoir exactement de quoi il retournait pouvait s’avérer délicat, voire dangereux. Anakin était aussi fier que secret quant aux améliorations qu’il avait apportées à son appareil.

— Impeccable, monsieur. J’ai fait très attention aux différents voyants dès que j’ai su que vous aviez apporté des modifications sur le tableau de bord.

— Sage décision. Juste quelques ajouts, rien de plus…

Cela le mettait vraiment mal à l’aise que quelqu’un d’autre ait piloté son vaisseau spatial, mais c’était nécessaire pour que l’engin puisse décoller rapidement depuis la surface. Il changea de sujet.

— Dites, il y a une grosse rayure sur le flanc gauche, juste là. Ça n’était pas là avant.

Il sourit en mettant son casque. Le pilote regarda Anakin, manifestement sceptique.

— Je plaisante, le rassura Anakin.

— Ah, d’accord, oui monsieur, je comprends ! répliqua le pilote sans sourire.

Il sauta au sol et salua solennellement au moment où Anakin fermait le cockpit et levait le pouce.

Anakin ajusta le masque sur son casque et se brancha sur la fréquence de communication intervaisseaux.

— Général Halcyon ?

— Anakin, tu n’apprendras donc jamais à suivre les procédures standard de communication ? murmura Halcyon. Tu sais où est notre point de rendez-vous. Allons-y. Et vite.

Il se retourna vers le vaisseau d’Anakin. On distinguait à peine le jeune Jedi à travers le cockpit. Ses ailerons étaient déployés. Ils seraient utiles jusqu’à une altitude de vingt mille mètres. Les répulseurs levaient déjà un nuage de poussière à la sortie des tuyères, et l’appareil s’éleva doucement.

Anakin arma ses canons laser et ses torpilles à protons, avant de faire un check-up complet des systèmes embarqués. Il augmenta graduellement sa vitesse et, à vingt mille mètres, rétracta ses ailerons pour atteindre la vitesse suffisante pour l’arracher à l’attraction de Praesitlyn. Toutes les horreurs des combats au sol s’éloignaient peu à peu, alors qu’il replongeait dans la joie de la haute vélocité, des armes de haute technologie, là où pilotes et machines se désintégraient les uns les autres en explosions propres et lumineuses, là où la douleur et la terreur ne dépassaient jamais les quelques millièmes de secondes.

Il traversa la flotte sans encombre. Mille kilomètres plus haut, il eut un visuel des croiseurs de combat. Et au-delà, encore invisible à l’œil nu, mais déjà présente sur les écrans de contrôle, se trouvait la flotte ennemie.

— Je suis à six heures, annonça Halcyon.

— Général Halcyon, ricana Anakin, n’apprendrez-vous donc jamais les procédures standard de communications ?

— Passe sur le canal de veille, ordonna Halcyon.

Il était sérieux, et il avait des raisons de l’être : les instruments d’Anakin montraient des centaines de points en approche rapide. Les chasseurs ennemis. Ils attaquaient déjà les vaisseaux les plus gros de la flotte. Décidé largement à l’avance, le plan prévoyait une attaque éclair destinée à atteindre le plus rapidement possible le cœur de la flotte ennemie. Le reste de la chasse attaquerait de toute part pour faire diversion. Si l’ennemi employait la même tactique, l’issue du combat dépendrait entièrement de l’habileté des pilotes. Et Halcyon avait une totale confiance en eux.

— Ici Halcyon six. Suivez-moi !

Une centaine d’appareils rompirent la formation et le suivirent.

L’état-major ennemi avait choisi d’utiliser ses chasseurs pour attaquer les appareils de la République les uns après les autres.

Anakin traversa l’essaim ennemi en un éclair, tirant sans discontinuer. Il garderait ses missiles pour les vaisseaux de commandement qui l’attendaient juste devant. Les chasseurs ennemis en approche lui apparaissaient comme des points lumineux, avec leurs lasers en action. Malgré son excellente maîtrise du pilotage, Halcyon pouvait à peine suivre le jeune Jedi, et du poste de commandant en chef, il ne tarda pas à devenir le coéquipier d’Anakin.

En quelques secondes, ils avaient traversé la première vague et approchaient maintenant des croiseurs lourds. Dès lors, c’était chacun pour soi. Chaque pilote choisirait librement ses cibles et passerait à l’attaque sans attendre. Anakin concentra ses tirs sur un destroyer un peu en retrait sur bâbord. Ses arêtes étaient floues et indistinctes, à tel point qu’Anakin n’aurait su dire s’il s’agissait d’un destroyer ou d’une frégate, son revêtement furtif tordant les rayons lumineux avec efficacité. Il frôla le vaisseau et ses canons à ions envoyèrent leurs décharges mortelles comme autant de doigts lumineux, mais il avançait trop rapidement – à presque trois mille kilomètres à l’heure – pour que les dommages soient véritablement importants. Anakin vira de bord et fonça droit sur la poupe du vaisseau ennemi. Juste avant d’amorcer un looping arrière, il envoya une torpille en plein dans le réacteur central.

La destruction du destroyer eut été un beau spectacle si Anakin était resté aux alentours pour le contempler. D’abord, un flash de lumière au moment où la torpille explosa. Immédiatement après, le vaisseau prit de la gîte. Ensuite, des langues de feu s’étirèrent le long du fuselage, transformant l’arrière du vaisseau en une boule de feu bleu incandescent. Dans les profondeurs muettes de l’espace, aucune oreille ne put entendre le vacarme de l’immense explosion qui engloba d’un coup la totalité du bâtiment dans une seule et même gigantesque explosion de lumière aveuglante. Ça ne dura qu’une seconde avant de laisser la place au noir de l’espace, seulement troublé par des millions de petits points orange s’éparpillant comme autant d’étincelles au-dessus d’un feu de cheminée. La scène se prolongea encore quelques instants, puis il n’y eut rien d’autre que le vide. Et quelques débris.

Halcyon suivit l’attaque d’Anakin, mais le perdit ensuite dans la mêlée. D’autres pilotes avaient eu aussi la main heureuse, mais pas tous. Il y avait maintenant des trous conséquents dans la formation ennemie. Leur mission était accomplie.

— Ici Halcyon six. Rompez la formation. Je répète, rompez la formation.

Anakin entendit l’ordre, mais la Force était de nouveau avec lui. Il savait ce qu’il avait à faire. Droit devant lui évoluait un vaisseau massif et trapu. Le revêtement furtif dont il était recouvert ne réussissait pas à le masquer complètement. Anakin savait au plus profond de lui-même qu’il s’agissait là du vaisseau amiral Séparatiste. Il fonça droit sur ce qu’il supposait être la passerelle de commandement, et une seconde avant de s’y écraser, vira soudainement sur la gauche à plus de cinq mille kilomètres à l’heure. Cette fois, la cible était si vaste qu’une seule seconde fut suffisante pour que les systèmes d’acquisition du vaisseau le prennent pour cible. Il eut de la chance et ne fut touché que par un simple canon laser. Le blindage de L’ange de l’azur II l’absorba en grande partie, mais sans lui éviter de sérieux dégâts.

— Je suis touché, annonça-t-il froidement.

— C’est sérieux ? demanda Halcyon.

— Tirez-vous de là, fut tout ce qu’Anakin lui répondit.

— Anakin !

— Tirez-vous ! répéta Anakin.

Halcyon comprit soudainement qu’Anakin comptait faire un deuxième passage aux abords du vaisseau.

— Ne fais pas ça, tu vas sauter avec lui.

— Dites bonjour aux droïdes de ma part.

La voix d’Anakin était calme, mesurée même, penserait Halcyon par la suite, avec une petite pointe d’humour noir.

— Non, Anakin ! Non !

L’énorme explosion du vaisseau amiral fit indubitablement basculer le combat à l’avantage de la République en étendant ses ravages à d’autres bâtiments qui croisaient à proximité. Anakin Skywalker fut happé par les flammes.