CHAPITRE XVIII
Le drapeau de la République autour du cou, Zozridor Slayke grimpa rapidement sur les remparts que les droïdes ouvriers érigeaient et regarda aux alentours. Son cœur s’emballa. Aussi loin que portait son regard, le ciel était rempli de transporteurs de troupes ; certains, déjà posés au milieu de vastes nuages de poussière, débarquaient leurs escadrons. Un humain entre deux âges aux yeux bleus et à la moustache brune leva les yeux sur Slayke et hocha la tête vers ses compagnons penchés sur des cartes et des plans. Ils se retournèrent tous et observèrent la silhouette burinée, sourire aux lèvres, qui s’approchait rapidement.
Slayke s’arrêta devant le plus âgé et le salua prestement. Alors que sa main se posait contre son front selon un angle de quarante-cinq degrés, un petit nuage de poussière accompagna son bras.
— Capitaine Zozridor Slayke, commandant de l’armée opposée aux envahisseurs Séparatistes sur Praesitlyn, monsieur. Je vous propose mon assistance pour libérer cette planète.
Avec une expression embarrassée, l’homme rendit lentement son salut à Slayke et répondit :
— Eh bien, je dois vous dire que…
Il désigna un Jedi qui se tenait aux côtés d’un… Un Rodien ?
— Qui est-ce ? demanda Slayke, stupéfait.
Anakin s’avança.
— Jedi Anakin Skywalker, capitaine Slayke. Je commande ce débarquement. Lui – il montra Grudo du doigt – c’est mon sergent-major. Je suis très heureux de vous rencontrer enfin.
Slayke regarda l’homme plus âgé qu’il avait pris pour le responsable, mais ce dernier haussa les épaules.
— La République manque tellement de soldats qu’elle les recrute au berceau ?
Slayke se frappa le poing sur la cuisse et souleva un autre petit nuage de poussière.
— Quel est votre nom, déjà, Jedi général ?
— Anakin Skywalker, monsieur, répondit Anakin en s’inclinant légèrement. Et je suis commandant, pas général. J’ai beaucoup entendu parler de vous et je suis honoré de…
— Écoutez, Jedi commandant Anakin Skywalker, je n’ai plus qu’environ deux mille soldats ici avec moi. On s’est battu comme des lions et leurs plans ont été contrecarrés. Et vous êtes « honoré » ? Ne me parlez pas d’honneur, Jedi. Nous n’avons rien d’autre que du sang, des tripes et de la sueur, ici, et…
Il secoua la tête en embrassant du regard le débarquement.
— S’il y a quelque chose de plus inutile qu’une cervelle de Jedi dans la galaxie, c’est bien un clone. Ils sont un tout petit plus intelligents qu’un droïde, mais je préfère encore les droïdes. On ne peut jamais les différencier, ces clones, ils ont tous la même personnalité.
— Voyez-vous ça ? répondit l’officier plus âgé, on en a assez entendu, Slayke, vous pouvez me croire !
— Qui est cet homme, puisque ce n’est pas le général ? demanda Slayke à Anakin.
— Mon quartier-maître, le major Mess Boulanger.
Slayke éclata de rire et pointa son index sur Boulanger.
— Vous voulez dire que je suis assez bête pour me présenter à un fichu quartier-maître ? Oh, c’est fort ! Eh bien major, je préférerais que ce soit vous le commandant, plutôt que cette petite chose sans poil, là.
Anakin leva une main.
— Capitaine Slayke, pour l’instant, je suis occupé par le déploiement de mes troupes. Nous allons établir un périmètre de défense. Je vous suggère de nous rejoindre, vous et vos hommes. Dès que le général Halcyon arrivera…
Slayke grogna et se frappa le front du poing.
— Halcyon ? Vous voulez dire Nejaa Halcyon ? C’est lui qui commande votre flotte ?
— C’est exact, et dès qu’il arrivera…
Slayke rit et leva les bras au ciel.
— Mais pourquoi est-ce que ça m’arrive à moi ?
— Capitaine, je sais que vous et le général Halcyon avez eu des, heu… Des différends par le passé, mais…
— Oh, vous savez ? Vous savez quoi, exactement, jeune Jedi ? lâcha slayke en riant plus fort. Je ne l’ai jamais rencontré personnellement, j’étais bien trop occupé à lui voler son vaisseau. Donc, tout ce que peut m’offrir la République, c’est un gamin, un idiot patenté et une armée de soldats élevés en éprouvettes ?
Il ricana.
— On fera l’affaire, répondit Anakin en luttant pour garder son calme.
— Très bien ! Très bien ! s’exclama Slayke en levant ses deux mains. Je vais avertir mes troupes. Vous voyez cette petite crête, là ? C’est mon poste de commande. Quand le général Halcyon débarquera, venez me voir et nous parlerons. C’est moi qui me suis battu contre cette armée de droïdes. Si vous voulez des infos, c’est à vous de venir.
Sur ce, il tourna les talons et partit.
— Eh ben, soupira un officier, c’est ce qu’on appelle un cas, chez moi.
— Ouais, ajouta lentement Anakin. Il en a vu de toutes les couleurs. Vous avez entendu ce qu’il a dit ? Il ne lui reste plus que deux mille soldats. Ça fait un taux de mortalité monstrueux. Pas étonnant qu’il soit amer.
Il se retourna vers ses officiers.
— Finissons-en avec le débarquement. Dès que le général Halcyon sera là, on ira faire une petite visite de courtoisie à Zozridor Slayke.
L’installation continua sans rencontrer de résistance.
Le chancelier suprême Palpatine resta impassible alors qu’il regardait le court message en provenance de Praesitlyn.
— Reija Momen est d’Alderaan, n’est-ce pas ? demanda-t-il à Armand Isard.
Tous deux sirotaient quelques verres au moment où le lieutenant Jenbean, l’officier en charge des communications au Sénat, était venu les informer de la transmission.
— Je crois, oui, monsieur.
Isard avait lui aussi regardé l’holofilm sans émotion apparente.
— Hmmm.
Palpatine regarda de nouveau la transmission.
— Une femme courageuse, lâcha-t-il.
— Devons-nous réunir le Sénat pour une assemblée extraordinaire ? Mais pourquoi ne pas répondre nous-mêmes ? La première heure ne devrait pas tarder à s’achever.
— Pour qu’ils voient ça ? Non, je ne crois pas. Qu’est-ce que ça nous apporterait ? Les otages ? Ils ne les tueront pas. C’est un bluff, et un chantage, de surcroît. La République ne permettra à personne de lui faire du chantage.
Il se tourna vers l’officier qui avait apporté le message directement depuis le Centre de Communication.
— Lieutenant Jenbean, avez-vous montré ce message à quelqu’un d’autre ?
— Non monsieur, je vous l’ai apporté immédiatement après réception. Les techniciens de service l’ont également vu, mais c’est tout.
— Bien.
Palpatine se tut quelques instants.
— Connaissez-vous Reija Momen personnellement ? demanda-t-il.
— Non monsieur, pas personnellement. Je la connais de réputation. C’est l’une des personnes les plus respectées dans son domaine.
— Je comprends. Je garderai ça pour moi jusqu’à ce que je décide quoi en faire. En attendant, vous devrez considérer cette affaire comme absolument top secrète, vous m’avez compris ? Sur votre journal technique, notez simplement la réception d’un message de Praesitlyn, rien d’autre. Si quoi que ce soit du même genre devait vous être transmis de nouveau, je veux que vous me l’apportiez immédiatement. Prévenez ceux qui vous relèveront qu’ils doivent appliquer les mêmes consignes pour tout message en provenance de Praesitlyn.
Après le départ de Jenbean, Isard se tourna vers Palpatine et lui demanda :
— Vous pensez vraiment qu’il va garder ça pour lui ?
— Non. Là où l’émotion règne, le sage y regarde à deux fois avant de parier. Avez-vous remarqué l’expression du lieutenant alors que nous regardions le message ? Il est évident qu’il l’a regardé plusieurs fois avant de nous l’apporter. Cette femme, Reija Momen, c’est une icône. La parfaite image de la mère. Seuls de vieux routiers comme nous sont capables d’y résister. Et Tonith ? Est-il sérieux quand il parle de tuer les techniciens ?
— Oui, chancelier, il en est parfaitement capable. Dès qu’ils ne lui seront plus d’aucune utilité, il n’hésitera pas. Mais il est aussi possible qu’il ne les tue pas. Tout dépend de ses prévisions quant à sa propre survie. C’est quelqu’un de froid, d’organisé, exactement ce qu’on peut attendre d’un banquier. Une machine à calculer vivante. Le profit ici, la dépense là, faites les calculs et allons-y… Qu’est-ce que vous comptez faire ? demanda-t-il en désignant l’holotransmetteur.
— Rien pour l’instant. C’est notre jeune ami des communications qui va travailler pour nous.
Palpatine eut un sourire énigmatique.
— Puis-je vous demander pourquoi ?
Palpatine s’inclina légèrement.
— Faites-moi confiance, je le sais. Tout ce que j’ai eu à faire, c’était regarder le visage de ce jeune homme. Voulez-vous un autre verre ?
Le lieutenant Jenbean était fou de rage, et plus il s’éloignait du bureau du chancelier Palpatine, plus sa colère augmentait. Ils étaient restés tranquillement assis devant l’holofilm sans s’en soucier le moins du monde. Comment ces politiciens pouvaient-ils prendre ça à la légère ? Les individus n’avaient donc plus aucune importance pour la République ? N’était-elle pas la garante de la liberté de chacun de ses citoyens ? Bien sûr, personne ne s’attendrait à ce que Palpatine rappelle ses troupes de Praesitlyn, mais n’aurait-il pas dû au moins divulguer cette information ? Envisager un plan pour sauver les otages ?
Quand l’holotransmission était arrivée, tout le monde dans la salle l’avait regardée plusieurs fois, pensant tout d’abord qu’il s’agissait d’un canular. Aucun des techniciens n’était vraiment au courant quant à ce qui pouvait bien se passer sur Praesitlyn, à part que les Séparatistes avaient envahi la planète et que le Sénat avait envoyé une armée pour les en déloger. Mais tous connaissaient Reija Momen. Tous les hommes de terrain la connaissaient. Et voilà qu’elle était menacée de mort, prisonnière d’une ordure, forcée de lire des messages contre son gré Jenbean secoua la tête.
Bien qu’il ne sût pas bien ce que le chancelier Palpatine pouvait – ou ne pas – faire dans ce genre de situation, il était furieux que ce dernier ne propose rien dans l’immédiat. D’ici quelques minutes, un des techniciens sur Praesitlyn serait froidement assassiné. Peut-être était-ce déjà arrivé. Il frissonna à l’idée de recevoir d’autres transmissions montrant des amis à lui morts ou mutilés.
Avant d’appliquer les consignes de Palpatine quant à la classification de ce message, Jenbean mettrait en danger toute sa carrière militaire en faisant ce qu’il pensait être juste : montrer le message à quelqu’un qui puisse sauver Reija.
Anakin sourit quand Halcyon pénétra dans le poste de commandement. Ils se serrèrent chaleureusement la main.
— Tu as fait de l’excellent travail pendant ce débarquement, lui dit Halcyon. Quelles sont les nouvelles ?
Anakin le mit rapidement au courant de la situation.
— Nos troupes n’ont pas encore rencontré de résistance. L’ennemi se retire sur le plateau, et nous n’avons pas pu les contrer car nous étions en cours de déploiement. Maintenant, ils sont maîtres du terrain et ils nous dominent. Je suis sûr qu’ils ont construit des fortifications et qu’ils s’y retrancheront en utilisant les membres du Centre de Communication comme otages. Nous n’allons pas pouvoir les attaquer frontalement. Ça ne va pas être facile de les déloger.
Halcyon hocha la tête.
— C’est pour ça qu’il faut savoir improviser. J’ai une ou deux idées. Tu as déjà pris contact avec Slayke ?
Anakin sourit.
— Oui. Il veut qu’on le rejoigne à son centre opérationnel dès qu’on sera prêts.
— Je ne l’ai encore jamais rencontré, tu sais. Il était bien trop occupé à me voler mon vaisseau quand nos chemins se sont croisés…
Halcyon sourit. Il retira son manteau et s’assit sur la chaise la plus proche en se passant la main dans les cheveux.
— Je suis fatigué, et la bataille n’a même pas encore commencé.
Anakin reprit ses esprits.
— Quels sont les dommages sur le Ranger ?
Halcyon haussa les épaules.
— Il a fallu qu’on l’abandonne. On a perdu pas mal de membres d’équipage. Ça n’est pas passé loin.
— Pareil pour le capitaine Slayke, ajouta Anakin. Ils se sont battus comme des lions, mais leur armée est presque totalement anéantie.
— Pas bon, pas bon, soupira Halcyon en secouant la tête.
Il garda le silence un bon moment. Puis il prit une profonde bouffée d’air et se leva.
— Bon, on va rendre une visite de courtoisie au grand homme et on fait avancer notre armée ?