18.
LUNDI 25 OCTOBRE
Quand la sonnerie du réveil obligea Angela à ouvrir les yeux, elle fut surprise et déçue de ne pas voir David à ses côtés. Elle se leva, tira sommairement les draps et jeta un coup d’œil par la fenêtre. Le ciel couvert promettait une journée pluvieuse.
Descendue au rez-de-chaussée, elle trouva son mari au salon.
« Il y a longtemps que tu es levé ? lui demanda-t-elle d’une voix qu’elle s’efforça de rendre joviale.
– Depuis quatre heures. Mais ne t’inquiète pas, répondit David en esquissant l’ombre d’un sourire. Je crois que je vais un peu mieux qu’hier soir. »
Préoccupée par l’état dépressif de David, Angela fut néanmoins soulagée de constater que Nikki se portait comme un charme. La petite fille ne présentait pas de signes de congestion pulmonaire et aucun cauchemar n’avait troublé son sommeil. Au bout du compte, se dit la jeune femme, David avait eu raison d’imaginer cette mise en scène qui l’avait elle-même tant effrayée et mortifiée.
Cette nuit, d’ailleurs, elle avait à son tour fait un cauchemar. Dans ce rêve, elle rentrait à la maison les bras chargés de sacs d’épicerie et s’apercevait tout à coup que du sang dégoulinait sur les murs de la cuisine. Du sang fluide et visqueux qui s étalait en larges flaques sur le sol.
Après que Nikki se fut acquittée de ses exercices respiratoires quotidiens, Angela l’ausculta attentivement. Le bruit du souffle était parfait. À la grande joie de l’enfant, sa mère lui annonça qu’elle pouvait aller en classe.
Malgré la pluie qui menaçait, David tint à se rendre au travail à vélo. Angela ne chercha pas à l’en dissuader. Au moins, se dit-elle, il était encourageant de voir qu’il appréciait toujours autant ce court intermède sportif.
Après avoir déposé Nikki, Angela se rendit sans tarder à son laboratoire, pressée d’entamer sa semaine. Les lundis étaient généralement des journées chargées à cause des multiples demandes d’analyses déposées pendant le week-end par les différents services hospitaliers. Entrée en coup de vent dans son bureau, la jeune femme accrocha son manteau à la patère avant de réaliser que Wadley se trouvait dans la pièce. Immobile, il l’observait du seuil de la porte de communication grande ouverte.
« Bonjour », dit Angela de son ton le plus dégagé. Mais son salut anodin n’eut pas l’heur de dérider son chef de service.
« J’ai appris que vous aviez effectué une autopsie au laboratoire, lança-t-il d’un air contrarié.
– En effet, répondit la jeune femme embarrassée. Mais j’ai pris sur mon temps libre.
– Votre temps vous appartient, pas ce laboratoire. Il se trouve que c’est le mien.
– J’admets avoir travaillé dans les locaux de l’hôpital. »
Angela n’était pas prête à reconnaître à Wadley un droit de propriété sur les lieux. Son chef de service était employé par l’hôpital, ni plus ni moins qu’elle.
« On vous a pourtant précisé les consignes appliquées aux autopsies, reprit Wadley. Elles sont simples : nous n’en pratiquons pas.
– On m’a tout bonnement précisé que les autopsies n’étaient pas prises en charge par l’OMV », répliqua Angela.
Wadley la dévisagea froidement. « Eh bien, permettez que j éclaircisse ce malentendu, dit-il en détachant ses mots. Aucune autopsie ne peut avoir lieu dans ce service sans mon autorisation expresse. Je dirige ce laboratoire – pas vous, que je sache. Je vous informe par ailleurs que j’ai donné l’ordre aux techniciens de n’effectuer aucun des examens de lames microscopiques, de cultures bactériologiques ou d’échantillons toxicologiques que vous avez préparés. »
Là-dessus, Wadley tourna les talons et claqua derrière lui la porte de communication.
Ulcérée comme après chacune de leurs altercations, Angela ne perdit pas une minute pour aller chercher les différents prélèvements qu’elle avait compté faire analyser après l’autopsie de Mary Ann. Puis, après avoir soigneusement enveloppé les boîtes de Pétri contenant les préparations bactériennes et toxicologiques, elle prépara un paquet qu’elle adressa au département d’anatomopathologie de la faculté de médecine de Boston. Les nombreux amis qu’elle avait laissés là-bas sauraient s’en occuper, elle en était sûre. Elle ne garda que les lames microscopiques, dans l’intention de les étudier elle-même.
*
David effectua la tournée de ses patients en laissant intentionnellement Jonathan Eakins pour la fin. Mais quand il entra dans sa chambre, il eut un choc en découvrant qu’elle était vide.
Au bureau des infirmières où il s’était précipité, Janet Colburn l’informa que le médecin de garde au cours de la nuit avait exigé que le malade soit transféré à l’unité de soins intensifs. La nouvelle anéantit David.
« M. Eakins avait des difficultés à respirer et il était dans le coma, lui précisa la surveillante.
– Pourquoi ne pas m’avoir appelé ? demanda David.
– Les instructions laissées nous l’interdisaient.
– Qui vous a laissé ces instructions ?
– M. Caldwell, le directeur des services hospitaliers, répondit Janet.
– Mais c’est absurde, s’exclama David. Pourquoi…
– Je vous en prie, docteur, nous n’y sommes pour rien. Les instructions précisent que vous devez vous adresser à Mme Beaton pour toute réclamation. »
David était hors de lui. Un directeur administratif n’avait absolument pas le droit de l’empêcher d’assister ses patients. C’était un abus d’autorité caractérisé, une ingérence intolérable dans la relation médecin-malade.
Comprenant toutefois qu’il ne servait à rien de s’en prendre aux infirmières, David se dirigea vers l’unité de soins intensifs. Là, il découvrit que Jonathan était déjà sous assistance respiratoire et dans le coma, comme Mary Ann quelques heures plus tôt. À l’auscultation, il reconnut tout de suite les râles caractéristiques de la pneumonie. L’étiquette apposée sur le flacon du goutte-à-goutte indiquait que Jonathan recevait en continu des antibiotiques par voie intraveineuse.
Le dossier qu’il consulta fébrilement lui apprit que l’état de son patient suivait une évolution présentant des analogies troublantes avec celle qui avait déjà emporté trois de ses malades. Ses troubles gastro-intestinaux se compliquaient d’une atteinte du système nerveux central et de l’appareil circulatoire.
David s’apprêtait à appeler Helen Beaton quand la surveillante de l’unité de soins intensifs lui tapa sur l’épaule en lui tendant le combiné d’un autre téléphone ; Charles Kelley était au bout du fil et voulait lui parler.
« Les infirmières du premier m’ont indiqué où vous trouver, dit Kelley. Je leur avais demandé de me prévenir dès votre arrivée. Je tenais à vous informer que le cas Eakins a été confié à un autre médecin de l’OMV.
– Mais c’est impossible, répliqua David furieux.
– Reprenez-vous, docteur Wilson. L’OMV peut tout à fait prendre ce genre de décision, et j’ai estimé nécessaire d’agir ainsi. J’en ai d’ailleurs averti la famille du malade qui m’a donné son accord.
– Mais… pourquoi ? balbutia David que la dernière phrase de Kelley laissait assommé.
– Il nous a semblé que vous vous impliquiez beaucoup trop avec vos malades, et qu’en conséquence vous perdiez de vue vos responsabilités professionnelles, répondit Kelley avec détachement. Prendre un peu de recul ne pourra que vous faire du bien. Nous voulons vous laisser une chance. Tout le monde sait que vous avez été très éprouvé, ces temps-ci. »
Médusé, David avait du mal à rassembler ses esprits et plus encore à trouver une réponse. Un moment, il pensa dire à Kelley que l’état de Jonathan Eakins avait effectivement décliné, ainsi qu’il le craignait, puis il jugea préférable de se taire. Charles Kelley n’était pas homme à s’arrêter à ce genre de considérations.
« N’oubliez pas notre conversation d’hier, poursuivit Kelley. Je suis sûr que vous comprendrez notre point de vue si vous prenez le temps d’y réfléchir. »
David se sentait partagé lorsqu’il eut raccroché. D’un côté, il trouvait inacceptable que les autorités administratives aient unilatéralement décidé de lui retirer le cas de Jonathan. De l’autre, pourtant, il lui suffisait de regarder ses mains tremblantes pour reconnaître qu’il y avait une certaine vérité dans les assertions de Kelley : il prenait les problèmes de ses malades beaucoup trop à cœur.
La tête lui tournait quand il sortit de l’unité de soins intensifs. Dans le couloir, il regarda machinalement sa montre. Il était encore trop tôt pour se rendre dans son service mais il avait le temps de passer aux archives de l’hôpital.
Là, il s’installa à une table isolée et étala devant lui les dossiers de Marjorie, de John et de Mary Ann qu’il relut pour la énième fois du début à la fin, y compris ses propres annotations, celles des infirmières, les résultats des examens de laboratoire et des tests diagnostiques.
David n’avait pas renoncé à l’éventualité qu’une maladie inconnue fût à l’origine de la mort de ses trois patients. Il se pouvait qu’ils aient été contaminés lors de leur séjour à l’hôpital, un cas de figure connu sous le nom d’infection nosocomiale et qui, pour être rare, n’en était pas moins réel. Marjorie, John et Mary Ann avaient tous développé une pneumonie, mais la souche bactérienne incriminée s’était chaque fois avérée différente. Il n’était pas exclu qu’elle se soit exprimée à la faveur d’une infection sous-jacente.
Les antécédents médicaux de ses trois patients présentaient par ailleurs un autre point commun : si leurs cancers respectifs avaient été traités de façon somme toute classique, par ablation chirurgicale, radiothérapie et chimiothérapie, c’est le même cocktail de substances chimiothérapiques qui avait été administré à chacun d’entre eux.
David n’ignorait bien sûr pas qu’entre autres effets secondaires, la chimiothérapie diminuait les défenses naturelles de l’organisme en affectant le système immunitaire. Cet élément suffisait peut-être à expliquer la rapide dégradation de l’état de ses malades. Pourtant le cancérologue, expert en la matière, avait tout de suite écarté cette hypothèse en arguant du fait que la chimiothérapie était depuis longtemps terminée lorsque les trois patients avaient été hospitalisés. Ce qui, en d’autres termes, signifiait que leur système immunitaire était revenu à la normale.
Le bip-bip de son signal d’appel arracha David à ses réflexions. Sur le petit écran à cristaux liquides s’affichait un numéro qu’il reconnut instantanément : celui de la salle des urgences. David replaça les dossiers à la hâte et courut au rez-de-chaussée.
L’appel concernait cette fois Donald Anderson, un des habitués du cabinet médical de David. Son diabète rétif au traitement motivait la plupart de ses demandes de rendez-vous. Quand David entra dans la pièce d’examen, il vit au premier coup d’œil que le taux de glucose de Donald atteignait des sommets. Le malade était dans un état semi-comateux.
David demanda d’urgence une analyse de sang et mit Donald sous perfusion. Puis il discuta avec Shirley Anderson, l’épouse de son patient, en attendant que le laboratoire lui renvoie les résultats.
« Cela fait au moins une semaine qu’il ne se sent pas bien, lui expliqua Shirley. Mais vous savez comme il est têtu. Il n’a pas voulu venir vous voir.
– Je crois qu’il va falloir l’hospitaliser, dit David. Nous ne le garderons que quelques jours, avec un régime alimentaire qui devrait le remettre sur pied.
– J’espérais que vous prendriez cette décision, docteur. Avec les enfants et tout, c’est tellement difficile pour moi de m’occuper de lui quand il est malade. »
Au vu des résultats de laboratoire, David fut étonné que Donald ait survécu à l’élévation impressionnante du taux de sucre dans son sang. Comme il se dirigeait vers le malade qui commençait à aller mieux grâce à la perfusion, David reconnut un visage familier dans un des boxes aménagés dans la salle d’examen du service des urgences : Caroline Helmsford, l’amie de Nikki, était allongée sur un chariot ; le Dr Pilsner se tenait à son chevet.
David se glissa de l’autre côté du lit. Un masque à oxygène en plastique transparent couvrait la bouche et le nez de la fillette qui respirait laborieusement. Elle avait le teint gris, avec çà et là des plaques de cyanose.
Le Dr Pilsner l’auscultait attentivement. Reconnaissant David, il lui adressa un sourire et ôta le stéthoscope de ses oreilles. « Ce pauvre bout de chou nous donne du fil à retordre, déclara-t-il.
– Pas trop, j’espère, dit David en masquant son inquiétude.
– Oh, la rechute habituelle. Une bonne petite congestion et une grosse fièvre.
– Vous allez la garder, n’est-ce pas ?
– Cela va de soi, affirma le Dr Pilsner. Vous savez mieux que personne que nous ne pouvons pas prendre le moindre risque avec ce genre de problèmes. »
David hocha la tête. Il était en effet bien placé pour connaître les dangers de la mucoviscidose. Caroline luttait pour respirer. Sur le chariot d’hôpital, son corps menu avait l’air terriblement vulnérable. David songea tristement que sa fille aurait aussi bien pu occuper la place de son amie.
« Un appel du médecin légiste de Burlington, annonça une des secrétaires à Angela avant de lui passer la communication.
– Je ne vous dérange pas, au moins ? s’enquit Walt après l’avoir saluée.
– Pas du tout, répondit Angela.
– J’ai quelques données supplémentaires concernant l’affaire Hodges. Cela vous intéresse toujours ?
– Plus que jamais.
– Bon. Pour commencer, le bonhomme avait un taux d’alcoolémie assez prononcé.
– Tiens, s’étonna la jeune femme. Je ne savais pas qu’il était possible de le déterminer si longtemps après.
– Il suffit de disposer d’un peu de liquide dans les canaux lacrymaux. L’alcool est une substance assez stable. Par ailleurs, nous avons également réussi à déterminer que l’ADN des fragments de peau trouvés sous les ongles n’est pas celui de la victime. Conclusion logique : il doit s’agir de celui de son meurtrier.
– Et ces particules de carbone incrustées dans la peau ? demanda Angela.
– Pour être honnête, je ne me suis pas encore beaucoup penché dessus, répondit Walt. Cela étant, je ne crois plus qu’elles soient arrivées là au cours de la lutte qui a opposé Hodges à son agresseur. Une analyse plus poussée m’a en effet permis de découvrir qu’elles étaient localisées dans le derme, pas dans l’épiderme. Leur présence est donc consécutive à une lésion relativement ancienne. Le type avait peut-être reçu un méchant coup de crayon d’un de ses petits camarades quand il était à l’école. En tout cas, c’est ce qui m’est arrivé : j’ai ce genre de marque sur le bras.
– Et moi, dans la paume de la main droite, s’exclama Angela.
– Si j’ai un peu laissé tomber nos recherches, reprit Walt, c’est parce que ni le bureau du procureur ni la brigade criminelle ne paraissent très pressés de recevoir mes conclusions. Ils m’ont chargé d’un certain nombre d’autres cas apparemment plus importants à leurs yeux.
– Je comprends, dit Angela. Mais n’hésitez pas à m’appeler si vous avez du nouveau. Je préférerais savoir ce meurtre élucidé. »
Quand elle eut raccroché, les pensées de la jeune femme dérivèrent vers Phil Calhoun, dont elle n’avait pas de nouvelles depuis qu’elle lui avait confié l’affaire. Et, de fil en aiguille, elle se souvint du terrible sentiment d’impuissance face au danger qu’elle avait éprouvé dans la nuit du samedi, lorsque David avait dû s’absenter après le décès de Mary Ann.
Un coup d’œil à sa montre lui permit de constater qu’il était l’heure de sa pause déjeuner. Elle éteignit le microscope, attrapa son manteau et se dirigea vers la voiture. Son intention d’acheter une arme n’avait nullement été ébranlée par les réticences de David.
Il n’y avait pas d’armurier à Bartlet, mais la quincaillerie proposait un certain choix d’armes à feu. M. Staley, à qui elle expliqua les raisons de sa visite en précisant qu’elle voulait pouvoir se sentir en sécurité chez elle, l’engagea à acheter un fusil de chasse.
Moins d’un quart d’heure plus tard, Angela avait arrêté son choix sur un fusil à pompe de calibre 12. Le quincaillier lui montra obligeamment comment le charger, l’armer et surtout bloquer la détente en position de sécurité, et il l’encouragea à lire très attentivement la notice explicative.
Une fois dans la rue, la jeune femme se sentit embarrassée par la nature de ce long paquet qu’elle trimbalait à bout de bras et dont le contenu restait clairement identifiable bien qu’elle ait insisté pour que M. Staley l’enveloppe dans du papier kraft ordinaire. Jusqu’ici, jamais Angela n’avait touché une arme à feu. Dans l’autre main, elle tenait une poche en papier contenant une boîte de cartouches.
C’est avec soulagement qu’elle posa ses achats dans le coffre de la voiture. Puis, au moment où elle s’apprêtait à ouvrir sa portière, elle leva les yeux de l’autre côté du parc, en direction du poste de police. La scène qu’elle avait provoquée la veille avec Robertson lui donnait des remords et elle reconnaissait volontiers le bien-fondé des reproches de David.
C’était pure folie de sa part de se mettre à dos le chef de la police locale, si obtus soit-il.
Résolue à essayer d’arranger les choses, elle traversa les pelouses pour demander un entretien à Robertson. Ce dernier accepta de la recevoir, non sans la laisser patienter dix bonnes minutes.
« J’espère que je ne vous dérange pas, dit Angela en guise d’introduction.
– Pas du tout, répondit Robertson.
– Je ne voudrais pas abuser de votre temps, reprit la jeune femme en s’asseyant.
– Les fonctionnaires comme moi ont tout leur temps, lâcha Robertson, sarcastique.
– Je suis venue m’excuser pour ma conduite d’hier.
– Ah ! s’exclama-t-il, pris de court.
– Je me suis comportée de façon stupide, reprit Angela. Je voudrais que vous me pardonniez. L’histoire de ce cadavre découvert dans ma propre maison m’a vraiment bouleversée, vous savez. J’ai les nerfs à fleur de peau.
– C’est bien compréhensible, déclara Robertson, quelque peu ébranlé. L’affaire Hodges n’est pas facile, mais l’enquête reste ouverte. Nous vous préviendrons si nous apprenons quelque chose.
– Moi-même, j’ai du nouveau depuis ce matin », lui annonça Angela.
Spontanément, elle lui expliqua qu’il était possible que l’assassin ait sur le bras une marque laissée par un coup de crayon.
« Un coup de crayon ?
– Oui, dit la jeune femme en tendant sa main droite, paume en l’air, pour lui montrer une petite tache sombre bien visible sous la peau. Une trace qui ressemblerait à celle-ci. Cela m’est arrivé en CM1.
– Oh je vois, remarqua Robertson, les lèvres retroussées dans un sourire désabusé. Merci pour le tuyau.
– Je voulais simplement vous en parler, au cas où. Par ailleurs, le médecin légiste affirme aussi que les fragments de peau qu’il a trouvés sous les ongles de Hodges appartiennent sans aucun doute au tueur. L’analyse de l’ADN est formelle.
– Le problème, c’est que ce genre d’indice hypersophistiqué ne sert pas à grand-chose, quand on n’a pas de suspect.
– J’ai pourtant lu dans une revue de criminologie que la police d’une petite ville anglaise avait réussi à arrêter un violeur grâce à l’empreinte génétique, insista Angela. En obligeant simplement tous les hommes de la ville à subir le test.
– Ah, ces Anglais ! Mais ici c’est différent. J’imagine déjà la réaction de l’Union pour la défense des libertés si nous faisions la même chose à Bartlet.
– Bien sûr. Je ne voulais certes pas vous suggérer d’aller si loin. Mon intention était simplement de vous donner un exemple de ce que permet l’empreinte génétique.
– Merci, dit Robertson en se levant pour lui signifier que l’entretien était terminé. C’est gentil à vous d’être passée. »
Quand elle fut sortie, il alla à la fenêtre et la regarda de loin traverser le jardin et monter dans sa voiture.
Puis il décrocha le téléphone et appuya sur une touche correspondant à un numéro enregistré en mémoire. « Cette bonne femme est du genre obstiné, dit-il à son interlocuteur. Elle est là, comme un chien qui ronge son os. »
Angela, quant à elle, se sentait un peu soulagée d’avoir fait cette démarche pour calmer le jeu avec Robertson. Mais elle ne se berçait pas d’illusions. Intuitivement, elle restait persuadée que le chef de la police ne lèverait pas le petit doigt pour élucider le meurtre de Hodges.
À l’hôpital, elle ne trouva pas un seul emplacement pour se garer à proximité de l’entrée secondaire. Après avoir cherché un moment en vain, elle finit par se diriger vers le parking du haut où elle repéra enfin une place libre, tout au fond. À pied, il lui fallut près de cinq minutes pour regagner l’hôpital.
« Ce n’est pas mon jour, aujourd’hui ! » soupira-t-elle en pénétrant dans le bâtiment.
« Mais ce parking ne se verra même pas de la ville ! » protestait Traynor au téléphone sur un ton qui masquait mal son irritation. Il essayait de défendre son projet auprès de Ned Banks, élu depuis l’an dernier au conseil municipal. « Non, non, non, reprit-il. Rien à voir avec un blockhaus de la Seconde Guerre mondiale. Écoutez, vous devriez passer à l’hôpital, je vous montrerai la maquette. Je vous assure que l’ensemble ne manque pas d’allure. Et si l’hôpital de secteur doit un jour devenir un centre hospitalier régional, il est absolument indispensable d’entamer les travaux au plus vite. »
Collette, la secrétaire de Traynor, entra dans le bureau et déposa une carte de visite sur le sous-main de son patron. À l’autre bout du fil, Ned défendait mordicus la nécessité de conserver son charme à Bartlet. Traynor prit la carte et l’approcha de ses yeux. Phil Calhoun. Détective privé, lut-il. « Qui diable est ce Phil Calhoun ? » chuchota Traynor à Collette en couvrant le combiné de sa main.
Collette haussa les épaules. « Je ne l’avais jamais vu, mais lui prétend vous connaître. Je l’ai installé dans la salle d’attente. Il faut que je file à la poste, à présent. »
Traynor adressa un petit signe à sa secrétaire et reposa la carte devant lui. Au téléphone, Ned continuait à se lamenter à propos des récents changements survenus à Bartlet, et en particulier du programme de logements en construction non loin de l’autoroute.
« Il va falloir que j’y aille, Ned, l’interrompit Traynor. Mais vous me feriez plaisir en prenant le temps de réfléchir à ce projet de parking. Je sais que Wiggins en dit pis que pendre, mais pour l’hôpital c’est vraiment important. J’aurai besoin d’un maximum de voix, au conseil municipal. »
Traynor laissa retomber le téléphone avec un air dégoûté. Il trouvait inconcevable que les conseillers municipaux ne réalisent pas le rôle économique majeur que jouait l’établissement hospitalier, et cet aveuglement compliquait singulièrement sa tâche de président du conseil d’administration de l’hôpital.
Se levant, il alla ouvrir la porte de la salle d’attente et jeta un regard curieux sur ce privé qui affirmait le connaître. Le visage du gros homme vêtu d’une chemise à carreaux noirs et blancs trop voyante lui disait vaguement quelque chose, mais il n’arrivait pas à le remettre.
Il l’invita à entrer dans son cabinet tout en essayant de raviver ses souvenirs, mais ce n’est que lorsque Phil Calhoun lui eut annoncé qu’il avait autrefois travaillé dans la police qu’il le reconnut. « Ah, oui, dit-il. Je me rappelle. Vous étiez un ami du frère de Harley Strombell, c’est bien ça ! »
Calhoun le félicita de sa mémoire.
« Je n’oublie jamais un visage, se rengorgea Traynor.
– Je voulais vous poser quelques questions au sujet du Dr Hodges », déclara Calhoun en allant droit au but.
Traynor se mit à tripoter nerveusement le petit marteau de commissaire-priseur dont il se servait lors des réunions du conseil d’administration. Tout ce qui tournait autour de Hodges lui déplaisait et il aurait mille fois préféré qu’on enterre l’affaire au plus vite. Son souhait le plus cher eût été que Hodges disparaisse sans laisser de traces.
« Vous agissez par intérêt personnel ou pour des motifs professionnels ? demanda-t-il à Calhoun.
– Un peu les deux.
– Vous avez été engagé pour mener l’enquête ?
– En quelque sorte, répondit évasivement Calhoun.
– Par qui ?
– Je suis tenu de garder le secret. C’est une chose que vous comprendrez sûrement, en tant qu’avocat.
– Si vous voulez que je me montre coopératif, reprit Traynor, il faut tout de même y mettre un peu du vôtre. »
Calhoun plongea la main dans sa poche, en sortit sa boîte de cigares et demanda à son hôte s’il pouvait fumer. Celui-ci lui ayant répondu par l’affirmative, il lui offrit un cigare que Traynor refusa. Le détective alluma le sien, inhala profondément et souffla la fumée vers le plafond. Ensuite seulement il se décida à reprendre la parole : « Disons simplement que la famille tient à ce que toute la lumière soit faite sur ce meurtre brutal.
– Cela se comprend, observa Traynor. Puis-je avoir votre parole que tout ce que je pourrais vous confier restera entre nous ?
– Absolument.
– Parfait. Que voulez-vous donc savoir ?
– Pour le moment, je dresse une liste de tous les gens qui avaient des raisons d’en vouloir à Hodges, dit Calhoun. Qui me conseilleriez-vous d’y inscrire ?
– La moitié de la ville au moins, répliqua Traynor avec un rire bref. Mais je n’aime pas jouer les délateurs.
– Je crois savoir que vous avez vu Hodges la nuit du meurtre, avança Calhoun.
– Hodges a fait irruption dans une réunion qui se tenait à l’hôpital. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois. Il avait la fâcheuse manie de débarquer sans y avoir été invité.
– Il était furieux, n’est-ce pas ?
– D’où tenez-vous cela ? demanda Traynor à son tour.
– J’ai un peu bavardé avec un certain nombre de personnes.
– Hodges était furieux en permanence, répondit Traynor. Il trouvait sans cesse à redire à la façon dont nous administrons l’hôpital. Le Dr Hodges considérait que l’établissement lui appartenait en propre, voyez-vous. Et il avait des idées assez rétrogrades. À l’époque où il en a pris la direction, l’hôpital était sur le point de couler et il a sauvé la situation avec les bonnes vieilles méthodes d’autrefois. Les nouvelles normes applicables en matière de maîtrise des dépenses de santé et de compétitivité économique le dépassaient complètement.
– Je vous avouerai que je n’y comprends pas grand-chose, moi non plus, reconnut Calhoun.
– Vous feriez mieux de vous y mettre, s’exclama Traynor. Nous y sommes, et en plein. Auprès de quelle compagnie avez-vous souscrit votre assurance maladie ?
– L’Observatoire médical du Vermont, répondit Calhoun.
– Et voilà ! Sans le savoir, vous êtes déjà intégré au nouveau système.
– À ce qu’il paraît, quand le Dr Hodges a interrompu cette réunion, le jour de sa mort, il tenait à la main des dossiers médicaux.
– Des éléments de dossiers, corrigea Traynor. Ils n’étaient pas complets. Mais je ne les ai pas regardés. Je lui ai proposé de déjeuner avec lui le lendemain pour que nous discutions de ce qui le tracassait. Cela avait sûrement à voir avec l’un ou l’autre de ses anciens patients. Il se plaignait toujours qu’ils ne soient pas traités en personnages de marque. Il était pénible, franchement !
– Il s’en prenait également à la nouvelle P-DG de l’hôpital, Mme Helen Beaton ?
– Oh, pour ça oui ! Il ne se gênait pas pour entrer en hurlant dans son bureau sous n’importe quel prétexte. Helen Beaton est incontestablement celle d’entre nous qui a le plus souffert de son comportement. D’autant que c’est elle qui tient les rênes, à présent. Pour lui, c’était le monde à l’envers.
– On m’a dit par ailleurs que vous aviez eu un autre différend avec Hodges, ce soir-là, dit Calhoun.
– Hélas oui. Au Fer à Cheval. Nous nous retrouvons souvent là-bas après les réunions du conseil d’administration. Hodges y était, lui aussi. Saoul et d’humeur belliqueuse, comme d’habitude.
– Il a eu des mots avec Robertson, c’est ça ?
– Je n’en serais pas étonné.
– Avec Sherwood aussi ? poursuivit Calhoun.
– Qui vous a raconté tout cela ?
– Oh, j’ai gardé quelques relations en ville. On m’a même dit que le Dr Cantor avait eu deux ou trois remarques désagréables à l’encontre de Hodges.
– Je ne m’en souviens pas, éluda Traynor. De toute façon, Cantor en voulait à Hodges depuis des années.
– Il avait une raison ?
– Oui. Hodges avait intégré les services de radiologie et d’anatomopathologie à l’hôpital. Il estimait que les bénéfices dégagés par ces deux secteurs devaient revenir à l’hôpital qui assumait l’essentiel des frais de fonctionnement.
– Parlez-moi un peu de vous, reprit Calhoun. Il semble que vous non plus vous ne portiez guère Hodges dans votre cœur.
– C’était un fichu casse-pieds, je vous l’ai déjà dit. Comme s’il n’était pas suffisamment pénible de s’occuper de l’administration de l’hôpital sans l’avoir constamment sur le dos !
– Il ne s’agit pas d’un problème plus personnel ? Quelque chose qui aurait à voir avec votre sœur ?
– Bon sang ! Vous êtes vraiment bien informé, s’écria Traynor.
– Bah, les gens bavardent, j’écoute, c’est tout.
– C’est vrai, admit Traynor. Et ce n’est d’ailleurs un secret pour personne. Sunny, ma sœur, s’est suicidée juste après que Hodges eut retiré l’autorisation d’exercer à son mari.
– Vous en avez voulu à Hodges, forcément ?
– Oui, mais plus à l’époque que maintenant. Le mari de Sunny était un ivrogne invétéré. Hodges aurait dû lui interdire d’exercer bien avant, sans lui laisser le temps de faire tout le mal qu’il a fait.
– J’ai une dernière question à vous poser, dit Calhoun. Savez-vous qui a tué Hodges ? »
Traynor se mit à rire puis secoua la tête. « Je n’en ai pas la moindre idée et je m’en contrefiche, répondit-il. La seule chose qui me préoccupe, c’est l’effet que ce meurtre risque d’avoir sur l’hôpital. »
Calhoun se leva et écrasa son cigare dans le cendrier posé sur un coin du bureau de Traynor. « Pourriez-vous me rendre un service, reprit celui-ci. Vous me le devez bien, après tout ; rien ne m’obligeait à vous répondre. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas trop monter cette affaire en épingle. Si vous apprenez qui a tué Hodges et si vous jugez bon d’en référer aux autorités, prévenez-moi de façon que nous puissions nous défendre contre la mauvaise publicité que cela ne manquera pas de créer, surtout si l’assassin a un lien quelconque avec l’hôpital. Nous avons déjà sur les bras un autre problème dommageable pour notre image et ne voudrions pas être pris de court.
– Cela me paraît acceptable », opina Calhoun.
Après l’avoir raccompagné à la porte, Traynor chercha dans son carnet d’adresses le numéro de téléphone de Clara Hodges à Boston et l’appela sur-le-champ. « Le nom de Phil Calhoun vous dit-il quelque chose ? lui demanda-t-il une fois expédiées les civilités d’usage.
– Non, rien. Je devrais le connaître ? s’étonna la veuve de Hodges.
– Ce monsieur sort de mon bureau, lui expliqua Traynor. Il est détective privé et il voulait m’interroger à propos de Dennis. À l’en croire, il aurait été engagé par la famille.
– En ce qui me concerne, je n’ai certainement pas fait appel à un détective privé. Et je ne vois pas qui, dans la famille, aurait pris cette initiative. Surtout sans m’en parler.
– Ses assertions m’ont effectivement paru bizarres. Si par hasard M. Calhoun vous contactait, cela vous ennuierait de me tenir informé ?
– Je n’y manquerai pas », lui promit Clara Hodges.
Traynor raccrocha avec un soupir, en proie au sentiment désagréable qu’il fallait s’attendre à de nouveaux ennuis. Hodges était décidément une calamité, même mort et enterré.
*
« Vous avez un rendez-vous en surnombre, annonça Susan à David. Encore une des infirmières du premier. Je lui ai conseillé de venir tout de suite. » David prit le dossier que lui tendait Susan et entra dans la salle d’examen où patientait l’infirmière, une certaine Beverly Hopkins. David la connaissait de vue ; elle travaillait dans l’équipe de nuit.
« Alors, qu’est-ce qui ne va pas ? » lui demanda-t-il avec un sourire. ^
Beverly était assise sur la table d’examen. Grande et mince, les cheveux châtain clair, elle tenait à la main la petite cuvette en forme de haricot que Susan lui avait donnée parce qu’elle avait la nausée. Son visage était blanc comme un linge.
« Je suis désolée de vous ennuyer, docteur Wilson, dit-elle. Je crois que c’est la grippe. J’aurais sans doute aussi bien fait de rester au lit, mais nous pouvons difficilement nous arrêter sans certificat médical.
– Vous ne m’ennuyez pas du tout, répondit David. Je suis là pour ça. Décrivez-moi un peu vos symptômes. »
Ils étaient en tous points semblables à ceux des quatre autres infirmières : sensation de malaise, petits problèmes gastro-intestinaux et légère fièvre. David confirma le diagnostic déjà établi par Beverly et lui accorda un arrêt de travail en lui recommandant de boire abondamment et de prendre de l’aspirine si nécessaire.
Ses consultations finies, il se dirigea vers l’hôpital pour aller voir ses malades. En chemin, il réfléchit au fait troublant que l’épidémie de grippe en cours semblait ne toucher que des infirmières, et qui de surcroît travaillaient toutes au premier étage.
Par une curieuse coïncidence, se dit-il, c’est dans ce même service de médecine générale qu’avaient été hospitalisés les patients qu’il avait perdus. Bien sûr, quatre-vingt-dix pour cent des malades échouaient au premier étage, mais il trouvait tout de même troublant que l’épidémie épargne le personnel infirmier affecté en ORL ou aux urgences.
En son for intérieur, David restait convaincu que ses malades avaient succombé à une maladie infectieuse contractée pendant leur hospitalisation. Cela n’était peut-être pas sans lien avec le syndrome grippal présenté par les infirmières. D’ailleurs, songea-t-il soudain, il paraissait logique que des infirmières somme toute assez bien portantes développent des symptômes relativement discrets lorsqu’elles étaient infectées par le mystérieux agent pathogène, alors que des patients ayant subi une chimiothérapie et par conséquent affaiblis sur le plan immunitaire étaient en un rien de temps emportés par la maladie.
Le raisonnement se tenait, mais quand David essaya de trouver une maladie susceptible de correspondre à ce tableau clinique en deux volets il dut s’avouer son impuissance. La pathologie à laquelle il avait affaire frappait simultanément l’appareil digestif, le système nerveux central et la composition du sang, et elle posait suffisamment de problèmes de diagnostic pour que même un spécialiste comme le Dr Martin Hasselbaum n’arrive pas à mettre un nom dessus.
Et si elle était déclenchée par une substance toxique présente dans l’environnement ? songea David en repensant à l’abondante salivation de Jonathan. Toutefois l’idée lui parut vite farfelue. Comment ce poison se serait-il disséminé, en effet ? À supposer qu’il soit présent dans l’air, il aurait fait un nombre de victimes bien supérieur. C’était néanmoins un début de piste, et David décida de réserver son jugement en attendant les résultats des analyses toxicologiques qu’il avait demandées à Angela.
Abandonnant momentanément ses réflexions, David accéléra le pas pour gagner le premier étage. À sa grande satisfaction, ses malades étaient tous en voie de guérison, y compris Donald qui ne requérait pas d’autre soin qu’un ajustement de son dosage d’insuline.
Après avoir pris les mesures qui s’imposaient, David descendit au rez-de-chaussée pour se rendre au laboratoire. Il trouva Angela dans la section chimie où elle s’efforçait de résoudre un problème à l’aide d’un analyseur multipistes.
« Tu as déjà fini ? s’étonna sa femme.
– Oui, pour une fois.
– Comment se porte M. Eakins ?
– Je te raconterai ça plus tard.
– Tout va bien ? demanda Angela en le dévisageant d’un œil inquiet.
– Pas vraiment, répondit David. Mais je préférerais que nous en parlions plus tard. »
La jeune femme s’excusa ^auprès du technicien qui l’assistait dans sa tâche et prit David à part.
« J’ai eu une petite mauvaise surprise en arrivant ce matin, lui annonça-t-elle. Wadley a fait un foin de tous les diables à cause de l’autopsie.
– Oh, je suis désolé, dit David.
– Tu n’y es pour rien. Wadley réagit en macho blessé dans son orgueil. En représailles, il m’a interdit toutes les analyses que j’avais prévues de faire.
– Merde ! laissa échapper David. J’ai absolument besoin des résultats toxicologiques.
– Rassure-toi, tu les auras. J’ai envoyé les préparations à Boston et je n’ai gardé que les lames microscopiques ici. Je pensais d’ailleurs rester ce soir pour les étudier. Tu arriveras à te débrouiller pour le dîner ? »
Pour toute réponse, David l’embrassa sur la joue.
Soulagé de quitter l’hôpital, il enfourcha sa bicyclette avec un plaisir de gosse. Il trouvait enivrant de pédaler en s’emplissant les poumons d’air pur et se sentit un peu déçu que la balade soit déjà terminée lorsqu’il s’engagea dans l’allée de la maison.
Après avoir libéré Alice Doherty, il passa un long moment à vaquer dans la cour en compagnie de Nikki jusqu’à ce que l’obscurité les pousse à se réfugier à l’intérieur. Pendant que sa fille étudiait ses leçons, il s’occupa de préparer le repas, avec au menu un steak et de la salade.
Quand ils eurent fini de dîner, il informa avec ménagement sa fille de l’hospitalisation de Caroline.
« Elle est gravement malade ? s’inquiéta Nikki.
– Elle n’avait pas l’air très bien, quand je l’ai vue ce matin, reconnut David.
– Demain, j’irai lui rendre visite, déclara la petite fille.
– Je ne suis pas sûr que ce soit une très bonne idée, répondit son père. Tu avais un début de congestion, hier soir, et je trouve qu’il serait plus prudent d’attendre de savoir ce qu’a vraiment Caroline avant d’aller la voir. Tu comprends, n’est-ce pas ? »
Nikki hocha la tête, l’air malheureux.
Par mesure de précaution, David insista ensuite pour qu’elle fasse ses exercices de kinésithérapie respiratoire puis il l’envoya se coucher.
Resté seul, il alla chercher un de ses manuels de médecine et l’ouvrit au chapitre « Maladies infectieuses ». Il ne cherchait rien en particulier, espérant simplement trouver un élément susceptible d’infirmer ou de corroborer l’idée qui lui était venue tout à l’heure.
Il ne se rendit pas compte qu’il s’endormait, le livre posé sur les genoux. Quand il se réveilla en sursaut, la pendule qui trônait sur la cheminée indiquait onze heures passées. Angela n’était toujours pas rentrée.
Un peu troublé, il se leva pour appeler l’hôpital. La standardiste lui passa le laboratoire. « Tu es toujours là ? s’étonna-t-il quand il eut Angela au bout du fil.
– C’est un peu plus long que je ne croyais, répondit-elle. J’ai eu des problèmes avec les colorations. Demain, il faudra que je tire mon chapeau aux techniciens qui s’en chargent d’habitude. Mais j’ai presque fini. Je devrais être à la maison dans moins d’une heure.
– Je t’attends », dit David.
*
Plus d’une heure s’était écoulée lorsqu’Angela eut enfin terminé. Elle rangea dans une mallette en acier quelques lames qu’elle avait mises de côté en se disant que David pourrait avoir envie de les regarder. La chose serait facile puisqu’elle avait un microscope à la maison. Puis elle salua les techniciens de l’équipe de nuit et sortit du laboratoire pour se rendre au parking.
Décontenancée, la jeune femme regarda un moment les emplacements déserts situés à l’arrière du bâtiment en se demandant où était la Volvo. Elle commençait à se persuader qu’on la lui avait volée quand elle se souvint que, en rentrant au début de l’après-midi, elle avait dû aller se garer dans le parking du haut. D’un pas las, elle se remit en marche, épuisée par sa longue journée et la pesante mallette qui lui sciait le bras.
Elle remarqua sur le parking du bas quelques voitures appartenant aux membres du personnel de garde pendant la nuit. À cette heure, il n’y avait pas âme qui vive dehors et l’épais silence où seul résonnait le bruit de ses pas la mettait mal à l’aise.
Alors qu’elle approchait du sentier qui coupait à travers le rideau d’arbres, son cœur se mit à battre plus vite. L’oreille aux aguets, la jeune femme crut entendre un craquement dans son dos. Elle se retourna vivement sans distinguer quoi que ce soit de suspect et se dit que sa nervosité devait lui jouer des tours.
Mais l’angoisse la gagnait peu à peu. Elle se remémorait des histoires qu’on lui avait racontées sur des ours qui s’aventuraient parfois du côté de la ville, à la mauvaise saison. Que faire si elle se retrouvait face à un de ces animaux féroces ? « Tu es folle ! » se réprimanda-t-elle à voix haute tout en accélérant l’allure.
Au moment de s’engager dans le sentier, elle dut s’arrêter un instant pour accommoder sa vue à l’obscurité. En effet, si les réverbères qui éclairaient le parking du bas lui avaient jusque-là permis de se repérer sans difficulté, le petit bois était totalement plongé dans l’ombre dense des espèces à feuillage persistant.
Un chien qui aboyait au loin la fit tressaillir. Prenant sur elle, la jeune femme s’enfonça plus avant sous le tunnel des branches et grimpa l’escalier aux marches en rondins. Elle sursautait au moindre bruit, au grincement sinistre des arbres morts ou au bruissement du vent dans les feuilles. Son angoisse lui rappelait cruellement la panique qui s’était emparée d’elle quand elle avait vu David et Nikki sortir de sous l’escalier du sous-sol, leurs horribles masques sur la figure.
En haut des marches, le sentier s’aplanissait et partait sur la gauche. Devant elle, Angela discerna les lumières du parking du haut. Il ne lui restait plus que cent à cent cinquante mètres à parcourir.
Un peu rassurée, elle poursuivit sa progression quand soudain un homme qui dissimulait son visage derrière un passe-montagne surgit de derrière un taillis en brandissant un gourdin. Tout se passa si vite qu’Angela n’eut pas le temps de s’enfuir.
Elle recula d’un pas, se prit le pied dans une racine et tomba pendant que l’homme se jetait sur elle. La jeune femme roula sur elle-même en poussant un hurlement. Elle entendit le bruit sourd du gourdin qui s’abattait sur la terre meuble à l’endroit où elle se trouvait un quart de seconde plus tôt.
Elle réussit à se remettre sur ses pieds, mais son agresseur la retint de sa main gantée, prêt à frapper une nouvelle fois. Folle de panique et de colère, Angela lança le bras en arrière et projeta la mallette dans l’entrejambe de l’homme qui la lâcha instantanément, plié en deux par la douleur.
Sans perdre une minute, la jeune femme se précipita dans une course éperdue vers le parking du haut qu’elle atteignit en un rien de temps, malgré sa cheville meurtrie. L’homme l’avait suivie, elle en était sûre, et elle courait avec une seule idée en tête : le fusil. Elle allait prendre le fusil et descendre ce salaud.
Laissant tomber la mallette à ses pieds, elle attrapa fébrilement ses clefs, ouvrit le coffre et arracha le papier kraft qui enveloppait l’arme achetée le matin même. Puis elle sortit à la hâte les cartouches du sac en papier, chargea le fusil et l’amorça.
Le tenant droit devant elle à hauteur de la taille, elle se retourna pour balayer l’espace du regard. Tout était désert. L’homme ne lui avait pas donné la chasse. Ce qu’elle avait cru entendre derrière elle n’était que l’écho de ses propres pas.
*
« Vous ne pourriez pas être un peu plus précise ? s’emporta Robertson. Plutôt grand, vous dites ? C’est un peu maigre comme description. Comment voulez-vous que nous mettions la main sur ce type si les femmes qu’il attaque restent aussi vagues ?
– Il faisait nuit, répondit Angela qui devait lutter pour garder son calme. Et tout s’est passé si vite. En plus, il portait une espèce de cagoule.
– Et qu’est-ce que vous faisiez, à traîner dehors à minuit passé ? Ce n’est pas qu’on ne vous ait pas prévenues, vous, les infirmières.
– Je ne suis pas infirmière mais médecin, répliqua Angela.
– Tiens ! lâcha dédaigneusement Robertson. Vous croyez que le violeur fait la différence ?
– Je voulais simplement vous signaler que je n’étais pas prévenue. Les infirmières l’ont peut-être été, moi pas.
– Quoi qu’il en soit, vous avez été imprudente.
– Que voulez-vous insinuer ? Que tout ce qui m’arrive est de ma faute ? »
Robertson choisit d’ignorer la remarque. « Avec quoi vous a-t-il menacée, exactement ? demanda-t-il.
– Je vous l’ai déjà dit : avec une espèce de bâton, un gourdin. Encore une fois, il faisait sombre. »
L’air dégoûté, Robertson se tourna vers son adjoint : « Vous êtes sûr que Bill venait juste de passer par là, pendant sa ronde ?
– Exact, répondit l’interpellé. Il a inspecté les deux parkings dix minutes à peine avant l’incident.
– Quel sac de nœuds ! grommela Robertson. Les choses seraient plus simples si les bonnes femmes y mettaient un peu du leur.
– Je peux passer un coup de fil ? » demanda Angela qui voulait prévenir David.
Quand il décrocha, elle comprit à sa voix qu’elle le réveillait.
« Quelle heure est-il ? marmonna David avant de jeter un regard sur la pendule. Plus d’une heure du matin ! Mais qu’est-ce que tu fabriques ?
– Je te raconterai tout en arrivant. Je suis là dans dix minutes », répondit brièvement la jeune femme.
Angela raccrocha et demanda froidement à Robertson si elle pouvait s’en aller.
« Oh, bien sûr, acquiesça Robertson. N’hésitez pas à repasser si jamais un détail vous revenait à l’esprit. Vous voulez que mon adjoint vous ramène ?
– Merci, refusa Angela. Je suis assez grande pour me débrouiller seule. »
Moins d’un quart d’heure plus tard, elle se pelotonnait dans les bras de David venu lui ouvrir la porte. À la fois alarmé et surpris de la voir rentrer si tard avec une mallette dans une main et un fusil dans l’autre, David se retint toutefois de lui poser des questions. La tête dans ses cheveux, il la serra fort contre lui.
Au bout d’une longue minute, elle se libéra de son étreinte, enleva son manteau maculé de boue et se dirigea vers la salle à manger en tenant toujours la mallette et le fusil. David marchait derrière elle, les yeux fixés sur l’arme. La jeune femme posa ses deux colis sur le divan et s’assit au milieu, les genoux entre les bras.
« Je crois que j’ai besoin de reprendre des forces, dit-elle. Tu n’irais pas me chercher un peu de vin ? »
David obtempéra et revint bientôt avec un verre plein qu’il lui tendit en lui demandant si elle ne voulait pas grignoter quelque chose. La jeune femme secoua la tête, avala une gorgée de vin puis, posément, se mit à raconter à David ce qui lui était arrivé. Mais peu à peu sa voix s’altéra, et bientôt elle éclata en sanglots, terrassée par l’émotion. David l’enlaça et se mit à la bercer doucement, partagé entre l’horreur et la culpabilité. Tout était de sa faute ; sans lui, jamais elle ne serait restée si tard à l’hôpital.
Angela finit par retrouver assez d’empire sur elle-même pour poursuivre son récit. Quand elle en arriva à son passage au poste de police, sa colère reprit le dessus. « Robertson a le don de me mettre hors de moi, bredouilla-t-elle. À l’entendre, on dirait que je l’ai cherché.
– C’est un sale type, tu avais raison », reconnut David.
Angela se retourna pour attraper la mallette qu’elle tendit à David. « Tout ça n’aura pas servi à grand-chose, soupira-t-elle. Je n’ai à peu près rien découvert. Il n’y avait pas de tumeur au cerveau ; une petite inflammation périvasculaire, peut-être, mais rien de bien méchant. J’ai aussi observé quelques lésions neuronales, mais elles sont probablement consécutives au décès.
– Aucun signe d’infection systémique ? s’enquit David.
– Non, dit Angela en secouant la tête. Je t’ai apporté des lames, au cas où tu aies envie de vérifier par toi-même.
– Je vois aussi que tu as un fusil.
– Oui ; et fais attention, il est chargé. J’en parlerai avec Nikki demain, ne t’inquiète pas. »
Un choc violent accompagné d’un tintement de verre brisé les fit tous deux se redresser. À l’étage, Rusty poussa un aboiement avant de dévaler l’escalier en grondant. David saisit le fusil.
« Le cran de sûreté est juste au-dessus de la détente », murmura Angela en suivant son mari dans le salon obscur.
David appuya sur l’interrupteur. Quatre des carreaux de la porte-fenêtre et leurs montants étaient fracassés. Leurs débris jonchaient le plancher. À quelques mètres, se trouvait une grosse brique autour de laquelle était attaché un bout de papier où une main anonyme avait tapé, mot pour mot, l’avertissement cloué la veille sur la porte d’entrée.
« J’appelle la police, déclara Angela. Ça ne peut plus durer. »
Quand elle eut passé ce coup de fil, David l’obligea à s’asseoir. « As-tu fait quoi que ce soit en rapport avec le meurtre de Hodges, aujourd’hui ? lui demanda-t-il.
– Non, dit Angela sur la défensive. Enfin… si. J’ai eu le médecin légiste de Burlington au téléphone.
– Tu n’as pas parlé de Hodges avec quelqu’un d’autre ?
– J’ai bien dû citer son nom à une ou deux reprises en discutant avec Robertson.
– Cette nuit ? s’étonna David.
– Non, à midi. Je suis passée au poste de police après avoir acheté cette arme à la quincaillerie.
– Pour quoi faire, grands dieux ?
– Je voulais m’excuser de m’être emportée hier. Mais je crois que j’ai eu tort. Robertson n’a aucune intention d’arrêter l’assassin.
– Angela, l’implora David. Tu ne peux plus continuer à te mêler de cette affaire. Tu joues avec le feu. Le mot cloué sur la porte hier aurait dû te suffire. Cette fois, on a brisé une fenêtre, c’est pire. »
Le faisceau des phares d’une voiture de police balaya le mur du fond. David et Angela s’approchèrent de la fenêtre. « Robertson n’est pas là, tant mieux », observa la jeune femme.
L’agent de police qui prit leur déposition s’appelait Bill Morrison. D’emblée, les Wilson comprirent que l’incident ne l’intéressait pas outre mesure. Il se contenta de leur poser les questions imprimées sur son formulaire.
« Vous n’emmenez pas cette brique ? lui demanda Angela alors qu’il s’apprêtait à partir.
– La brique ? Non, c’est pas prévu, répondit-il étonné.
– Et les empreintes ? » insista la jeune femme.
L’air ahuri, Morrison laissa son regard aller d’Angela à David, puis retour.
« Pourquoi me regardez-vous comme ça ? reprit Angela. Vous savez tout de même qu’il est possible de prélever des empreintes sur un matériau comme la brique, non ?
– Oui, mais je pense pas qu’on ira jusque-là, dit-il.
– On ne sait jamais. Je vais vous chercher un sac, au cas où », lança-t-elle en s’éclipsant dans la cuisine. Elle en revint avec un sac en plastique qu’elle retourna à l’envers pour saisir la brique avec. « Voilà, dit-elle en le tendant à Bill. Comme cela vous aurez tout ce qu’il faut, si jamais vous vous décidez à mener sérieusement l’enquête. »
Bill hocha la tête et regagna sa voiture sans mot dire. Angela et David le regardèrent s’éloigner dans l’allée.
« Ces flics ne m’inspirent pas confiance, remarqua David.
– À moi non plus, et depuis le début, dit Angela.
– Si Robertson est vraiment le seul à qui tu aies parlé de Hodges aujourd’hui, je me demande vraiment qui a pu lancer la brique dans la fenêtre.
– Tu crois que c’est lui ?
– Je ne sais pas. Je n’arrive pas à imaginer qu’il pourrait aller aussi loin, mais j’ai comme l’impression que ces messieurs de la police en savent plus long qu’ils ne veulent le laisser entendre. L’agent Morrison n’a pas manifesté un zèle excessif, en tout cas.
– Décidément, Bartlet n’est pas le paradis que nous croyions avoir trouvé », conclut Angela.
David la quitta pour aller dans la grange où il découpa un morceau de contreplaqué destiné à boucher la fenêtre. Quand il eut fini, il trouva Angela attablée devant un bol de céréales.
« C’est un peu léger, comme dîner, observa-t-il.
– Je suis surtout étonnée d’avoir faim », répondit Angela.
Elle le suivit dans le salon et le regarda essayer maladroitement d’ouvrir l’escabeau. « Tu es sûr que c’est bien nécessaire ? » lui demanda-t-elle.
David lui lança un regard excédé.
« Tu ne m’as pas raconté ta journée, reprit-elle alors qu’il commençait à grimper sur l’escabeau. Comment va Jonathan Eakins ?
– Je n’en sais rien, répliqua David. Ce n’est plus moi qui le soigne.
– Comment ça ?
– Kelley m’a remplacé. Il lui a attribué un autre médecin.
– Il a le droit ?
– Il le prend, répondit David en tentant tant bien que mal d’aligner le panneau de contreplaqué sur le bord supérieur de la porte-fenêtre. Ça m’a d’abord rendu furieux. Maintenant j’en ai pris mon parti. Au moins, je n’ai plus à me sentir responsable.
– Tu te sentiras de toute façon responsable. Je te connais. »
David demanda à sa femme de lui passer le marteau et tapa avec sur le clou qu’il venait de sortir de sa poche. Sous le choc, un cinquième carreau vint se fracasser par terre. Le vacarme déchaîna les aboiements de Rusty.
« Et merde ! s’exclama David.
– Tu sais, nous devrions peut-être déménager, quitter Bartlet, dit Angela.
– C’est tout simplement impossible. Tu oublies nos dettes et nos contrats. Nous ne sommes plus aussi libres que nous l’étions.
– Mais rien ne se passe comme nous l’avions espéré. Nous ne pouvons pas travailler comme nous le voulons. Je me fais agresser. Et l’affaire Hodges me rend folle.
– Il faut absolument que tu laisses tomber l’affaire Hodges, Angela. Je t’en prie.
– Je ne peux pas, balbutia la jeune femme, des larmes dans la voix. Ça me donne même des cauchemars : cette nuit j’ai rêvé qu’il y avait du sang plein la cuisine. Chaque fois que je pénètre dans cette pièce, ce meurtre m’obsède. Je n’arrive pas à me débarrasser de l’idée que celui qui l’a commis a toute liberté d’aller et venir et que rien ne l’empêche sans doute d’entrer dans la maison. C’est insupportable d’en arriver à devoir vivre avec un fusil chargé.
– Ce fusil n’a rien à faire dans la maison, martela David.
– Il n’est pas question que je reste ici toute seule la nuit sans une arme.
– Dans ce cas, je te conseille vraiment d’interdire formellement à Nikki d’y toucher.
– J’en parlerai avec elle dès demain.
– À propos, reprit David. J’ai vu la petite Caroline aux urgences, ce matin. Elle avait beaucoup de fièvre et de gros problèmes respiratoires. Pilsner l’a hospitalisée.
– Oh, mon Dieu. Nikki est au courant ?
– Oui, depuis ce soir.
– C’est contagieux, à ton avis ? Elles ont passé la journée ensemble, hier.
– Je ne sais pas encore. Mais j’ai expliqué à Nikki qu’il était plus raisonnable d’attendre un peu avant d’aller voir Caroline à l’hôpital.
– Pauvre Caroline, soupira Angela. Elle avait l’air bien, hier. Pourvu que Nikki n’ait rien attrapé.
– Espérons-le. Excuse-moi d’insister, Angela, mais vraiment je trouve que nous avons des problèmes plus graves à régler que le meurtre de Hodges. Laisse tomber, je t’en prie. Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le au moins pour Nikki.
– Très bien, accepta Angela à contrecœur. Je te promets au moins d’essayer.
– Dieu soit loué, dit David. Et maintenant, comment vais-je arriver à réparer ces dégâts ? reprit-il en lui montrant d’un geste découragé les éclats du carreau qu’il venait de casser.
– Du plastique et du Scotch, tu ne crois pas que ça tiendrait ? »
David la regarda, les yeux ronds. « Évidemment ! s’exclama-t-il. Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ? »