13.

 

 

 

MERCREDI 20 OCTOBRE

 

Malgré les protestations véhémentes de leur fille, David et Angela s’opposèrent fermement à ce qu’elle aille à l’école dès le lendemain de sa sortie de l’hôpital. Compte tenu du temps et du fait qu’elle était encore sous antibiotiques, ils ne voulaient prendre aucun risque.

Nikki eut beau se montrer moins docile que d’habitude, ils insistèrent pour qu’elle exécute jusqu’au bout sa séance de kiné respiratoire et ne la laissèrent enfin en paix qu’après l’avoir auscultée à tour de rôle, ce qui leur permit de constater que son état s’était sérieusement amélioré.

Alice Doherty se présenta à l’heure dite. Pour David et Angela, c’était un immense soulagement de pouvoir se reposer sur cette femme digne de confiance et disponible dès qu’ils avaient besoin d’elle.

Ce jour-là encore, David dut renoncer à sa promenade à bicyclette. Bien que la pluie tombât moins fort que la veille, le ciel était bas et un brouillard épais montait du sol saturé d’humidité.

Il était sept heures et demie lorsqu’ils arrivèrent à l’hôpital. Vu l’heure matinale, David se dit qu’il avait le temps de passer voir John Tarlow, mais une mauvaise surprise l’attendait : dans la chambre de son patient, le lit était vide, des bâches recouvraient le sol et une échelle de peintre se dressait contre le mur. Après s’être assuré qu’il n’était pas victime d’une hallucination, David courut se renseigner au bureau des infirmières.

« M. Tarlow a été installé dans la 206, l’informa Janet Colburn.

– Mais pourquoi ? s’étonna David.

– Une équipe du service entretien doit repeindre sa chambre. Nous venons juste d’être prévenus.

– Je trouve ça un peu fort ! maugréa David.

– Moi aussi, reconnut Janet, mais nous n’y pouvons rien. Il faut voir ça avec la maintenance. »

Irrité par ce déménagement qui n’avait pu que perturber John Tarlow, David suivit le conseil de Janet et se rendit sur-le-champ au service mécanique et entretien. Là, il tomba sur un homme qui devait avoir à peu près son âge, habillé de vêtements de travail en gros coton vert clair dans lesquels il avait l’air d’avoir dormi, le visage mangé par une barbe de deux jours. L’étiquette placée contre la porte lui indiqua son nom : Werner Van Slyke.

« Qu’est-ce que c’est ? interrogea Van Slyke en levant les yeux de l’agenda posé sur son bureau.

– On vient de changer un de mes malades de chambre, lui déclara David. J’aimerais savoir pourquoi.

– La 216 ? On est en train de la repeindre, répondit Van Slyke de son ton monocorde.

– J’ai bien vu qu’on était en train de la repeindre.

Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi vous avez décidé de commencer ces travaux maintenant.

– C’était dans le planning.

– Planning ou pas, vous pourriez réfléchir avant de déranger les gens, surtout lorsqu’ils sont gravement malades.

– Si ça ne vous plaît pas, allez-vous plaindre à Mme Beaton », rétorqua Van Slyke en se replongeant dans la consultation de son agenda.

Stupéfait de tant d’insolence, David le dévisagea avec incrédulité. Puis, voyant que l’autre avait décidé de l’ignorer, il tourna les talons en se promettant de le prendre au mot et d’avoir une explication avec la P-DG de l’hôpital. Auparavant, il tenait toutefois à vérifier comment son malade avait supporté le changement. Dès qu’il eut poussé la porte de la chambre 206, son exaspération disparut, balayée par une vague d’angoisse. John Tarlow était au plus mal.

La diarrhée et les vomissements que le traitement avait réussi à freiner avaient repris avec une violence accrue. Qui plus est, John gisait prostré dans son lit, apathique et sans réactions. Autant de symptômes inexplicables, dans la mesure où le malade, sous perfusion depuis son admission, ne souffrait pas de déshydratation.

David l’examina attentivement sans parvenir à déceler la raison de ce changement notable de l’état clinique, et notamment de l’abattement psychique dans lequel son patient semblait avoir sombré. La seule possibilité qui lui vint à l’esprit fut que John était sans doute assommé par le somnifère qu’il lui avait prescrit en cas d’absolue nécessité, non sans préciser qu’il ne fallait l’administrer qu’à la demande du patient.

Le dossier qu’il feuilleta compulsivement dans le bureau des infirmières ne lui apprit pas grand-chose ; les résultats des examens renvoyés par le laboratoire et sur lesquels il comptait pour décider de la suite du traitement ne lui fournirent aucune piste, et après la dernière mise au point de Kelley il répugnait à déranger les deux experts auxquels il aurait pu s’adresser, un cancérologue et un spécialiste des maladies infectieuses qui ne faisaient partie ni l’un ni l’autre des équipes de l’OMV.

Essayant de se concentrer, David ferma les yeux et se massa les tempes. L’analyse des selles qu’il avait demandée manquait encore au dossier. Or il n’était pas douteux qu’elle lui livrerait de précieuses indications, dans la mesure où, pour l’heure, il ne savait toujours pas si l’infection était ou non d’origine bactérienne ni, à plus forte raison, de quelle bactérie il s’agissait. Par ailleurs, se souvint-il, John n’avait pas de fièvre, ce qui constituait au moins un point positif.

David feuilleta à nouveau le dossier où il était effectivement signalé que John avait pris son somnifère. Trouvant dans cette information une cause plausible à la léthargie de son patient, David supprima le médicament du traitement et prescrivit une nouvelle culture des selles et une autre numération sanguine. Enfin il précisa qu’il fallait désormais prendre la température de John toutes les heures et le prévenir (mot qu’il souligna deux fois) à la moindre hausse constatée.

Lorsqu’elle eut achevé l’analyse de la dernière biopsie, Angela mit un peu d’ordre dans le minuscule laboratoire attenant aux salles d’opération et se dirigea vers son bureau. Cette première partie de la matinée s’était bien passée, mais la jeune femme se renfrogna en songeant qu’il lui serait difficile d’éviter Wadley plus longtemps. Le problème que lui posait l’attitude de son chef de service était particulièrement délicat à résoudre.

En entrant, elle remarqua tout de suite que la porte de communication entre leurs deux bureaux était entrebâillée. Tout doucement, elle posa la main sur la poignée et tira le battant vers elle.

« Angela ! » lança Wadley..

La jeune femme tressaillit. Elle n’avait pas réalisé à quel point elle était tendue.

« Venez me voir, continua Wadley. Je veux vous montrer quelque chose de fascinant. »

Angela s’exécuta de mauvais gré. Assis à son bureau, Wadley se penchait sur un microscope ordinaire, moins puissant que celui dont il se servait pour ses démonstrations pédagogiques.

« Approchez, reprit-il avec un geste engageant. Regardez un peu cette lame. »

À quelques mètres de lui, Angela hésita. Comme s’il percevait ses réticences, Wadley s’écarta de la table en donnant une légère impulsion à son siège à roulettes. La jeune femme s’approcha alors du microscope et entreprit d’ajuster les lentilles à sa vue.

Elle n’avait pas tout à fait fini la mise au point quand Wadley, se poussant cette fois vers l’avant, l’empoigna par la taille. Déséquilibrée, Angela se retrouva sur ses genoux, coincée entre l’étau de ses bras.

« Je vous tiens ! » s’écria Wadley.

Elle se débattit pour échapper à cette étreinte dont la force lui coupait le souffle. Jusque-là, Wadley s’était contenté de l’effleurer au passage ; il ne s’était jamais permis de la brutaliser.

« Lâchez-moi ! exigea-t-elle avec colère en essayant de lui écarter les doigts pour se libérer.

– Il faut d’abord que je te dise quelque chose », susurra Wadley en la tutoyant ostensiblement.

Sous le coup de l’humiliation, Angela cessa un instant de lutter et ferma les yeux avec accablement.

« Voilà qui est mieux ! approuva Wadley. J’ai de bonnes nouvelles à t’annoncer. Le mois prochain nous partons ensemble à Miami, toi et moi. Tout est arrangé, j’ai même les billets.

– Merveilleux ! déclara froidement Angela de son ton le plus sarcastique. Et maintenant, lâchez-moi. »

Wadley ouvrit les mains et elle bondit sur ses pieds. Sans lui laisser le temps de s’éloigner, il la retint par le poignet. « Nous allons passer quelques jours de rêve, poursuivit-il. C’est la meilleure époque de l’année pour aller à Miami. Il fera un temps délicieux, nous pourrons nous rôtir au soleil. J’ai réservé nos chambres au Fontainebleau.

– Lâchez-moi ! réitéra Angela, les mâchoires serrées.

– Hé ! s’exclama Wadley en s’approchant pour la dévisager. Tu perds la tête ou quoi ? Ne me dis pas que tu as peur de moi, je voulais simplement te faire une surprise. Allez, file. »

Hors d’elle, Angela, qui se mordait les lèvres pour ne pas exploser, se rua dans son bureau et claqua la porte derrière elle. Jamais de sa vie elle ne s’était sentie aussi humiliée et avilie.

Elle inspira profondément pour essayer de recouvrer un minimum de sang-froid et se passa à plusieurs reprises les mains sur le visage. Il lui fallut plusieurs minutes pour se ressaisir et rassembler ses esprits. Puis, empoignant son manteau, elle sortit de son bureau d’un pas décidé. La muflerie de Wadley avait au moins eu le mérite de l’inciter à passer à l’action.

Pour éviter de trop se faire mouiller par le crachin, elle traversa en courant l’espace découvert qui séparait le bâtiment principal du Centre d’imagerie médicale. Une fois à l’intérieur, elle reprit une allure plus normale et alla se présenter à la secrétaire de Cantor.

Comme elle arrivait sans s’être annoncée, elle dut patienter près d’une demi-heure avant qu’il puisse la recevoir. Ce long délai ressuscita les doutes qu’elle entretenait à son propre égard et la jeune femme recommença à se demander si elle n’était pas en partie responsable de ce qui lui arrivait. Elle s’en voulait de sa naïveté et se sentait coupable de n’avoir pas anticipé le cours des choses.

« Entrez, entrez », lui dit aimablement Cantor en s’effaçant pour la laisser passer.

Son bureau était un vrai capharnaüm. Il dut enlever la pile de revues de radiologie entassées sur un siège avant d’offrir à Angela de s’asseoir. Puis il prit place en face d’elle, croisa les jambes et s’enquit de la raison de sa venue.

Maintenant qu’elle se trouvait en tête à tête avec le responsable du personnel médical, la jeune femme sentait sa détermination l’abandonner. Les réticences que cet homme lui avait d’emblée inspirées lui revinrent en mémoire devant le petit sourire supérieur qu’il arborait, comme s’il avait déjà décidé que ce dont elle voulait l’entretenir n’était qu’une bagatelle sans conséquence.

« Je me trouve dans une position difficile, lui expliqua-t-elle en guise d’introduction. J’ai beaucoup hésité avant de venir vous voir mais il m’a semblé que c’était la meilleure solution. »

D’un petit signe de tête, Cantor l’encouragea à poursuivre.

« Si je suis ici, c’est pour mettre un terme au harcèlement sexuel dont je suis victime de la part du Dr Wadley. »

Cantor décroisa les jambes et se pencha en avant, comme pour l’écouter plus attentivement mais sans se départir de son sourire suffisant.

« Depuis combien de temps le Dr Wadley vous importune-t-il de la sorte ? s’enquit-il.

– Oh, sans doute depuis le début, répondit Angela en s’apprêtant à reprendre le fil de son discours.

– Sans doute ? la coupa Cantor en haussant les sourcils. Dois-je comprendre que vous n’en êtes pas sûre ?

– Ça n’a pas tout de suite été flagrant. J’ai d’abord pensé que Wadley ne me manifestait qu’un intérêt purement pédagogique, presque paternel », dit la jeune femme avant de décrire à Cantor l’attitude au départ adoptée par Wadley. « Il profitait de la moindre occasion pour se trouver avec moi et provoquer un contact physique entre nous, mais pendant longtemps je n’ai pas pensé à mal, expliqua-t-elle. Par ailleurs, il m’entretenait de ses problèmes de famille, m’attribuant ainsi une place de confidente que je trouvais assez inconfortable.

– Tel que vous le décrivez, ce comportement me paraît assez bien cadrer avec des rapports d’amitié ou ce rôle de mentor que semble avoir endossé Wadley à votre égard. Je n’y vois rien de répréhensible.

– Certes, et c’est d’ailleurs pour cette raison que je ne me suis pas méfiée. Mais les choses viennent de prendre une tout autre tournure.

– Depuis quand ? demanda Cantor.

– C’est tout récent », répondit Angela.

Très embarrassée, elle entreprit en cherchant ses mots de lui raconter comment, deux jours plus tôt, Wadley lui avait posé la main sur la cuisse. Elle mentionna aussi le geste osé qu’il avait eu la veille dans le laboratoire et cette manie qu’il avait maintenant de l’appeler « mon chou ».

« Personnellement, rétorqua Cantor, ce petit nom qui vous gêne tant me paraît bien anodin. Moi-même je l’emploie sans arrêt avec les filles qui travaillent au Centre d’imagerie médicale. »

De surprise, Angela écarquilla les yeux. Ses craintes se confirmaient : elle n’avait pas frappé à la bonne porte. Comment avait-elle pu espérer qu’un homme qui méprisait sans doute encore plus les femmes que Wadley l’écoute avec impartialité ? Mais il n’y avait plus moyen de revenir en arrière, à présent. Puisqu’elle était lancée, elle devait aller jusqu’au bout et en l’occurrence informer Cantor du comportement inqualifiable adopté le matin même par Wadley, sans oublier ses idées de voyage à Miami.

« Je ne sais trop quoi en penser, commenta Cantor lorsqu’elle se tut. Est-ce que le Dr Wadley vous a laissé entendre que votre poste dépendait de votre soumission, si j’ose dire ? »

Angela pesta en son for intérieur. Visiblement, Cantor avait du harcèlement sexuel une définition des plus restrictive qui en limitait singulièrement la portée.

« Non, répondit-elle. Il n’a jamais été aussi loin. Mais les familiarités qu’il s’autorise me gênent au plus haut point. J’estime qu’elles dépassent largement ce que l’on peut attendre de simples rapports professionnels ou amicaux. Cela rend mes conditions de travail très pénibles.

– Vous réagissez peut-être avec une sévérité excessive. Je connais Wadley, il est d’un naturel démonstratif et vous avez vous-même mentionné l’intérêt qu’il vous portait. Ne le condamnons pas trop vite », s’empressa-t-il d’ajouter en voyant l’expression qui se peignait sur le visage d’Angela.

La jeune femme se leva. Elle s’obligea, malgré sa déception, à remercier le Dr Cantor de lui avoir accordé son temps.

« C’était la moindre des choses, lui assura-t-il en la raccompagnant. Tenez-moi au courant, mon petit.

D’ici là, je vous promets d’avoir dès que possible un entretien avec Wadley. »

Angela hocha la tête, essayant de puiser dans cette dernière phrase une raison d’espérer. Mais alors qu’elle regagnait son laboratoire, elle se persuada peu à peu qu’elle avait commis une grossière erreur en s’adressant à Cantor. Au lieu d’éclaircir la situation, cela risquait au contraire de la compliquer davantage.

*

Au cours de l’après-midi, David avait multiplié les allées et venues entre son service et l’hôpital pour se rendre au chevet de John Tarlow. L’état du malade restait stationnaire, sans doute grâce à la perfusion qui compensait quelque peu la déshydratation provoquée par les vomissements et la diarrhée. En fin de journée, David espérait de toutes ses forces pouvoir au moins constater une amélioration de l’état psychique de son patient. Mais John gisait dans son lit, aussi apathique, sinon plus, que dans la matinée. Si, pressé de questions, il parvenait encore à dire comment il s’appelait et avait conscience d’être hospitalisé, en revanche il avait complètement perdu la notion du temps et ne savait plus quel était le jour, le mois ou même l’année en cours.

Retournant pour la énième fois au bureau des infirmières, David consulta les résultats des examens transmis par le laboratoire et qui pour la plupart ne signalaient rien d’anormal. La numération globulaire effectuée dans la journée attestait une légère baisse du taux de leucocytes, mais la leucémie de John en rendait l’interprétation particulièrement difficile. Quant aux examens des selles, ils ne révélaient la présence d’aucune bactérie pathogène.

« Si M. Tarlow se met à avoir de la fièvre ou si ses symptômes gastro-intestinaux s’aggravent, appelez-moi chez moi, je vous prie », demanda-t-il aux infirmières avant de s’éclipser enfin.

Il retrouva Angela dans le hall d’accueil de l’hôpital et tous deux sortirent en courant vers le parking. Le temps ne s’arrangeait pas, loin de là, et une baisse sensible du thermomètre s’ajoutait maintenant à la pluie persistante.

Dans la voiture, Angela raconta à David le nouvel affront que lui avait infligé Wadley et la façon dont Cantor avait réagi à sa plainte.

« De la part de cet enfoiré de Wadley, plus rien ne m’étonne, remarqua David en secouant la tête. En revanche, l’attitude de Cantor me déçoit. Je m’attendais à plus de compréhension de la part du chef du personnel, ne serait-ce que parce que la responsabilité de l’hôpital est engagée, aux yeux de la loi. Il doit tout de même être au courant des peines prononcées par les tribunaux en cas de harcèlement sexuel ! Voilà dix ans que cette législation est appliquée.

– Pour le moment, je préfère ne plus y penser, dit Angela. On verra bien. Raconte-moi plutôt comment s’est passée ta journée. Tu n’as pas été trop perturbé par la disparition de Marjorie ?

– En réalité, je n’ai pas eu le temps d’y penser. Je suis très inquiet au sujet de John Tarlow que j’ai dû hospitaliser hier.

– Qu’est-ce qu’il a ?

– Je ne sais pas, et c’est bien ce qui m’effraie. Il est complètement apathique, beaucoup plus encore que Marjorie. Les troubles gastro-intestinaux pour lesquels je l’ai fait admettre à l’hôpital ont empiré. Cela me laisse très perplexe et ne me dit rien qui vaille. Pour ne rien te cacher, je n’ai aucune idée de l’étiologie du mal. Pour le moment, je me contente de traiter ses symptômes. »

David se tut un instant, pensif, puis passa à un autre sujet. « J’ai eu droit à la visite de Kelley, aujourd’hui. Il s’est montré encore plus odieux qu’hier. Son attitude indique bien le statut de seconde zone reconnu aux médecins, dans le nouveau contexte économique. On nous traite maintenant comme de simples employés.

– Tu as raison, renchérit Angela. Il devient vraiment difficile de défendre les droits des malades quand ceux qui ont tous les pouvoirs s’en soucient comme d’une guigne. »

Nikki fut tout heureuse de voir ses parents arriver.

Elle avait passé la journée enfermée, et seule la visite d’Arnie venu lui raconter ce qui se passait à l’école avait réussi à la distraire un peu.

« C’est un homme qui remplace Mme Kleber, annonça Arnie à David et Angela. Et il est drôlement sévère.

– Espérons que c’est un bon instituteur », soupira David avec un petit pincement au cœur en songeant à Marjorie.

Le petit garçon s’étant attardé plus que de raison, David le raccompagna chez lui pendant qu’Angela se mettait à la cuisine. Quand il rentra, Nikki le prit par la main et l’entraîna dans le salon. « Il fait drôlement froid, ici », lui déclara-t-elle.

David toucha le radiateur qu’il trouva brûlant. Il vérifia ensuite que les portes-fenêtres donnant sur la terrasse étaient bien fermées puis se tourna vers sa fille. « Où est-ce que tu sens le froid ? lui demanda-t-il.

– Là, sur le canapé. Essaie, tu vas voir. »

Il vint s’asseoir à côté d’elle et sentit effectivement un courant d’air glacial dans le cou. « Ma parole, mais c’est vrai, dit-il en se levant pour aller inspecter les fenêtres situées derrière le siège. Il va falloir traiter le mal à la racine et installer des doubles fenêtres.

– C’est comment, des doubles fenêtres ? » s’enquit Nikki.

David entreprit derechef de lui expliquer en détail les notions complexes de déperdition de chaleur, d’échange de masses d’air chaud et froid, d’isolation et d’économie d’énergie.

« Ce n’est pas très clair ! lança Angela qui l’écoutait de la cuisine. Je crois qu’il serait plus simple que tu montres les doubles fenêtres à Nikki.

– Bonne idée, acquiesça David. Viens, ma grande, suis-moi à la cave. On en profitera pour remonter du bois.

– Je n’aime pas cet endroit, ronchonna Nikki en descendant derrière lui l’escalier qui menait au sous-sol.

– Et pourquoi ? s’étonna son père.

– Ça me fiche la trouille !

– Tu ne vas pas imiter ta mère et te mettre dans tous tes états pour rien », la taquina David.

Les doubles fenêtres prévues pour servir à la mauvaise saison étaient empilées à l’arrière des marches en granit. David en souleva une pour la montrer à Nikki.

« Ça ressemble à une fenêtre normale, observa la petite fille.

– Oui, à la différence que celle-ci ne s’ouvre pas, lui expliqua David. L’air reste coincé entre ses vitres et celles de la fenêtre déjà posée. Tout le principe de l’isolation thermique repose là-dessus. »

Laissant sa fille inspecter la fenêtre, David en souleva deux ou trois autres et remarqua alors quelque chose qui lui avait jusqu’alors échappé.

« Qu’est-ce que tu as trouvé ? lui demanda Nikki en remarquant son air absorbé.

– Un truc que je n’avais jamais vu », répondit David en se penchant par-dessus la pile des châssis pour passer la main le long d’une paroi verticale qui fermait l’arrière de l’escalier jusqu’à mi-hauteur des marches. « Il y a un mur en parpaings, ici.

– C’est quoi, des parpaings ? »

Intrigué par sa découverte, David ignora la question.

« Aide-moi à sortir ces fenêtres de là, lança-t-il à sa fille. Tu vois, reprit-il quand l’espace fut un peu dégagé, ce mur ne ressemble pas du tout aux autres. Il a l’air beaucoup plus récent. »

Devant l’air interrogateur de Nikki, David lui montra les marches en granit, puis les parpaings, pour qu’elle se rende compte de la différence.

« À mon avis, reprit-il, on l’a bâti pour prévoir un espace de rangement supplémentaire.

– Qu’est-ce qu’il y a derrière ?

– Ça, je me le demande. Un trésor, peut-être ? Viens, on va regarder. »

Joignant le geste à la parole, il alla chercher la masse et le coin en métal qui servaient à fendre les bûches. Il s’apprêtait à frapper le premier coup quand Angela les appela du haut de l’escalier pour leur demander quelle sottise ils avaient encore inventée.

David posa la masse et mit un doigt sur ses lèvres en adressant un clin d’œil à Nikki. Puis il cria à Angela qu’ils prenaient quelques bûches et remontaient tout de suite.

« Je passe sous la douche, les prévint la jeune femme. On se met à table dès que je suis prête.

– Très bien », lança David en retour. Puis, se tournant vers Nikki, il chuchota : « Elle ne serait sans doute pas contente si elle savait qu’on essaie de démolir un bout de la maison, tu ne crois pas ? »

La fillette hocha vigoureusement la tête, l’air complice.

Après avoir attendu un moment pour laisser à sa femme le temps de s’enfermer dans la salle de bains, David s’empara à nouveau de la masse et, prévenant Nikki de se protéger les yeux, tapa de toutes ses forces sur le coin. Un bloc de ciment se détacha du parpaing qu’il avait choisi, et l’odeur nauséabonde qui s’échappa de l’orifice suffoqua presque David.

« Va vite me chercher une lampe de poche, s’il te plaît », lança-t-il à Nikki.

Le temps qu’elle revienne, il avait suffisamment élargi le trou pour y passer presque la tête. Saisissant la lampe qu’elle lui tendait, il dirigea le faisceau à l’intérieur pour tout de suite se reculer vivement, épouvanté. Dans sa hâte, il se cogna la tête contre le bord rugueux du parpaing.

« Qu’est-ce qu’il y a ? s’enquit sa fille, alarmée par l’expression hagarde qu’elle lisait sur ses traits.

– Ce n’est pas un trésor, hélas, répondit David en se passant la main sur la figure. Il vaudrait mieux prévenir maman. Tu veux bien aller la chercher ? »

Nikki ne se le fit pas dire deux fois. Elle se précipita en haut, pendant que David, les dents serrées, travaillait à agrandir l’ouverture. Lorsqu’Angela vint le rejoindre, serrant autour d’elle son peignoir en éponge, il était venu à bout de toute la rangée supérieure des parpaings.

« Que se passe-t-il ? s’enquit la jeune femme. Nikki a l’air bouleversée.

– Regarde, dit simplement David en lui tendant la lampe.

– J’espère que ce n’est pas une blague idiote, déclara Angela en fronçant les sourcils.

– Ça n’a rien d’une blague, tu vas voir. »

De mauvaise grâce, la jeune femme s’approcha du mur et braqua la torche électrique dans la niche sombre.

« Oh, mon Dieu ! s’écria-t-elle d’une voix blanche.

– Mais qu’est-ce qu’il y a ? s’impatienta Nikki. Je veux voir, moi aussi.

– C’est un cadavre, dit Angela sans la regarder. Et apparemment, il est là depuis un certain temps.

– Un cadavre d’être humain ? s’exclama Nikki. Je peux voir ?

– Pas question ! » s’écrièrent ses parents d’une même voix.

La petite fille protesta un peu pour la forme, mais sans grande conviction.

« Remontons plutôt dans le salon. Un bon feu nous fera du bien », décréta David en confiant une brassée de petit bois à Nikki pendant que lui-même se chargeait de porter des bûches.

Angela les avait précédés pour prévenir sans tarder la police qui arriva moins d’une demi-heure plus tard, annoncée par les éclairs bleus d’un gyrophare. Deux hommes descendirent de la voiture et se présentèrent à la porte.

« Bonsoir, madame. Wayne Robertson, chef de la police locale, annonça le plus petit des deux. L’agent Sherwin Morris m’accompagne. » Habillé en civil, Robertson portait une veste matelassée par-dessus une chemise en flanelle à carreaux. L’insigne des Red Sox, l’équipe de base-ball de Boston, était épinglée sur sa casquette à visière. Grand et maigre, l’agent Morris était en uniforme. Il tenait à la main une torche électrique d’une longueur impressionnante.

« Je n’étais pas de service, mais quand Morris m’a prévenu j’ai pensé qu’il valait mieux que je me déplace, reprit Robertson comme pour s’excuser de sa tenue.

– Je vous remercie d’être venu », dit Angela en les invitant à entrer.

Après avoir défendu à Nikki de les suivre, Angela et David guidèrent les deux policiers jusqu’au lieu de leur macabre découverte. Robertson prit alors la torche que lui tendait Morris et glissa la tête dans l’ouverture.

« Crénom de nom, c’est le toubib ! s’exclama-t-il en se retournant vers les trois autres. Le Dr Hodges, expliqua-t-il aux Wilson interloqués. Il est dans un sale état mais je le reconnais, pas de doute. C’est lui qui vivait ici avant que sa femme vende la maison. »

Figée sur place, Angela sentit un frisson lui parcourir l’échiné. Ses yeux croisèrent ceux de David, aussi désemparé qu’elle.

« Il va falloir démolir tout le mur pour enlever le macchabée, poursuivit Robertson. Ça ne vous ennuie pas trop ? »

David répondit par la négative.

« Vous ne voulez pas que j’appelle le médecin légiste ? » s’enquit Angela.

Travaillant dans un domaine proche de la médecine légale, elle savait qu’il était d’usage de prévenir cet expert assermenté en cas de mort suspecte. Or celle de Hodges n’avait a priori rien de naturel.

Robertson la dévisagea un moment, cherchant une réplique. Il n’aimait pas qu’on lui rappelle ce qu’il devait faire et détestait par-dessus tout qu’une femme lui dicte sa conduite. Mais Angela Wilson avait raison, bien sûr.

« Où est le téléphone ? s’enquit-il d’un ton rogue.

– Dans la cuisine », répondit la jeune femme.

Nikki fut priée de cesser de monopoliser l’appareil dont elle s’était emparée pour annoncer à Caroline et à Arnie la sensationnelle découverte d’un cadavre enterré dans la cave de sa maison.

Robertson se chargea lui-même de prévenir le médecin légiste puis rejoignit Morris au sous-sol pendant que David allait chercher une lampe tempête et une rallonge électrique afin de faciliter la tâche des deux policiers. Cet éclairage plus puissant leur permit de mieux observer le corps, en meilleur état de conservation qu’ils ne s’y attendaient. Seule la partie inférieure de la tête était déjà presque réduite à l’état de squelette ; la décomposition des chairs découvrait de façon obscène les maxillaires et la quasi-totalité de la dentition. Tout le haut du visage, en revanche, était resté étonnamment intact. Les yeux grands ouverts fixaient le néant et au-dessus, à la limite du cuir chevelu, une moisissure verdâtre s’étalait à l’endroit où l’os frontal paraissait enfoncé.

« On dirait des sacs en ciment, empilés là-bas dans le coin, lança Robertson en promenant le faisceau de sa torche dans le réduit aménagé sous l’escalier. Et tenez, voilà même une truelle. Il avait tout prévu, ma parole. Si ça se trouve, il s’est suicidé. »

David et Angela échangèrent un regard éloquent. De deux choses l’une, se disaient-ils : ou Robertson était un piètre détective, ou il avait un curieux sens de l’humour.

« Il y a tout un tas de papiers, là. Je me demande bien ce que ça peut-être, continua Robertson en éclairant plusieurs feuilles de papier éparpillées sur le sol de la tombe improvisée.

– On dirait des feuillets tapés à la machine, observa David.

– Oh, et regardez-moi ça ! s’écria Robertson en leur montrant une sorte de barre de fer dont une partie disparaissait sous le corps.

– Qu’est-ce que c’est ? demanda David.

– Un ciseau, répondit Robertson. Le genre d’outils qui sert à tout. »

Le reste du commentaire fut couvert par la voix de Nikki qui s’époumonait en haut de l’escalier pour les prévenir de l’arrivée du médecin légiste. Angela quitta un instant les trois hommes pour aller à la rencontre du nouveau venu.

Mince, de taille moyenne, le Dr Tracy Cornish avait un aspect un peu vieux jeu avec ses lunettes à monture métallique et sa grosse serviette de médecin en cuir noir.

Après s’être présentée et lui avoir expliqué qu’elle travaillait dans le service d’anatomopathologie de l’hôpital, Angela lui déclara qu’elle était heureuse de rencontrer un expert en médecine légale, étant donné l’intérêt qu’elle portait à ce domaine. Quelque peu embarrassé, le Dr Cornish dut alors préciser qu’il n’était pas expert à proprement parler et n’exerçait cette charge qu’à l’occasion, en complément de son travail de généraliste.

S’en voulant de sa question maladroite, Angela s’empressa de proposer à son confrère de le guider jusqu’au sous-sol. Arrivé sur les lieux, Cornish observa un instant la scène sans mot dire.

« Le corps est remarquablement bien conservé, déclara-t-il enfin. Depuis quand le Dr Hodges était-il porté disparu ?

– Ça doit bien faire huit mois, répondit Robertson.

– Pourquoi les maxillaires sont-ils à ce point dénudés ? s’enquit David.

– Des rats sans doute », répliqua Cornish en s’accroupissant près du cadavre avant d’ouvrir sa sacoche.

David frissonna à la pensée des rongeurs se repaissant de chair humaine. Jetant un regard en coin à Angela, il s’aperçut que son épouse n’était pas le moins du monde impressionnée et qu’elle observait le médecin légiste avec une sorte de fascination.

Ce dernier commença par prendre toute une série de photos du cadavre, dont un certain nombre en gros plan. Puis il enfila des gants en caoutchouc et entreprit de ramasser un par un les différents objets disséminés alentour et de les glisser dans des pochettes en plastique. Quand il en arriva aux papiers, les autres se pressèrent autour de lui avec curiosité. Cornish les mit en garde : il ne fallait surtout rien toucher.

« Ce sont des éléments de dossiers médicaux, ils viennent de l’hôpital, observa David.

– Et toutes ces taches que vous voyez dessus sont sûrement des traces de sang », déclara le Dr Cornish en plaçant les feuilles dans une pochette en plastique qu’il referma ensuite hermétiquement et identifia à l’aide d’une étiquette.

Quand il ne resta plus rien sur le sol, le médecin légiste s’approcha du corps et, avant toute chose plongea la main dans les poches pour examiner le contenu. Il y trouva tout de suite un portefeuille

de billets ainsi que plusieurs cartes de crédit, toutes au nom de Dennis Hodges.

« C’est sûrement pas un voleur qui a fait le coup », remarqua finement Robertson.

Le médecin légiste retira ensuite la montre-bracelet que Hodges portait au poignet. Elle marchait toujours et indiquait l’heure exacte.

« La boîte qui a fabriqué cette montre pourrait se faire une bonne pub, avec ça », reprit Robertson avec un gros rire qu’il ravala aussi sec lorsqu’il se rendit compte que personne ne s’était joint à lui.

Le Dr Cornish, qui entre-temps avait sorti un grand sac en vinyle de sa serviette, demanda à Morris de l’aider à y introduire le cadavre.

« Vous ne protégez pas les mains ? » s’étonna Angela.

D’abord interloqué, Cornish l’approuva d’un petit hochement de tête. « Bonne idée », dit-il en prenant deux sachets en papier qu’il passa autour des mains de Hodges.

Ceci fait, Morris et lui s’empressèrent de mettre la dépouille dans le sac et de fermer ce dernier en tirant sur la fermeture Éclair. Un quart d’heure après, Angela, David et Nikki regardaient la voiture de police et la fourgonnette du médecin légiste s’éloigner le long de l’allée et disparaître dans la nuit.

« Vous avez faim ? » demanda la jeune femme.

Pour toute réponse, son mari et sa fille émirent un grognement dégoûté.

« Je n’ai pas beaucoup d’appétit, moi non plus », reconnut Angela.

Tous trois passèrent dans la bibliothèque où David ajouta une bûche au feu qui se mourait pendant que Nikki s’installait devant la télévision et qu’Angela se plongeait dans un livre. Vers huit heures, toutefois, des tiraillements du côté de l’estomac les décidèrent à passer à table. Le temps qu’Angela s’occupe de réchauffer le dîner, sa fille et son mari avaient mis le couvert.

« Toutes les familles ont un cadavre dans leur placard, déclara David d’un ton jovial au milieu du repas. Le nôtre était dans la cave, c’est plus original.

– Je trouve cette remarque d’assez mauvais goût », dit Angela en fronçant les sourcils.

Et comme Nikki protestait qu’elle n’avait rien compris, la jeune femme lui expliqua le sens de l’expression employée par David. Quand elle eut saisi, la petite fille se rangea du côté de sa mère ; elle non plus ne trouvait pas ça drôle.

David s’excusa, un peu confus. L’horrible découverte du cadavre de Hodges le tracassait à cause des répercussions qu’elle risquait d’avoir à plus ou moins long terme sur Nikki. Il avait simplement voulu détendre un peu l’atmosphère en y introduisant une note humoristique, mais force lui était de reconnaître que sa plaisanterie tombait à plat.

Une fois le dîner terminé, Nikki s’acquitta sans rechigner de sa séance de kinésithérapie respiratoire, puis tous trois montèrent se coucher sans demander leur reste. David et Nikki dormaient debout.

En revanche, le sommeil fuyait Angela. Allongée dans son lit, la jeune femme écouta un moment les craquements et les grincements de la vieille maison en butte aux assauts du vent et de la pluie. Elle n’y avait jamais prêté attention, jusqu’ici, mais ce soir-là elle percevait le moindre son, jusqu’au ronflement émis par la chaudière lorsque celle-ci se mettait en marche au sous-sol.

Soudain, alertée par une série de coups sourds, Angela se redressa, sur le qui-vive.

« Qu’est-ce que c’est que ce bruit ? murmura-t-elle en secouant David.

– Quel bruit ? marmonna-t-il à moitié endormi.

– Écoute, lui dit Angela. Ce bruit de battement.

– Sans doute un volet mal accroché, répondit David. Ce n’est rien, calme-toi. »

Angela posa à nouveau la tête sur l’oreiller, mais elle était trop énervée pour s’assoupir.

« Tout cela ne me dit rien qui vaille », reprit-elle au bout d’un moment.

David grommela quelques paroles indistinctes.

« Rien du tout, continua Angela. C’est incroyable à quel point les choses ont changé en l’espace de quelques jours. Mon mauvais pressentiment ne m’avait pas trompée. »

David se décida à intervenir. « C’est la découverte du corps de Hodges qui te trouble ?

– Entre autres, répondit Angela. Ça, plus ce temps de cochon, la façon dont Wadley se conduit avec moi, celle dont Kelley se conduit avec toi, la mort de Marjorie et j’en passe.

– Quitte à avoir des ennuis, autant les avoir tous d’un coup. Nous en serons plus vite débarrassés.

– Je ne plaisante pas, David… » dit Angela, sans avoir le temps d’aller au bout de sa phrase. Le cri perçant que venait de pousser Nikki l’interrompit net.

Sautant hors du lit, David et elle se précipitèrent dans le couloir et coururent jusqu’à la chambre de leur fille.

Assise au milieu des draps en désordre, la petite fille semblait ne plus savoir où elle se trouvait. À ses pieds, Rusty avait l’air aussi perdu qu’elle.

Ce n’était qu’un cauchemar, un rêve horrible sur un vampire enfermé dans la cave. David et Angela câlinèrent leur fille et tentèrent tant bien que mal de la réconforter. Inquiets de voir que les événements de la soirée avaient à ce point perturbé l’enfant, ils lui proposèrent pour finir de venir dormir dans leur lit, ce qu’elle accepta avec empressement.

Le seul à souffrir un peu de cette décision fut David, qui se retrouva bientôt à l’extrême bord du matelas. Car inviter Nikki à partager leur couche revenait à accepter la présence de Rusty.