Chapitre 23
Les chiens de Pavlov et la couillonnade de faux diamants
À part le bruit de son propre cerveau en pleine élucubration, la vision fugitive de rares squelettes blanchis au soleil du désert, celle de vieux pneus usés jusqu’à la corde et des panneaux où se reflétait le néant, Sam ne disposait d’aucune distraction. Il conduisait, fumait cigarette sur cigarette et combattait la somnolence en se demandant par quel moyen il pourrait retrouver Calliope. À la place du mort, Coyote dormait.
A trois reprises déjà, Sam était venu à Las Vegas. Toujours en compagnie d’Aaron, et à chaque fois au Caesar’s Palace pour assister à des championnats de boxe. Pour deux cents dollars, on pouvait s’offrir des places au pigeonnier, à la même altitude que celle des nez sanguinolents, quasiment plus près de la lune que du ring. Aaron s’enthousiasmait, répétant que rien n’égalait le fait d’être là à cet instant précis. Suivre le match sans jumelles, c’était comme vouloir traquer d’hélicoptère une rumeur dans le peloton du marathon de New York. Alors Sam passait son temps à regarder les dames et à calmer les effusions de son associé.
Dès qu’ils entraient dans un casino, et peu importe lequel, Aaron ne pouvait se retenir de faire son numéro. « Ici, c’est vraiment MA ville ! Les néons, l’excitation, les gonzesses, cette ville est faite pour moi. » Puis il perdait deux mille dollars sur les tapis verts et sirotait des gin tonic jusqu’à en tituber. Le lendemain matin, Sam le tirait des draps de satin et des bras d’une putain, avant de l’expédier sous la douche. Pendant le trajet du retour, Sam devait supporter sa gueule de bois et ses jérémiades faites de remords et ponctuées de serments qui disaient que « croix de bois, croix de fer, plus jamais je ne remettrai les pieds dans cet enfer ». À chacun de ses voyages, Aaron alimentait copieusement les bandits manchots à la redoutable avidité avant de ressortir ahuri de s’être à nouveau fait lessiver.
Les machines fascinaient Sam, notamment celle avec laquelle son associé se faisait régulièrement dépouiller ; probablement ce qu’on faisait de mieux en matière de ratissage à la surface du globe. Je mets la pièce dans la fente, j’écoute la sonnerie, je regarde les lumières clignoter, je me goinfre de n’importe quelle saloperie à portée de main, je jette un œil aux gonzesses, j’écoute la sonnerie, je remets une pièce dans la fente, etc. Le fin du fin était que dans ces casinos l’argent ne voulait plus rien dire. Personne n’avait plus de prêt à rembourser, de mômes à nourrir, de bagnole à réparer, de boulot, de notion du temps. Qu’il fasse jour ou nuit, qui s’en souciait ? Les problèmes relatifs au pognon se trouvaient relégués à des années lumière. Vegas demeurait un immense piège à gogos. Et même enveloppé dans du papier de soie, un pigeon restera toujours un pigeon.
Sam était encore à une cinquantaine de kilomètres de Las Vegas quand il aperçut la lueur de la ville au milieu du désert. Il tapota de la main sur la cuisse de Coyote qui finit par se réveiller.
— Prends le volant, fit Sam.
— Ouais, laisse-moi conduire. Repose-toi.
— Tu ne vas sûrement pas conduire MA voiture ! Tout ce que je te demande, c’est de tenir le volant.
Coyote tint le volant pendant que Sam tripotait les boutons de la console de bord. L’écran du système électronique de navigation s’alluma. Sam pianota d’autres touches et un plan de Vegas s’afficha en vert. Un point lumineux symbolisant la Mercedes se mit à clignoter sur la nationale 15 en direction du centre-ville.
— C’est bon, dit Sam en reprenant possession du volant.
Coyote scrutait l’écran.
— C’est quoi la règle du jeu ? demanda-t-il.
— C’est pas un jeu, c’est juste un plan. Le truc qui clignote, c’est nous.
— La bagnole sait où elle va ? Comme un cheval ?
— Non. Elle sait pas où elle va. Le truc dit juste où nous nous trouvons.
— Autant regarder par la fenêtre, alors ?
—’Coute-moi bien. Quand on va arriver à Vegas, il va falloir que je dorme. Et en plus, je n’ai aucune idée de par où commencer à chercher Calliope.
— T’as qu’à demander à la voiture.
Sam ne releva pas la suggestion de Coyote.
— Je vais réserver une chambre, dit-il.
Il pianota le numéro des informations hôtelières sur son téléphone cellulaire et réserva une chambre dans un casino-hôtel. Les sorties d’autoroute ne portaient pas les noms des rues mais ceux des casinos où elles conduisaient. Sam obliqua dans celle appelée Camelot. Les rues n’étaient qu’une enfilade de boutiques de prêteurs sur gages, de marchands de tout et de rien et de petits magasins aux enseignes de néon qui annonçaient : nous vous achetons votre voiture en liquide, nous honorons tous les chèques en liquide, ici mariages et divorces 24 heures sur 24.
— C’est quoi ces boutiques ? demanda Coyote.
Sam chercha ce qui aurait pu constituer la plus expéditive des réponses. Mais il était tellement fatigué, le manque de sommeil lui pesait tant qu’il se trouva dans l’impossibilité de résumer le concept commercial de Vegas en moins de vingt-cinq mots. Il finit par dire :
— C’est des endroits où tu peux bousiller ta vie en un temps record.
— On va pas s’y arrêter ?
— Sûrement pas. Je trouve que je suis déjà en train de faire ce qu’y faut à un train d’enfer. J’ai pas b’soin d’un coup de main.
Sam nota les pseudo-tours médiévales du Camelot qui se découpaient dans le ciel, plus bas, le long du Strip, le boulevard principal, toutes surmontées d’étendards multicolores eux-mêmes dominés de gyrophares d’avion. Qu’aurait pensé le roi Arthur (en supposant qu’il eût existé) en découvrant ce casino baptisé du même nom que son château ? Y aurait-il reconnu quelque chose ? La première guirlande clignotante ne lui aurait-elle pas foutu une trouille bleue ? Quelle aurait été sa réaction face à une chasse d’eau automatique ? Et face à une voiture ? Tout cela n’aurait-il pas contribué à faire de lui un malheureux et pathétique Don Quichotte ? Tout juste bon à se lancer « sus au château ! », là où la chevalerie n’était qu’un original gimmick commercial ? À moins que le roi ne soit resté bouche bée devant les jambes sculpturales d’une animatrice de keno et qu’il ait incité les chevaliers de la Table Ronde à briser une dernière lance. Les femmes, pensa Sam, avaient toujours constitué le talon d’Achille d’Arthur. Ce n’était pas un hasard si elles avaient été à l’origine de sa perte.
Il lança un regard en direction de Coyote.
— Quand on va arriver là-bas, il y aura un sacré paquet de gonzesses très peu vêtues. Un conseil : évite-les, O. K. ?
— Mais j’ai jamais touché une femme qui voulait pas.
— Mais tu n’as pas à toucher, merde !
Coyote s’enfonça davantage dans son siège.
— Qui voulait pas ou qui réclamait rien…, murmura-t-il.
Sam engagea la Mercedes sur un pont-levis gigantesque et s’arrêta là où une escouade de jeunes types déguisés en écuyers s’affairaient à décharger les bagages, remplir les fiches d’hôtel et garer les voitures.
— On y est, dit Sam.
Il libéra l’ouverture du coffre, sortit de la voiture en laissant le moteur tourner. Le vent chaud du désert l’enveloppa. Un jeune gars contourna la Mercedes et tendit à Sam une fiche numérotée : « Votre ticket de parking, Monseigneur. »
Sam fouilla dans sa poche à la recherche d’un pourboire mais ne trouva rien.
— J’suis désolé, expliqua-t-il, j’ai pas du tout de monnaie. Donnez-moi votre nom et je laisserai un pourboire à la réception.
Le petit jeune s’essaya à sourire mais échoua dans sa tentative.
— Bien joué, Monseigneur.
Puis il sauta dans la Mercedes et en claqua la porte. Sam tapa à la fenêtre. Le jeune type baissa la vitre électrique et attendit. Sam se pencha et déchiffra le badge du garçon.
— ’Coute-moi bien, heu… écuyer Tom, si je te dis que je te laisserai un pourboire à la réception, c’est que je te laisserai un pourboire à la réception, O. K. ? Nous sommes partis dans une certaine précipitation et je n’ai pas de monnaie. Tu comprends ça ?
Le gamin attendait, faisant ronfler le moteur.
— Y a une alarme à retardement sur le trousseau de clés, précisa Sam, tu pourras la mettre en veille quand tu auras garé la voiture ? Dès que tu entends le bip, c’est que c’est en marche.
Tom l’écuyer hocha la tête et démarra. Dans le crissement des pneus sur le bitume, Sam l’entendit jurer :
— Que la peste t’emporte, sale Maure !
— Même les jurons sont d’époque, releva Sam.
Il regarda s’éloigner sa Mercedes. Chaque fois qu’il était venu au Camelot et avait abandonné sa voiture aux écuyers, Sam avait eu le sentiment de la voir disparaître pour la dernière fois.
Coyote se tenait au milieu de l’allée et faisait au revoir à la voiture.
— Pourquoi t’a-t-il traité de « sale Maure » ? demanda-t-il.
— Sans doute à cause de ma peau mate.
Sam et Coyote passèrent devant une demi-douzaine d’écuyers et un énorme bouffon du roi habillé de mauve et de jaune. À la ceinture, il portait un talkie-walkie et sur le torse un badge qui disait « Monseigneur Larry ». Après un second pont-levis ils débouchèrent enfin dans le casino où les trompettes résonnèrent quand ils en franchirent le seuil sous une haie d’épées à deux mains. Une voix électronique leur souhaita la bienvenue à Camelot. Sam remarqua de suite une fille habillée en paysanne dont le badge disait « Aux informations d’autrefois ». Ce même badge, accroché près d’une poitrine pigeonnante, précisait que la fille s’appelait Wendy la soubrette vigoureuse. Sam repoussa Coyote et s’approcha de la fille.
— ’Scusez-moi, heu… Wendy. J’ai réservé une chambre et j’aimerais savoir où je peux trouver un distributeur de monnaie.
La fille, prenant la pose, répondit avec un faux accent anglais qui cachait bien mal celui de Brooklyn où elle avait apparemment grandi :
— Si Monseigneur daigne s’avancer plus avant dans le casino, jusqu’à la seconde arche, il trouvera la réception sur sa gauche. Quant aux distributeurs de monnaie il y en a derrière chacune des arches.
— Merci, dit Sam.
Il fit quelques pas et se retourna vers la fille.
— Dites-moi, je suis déjà venu ici et tout le monde s’appelait Sire ou Gente Dame, Soubrette Vigoureuse, c’est tout nouveau, ça vient de sortir ?
— Ouais. Ça remonte à trois mois. Y z’ont trouvé que six Sire Steve ou une douzaine de Gente Dame Debbie, ça faisait beaucoup et qu’on s’y retrouvait plus. Alors ils ont décidé de nous donner d’autres titres du moyen âge. Des soubrettes, vous allez en trouver d’autres, quelques alchimistes aussi, et les garçons d’étage sont tous devenus des serfs à présent.
— Ah ? Merci beaucoup, répondit Sam qui était loin d’avoir tout compris.
Il conduisit Coyote vers l’enfer du jeu tout en cherchant un distributeur de billets. Coyote, avec son accoutrement bizarre, était bien loin de passer inaperçu. Et quand les gens levaient les yeux de leur machine à sous ou de la table de black-jack et l’apercevaient, Sam notait l’ahurissement dans leur regard. Ils dépassèrent un manège de bandits manchots. Une femme d’âge mûr, qui y engloutissait une fortune en pièces de vingt-cinq cents, se recula tellement qu’elle faillit tomber de son tabouret. Sam eut juste le temps de la rattraper et de lui expliquer :
— C’est rien. Il travaille au casino Frontière, à l’autre bout de la ville.
Coyote passa la tête par-dessus l’épaule de Sam, fit un clin d’œil à la femme et d’un habile coup de langue se lécha les sourcils. La pauvre joueuse en resta bouche bée.
— Il fait danseur exotique, aussi, ajouta Sam.
La femme, à deux doigts de la syncope, fit oui de la tête et se tourna à nouveau vers son bandit manchot préféré.
— J’avais osé croire que tu ne ferais pas des trucs comme ça, reprocha Sam à Coyote. Et t’as rien d’autre à te mettre ? Quelque chose de moins voyant.
— Comme des trucs en laine par exemple ? bêla Coyote.
L’un des chefs-croupiers, lorsqu’il les vit arriver près de ses tables de black-jack, leva un sourcil et aussitôt deux gros bras déguisés en bouffons leur emboîtèrent discrètement le pas.
— On se calme ! dit Sam.
Il s’arrêta devant un distributeur d’argent, à l’aplomb d’une tapisserie représentant une licorne. Il jeta un œil aux deux bouffons. Ils attendaient, immobiles, à quelques mètres. Sam fouilla dans son jeu de cartes de crédit. Dès qu’il en eut inséré une dans la fente et composé le code secret, les bouffons s’éloignèrent.
— ’Sont barrés ! dit Coyote.
— Tu sais, dès que tu ressembles à un mec qui va dépenser son pognon, ils en ont plus rien à foutre de ton accoutrement.
Coyote vit une liasse de billets de vingt dollars sortir du distributeur.
— T’as gagné ! dit-il à Sam. T’as trouvé le bon numéro du premier coup !
— Ouais. J’ai souvent du bol à ce truc-là.
— Recommence. On va voir si tu y arrives encore.
Sam laissa échapper un sourire.
— Mais oui, tu vas voir, je suis vachement bon à ce jeu-là.
Il choisit une autre carte de crédit, composa le code secret et une nouvelle liasse de billets de vingt apparut.
— T’as encore gagné ! Vas-y, rejoue !
— Non, ça va. Faut qu’on aille à la réception maintenant.
Sam ramassa les billets, puis, lui et Coyote prirent la direction du comptoir de la réception, un comptoir si long qu’un 747 s’y serait posé sans encombre. À cette heure matinale il n’y avait que deux réceptionnistes : une soubrette vigoureuse, nommée Chantai, et un immense Noir, vêtu d’un complet de bonne coupe, qui, en retrait du comptoir, semblait surveiller les opérations. Le géant noir portait des lunettes de soleil qui lui enveloppaient totalement les yeux.
— Hunter. Samuel Hunter, fit Sam. J’ai réservé.
Il déposa une carte de crédit sur le comptoir. La fille tapota sur son clavier. L’ordinateur produisit un bip. La fille se retourna vers le grand Noir qui aussitôt se rapprocha d’elle. Qu’est-ce qui se passe encore ? se dit Sam.
Le grand Black dévisagea Sam. Un large croissant blanc apparut sur la nuit de son visage. Il prit la carte de crédit et la rendit à Sam.
— Merci d’être de retour parmi nous, monsieur Hunter. La chambre et le reste, tout est pour nous. Et s’il y a la moindre chose que nous puissions faire pour vous être agréable, n’hésitez pas une seconde à nous le demander.
Sam n’en revenait pas. Puis il se souvint. La dernière fois qu’il était descendu au Camelot avec Aaron, ce dernier s’était fait détrousser de vingt mille dollars. Et leur suite avait été réservée au nom de Sam. À Las Vegas on adorait les perdants !
— C’est très aimable à vous.
Sam chercha à lire le nom du grand type mais son badge ne comportait que les initiales M. F. Pas de Monseigneur, pas de Sire, rien que M et F.
— C’est le deuxième ascenseur sur votre gauche, monsieur Hunter. précisa la soubrette vigoureuse. Vingt-septième étage.
— Merci, répondit Sam.
Coyote se fendit d’un large sourire à l’adresse de la fille. Sam entraîna son compagnon vers les ascenseurs. Immédiatement Coyote appuya sur quatre touches d’appel avant de prendre du recul.
— Ce coup-là, je vais gagner, c’est sûr.
— Mais arrête, bon Dieu, ! C’est rien qu’un ascenseur. T’as juste à composer le vingt-sept.
— Mais ça, c’est pas le bon numéro.
Sam poussa un long soupir. Avant d’atteindre le vingt-septième étage, ils firent halte à tous ceux dont Coyote avait composé le numéro.
Arrivés enfin dans la chambre, Sam se mit en caleçon et se laissa choir sur l’un des deux grands lits.
— Essaie de dormir un peu, dit-il à Coyote. Je suis trop crevé pour penser. Demain matin je tâcherai de trouver une solution pour retrouver Calliope.
— Non, non, répondit Coyote. Tu dors et moi je cherche.
Sam ne répondit rien. Il dormait déjà.
Une histoire sans fondement
Coyote et son ami Castor étaient rentrés bredouilles après une journée passée à chasser. Assis sur un rocher ils eurent cette conversation :
« C’est de ta faute, lança Coyote, quand j’y vais seul à la chasse, je ramène toujours du gibier.
— Arrête donc de mentir, répondit Castor, si t’es un si bon chasseur que ça, tu peux me dire pourquoi ta femme est maigre comme un clou ? »
Coyote pensa à son sac d’os et à la femme grassouillette de Castor. Il devint subitement jaloux.
— Et si on pariait ? hasarda-t-il. Demain, nous irons chasser chacun de notre côté. Si tu ramènes plus de lapins que moi, tu pourras coucher chez moi avec ma femme. Tu pourras alors juger que mon sac d’os est un sacré coup. Mais si c’est moi qui rapporte le plus grand nombre de lapins, c’est moi qui irai coucher avec ta femme.
— Ça me va, répondit Castor.
Le lendemain, comme prévu, après leur partie de chasse, Coyote vint chez Castor. Il n’avait qu’un méchant lapin famélique.
— Bonjour madame Castor, je viens consommer le fruit de mon pari.
Madame Castor répondit de l’intérieur de sa cabane :
— Coyote, tu es un grand chasseur, mais Castor est passé tout à l’heure avec une vingtaine de lapins. Il a dit qu’il allait chez toi. Tu devrais le rattraper et lui dire que c’est toi qui as gagné.
— D’accord, répondit Coyote. J’y vais et je reviens de suite.
Et il repartit vers sa cabane en traînant son malheureux lapin. Sa femme l’attendait sur le pas de la porte :
— Joli lapin que tu as là, s’exclama-t-elle. Castor est à l’intérieur. Il a dit qu’il te verrait demain matin. Madame Coyote rentra dans sa cabane et en referma la porte.
Toute la nuit, inquiet, Coyote resta près de sa cabane à épier le moindre bruit. Soudain, il entendit sa femme crier.
— Castor ! gueula Coyote. Ne brutalise pas ma femme, tu veux ?
— Mais il ne me brutalise pas, dit madame Coyote. Au contraire. Et j’aime ça !
— Ah, ben, c’est super, alors, fit Coyote.
Le lendemain matin, Castor sortit de chez Coyote en sifflotant.
— Pas de ressentiment entre nous, hein ? T’es d’accord ?
— Non, non, répondit Coyote. Un pari, c’est un pari !
Madame Coyote apparut :
— Peut-être que cela te servira de leçon et que tu ne parieras plus.
— Ouais, répondit son mari.
Puis s’adressant à Castor :
— Qu’est-ce que tu dirais de jouer à « dans quelle main » ? Quitte ou double ?
— Ça me va, dit Castor. Allons près de la rivière.
Quand ils y furent, Coyote dit :
— On joue pour une nuit avec ta femme, d’accord ?
Mais il choisit la mauvaise main.
— Franchement, tu devrais pas parier, lui conseilla Castor.
— Je te parie mon meilleur cheval contre une nuit avec ta femme, renchérit Coyote.
Quelques minutes plus tard, Coyote avait perdu tous ses chevaux, sa cabane, son épouse et même ses vêtements.
— Laisse-moi une dernière chance, dit-il à son ami.
— Mais tu n’as plus rien à jouer.
— Je te parie mon cul contre tout ce que tu veux.
— Mais j’en veux pas de ton cul !
— Je croyais que t’étais un ami, mais je me suis trompé.
— Bon, d’accord, dit Castor. Il cacha une pierre dans l’une de ses mains qu’il mit derrière son dos. Coyote choisit la mauvaise main.
— Je peux Remprunter ton couteau ? demanda Coyote.
— Laisse tomber. J’en veux pas de ton cul.
— Un pari, c’est un pari !
Coyote prit le couteau de Castor et se découpa le cul.
— Oh, putain ! Ça chlingue !
— Faut que je m’en aille, dit Castor. Je dirai à ta femme qu’elle peut venir coucher chez moi dès qu’elle le souhaite.
Il ramassa tout ce qui avait appartenu à Coyote et rentra chez lui.
Quand Coyote arriva à son logis, sa femme l’attendait.
— Castor est venu chercher la cabane, dit-elle.
— Ouais, je sais, répondit Coyote.
— Mais qu’est-ce que t’as fait de ton cul ?
— C’est Castor qui l’a gagné.
— Tu sais, j’ai vu qu’il y avait des cours de pari en douze leçons, tu ferais bien de t’y abonner.
— Douze leçons ? ricana Coyote. J’te parie que j’peux le faire en six ! »