Chapitre 39
Alexandre règle le taxi et se jette dans la rue, sous une pluie battante. Il court jusqu’à la porte de l’immeuble, tape le code et entre se mettre à l’abri.
Ses pas sont lourds, il se sent fatigué alors qu’il a pourtant passé la journée le cul vissé dans un fauteuil. Lorsqu’il arrive enfin au deuxième, sa main se crispe sur la rampe. Une forme humaine est recroquevillée devant sa porte. Le front sur les genoux, tremblante comme une feuille.
— Cloé ?
Il l’aide à se lever, elle s’effondre dans ses bras. Il hésite un instant, la serre finalement contre lui.
— Cloé, calmez-vous… Qu’est-ce qui se passe ?
Elle ne parvient pas à parler, juste à sangloter. Son visage est abîmé, ses mains ensanglantées. Elle ne joue pas la comédie.
Sans la lâcher, il ouvre la porte de son appartement et la conduit jusqu’au petit salon. Elle s’accroche à lui comme à une bouée, peinant à respirer. Il décide de ne pas la brusquer, d’attendre patiemment les explications.
— Vous avez l’air frigorifiée… Je vais vous préparer quelque chose de chaud.
Il dépose son arme dans un tiroir fermé à clef, se rend immédiatement dans la cuisine.
Son cœur bat beaucoup trop vite. Il pressent le pire, sait que cette fille vient de subir quelque chose de grave. Quand on perd la parole, c’est que le choc a été violent.
Il fait chauffer de l’eau dans le micro-ondes, attrape une tasse et un sachet de thé. Il apporte le tout à la naufragée.
Sur le canapé, Cloé pleure toujours ; elle fixe le mur en face d’elle. Un mur blanc où est accroché un portrait de Sophie.
— Buvez ça, ordonne-t-il.
Elle attrape la tasse qu’il lui tend, il remarque alors son jean déchiré au niveau du genou droit. Il s’assoit à côté d’elle, ne la quitte pas des yeux. Pour saisir le moindre signe sur son visage. Un simple regard peut parfois en dire tellement long…
— Qu’est-ce qui s’est passé, Cloé ? Parlez-moi, je vous en prie.
Il enlève son blouson en cuir, le lui met sur les épaules.
— Vous êtes blessée ?
Toujours rien, aucune parole. Elle ne le regarde pas, comme si elle avait honte.
Honte de quoi ?
Alexandre commence à comprendre. Une colère sourde l’envahit.
— Vous avez bien fait de venir, dit-il doucement.
— Je ne savais pas où aller… Il est partout !
Les premiers mots, enfin.
— Qu’est-ce qu’il vous a fait ?
Cloé ferme les yeux, essayant de raconter l’indicible. Mais sa bouche refuse de laisser sortir l’horreur. Alors, Alexandre la prend par les épaules, l’attire contre lui. Ainsi, elle parlera plus facilement. Si elle n’a pas à affronter son regard.
— Dites-moi, je vous en prie. N’ayez pas peur, murmure-t-il.