Chapitre 1

Trois heures de sommeil, c’est court. Bien trop court.

Obéir malgré tout à l’injonction barbare du réveil. Se doucher, se maquiller, se coiffer, s’habiller.

Faire comme d’habitude, même si Cloé pressent que rien ne sera plus jamais pareil.

Aucune raison, pourtant. Une péripétie parmi d’autres, sans conséquences.

Alors pourquoi ce sentiment étrange et inédit ? Pourquoi cette petite voix qui lui chuchote que sa vie vient de changer ? À jamais.


Quelques kilomètres en voiture, dans les embouteillages du matin, et enfin l’immeuble qui apparaît, colosse parmi les colosses. Sobre, imposant et triste.

Une nouvelle journée qui fera sans doute oublier à Cloé sa frayeur nocturne. Cette ombre qui l’a suivie, poursuivie. Acculée contre un mur.

Cette peur, intense. Encore vivante dans son cœur, sa tête, son ventre.

L’ascenseur, les couloirs, les bonjours. Les sourires vrais ou faux. La ruche déjà au travail et dont Cloé sera peut-être bientôt l’intransigeante reine.

Saluer Nathalie, sa fidèle et dévouée secrétaire ; saluer Pardieu, le président, qui trône dans un vaste bureau non loin du sien. Lui assurer que tout va bien, qu’on est prêt pour une interminable journée productive au service de la boîte tentaculaire et nourricière.

Feindre qu’on n’a pas oublié le rendez-vous de 16 heures, capital pour décrocher un gros contrat.

Comment pourrais-je l’oublier ? Je ne pense qu’à ça depuis des semaines, monsieur !

Cacher qu’on n’a pas dormi, ou presque. Qu’on a vu la mort de si près que le rendez-vous de 16 heures n’a aucune espèce d’importance.


Je me suis pissée dessus il y a quelques heures à peine. Personne, jamais, ne le saura.

À part l’ombre.

Cloé pousse la porte du restaurant italien et cherche Carole des yeux. Ici, c’est leur repaire, le lieu où elles défont puis refont le monde. Où elles complotent, se confient l’une à l’autre parfois en silence. Disent tant de mal de tant de monde. Juste histoire de passer le temps.

— Excuse-moi, je suis à la bourre ! Pardieu me racontait qu’il vient d’acheter une maison de campagne dans l’Allier… Qu’est-ce que j’en ai à faire ? Qu’il y aille, dans sa baraque, et surtout qu’il y reste ! Qu’il laisse enfin la place !

Carole rigole de bon cœur.

— Sois patiente, ma chérie. Tu sais bien que le Vieux va finir par prendre sa retraite. Et que tu t’assiéras dans son fauteuil.

— Pas sûr, rétorque Cloé d’un air soudain maussade. On est deux en lice.

— Tu es sa préférée, c’est évident. Tu pars favorite.

— Martins a sa chance. Et il ne ménage pas ses efforts. Quel lèche-cul ! Si c’est lui qui l’emporte, je vais me retrouver sous ses ordres et je crois que je ne le supporterai pas.

— Tu iras voir ailleurs, conclut Carole. Avec ton CV, ça ne posera aucun problème.

Le serveur note la commande avant de repartir à la vitesse de la lumière, slalomant entre les tables avec une agilité époustouflante. Cloé avale un verre d’eau et prend son élan.

— Faut que je te raconte un truc… Cette nuit, j’ai eu la peur de ma vie ! Je suis allée à une soirée organisée par une de mes clientes.

— Bertrand t’a accompagnée ?

— Non, il avait autre chose de prévu.

— T’es sûre qu’il ne mène pas une double vie ? insinue Carole. Il a souvent autre chose de prévu, je trouve.

— On ne vit pas ensemble. Alors on n’est pas obligés de rester collés l’un à l’autre.

— Évidemment, mais comme ça fait à peine quelques mois que tu le connais, je me pose des questions sur ce mystérieux prince charmant !

Consciente qu’elle s’engage dans une voie sans issue, Carole enclenche la marche arrière.

— Donc, tu vas à cette soirée et… c’était bien ?

— Nul. Ça n’en finissait pas. J’ai profité du départ d’un couple pour m’éclipser, mais il était déjà 2 heures du matin ou presque.

Le garçon arrive avec une salade, une pizza et une bouteille d’eau minérale.

— Bon appétit, mesdemoiselles !

— Il est gentil, sourit Carole. Mesdemoiselles… Je ne l’entends plus assez souvent ! Alors, tu t’en vas à 2 heures du mat’ et après ?

— Je me suis fait suivre dans la rue par un type.

— Mince…

Cloé garde le silence, la peur revenant comme un boomerang.

Au bout d’une minute, elle se met à raconter en détail son histoire. L’impression de se débarrasser d’un fardeau.

Carole reste perplexe un instant.

— Et c’est tout ? dit-elle enfin. Il a fait demi-tour et il a disparu ?

— Exact. Envolé.

— T’es sûre que c’était le même ? Celui qui marchait derrière toi et celui qui est sorti du renfoncement ?

— Oui. Habillé tout en noir, capuche sur la tête.

— C’est bizarre qu’il n’ait rien fait. Il aurait pu te piquer ton sac ou…

— Me tuer.

— C’est sûr, acquiesce doucement Carole. Mais tout est bien qui finit bien. Il s’est peut-être simplement amusé à te faire peur.

— Drôle de jeu !

— Allez, oublie tout ça, dit Carole en attaquant sa salade. C’était juste une mauvaise rencontre, rien de grave. C’est fini, maintenant.

— Je sais pas. Peut-être qu’il est encore là. Qu’il me suit toujours.

— Tu l’as revu aujourd’hui ? s’inquiète Carole.

— Non, mais… Je sais pas, je te dis. Une impression.

— C’est le contrecoup, explique Carole.

Et ta tendance paranoïaque qui s’est réveillée, ajoute-t-elle sans bouger les lèvres.

— Une grosse frayeur, il faut du temps pour l’évacuer. C’est tenace. Ça va aller, maintenant, jure-t-elle avec un sourire.

Comme Cloé garde le silence, son amie se fait plus persuasive.

— Tu me fais confiance, non ? C’est mon métier… Gérer les peurs, c’est mon métier !

Cloé sourit. Drôle de définition de la profession d’infirmière.

— Demain, tu n’y penseras déjà plus. Et la prochaine fois, emmène ton garde du corps avec toi !

— T’as raison.

— L’important, c’est que ce type n’ait pas essayé de te blesser… Allez, ta pizza va refroidir ! Je ne sais pas comment tu fais pour manger tout le temps des pizzas sans prendre un gramme !

De toute façon, ça ou autre chose… Impression d’avaler des cactus.

Demain, tu n’y penseras déjà plus.

Alors, pourquoi ai-je le sentiment que ce n’est que le préambule ?

Vingt et une heures. Enfin, Cloé gare sa voiture rue des Moulins.

Elle voulait inviter Bertrand à dîner, mais il est un peu tard pour se mettre aux fourneaux. Dans la vie, il paraît qu’il faut savoir ce qu’on veut. Peut-être faudrait-il surtout savoir ce qu’on peut…

Sacrifier sa vie privée sur l’autel de la réussite. Surtout quand on est une femme. Prouver sa compétence, ses capacités, sa motivation ou encore sa discrétion.

Toujours prouver, chaque jour recommencer. Ne jamais baisser sa garde.

Cloé récupère son courrier dans la boîte aux lettres avant de monter la volée de marches du perron avec l’impression de gravir le mont Ventoux un jour de grand vent.

Chez elle, enfin… Coquette maison des années 50, posée au milieu d’un jardin arboré. Une demeure cossue dont elle est l’unique locataire.

Les heures supplémentaires servent notamment à cela ; à ne pas tourner en rond dans un appartement minable, au cœur d’une banlieue sordide. Sauf que Cloé passe plus de temps au bureau que dans sa belle maison. Mais il y a longtemps qu’elle a chassé cette aberration de son esprit.

Dans l’entrée, elle oublie son courrier sur la sellette en marbre, à l’ombre d’un magnifique bonzaï japonais. Aussitôt, elle se dirige vers la chambre pour y abandonner ses vêtements.

En petite tenue, elle se laisse couler doucement dans le canapé du salon avant de composer le numéro de Bertrand. Lorsqu’il décroche, le visage de Cloé se détend, s’illumine. Rien ne lui fait autant d’effet que sa voix. Aussi douce que grave, aussi sensuelle qu’une caresse légèrement appuyée.

— Salut, chéri.

— Je me demandais si le Vieux t’avait kidnappée !

— On avait un rendez-vous important à 16 heures et ça s’est éternisé, comme d’habitude. Papy a voulu qu’on aille fêter ça ! Champagne pour tout le monde.

— Tu dois être crevée, non ?

— Oui. Surtout que je n’ai pas beaucoup dormi la nuit dernière.

— Ah, cette fameuse soirée ! Alors, c’était bien ?

L’ombre s’invite dans le salon, se plante sans vergogne au beau milieu du tapis iranien. Cloé frissonne de la tête aux pieds, replie ses jambes dans un réflexe de défense.

— Je me suis ennuyée sans toi. Tu m’as manqué.

— J’espère bien ! Tu veux que je passe ?

— Je n’ai rien préparé à dîner.

— J’ai déjà dîné. Il me manque juste le dessert…

Cloé se met à rire, ses jambes s’allongent à nouveau devant elle. L’ombre a disparu. Volatilisée, comme la nuit d’avant.

— Tu me laisses le temps de prendre un bain ?

— Une demi-heure, chuchote Bertrand. Pas une minute de plus.

— Marché conclu. Alors je raccroche puisque je n’ai pas une minute à perdre !

Elle coupe la communication, un sourire gourmand sur les lèvres.

Encore heureux, la maison est propre et rangée ; Fabienne a bien bossé. Les heures supplémentaires servent aussi à cela. À ne pas se taper le ménage.

Elle décide donc de se consacrer à elle, de se faire belle pour cet homme qui a délicieusement comblé chaque parcelle de vide dans son existence. Ou presque.

Toujours garder un peu d’espace autour de soi pour pouvoir respirer, évoluer.

Cloé ne saurait affirmer qu’elle est amoureuse de lui, mais elle sait qu’elle a trouvé cet équilibre qu’elle espérait depuis si longtemps. Depuis toujours, même si elle a déjà été une femme mariée.

À un monstre.


Devant la penderie, Cloé hésite de longues minutes. Une robe noire et courte, à fines bretelles, s’envole du placard pour atterrir sur l’édredon crème qui recouvre le grand lit.

Cloé s’arrête un instant devant la fenêtre et son regard s’enfonce dans le jardin, baigné par la pâle lueur du lampadaire de la ruelle qui le borde. Vent naissant, ciel clair brodé d’étoiles.

Mais soudain, elle a le souffle coupé net. Une ombre, fugace, vient de passer devant la maison.

Pas une ombre, non.

L’Ombre.

Immense, vêtu de noir, une capuche sur la tête, l’homme s’est arrêté près du muret. Ne faisant qu’un avec l’obscurité, il fixe la fenêtre.

Il fixe Cloé.

Elle hurle, une force invisible l’aspire en arrière. Dos au mur, ses mains plaquées sur la bouche, les yeux exorbités, elle écoute son cœur agoniser.

Il est là. Il m’a suivie jusqu’ici. C’est moi qu’il veut.

Me tuer, c’est ça qu’il veut.

Enfin, elle réalise que la porte d’entrée n’est pas fermée et se rue dans l’étroit couloir.

Pourvu qu’elle arrive à temps.

Elle percute un meuble au passage, ne sent pas la douleur du choc. Elle se jette sur la porte, tourne le verrou deux fois et se saisit du téléphone.

Le 18… Non, le 17 ! Elle ne sait plus, ses doigts tremblent.

Le bruit strident de la sonnette lui fait lâcher le combiné. Elle ne bouge plus, pétrifiée.

Deuxième coup de sonnette.

Le 17, oui. Un homme veut m’assassiner !

Son portable se met à vibrer, elle le récupère sur la table et voit le visage de Bertrand apparaître sur l’écran. Son sauveur, mieux qu’une armée de flics !

— Bertrand ! Où es-tu ? hurle-t-elle.

— Devant ta porte. T’as pas entendu la sonnette ? Qu’est-ce qui se passe ?

Elle se précipite à nouveau dans l’entrée, distingue une silhouette déformée par le verre martelé. Elle ouvre le verrou, se retrouve face à un homme. Son homme.

— Bonsoir, ma chérie.

Il l’attire contre lui, elle se contracte, refuse qu’il l’embrasse.

— T’as pas vu quelqu’un ? Là, dans le jardin… quand t’es rentré.

Bertrand est un peu refroidi.

— Non, je n’ai vu personne.

Elle s’écarte de lui, jette un œil dehors avant de fermer la porte à double tour.

— Un type est passé de l’autre côté, près de la fenêtre de la chambre !

— Je t’assure que je n’ai vu personne, répète Bertrand.

Il se débarrasse de son blouson, scrute le visage anxieux de la jeune femme.

— Il fait nuit noire, tu sais… Tu as sans doute rêvé.

— Non ! rétorque-t-elle d’une voix cinglante.

Le regard de Bertrand s’assombrit. Ce ton le surprend.

— Trouve-moi une lampe, je vais faire le tour de la maison pour te rassurer.

— C’est dangereux ! Si jamais il est là, il pourrait…

— Du calme. Donne-moi cette lampe, je m’en charge. D’accord ?

Elle attrape une Maglite dans le placard.

— Fais attention.

— T’inquiète, ma belle. Je suis de retour dans deux minutes.

Tandis qu’il s’évanouit dans l’obscurité, il entend le verrou se refermer dans son dos.

Cloé se rend à la fenêtre du salon. La main crispée sur le rideau, le souffle court, elle regarde passer Bertrand, précédé par le puissant faisceau de la lampe.

— Je suis sûre de l’avoir vu… il était là. Je ne suis pas folle, bon sang !

Sa gorge ressemble à un nœud coulant.

C’est le contrecoup. Une grosse frayeur, il faut du temps pour l’évacuer

J’ai pas des hallucinations, quand même ?

La sonnette de l’entrée la fait sursauter. Elle se hâte de rejoindre le vestibule, presse son oreille contre la porte.

— C’est moi. Magne-toi, je me gèle !

Enfin, elle ouvre ; Bertrand entre se mettre au chaud.

— Rien à signaler. S’il y avait quelqu’un tout à l’heure, je peux t’assurer qu’il est parti.

— Merci, dit-elle. J’ai vraiment eu peur, tu sais.

— Pour te rassurer, je crois que je vais être obligé de passer la nuit ici !

— Je t’assure que je l’ai vu.

— Je te crois. Mais il est parti, maintenant. Alors oublions-le, d’accord ?

L’oublier… Cloé voudrait tant en être capable. Chasser de son esprit cette ombre maléfique.

Oublier la cible tatouée sur son front.

Juste Une Ombre
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