CHAPITRE XVI

Lorsque l’hologramme de Yoda lui apprit que Qui-Gon volait à son secours, Obi-Wan ouvrit de grands yeux, infiniment soulagé. Sa première lueur de bonheur depuis la mort de Cerasi.

Mais aussitôt, l’inquiétude reprit le dessus. Qui-Gon venait, certes, mais par obligation. Ne valait-il pas mieux qu’il se débrouillât seul, plutôt que flanqué d’un Jedi boudeur et silencieux ?

Seul Melida/Daan importe, se dit Obi-Wan fermement. Je ferai tout mon possible pour ce monde que Cerasi aimait tant.

Qui-Gon n’arriverait pas avant plusieurs jours. Il lui faudrait attendre. Or, Obi-Wan n’avait rien à faire de son temps. À cause de l’amertume de Nield, il avait été chassé des Jeunes. Et même si certains d’entre eux désapprouvaient les méthodes de Nield, ils ne se joindraient pas à Obi-Wan pour autant. Personne ne voulait se mettre Nield à dos.

Obi-Wan avait l’impression d’être un fantôme. Comme il n’avait pas le droit de retourner dans les tunnels, il dormait là où il pouvait, là où la nuit le surprenait : dans des bâtiments abandonnés, des jardins publics, un parc jonché de débris de speeders. La vie se déroulait tout autour de lui, mais sans qu’il y prenne part. Seule son adhésion à la cause que Cerasi défendait le poussait à rester sur cette planète.

Roenni était l’unique amie qui lui restât. Elle venait souvent le trouver et lui apportait à manger. Elle lui avait aussi trouvé un pack de survie comprenant un bâton à lumière, une trousse de secours et une couverture, légère mais chaude pour les nuits glaciales. Obi-Wan lui était reconnaissant de ses efforts, mais il redoutait que Nield ne finisse par l’apprendre.

— Il sera furieux, lui dit-il.

Tous deux se tenaient dans un petit parc qui, durant la dernière guerre, avait été le théâtre de combats sanglants. Entre deux rectangles de terre calcinée, l’herbe tentait vainement de repousser entre les souches des arbres détruits. Seul un arbre était encore debout.

Soudain, les yeux bruns de Roenni brillèrent d’une lueur farouche.

— Peu m’importe. Il est dans l’erreur. Il finira par le comprendre : Nield est quelqu’un de bien. En attendant, je dois te protéger. Tout comme tu m’as protégée.

— Je ne sais si Nield reviendra un jour à la raison, dit Obi-Wan en se souvenant de la haine qui brûlait dans ses yeux.

— Sa douleur l’aveugle, dit tranquillement Roenni. Tu es le seul qui puisse préserver la paix, Obi Wan.

— Je ne peux rien faire du tout ! répondit Obi-Wan, vaincu. Je n’ai aucune influence sur Nield. Il ne veut même pas me parler !

— Est-ce pour ça que tu as appelé ton Jedi à la rescousse ? demanda Roenni. Peut-il aider notre planète ?

Obi-Wan acquiesça en touchant son galet.

— Si quelqu’un peut nous venir en aide, c’est bien Qui-Gon Jinn.

Obi-Wan avait confiance en son Maître. Même si l’inverse n’était plus vrai.

Qui-Gon arriva enfin. Obi-Wan avait pour instruction de le retrouver directement aux portes de la ville.

Une bouffée d’émotion l’envahit en voyant la grande silhouette qui marchait vers lui d’un pas plein d’assurance. Un sourire de soulagement illumina son visage.

Il se fana bien vite. Bien sûr, son Maître – son ancien Maître – ne risquait pas de lui tendre les bras. Manifestement, à la vue de son ex-Padawan, le visage de Qui-Gon se crispa.

Les traits à nouveau impassibles, Qui-Gon hocha la tête en guise de salut.

Obi-Wan attendit que Qui-Gon prenne la parole. En vain.

Pas même un bonjour. Qui-Gon ne lui demanda même pas comment il allait… O.K., il ferait avec. Il l’avait appelé à l’aide, pas pour qu’il lui démontre son affection. Obi-Wan hocha la tête à son tour. Ils entrèrent dans la ville.

En tout cas, une chose était sûre, maintenant. Dès qu’il avait vu Qui-Gon, cette certitude s’était imposée à lui. Obi-Wan voulait redevenir un Jedi. Pas n’importe quel Jedi, mais le Padawan de Qui-Gon Jinn.

Il voulait retrouver tout ce qu’il avait renié. Il voulait reprendre le cours de son existence. Il n’avait rien à faire sur Melida/Daan. Il s’était passionné pour une cause ; une cause bonne et juste, certes. Mais celle-ci l’avait aveuglé. À travers l’univers, il y en avait bien d’autres qui méritaient qu’on se batte pour les faire triompher. En fin de compte, c’est Cerasi qui avait raison. Il lui fallait une existence plus vaste que celle qu’il s’était choisi sur Melida/Daan.

Obi-Wan avait retrouvé son chemin, sa voie. Et c’était si bon ! Pourtant, son cœur restait lourd de désespoir. Il n’avait qu’à regarder Qui-Gon pour savoir qu’il ne voudrait jamais le reprendre.