CHAPITRE VI

— Une boîte à outils de l’unité de servo-maintenance ;

— Des dossiers holographiques et des archives informatiques concernant les élèves dont les noms vont de A à H ;

— La robe de méditation d’un professeur ;

— Un kit d’activités sportives pour élève de quatrième année.

Qui-Gon fixa la liste, étonné. Quel curieux assortiment ! Il ne voyait pas le moindre rapport entre ces objets. Tahl et lui devaient donc présumer qu’il s’agissait de larcins mineurs. Conclusion élémentaire : un élève, sous des dehors sereins, concevait intérieurement du ressentiment. Et il, ou elle, se vengeait ainsi.

Mais Qui-Gon avait appris de sa longue expérience que les réponses simplistes menaient souvent à des questions beaucoup plus difficiles.

Les dossiers holographiques des étudiants étaient sous la garde du Maître Jedi T’un, vieil érudit plusieurs fois centenaire. Cela faisait cinquante ans qu’il occupait le poste de préposé aux archives et l’on n’avait jamais rien eu à lui reprocher. Chaque année, il prenait deux élèves comme assistants, tous deux volontaires. Tahl et Qui-Gon les avaient interviewés tous les deux. Ils avaient répondu de bonne grâce et de façon très claire. Seuls T’un et les autres membres du Conseil avaient accès aux dossiers personnels. T’un ne laissait jamais un élève seul dans son bureau.

Décidément, cette enquête se présentait mal. Chaque piste se terminait en cul-de-sac.

On frappa à sa porte avec empressement.

— J’ai besoin de toi, Qui-Gon, fit la voix de Tahl.

Il lui ouvrit la porte. La jeune femme fronçait les sourcils d’un air anxieux.

— Encore des mauvaises nouvelles, dit-elle. On a pillé les salles d’entraînement des seniors. Tous les sabres laser ont disparu.

Qui-Gon accusa le coup. C’est là que se trouvait le sabre laser d’Obi-Wan. Qui-Gon l’y avait déposé lui-même, espérant qu’un jour, Obi-Wan viendrait le reprendre.

— Ça devient plus que du chapardage, releva-t-il.

— La pièce a été mise sous scellés, jusqu’à notre arrivée, expliqua Tahl. Allons-y vite avant que Deuji ne retrouve ma piste.

Ils prirent l’ascenseur qui les conduisit aux salles d’entraînement. Qui-Gon entra à grandes enjambées dans les vestiaires. Il s’arrêta si brutalement que Tahl lui heurta le dos.

— Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle. Que vois-tu ?

Le cœur au bord des lèvres, Qui-Gon ne put lui répondre. On avait déchiré les tuniques d’entraînement et balancé leurs lambeaux aux quatre coins de la salle. Les casiers étaient grands ouverts, leur contenu répandu sur le sol.

— Je le sens aussi, dit Tahl. La colère. La destruction.

Elle se fraya un chemin au milieu des débris et ramassa un morceau de tissu.

— Quoi encore ?

— Un message, dit Qui-Gon. Écrit en rouge sur le mur.

Il lui lut son contenu.

TON TOUR VIENDRA.
FAIRE ATTENTION TU DOIS.
TON CAUCHEMAR JE SUIS.

— Il imite Yoda, dit-elle. Je sais que, parfois, les étudiants le font pour s’amuser. Moi-même, cela m’est arrivé. Mais toujours de façon affectueuse. Ici, Qui-Gon, rien que de la haine.

— Oui.

— Nous devons aller au fond de cette histoire. Il faut prévenir les élèves et rester tous sur nos gardes.

— Oui, acquiesça-t-il. Maintenant, nous ne pouvons plus garder le secret.

Le Temple fut aussitôt mis en alerte maximale. Une décision dont le Conseil se serait volontiers passé ! Elle signifiait que les élèves étaient désormais virtuellement prisonniers. Il leur fallait un laissez-passer pour quitter le Temple, un autre pour accéder aux jardins ou aller nager dans le lac. Chacun, à tout moment, devait répondre de ses faits et gestes. Certes, c’était pour le bien de tous, mais aussi contraire à l’esprit du Temple, qui professe que la vraie discipline doit venir de l’intérieur. Ce qui s’accommode mal de contrôles incessants.

Cependant, Qui-Gon et Tahl avaient défendu cette mesure, et Yoda l’avait acceptée. La sécurité des élèves primait tout.

Aussitôt, une atmosphère de méfiance envahit le Temple. Les élèves s’épiaient les uns les autres, et lorsqu’ils passaient un interrogatoire devant Qui-Gon et Tahl, chacun scrutait son semblable, en quête du moindre signe de culpabilité. Pourtant, personne n’arrivait à croire qu’un étudiant puisse s’être livré à de tels actes de vandalisme.

Bruck faisait partie des sceptiques.

— Je suis certain que ce n’est pas le fait d’un senior, déclara-t-il posément à Tahl et Qui-Gon. Nous avons suivi ensemble notre initiation. Je ne puis imaginer que l’un d’entre nous veuille nuire au Temple.

— Il est difficile de lire dans le cœur des autres, remarqua Qui-Gon.

— Hier soir, j’ai été le dernier à quitter les salles d’entraînement, reprit-il. Et, comme vous le savez, il y a quelques mois, on m’a appris à maîtriser ma colère. Yoda s’en est chargé, et j’ai fait de gros progrès. Mais je présume que je reste suspect, ajouta-t-il en regardant Qui-Gon droit dans les yeux.

— Pour l’instant, lui assura Tahl, personne n’est suspect. Réfléchis bien. As-tu remarqué quelque chose d’étrange hier soir ?

Bruck ferma les yeux et resta longtemps silencieux.

— Non, rien, finit-il par dire. J’ai éteint les lumières et je suis parti. Nous ne fermons jamais les salles à clé. J’ai pris le turbo-ascenseur jusqu’à la cantine. Puis j’ai passé la soirée avec mes amis jusqu’à l’heure du coucher.

Qui-Gon acquiesça. On lui avait déjà confirmé la déposition de Bruck.

Tahl et lui ne savaient même pas vraiment ce qu’ils cherchaient. Ils se contentaient de pêcher des informations auprès des élèves. Ils vérifiaient le moindre élément qui leur semblât sortir de l’ordinaire, même le plus anodin en apparence.

Ils renvoyèrent Bruck. Tahl se tourna vers Qui-Gon et soupira.

— Je crois qu’il a raison. Je ne vois pas comment un senior pourrait avoir fait une chose pareille. Ce sont des Jedi.

Qui-Gon passa une main sur son front d’un geste las.

— Et personne n’a entendu parler d’un élève qui ait des raisons d’être en colère. Rien d’inhabituel : un exercice raté ou un désaccord sans importance…

Il se mit à tambouriner sur la table, perdu dans ses pensées.

— Pourtant, il n’y a pas si longtemps, Bruck était en proie à la colère, murmura-t-il.

— Yoda dit qu’il a fait de grands progrès, répondit Tahl, et lui-même a reconnu le problème. Il a admis que le fait d’avoir été le dernier à quitter la pièce ne jouait guère en sa faveur. Je ne sens rien d’obscur en lui. Un honnête garçon comme lui ne peut avoir fait une chose pareille !

— À moins qu’il ne soit très, très malin, remarqua Qui-Gon.

— Le soupçonnerais-tu ?

— Pas plus lui que les autres. Tous et personne à la fois…

— Maître Tahl !

Deuji venait d’apparaître à la porte de la salle d’interrogatoire.

— Laissez-moi vous conduire à la salle à manger.

Tahl serra les dents.

— Je suis occupée.

— C’est l’heure du dîner, répondit le droïde d’une voix musicale.

— Je peux me débrouiller.

— Elle est à cinq niveaux plus bas…

— Merci, je sais où se trouve la salle à manger !

— Attention ! un écran de données se trouve à trois centimètres sur votre gauche…

— Je sais ! Et dans deux secondes, je te le jette à la tête !

— Je vois que vous êtes occupée. Je reviendrai.

Deuji émit un bip amical et s’en alla. Tahl se prit la tête entre les mains.

— Rappelle-moi de me procurer une paire de vibro-cutters. Il faut que je mette ce robot en pièces.

Elle leva la tête avec un grand soupir, puis reprit.

— Cette enquête met tout le monde sur les nerfs. Je sens une perturbation dans la Force.

— Moi aussi.

— Je crains que tout ceci ne soit pas le fait d’un étudiant, mais d’un intrus. Quelqu’un qui nous déteste. Quelqu’un qui veut nous faire douter, nous dresser les uns contre les autres…

— Quelqu’un qui pourrait mijoter quelque chose de bien plus important ? C’est bien ce que tu redoutes ?

Tahl tourna vers lui ses yeux d’émeraude striée d’or.

— C’est ma pire crainte, dit-elle.

— La mienne aussi, répondit doucement Qui-Gon.