CHAPITRE XV

Qui-Gon alerta la brigade de Sécurité afin qu’elle se charge d’arrêter Bruck. Ses hommes passeraient le Temple au peigne fin avec beaucoup plus d’efficacité que lui. Puis il alla chercher la caisse et la tira sur le rivage. Au moins, il allait restituer les objets volés.

Il tira du compartiment sec le sabre laser d’Obi-Wan et l’activa. La lame jaillit aussitôt, projetant une lumière bleue dans la pénombre. Constatant avec soulagement qu’il n’était pas endommagé, il le désactiva. Puis Qui-Gon le passa à sa ceinture, à côté du sien.

Tahl ramena un Deuji singulièrement silencieux à ses quartiers, d’où elle dirigerait les recherches. Qui-Gon, lui, se rendit tout droit dans la chambre de Bruck.

Il n’était pas là, bien sûr. La Sécurité s’en était déjà assurée. De toute évidence, le garçon avait préféré ne pas prendre de risques. Il était parti pour de bon.

Qui-Gon fouilla sa chambre. Pourquoi un garçon aussi prometteur avait-il agi ainsi ? Il ne trouva rien qui lui permette de répondre à cette question. Ses vêtements étaient pliés avec soin, son bureau bien ordonné. Quelle mouche l’avait piqué ? Qui-Gon toucha le sabre laser passé à sa ceinture. Comment pouvait-il prétendre savoir ce qui se passait dans l’esprit de quelqu’un de l’âge de Bruck ? Et pourquoi Yoda l’en croyait-il capable ?

Il n’avait pu percevoir la colère qui brûlait dans le cœur de Bruck. Tout comme il n’avait su lire en son premier Padawan, Xhanatos. Ou deviner les doutes d’Obi-Wan.

Qui-Gon jeta un regard las par la fenêtre. Le soleil se levait. Il était temps de prévenir Yoda. L’un des leurs avait trahi.

Son comlink brilla d’une lumière rouge. C’était Yoda. Il devait attendre son rapport avec impatience.

Qui-Gon emprunta le turbo-ascenseur pour aller le retrouver. Lorsqu’il entra, le Maître Jedi était seul.

— Vous êtes déjà informé, dit-il.

— Bruck, notre coupable est, confirma Yoda. Triste et troublant, oui. Mais pour tout autre chose, je t’ai appelé. Un message pour toi.

Qui-Gon jeta un regard étonné à Yoda, mais celui-ci n’en dit pas plus. Il se contenta d’activer un hologramme.

Soudain, l’image d’Obi-Wan apparut.

Qui-Gon tourna les talons et marcha vers la porte à grandes enjambées furieuses.

— Je n’ai pas le temps…

— Cerasi est morte, fit alors Obi-Wan d’une voix douce.

La nouvelle frappa Qui-Gon de plein fouet. Il s’arrêta net et se retourna. Maintenant, il comprenait pourquoi les traits de son ancien Padawan étaient creusés par la douleur.

— … victime d’une décharge perdue alors qu’elle s’interposait entre les forces des Jeunes et des Anciens.

Le cœur de Qui-Gon s’emplit de tristesse. Durant son bref passage sur Melida/Daan, il s’était attaché à cette jeune fille. Il ne comprenait que trop l’attirance qu’Obi-Wan éprouvait pour elle. C’était une véritable tragédie.

— Et maintenant, chaque faction rejette la faute sur l’autre, continua Obi-Wan. Wehutti et ses hommes se sont réarmés. Même Nield est prêt à combattre. Mon équipe a été dissoute. Je n’ai plus la moindre autorité, aucun moyen d’éviter l’irréparable.

Inconsciemment, Qui-Gon fit un pas vers l’hologramme. Le visage d’Obi-Wan était ravagé par la douleur – et par un sentiment qu’il avait déjà lu chez ceux que le destin avait frappés durement : l’incompréhension.

Son ancien Padawan, ou du moins son image en réduction, était là, les bras ballants, l’image même de l’impuissance.

— Je ne sais plus que faire, avoua-t-il. Je ne suis plus un Jedi. Cependant, mes réactions demeurent celles d’un Jedi. Et je suis convaincu que seul un Jedi peut éviter un massacre. Qui-Gon, je sais que je nous ai fait du mal, à tous les deux. Mais acceptez-vous de m’aider ?

La main de Qui-Gon trouva le sabre laser d’Obi-Wan, toujours passé dans sa ceinture. Ses doigts se refermèrent sur la crosse. Bien que désactivé, il semblait vibrer d’énergie. Ou était-ce la Force elle-même qu’il sentait ?

Le visage blême d’Obi-Wan se brouilla, puis disparut. Alors Qui-Gon comprit ce que Yoda et Tahl, chacun à sa manière, essayaient de lui dire. Ce n’était pas un Jedi qui avait trahi sa confiance, mais un jeune garçon. Un adolescent passionné, bouleversé, plongé au cœur d’événements extraordinaires. Et qui méritait sa compassion et sa compréhension.

Non, Qui-Gon n’avait pas de pouvoir secret lui permettant de lire dans le cœur et les pensées d’un jeune garçon.

Il suffisait d’être à son écoute.

— Yoda. Faites savoir à Obi-Wan que j’arrive.